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CHANGEMENT CLIMATIQUE ET FAONS... |
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Paris, 1er AVRIL 2014
L'inadaptation au changement climatique des chevreuils en forêt entraîne une mortalité accrue des faons
En décalant les saisons, le changement climatique modifie les cycles de vie de nombreux végétaux et animaux. L'éveil de la végétation se produit un peu plus tôt chaque année, ce qui n'est pas sans conséquence sur les cycles de vie d'autres espèces. Certaines s'adaptent au décalage de l'abondance de leurs ressources nutritives et d'autres non. C'est le cas du chevreuil des forêts dont la période de mise-bas n'a pas changé entre 1985 et 2011, malgré l'avancée continue du printemps depuis 27 ans. Incapables de régler la période des naissances sur le pic printanier des ressources végétales dont ils dépendent, les chevreuils subissent une mortalité juvénile accrue, diminuant ainsi la croissance de leur population. C'est ce que viennent de montrer des chercheurs du Laboratoire biométrie et biologie évolutive (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) et de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, en collaboration avec un laboratoire de l'Inra (1). Ces résultats sont publiés le 1er avril 2014 dans la revue Plos Biology.
Le changement climatique décale certains phénomènes saisonniers. Sous l'effet de températures plus douces, le réveil printanier de la végétation est plus précoce, les larves d'insectes éclosent plus tôt… Comment réagissent les animaux qui dépendent de ces ressources alimentaires ? La mésange charbonnière a avancé sa date de ponte afin que la période des naissances reste synchrone avec l'abondance des chenilles dont elle se nourrit. La plupart des mammifères étudiés jusqu'à présent (dont le cerf élaphe) s'adaptent de manière similaire. Mais ce n'est pas le cas du chevreuil, qui comme le montre l'étude menée par l'équipe « Ecologie évolutive des populations » du Laboratoire biométrie et biologie évolutive (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) et de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), est incapable de régler la période des naissances sur le pic printanier des ressources végétales dont il dépend.
Les chercheurs sont parvenus à ce constat en étudiant la population de chevreuils de la forêt de Trois-Fontaines, en Champagne. Chaque année depuis 1985, les faons nouveau-nés sont capturés d'avril à juin afin d'estimer leur date de naissance et de les marquer par une bague à chaque oreille. De janvier à mars, une campagne de recapture permet d'estimer le taux de survie à 8 mois des faons. Par ailleurs, l'avancée du printemps a été mesurée grâce aux dates de floraison du vignoble champenois. Au cours de la période d'étude de 1985 à 2011, alors que la température printanière a augmenté de 0,07°C par an et que l'avance de la végétation a été de 0,6 jour par an, la date moyenne de mise-bas du chevreuil est restée constante, centrée autour du 16 mai. Par conséquent, les naissances se produisent aujourd'hui deux semaines après l'apparition en forêt des jeunes pousses dont se nourrissent les chevreuils et dont dépendent particulièrement les femelles allaitantes. Ce déficit de ressources végétales accroît la mortalité des jeunes faons, ce qui diminue le recrutement (2), et in fine, le taux d'accroissement de la population (passé de 1,23 à 1,06).
Les raisons de cette inadaptation sont doubles : d'une part, le cycle reproductif du chevreuil dépend de la photopériode (3) qui n'est pas modifiée par le changement climatique. D'autre part, la date de naissance ne semble pas être héritable : bien que les femelles nées tôt dans la saison aient plus de chance de survivre (un quart des faons nés après le 31 mai atteignent l'âge de 8 mois, soit deux fois moins que ceux nés avant le 12 mai), elles n'ont pas tendance à mettre bas plus tôt que les autres.
Si l'avancée du printemps se poursuit, le chevreuil pourrait décliner dans les écosystèmes forestiers, mais toutefois pas avant plusieurs décennies. Quant aux chevreuils vivant en milieu ouvert, ils ne semblent pas souffrir du changement climatique, car ils se nourrissent aussi des cultures agricoles.
Notes :
(1) Le Laboratoire comportement et écologie de la faune sauvage de l'INRA (Castanet-Tolosan). Ces travaux ont été réalisés également en collaboration avec le département de Zoologie de l'Université d'Oxford au Royaume-Uni.
(2) Le recrutement désigne le nombre de faons atteignant l'âge d'un an et qui pourront donc contribuer à la génération suivante.
(3) La photopériode est le rapport entre les durées du jour et de la nuit.
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L'AVENTURE ANTIBIOTIQUE 1 |
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L'AVENTURE ANTIBIOTIQUE - EPISODE 1
A grand renfort d'animations futuristes, d'images d'archives, de reconstitutions et d'interviews de chercheurs, ce documentaire en deux volets retrace l'extraordinaire histoire des antibiotiques et la guerre terrible que les hommes et les bactéries se livrent.
Et si le plus grand ennemi de l'homme était invisible ? Tapie dans les zones humides et chaudes du corps humain, la bactérie peut parfois se montrer redoutable. Jusqu'au XIXe siècle, des maladies bactériennes comme la syphilis, la tuberculose, la scarlatine ou la pneumonie ont décimé des pans entiers de la population. A cette époque, faute de traitement, l'espérance de vie n'excédait pas les 40 ans. Les microbes proliféraient en paix, se délectaient de la saleté et colonisaient sans effort la planète sur laquelle ils régnaient en maître. Quant aux hommes, terrassés par les maladies infectieuses, ils se retrouvaient totalement démunis face à ce mal invisible. Il faudra attendre 1928 et un certain sir Alexander Fleming pour que l'on découvre, par hasard, la pénicilline, premier antibiotique capable de combattre efficacement les microbes. Le combat à armes égales peut enfin commencer.
Episode 1 : Une lutte sans merci
Au sortir de la guerre, la production en masse de la pénicilline révolutionne le monde médical et la société tout entière. Des milliers de vies sont ainsi sauvées par les campagnes de vaccination contre la pneumonie et la syphilis. Peu après, c'est au tour des classes les plus pauvres d'échapper à la tuberculose grâce à la streptomycine. Ces deux antibiotiques constituent alors les pierres angulaires du combat mené contre les bactéries. La santé devient un dû, et l'on pense naïvement avoir éradiqué les maladies infectieuses de la surface du globe. Dès les années 50, la production industrielle d'antibiotiques fonctionne à plein régime et inonde la planète de ses pilules miraculeuses. Médecins, vétérinaires mais aussi agriculteurs, tous profitent de ces bienfaits. Et pendant que le monde entier se gave de cachets — chaque année, l'homme consomme 10 grammes d'antibiotiques, alimentation et traitements médicamenteux confondus —, les bactéries, bien qu'affaiblies et stressées, commencent à préparer la contre-attaque. En secret, la résistance s'organise.
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L'AVENTURE ANTIBIOTIQUE 2 |
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L'AVENTURE ANTIBIOTIQUE - EPISODE 2
A grand renfort d'animations futuristes, d'images d'archives, de reconstitutions et d'interviews de chercheurs, ce documentaire en deux volets retrace l'extraordinaire histoire des antibiotiques et la guerre terrible que les hommes et les bactéries se livrent.
Et si le plus grand ennemi de l'homme était invisible ? Tapie dans les zones humides et chaudes du corps humain, la bactérie peut parfois se montrer redoutable. Jusqu'au XIXe siècle, des maladies bactériennes comme la syphilis, la tuberculose, la scarlatine ou la pneumonie ont décimé des pans entiers de la population. A cette époque, faute de traitement, l'espérance de vie n'excédait pas les 40 ans. Les microbes proliféraient en paix, se délectaient de la saleté et colonisaient sans effort la planète sur laquelle ils régnaient en maître. Quant aux hommes, terrassés par les maladies infectieuses, ils se retrouvaient totalement démunis face à ce mal invisible. Il faudra attendre 1928 et un certain sir Alexander Fleming pour que l'on découvre, par hasard, la pénicilline, premier antibiotique capable de combattre efficacement les microbes. Le combat à armes égales peut enfin commencer.
Episode 2 : La revanche des bactéries
Face aux attaques d'antibiotiques, la riposte bactérienne sera cinglante. Très vite, ces micro-organismes primitifs vont développer une stratégie redoutable capable de contrer efficacement les assauts des médicaments. Leurs atouts ? Une exceptionnelle capacité d'adaptation doublée d'une étroite coopération. En mutant, la bactérie est capable de réussir à résister à un antibiotique. Sitôt la parade trouvée, elle s'empresse de transmettre à ses congénères les gènes qui lui ont permis de survivre. Le matériel de résistance passe ainsi de souches en souches à la vitesse de l'éclair.
Dès les années 80, la pénicilline devient inopérante sur un grand nombre de bactéries. Pire encore, certaines d'entre elles, les plus virulentes, sont même devenues insensibles à la plupart des antibiotiques existant sur le marché. Comme le dangereux staphylocoque doré, véritable bête noire des services de réanimation, ou le discret Pseudomonas aeruginosa contre lequel il n'existe aucun traitement à ce jour. Comment les hommes peuvent-ils se défendre ? Comment changer des habitudes de médication profondément ancrées dans la société ? Peut-on vivre en paix avec les bactéries ? Le documentaire apporte quelques éléments de réponse.
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LA GÉNOMIQUE VÉGÉTALE |
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La génomique végétale
M.Caboche – Unité de recherches en génomique végétale
INRA – CNRS – UEVE, Evry
Introduction
La génomique est une branche de la biologie qui porte sur l’étude des génomes, qui constituent le support moléculaire des caractères héréditaires des êtres vivants. L’étude de ces caractères héréditaires a été initiée par Gregor Mendel sur une plante, le petit pois. Ces travaux ont montré que les caractères héréditaires sont transmis en descendance selon des lois statistiques (lois de Mendel. Ces lois , oubliées puis redécouvertes par Morgan et ses élèves étudiant la mouche drosophile se sont révélées valables aussi bien pour les plantes que les animaux. De plus, les travaux de Morgan ont montré que ces caractères héréditaires appelés gènes sont disposés comme un chapelet de perles sur les chromosomes. Les lois de Mendel permettent de mesurer les distances qui séparent ces caractères héréditaires sur les chromosomes et de proche en proche, en analysant un grand nombre de gènes, de constituer une carte génétique de l’espèce étudiée. Les chromosomes, supports de ces caractères, sont constitués d’un fil d’ADN « emballé » dans une matrice protéique, la chromatine. Les travaux des biologistes moléculaires ont démontré que l’ADN est le support moléculaire des gènes qui sont constitués d’un enchaînement de quatre molécules appelées bases (ATGC). Les techniques de visualisation des chromosomes montrent que leur structure n’est pas homogène. Certaines zones sont très compactes et accumulent les colorants (hétérochromatine) et d’autres zones à coloration régulière sont appelées euchromatiques. On observe aussi une grande hétérogénéité de taille des chromosomes eux-mêmes, selon les espèces (Figure 1). Cette différence reflète-t-elle une différence dans le nombre des gènes présents dans différentes espèces ? La génomique a permis d’élucider cette question et d’expliquer la base de ces hétérogénéités.
Génomique structurale
Comment se relie la carte génétique aux fils d’ADN présents dans les chromosomes ? Les techniques de génétique et de biologie moléculaire ont permis de localiser avec une grande précision la distance séparant deux gènes à la fois sur la carte génétique (distances mesurées en centi-Morgans, obtenues par analyse génétique) et sur le fil d’ADN (distances mesurées en nombre de bases sur l’ADN, obtenues en clonant un fragment d’ADN portant les deux gènes étudiés et en analysant sa séquence, Figure 2).
Le séquençage des génomes de plantes
L’analyse de l’ADN constituant les chromosomes a fait des progrès gigantesques au cours de la dernière décennie. Les techniques de séquençage ont permis de passer de l’analyse d’un gène et de son proche voisinage, à l’analyse d’un génome complet. La taille moyenne d’un gène de plante est de l’ordre de 5000 bases, celle d’un génome de plante de petite taille est de 100 000 000 bases (100 Mb), soit 20000 fois plus. La stratégie de séquençage d’un génome complet est illustrée dans la figure 3. Elle consiste a casser le génome étudié en petits fragments, à isoler (cloner) ces fragments et à les séquencer afin de déterminer l’enchaînement des bases qui constituent cet ADN. Les outils informatiques permettent de comparer leurs séquences des fragments du génome étudié et du fait des chevauchements de séquence entre fragments de reconstituer la séquence complète d’un génome. Le premier génome de plante a été séquencé en l’an 2000. La petite crucifère Arabidopsis thaliana a été choisie du fait de la taille relativement petite de son génome (140 M bases) et de son utilisation aisée pour les travaux de génétique (Figure 4). D’autres génomes de plante sont maintenant séquencés (ex : Riz, peuplier, vigne) ou en cours de séquençage (luzerne diploïde, tomate, soja, maïs, etc…).
Les gènes de l’espèce séquencée qui sont déjà cartographiés et identifiés au niveau moléculaire permettent d’ancrer les cartes génétiques sur les séquences de l’ADN des chromosomes. Un exemple en est donné pour le génome de la vigne récemment séquencé par un consortium Franco-Italien (Figure 5). On observe que les gènes se suivent dans le même ordre sur la carte génétique et sur l’ADN des chromosomes , mais les distances entre gènes ne sont pas proportionnelles sur les deux cartes. Ceci est dû au fait que la recombinaison entre chromosomes au cours de la reproduction sexuée est réduite en certains endroits, en particulier au niveau des centromères des chromosomes.
L’annotation des génomes
L’identification de la séquence d’un génome est un premier pas décisif pour son analyse. Il faut ensuite « lire » cette séquence, afin d’y déceler la présence des gènes qui s’y trouvent. Ce travail est intitulé « annotation ». Le principe de cette analyse repose sur le « dogme » de la biologie moléculaire. A tout gène correspond un transcrit constitué d’ARN, lui même utilisé par les ribosomes pour fabriquer une protéine. La correspondance entre séquence du gène (enchaînement de bases) et séquence de la protéine (enchaînement d’acides aminés) repose sur le code génétique. : à la succession trois bases appelée codon correspond un acide aminé particulier, à l’exception de trois codons dévolus à l’interruption/terminaison de la séquence protéique. Les outils bioinformatiques, en faisant correspondre à une séquence d’ADN toutes les séquences protéiques pour lesquelles elle peut coder potentiellement, permettent de localiser la présence possible d’un gène. Dans la pratique l’annotation d’un génome comporte trois étapes : une première étape où sont identifiées les séquences répétées présentes dans le génome, afin de les masquer. En effet ces séquences répétées sont occasionnées par la présence de transposons, éléments génétiques qui ne sont pas assimilés à des gènes, et constituent une sorte de bruit de fond dans l’analyse des génomes. Une seconde étape localise des séquences codantes potentielles en utilisant les règles du code génétique. Une troisième étape consiste à comparer la séquence étudiée à d’autres séquences déjà répertoriées comme présentes dans un gène déjà connu. Plus la séquence du gène étudié « ressemble » a celle d’un gène déjà connu, et plus ces deux gènes ont une fonction proche voire identique.. De cette manière l’annotation d’un génome permet de lister les gènes présents dans ce génome. Pour Arabidopsis ce nombre est d’environ 25000 gènes. Il faut garder en tête que cette annotation repose de manière ultime sur des outils d’analyse statistique qui prédisent la probabilité de présence d’un gène et non sa présence certaine.. D’autres techniques dites d’analyse fonctionnelle permettront de valider ou non cette prédiction, mais ces autres méthodes sont beaucoup plus lourdes à mettre en place que l’annotation bioinformatique qui peut être menée à bien en quelques semaines. Un exemple d’annotation de séquence est présenté en figure 6. Les différentes couleurs employées prédisent chacune des propriétés des gènes identifiés (ex : localisation intracellulaire de la protéine codée par le gène). On notera la structure morcelée des séquences codantes des gènes, due à la présence d’introns dans les gènes d’espèces eucaryotes dont les plantes font partie. Un bilan des gènes identifiés dans le génome d’Arabidopsis et du riz est présenté en Figure7. Noter la présence de gènes d’un type nouveau, des gènes qui ne codent pour aucune protéine, mais qui génèrent de petits ARN non traduits en protéines, petits ARN dont le rôle dans les mécanismes de régulation a été découvert au cours de la dernière décennie.
La structure des génomes
L’accès à la séquence d’un génome ouvre de multiples possibilités d’analyse. La comparaison des gènes présents dans les génomes des plantes avec les gènes d’autres espèces confirme l’origine symbiotique des plantes. Cette comparaison montre qu’un grand nombre de gènes de plantes ressemblent à des gènes de levure ou de mammifères (figure 8). Ceci s’explique simplement par le fait que levures, mammifères et plantes sont des eucaryotes issus probablement d’un ancêtre commun unicellulaire. Plus surprenante est l’observation de similitudes importantes entre de nombreux gènes de plantes et des gènes de bactéries photosynthétiques (Figure 8). Ceci s’explique par une hypothèse : les algues et plantes photosynthétiques seraient issues de la symbiose d’une cellule eucaryote non photosynthétique avec une cyanobactérie dont les gènes sont passés, au cours de l’évolution, de la cyanobactérie devenue chloroplaste au noyau de la cellule hôte.
Les génomes de plantes sont polyploïdes
La comparaison des cartes génétiques d’espèces végétales apparentées (ex : céréales) a montré une conservation de la succession des gènes le long des chromosomes (Figure 9). L’analyse des séquences des chromosomes a amplement confirmé ces observations et montré que l’ordre des gènes sur les chromosomes est d’autant mieux conservé que les espèces sont phylogénétiquement apparentées. La comparaison des séquences présentes dans un même génome a occasionné quelques surprises. Dans de nombreuses espèces on constate que des fragments de chromosomes présentent des homologies de séquence avec d’autres fragments chromosomiques, l’ordre d’une partie des gènes étant conservée. Ceci est interprété comme un événement de duplication d’une partie du génome ancestral à l’espèce étudiée, ou une duplication complète de ce génome ancestral, ou enfin une addition de deux génomes apparentées. Ainsi la trace d’un événement de triplication a été décelée chez la vigne, mais aussi chez le peuplier et l’arabette. Dans ces deux dernières espèces d’autres évènements de duplication de leur génome viennent complexifier leur structure. Ces évènements de duplication sont parfois extrêmement récents comme l’illustrent l’exemple du colza issu d’une addition récente des génomes du chou et de la navette et l’exemple du blé tendre issu de l’addition de trois génomes A, B et D (Figure 10). Pourquoi ces phénomènes de polyploïdisation sont-ils fréquents chez les plantes, plus que dans le règne animal ? Il n’y a pas d’explication claire à cette question. L’addition de deux génome s’apparente à la production d’hybrides dont la vigueur dépasse celle des plantes homozygotes. Les espèces polyploïdes sont fréquemment plus vigoureuses que leur progéniteurs, elles ont donc un avantage sélectif dans l’environnement, et un intérêt direct pour l’agriculteur qui cherche à augmenter ses rendements. Si les évènements de polyploïdisation des génomes végétaux sont fréquents, on s’attend à ce que le nombre des gènes soit très variable d’une espèce à l’autre. Or un génome comme celui d’Arabidopsis ou de la vigne comportent chacun moins de 30 000 gènes. Superposé aux processus de polyploïdisation, un processus de perte de gènes dupliqués est observé. Lorsque deux copies d’un génome ancestral co-existent dans un même génome on constate que des pertes de gènes sont observées sur l’une ou l’autre des deux copies du génome ancestral, mais pas sur les deux à la fois. Ceci est illustré dans la figure11. Un exemple saisissant du processus de perte de gènes concerne le gène de dureté du grain PinA, présent dans les trois génomes des espèces ancestrales du blé, absent des génomes A et B mais présent seulement dans le génome D du blé tendre, lui conférant ainsi son caractère panifiable. Simultanément on observe que des gènes conservés en double copie vont souvent acquérir des spécificités divergentes (ex : expression dans des tissus différents). Ce mécanisme de polyploïdisation/perte de gène/différenciation est à l’œuvre et aboutit à une création de biodiversité.
Les éléments transposables et la taille des génomes
Un autre élément important dans la création de biodiversité chez les plantes réside dans la présence d’éléments transposables dans leur génome. Présents quelques fois en très grand nombre, ces éléments transposables ont été identifiés dans les génomes de nombreuses espèces. Cette présence plus ou moins abondante explique pour l’essentiel les différences de taille observées entre génomes végétaux. Les éléments transposables ont été initialement identifiés chez le maïs par B. Mac Clintosch. Ce sont des fragments d’ADN qui bougent dans le génome, et ce faisant provoquent des mutations. Il en existe deux grandes classes. Les éléments de classe I génèrent des copies surnuméraires qui s’accumulent dans les génomes et provoquent une augmentation de leur taille. Les éléments de classe II s’excisent du site où ils sont insérés pour s’insérer ailleurs dans le génome, provoquant ainsi des mutations instables (Figure 12). Les éléments transposables représentent moins de 10 % des séquences du génome d’Arabidopsis, mais 82 % du génome du blé (Figure 13). Induisant des mutations et des modifications des séquences dans lesquelles ils s’insèrent, les éléments transposables sont de puissants facteurs de génération de variabilité génétique. Les éléments transposables s’accumulent préférentiellement dans les zones hétérochromatiques des chromosomes. Cette localisation est associée à leur inactivation par des processus épigénétiques. On imagine que si une famille de transposons venait à être active en permanence, elle envahirait littéralement le génome, induisant de multiples mutations létales. Leur inactivation est donc un processus primordial mettant en jeu des processus de methylation de l’ADN et de modification des histones.
Génomique fonctionnelle
Les travaux d’annotation constituent un premier pas dans l’identification de la fonction des gènes présents dans le génome d’une espèce végétale. D’autres outils sont nécessaires à l’identification précise de la fonction de ces gènes. Clonage positionnel
Chez une espèce comme Arabidopsis pourtant intensément étudiée, moins de 50% des gènes ont une fonction connue. Une approche universelle permettant l’identification du support moléculaire d’un caractère héréditaire est le clonage positionnel. Cette approche repose sur une cartographie extrêmement fine du gène recherché par rapport à des marqueurs moléculaires situés à proximité de ce gène. Ces marqueurs moléculaires jouent le rôle de bornes kilométriques pour localiser le gène dans la séquence ADN. C’est cette méthode que nous avons employé à l’URGV pour localiser le gène VAT conférant la résistance aux pucerons chez le melon. Un génotype résistant et un génotype sensible (Figure 14) ont été croisés, et l’étude de la ségrégation en descendance du locus de résistance a permis de construire une carte de l’ADN à proximité de VAT (Figure 15). C’est un gène de type NBS LRR qui s’est révélé être le gène VAT. Il appartient à la grande famille des gènes de résistance aux pathogènes. Cette démarche est particulièrement bien adaptée à l’identification de gènes supports de caractères agronomiques dans des espèces cultivées dont le génome n’a pas encore été séquencé. Une fois ces gènes identifiés, il devient relativement aisé de les associer dans un même génotype pour constituer une variété élite cumulant par exemple des gènes de résistance à des pathogènes, et par ailleurs des gènes contrôlant la teneur des fruits en sucre. Cette démarche est appelée sélection assistée par marqueurs (Figure 16).
L’étiquetage de gènes
Le clonage positionnel est une méthode lourde, et peu adaptée aux techniques dites à haut débit. Analyser la fonction d’un grand nombre de gènes nécessite d’autres outils. Une seconde approche consiste à générer une collection de mutants par insertion au hasard dans le génome d’une séquence ADN connue. C’est une méthode que nous avons développé à l’INRA, en tirant profit d’une technique de transformation à haut débit par inoculation d’Agrobacterium tumefasciens, une bactérie qui insère spontanément un fragment de son génome, appelé ADN-T dans les cellules de plante. Une collection de 50 000 lignées d’Arabidopsis porteuses chacune d’un fragment ADN-T connu dans leur génome a été produite (Figure 17). Cette collection a été criblée pour la présence de mutants affectés dans diverses fonctions (système reproducteur, remplissage de la graine, attaque des pathogènes, adaptation aux stress hydriques, etc…). Lorsqu’un mutant de la collection est affecté dans l’une de ces fonctions, il est aisé d’identifier le gène cible de la mutation qui est « étiqueté » par l’insertion d’ADN-T
Le TILLING
Une approche de génétique reverse (allant de la séquence du gène à sa fonction) particulièrement bien adaptée à l’étude de la fonction des gènes chez les plantes cultivées concerne la technique de TILLING. Le principe est simple : on induit des mutations dans le génome d’une plante homozygote par mutagénèse chimique sur ses graines. En seconde génération les familles issues de mutagénèse sont analysées pour la présence de mutations affectant le gène d’intérêt étudié. Au lieu d’effectuer un séquençage du gène dans plusieurs plantes de chaque famille, ce qui serait lourd et onéreux, on hybride l’ADN de chaque famille à un ADN témoin non muté. S’il y a une différence de séquence entre l’ADN témoin et l’ADN testé,, l’ADN hybride obtenu comportera un mis-appariement qui sera décelé par une méthode biochimique très sensible (Figure 17). Cette technique permet d’obtenir assez facilement une collection de mutations affectant un gène particulier. Les plantes identifiées comme mutantes sont ensuite étudiées pour leur phénotype. L’intérêt de la technique est double. Elle permet de manipuler une population non OGM, qui ne nécessite aucun confinement en serre. De plus l’efficacité de la mutagénèse est indépendante de la taille du génome étudié. Nous avons ainsi développé des programmes de TILLING chez le pois à la fois récalcitrant à la transformation par Agrobacterium, et pourvu d’un génome de très grande taille.
L’analyse du transcriptome
Une quatrième approche permettant d’identifier la fonction d’un gène consiste à analyser ses caractéristiques d’expression. Ceci se fait traditionnellement par emploi d’une technique de gène « rapporteur » qui nécessite la production de plantes transgéniques. Cette méthode a l’inconvénient d’être « à bas débit ». Une alternative, dite d’analyse du transcriptome repose sur l’emploi de puces à ADN. Les 25 000 gènes d’Arabidopsis sont déposés individuellement sur un support de verre (la puce à ADN). Les lames sont alors hybridées avec des préparations de copies ADN des transcrits produits par les différents tissus de la plante. Ces copies ADN, marquées avec un fluorochrome vont s’hybrider avec les gènes déposés sur les lames. Un appareil de lecture va mesurer l’intensité des signaux d’hybridation de chaque gène, le signal étant d’autant plus important que le gène est activement exprimé (Figure 19). Le travail mené sur divers tissus, et dans diverses conditions expérimentales permet de dresser un « portrait robot » des caractéristiques d’expression de chacun des 25000 gènes du génome d’Arabidopsis. Ces portraits robot sont ensuite comparés les uns aux autres et regroupés en classes fonctionnelles. Les membres de ces classes fonctionnelles qui ont une fonction connue permettent ainsi de faire des prédictions sur les fonctions des gènes encore inconnus dont les caractéristiques d’expression leur sont similaires.
Les méthodes d’analyse convergent pour identifier le rôle possible des gènes de fonction inconnue
Une cinquième approche permettant d’analyser la fonction d’un gène consiste à travailler au niveau de la protéine codée par ce gène. Cette protéine peut être localisée, par exemple par des techniques de fluorescence, dans le compartiment cellulaire ou elle joue son rôle. En parallèle il est possible de déterminer avec quelles autres protéines cette protéine interagit par les approches dites de double hybride, généralement conduites dans des levures. L’ensemble des données obtenues permet finalement d’étayer l’hypothèse faite sur la fonction du gène étudié. Analyse mutationnelle, analyse du transcriptome, identification des partenaires protéiques et localisation intracellulaire permettent de décrire la fonction du gène étudié. Dans notre laboratoire cette approche combinée est utilisée pour analyser la famille des PPR, famille multigénique quasi inexistante dans le règne animal dont le rôle est de contrôler la mise en place des fonctions chloroplastiques et mitochondriales d’expression des gènes (épissage des transcrits, éditions des séquences ARN, régulation de la transcription des gènes chloroplastiques ou mitochondriaux).
Conclusion
Ce rapide survol des approches génomiques utilisées pour étudier les génomes de plantes est incomplet. Chaque année de nouveaux outils d’analyse des génomes viennent compléter les approches (par exemple actuellement les outils d’analyse du protéome, les techniques de séquençage à très haut débit). Cet éventail de recherches, s’appuyant aussi sur les techniques d’analyse de la biodiversité des séquences nous apporte des informations sur l’évolution des génomes et sur les processus de domestication. La génomique apporte des outils nouveaux pour étudier la biodiversité des plantes, et pour constituer des ressources génétiques organisées et exploitables, une étape essentielle au travail d’amélioration génétique (Figure 20). Ces outils renouvellement en profondeur la démarche d’amélioration des plantes cultivées (introgression de caractères présents dans les espèces apparentées aux plantes cultivées, sélection assistée par marqueurs, génération de nouveaux allèles). La génomique végétale ouvre un champ de recherche et d’application immense dans lequel beaucoup de pays émergents investissent activement (Brésil, Inde, Chine, Mexique…). Souhaitons qu’il en soit de même dans un pays qui reste le troisième exportateur mondial dans le domaine semencier.
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