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LES AZTÈQUES

 

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PLAN
AZTÈQUES
HISTOIRE
Introduction
Empire et société aztèques
Le temps de la conquête
Une économie florissante
Mexico, capitale symbole de la puissance aztèque
Une société hiérarchisée, une administration efficace
Prédominance de l’empereur
Une religion omniprésente et sanglante
« Le compte des destins »
La chute de l’empire
Quelques divinités du panthéon aztèque
Chalchiuhtlicue
Cihuateteo
Coatlicue
Coyolxauhqui
Eecatl
Huitzilopochtli
Mayahuel
Mictlantecuhtli
Nanauatzin
Ometecuhtli et Omecihuatl
Quetzalcóatl
Tezcatlipoca
Tlaloc
Tlazolteotl
Toci
Tonatiuh
Xipe Totec
Xiuhtecuhtli
Xolotl
ART
Introduction
Architecture
Sculpture
Arts décoratifs
Peinture
Littérature
Voir plus
Aztèques
en espagnol Aztecas
Couronnement de l'empereur Acamapichtli
Cet article fait partie du dossier consacré aux grandes découvertes.
Peuple autochtone de l'Amérique moyenne qui fonda un empire au Mexique au xve s.
HISTOIRE

Introduction

Dans leur langage, dialecte du nahuatl, leur nom (Azteca) signifie le peuple d'Aztlán, origine légendaire de la tribu. Ils s'appelaient aussi Mexica (prononcer « Méchica »). Leur capitale Mexico a donné son nom au pays tout entier.
Selon leur histoire traditionnelle, ils s'étaient établis à Aztlán vers le milieu du iie s. et y vécurent plus de mille ans. Dans la seconde moitié du xiie s. (1168 ?), ils quittèrent ce pays, qu'on peut situer au nord-ouest de l'actuel Mexique ou au sud-ouest des États-Unis actuels, pour se diriger vers le sud en une longue migration, conduits par les prêtres soldats dits « porteurs de dieux », conformément aux oracles de la divinité tribale, Huitzilopochtli. Environ un quart de siècle plus tard, on les retrouve dans la région de Tula, à 100 km au nord de Mexico ; ils y demeurèrent vingt ans. C'est là sans doute qu'ils commencèrent à s'imprégner des croyances et des mœurs de l'ancienne civilisation toltèque, dont Tula avait été la capitale. Ils célébraient alors pour la première fois, sur la montagne Coatepec, le rite du Feu nouveau.

Couronnement de l'empereur AcamapichtliCouronnement de l'empereur Acamapichtli
Tantôt guerroyant, tantôt s'alliant par des mariages aux populations en place, les Aztèques pénétrèrent au xiiie s. dans la vallée centrale du Mexique par la région nord-ouest (Zumpango, Xaltocán). Ils y trouvaient des cités-États fortement organisées et belliqueuses. Leur première tentative de création d'un État indépendant s'acheva en désastre : le chef aztèque élevé à la dignité de souverain, Huitzilihuitl Ier, fut fait prisonnier et sacrifié. Devenus les vassaux de cités puissantes, ne possédant en propre aucun territoire, les Aztèques finirent par se réfugier dans les îlots et sur les bas-fonds marécageux de la grande lagune. Ils y fondèrent en 1325 un village de cabanes en roseaux, Mexico, appelé aussi Tenochtitlán (« lieu où le cactus pousse sur le rocher ») : leur dieu leur avait donné l'ordre de s'établir là où ils verraient un aigle, perché sur un cactus, en train de dévorer un serpent. C'est seulement cinquante ans plus tard qu'ils purent enfin s'organiser en État. Leur premier souverain, Acamapichtli, se rattachait à une famille noble d'origine toltèque.
Des onze souverains aztèques, quatre ont péri de mort violente : Chimalpopoca, assassiné sur l'ordre du roi d'Atzcapotzalco ; Tizoc, probablement empoisonné ; Moctezuma II, tué par les Espagnols ou par un projectile lancé par un guerrier aztèque ; Cuauhtemoc, pendu par Cortés.
Empire et société aztèques

Le temps de la conquête

NezahualcoyoltNezahualcoyolt
Ce qu'on appelle couramment l'« Empire aztèque » prit naissance en 1428-1429 sous la forme d'une triple alliance. Les trois États de Tenochtitlán, Texcoco et Tlacopan s'associèrent après la défaite de la dynastie militariste d'Atzcapotzalco, qui exerçait son hégémonie sur la vallée centrale. En fait, le tlatoani aztèque étant investi des fonctions de généralissime des forces confédérées, c'est lui qui devint rapidement le chef suprême, l'empereur du Mexique conquis. Après avoir soumis d'abord l'ensemble de la vallée, les Aztèques et leurs alliés étendirent leur domination vers l'est (plateau de Cholula-Puebla, côte du Golfe), vers le sud (Morelos, côte du Pacifique), vers le nord et le nord-ouest (plateau de Toluca, région de Tula et de Xilotepec, cours inférieur du Pánuco), vers le sud-est (Oaxaca, isthme de Tehuantepec, province maya du Soconusco). C’est ainsi que, ayant succédé à Itzcoatl en 1440, Moctezuma Ier, fondateur de la grandeur mexica et alors âgé de quarante ans, entreprit très rapidement une guerre – qui dura jusqu'à l'arrivée des Espagnols – contre les peuples nahuas qui vivaient de « l'autre côté des volcans », à l'est, dans la vallée de Puebla, où se trouvaient les seigneuries indépendantes de Tlaxcala et Cholula. Ce combat perpétuel, surnommé la « guerre fleurie », n'avait pas pour but de vaincre ni de soumettre, mais de capturer le plus de prisonniers possible, afin de les offrir en sacrifice aux dieux. En effet, le sang humain, « eau précieuse » rituellement versée, permettait seul, dans la conception religieuse et la cosmogonie aztèques, la survie des dieux et la perpétuation du monde.
D'autres guerres entreprises par Moctezuma Ier et ses successeurs eurent pour objectif d'étendre la domination aztèque sur les riches contrées tropicales du Sud, de l'Ouest et de l'Est qui regorgeaient de plumes chatoyantes, de pierres précieuses, de coton, de cacao: autant de denrées fort appréciées de la noblesse aztèque et absentes de la vallée de Mexico. Moctezuma Ier soumit peu à peu des villes importantes et des régions entières jusqu'aux confins du Guatemala actuel. Sous les règnes d'Ahuitzotl (1486-1502) et de Moctezuma II (1502-1520), la suprématie aztèque se renforça encore.
Une économie florissante

Au début du xvie s., l'Empire rassemblait des populations appartenant à des ethnies très variées (Nahuas, Otomis, Huaxtèques, Mixtèques, Matlaltzincas, Zapotèques, etc.), groupées pour les besoins de l'administration en 38 provinces tributaires. Chaque province devait verser aux fonctionnaires aztèques (calpixque) des quantités déterminées de denrées alimentaires, tissus, métaux précieux, plumes d'oiseaux tropicaux, matériaux de construction, caoutchouc, jade, armes, etc., selon des barèmes soigneusement tenus à jour par des scribes. En dehors de cette obligation, les cités et villages conservaient une large autonomie, s'administraient selon leurs coutumes et pratiquaient leurs cultes particuliers. Quelques villes, aux frontières, étaient placées sous l'autorité de gouverneurs aztèques appuyés par des troupes de garnison. Certains petits États, amis (Teotitlán) ou hostiles (Tlaxcala), enclavés dans l'Empire, avaient conservé leur indépendance.
Si l'organisation administrative du tribut avait pour résultat de faire affluer à Mexico d'énormes richesses, le commerce, rendu possible par l'effacement des frontières et la paix intérieure, était intense entre la capitale et les provinces. Des corporations de négociants (pochteca), influentes et prospères, détenaient le monopole de ces échanges, tandis que le petit commerce et les métiers les plus divers étaient exercés par des artisans, marchands et marchandes de légumes, poissons ou gibier, menuisiers, sauniers, fabricants de nattes et de paniers, porteurs d'eau, tisserandes, etc. Ceux qui pratiquaient l'artisanat de luxe (orfèvrerie et joaillerie, ciselure, art de la mosaïque de plumes) formaient des corporations respectées. Il en était de même des médecins, sages-femmes, guérisseurs et guérisseuses, tandis que l'opinion et la loi condamnaient sévèrement les sorciers et magiciens.
Mexico, capitale symbole de la puissance aztèque

NezahualpilliNezahualpilli
À mesure qu'augmentaient les ressources de la tribu dominante, la capitale, simple village lacustre à l'origine, s'était transformée en une cité de plusieurs centaines de milliers d'âmes. Au centre, sur l'île rocheuse désignée par l'oracle divin, se dressaient les pyramides, les temples, les palais impériaux. Les quatre quartiers, subdivisés en nombreuses fractions (calpulli), s'étendaient sur un millier d'hectares le long de canaux et sur l'île voisine de Tlatelolco. La cité était reliée à la côte du lac par trois chaussées surélevées. Une digue longue de 16 kilomètres, construite sous le règne de Moctezuma Ier, la protégeait à l'est contre l'irruption des eaux de la grande lagune. Deux aqueducs amenaient l'eau potable à la ville depuis Chapultepec et Coyoacán. En raison de la prospérité générale (freinée de 1451 à 1456 par de mauvaises récoltes), la population de la capitale et des villes voisines, Tlacopan, Coyoacán, Culhuacán, Xochimilco, Texcoco, etc., ne cessait de croître. En 1519, le bassin de Mexico abritait entre 1 million et 1,5 million d'habitants, soit une densité de 200 habitants par km2, pour une superficie de terres cultivées qui ne dépassait guère les 3 000 km2. L'espace propice à la culture était en effet très réduit, à cause notamment de la faible épaisseur des sols, de l'érosion, de la présence de nombreux lacs et marécages. Le génie aztèque a su pourtant en tirer un profit maximal grâce à des techniques agricoles originales : fumage des sols avec des excréments humains et animaux, irrigation, dry-farming, élévation de terrasses. Mais le plus remarquable est sans doute la manière dont les Mexicas ont asséché une grande partie des lacs de la vallée et mis en valeur les marais au moyen des chinampas, radeaux de roseaux fixés par des pieux et couverts d'une couche de terre boueuse où sont plantés maïs, haricots, courges et piments.
L'agriculture du bassin de Mexico et celle des régions tropicales sous domination aztèque ont donné au Vieux Monde les ingrédients d'une révolution alimentaire : le maïs, une cinquantaine d'espèces de haricots, dont les haricots verts, les citrouilles, les oignons, les tomates (tomatl), les pommes de terre, les cacahuètes (tlacacahuatl), la vanille… À cette liste non exhaustive, il faut adjoindre une boisson faite avec la graine de l'amaxocoatl, connue sous le nom de « cacao » ou « chocolat ».
Une société hiérarchisée, une administration efficace

La société aztèque à son origine avait été égalitaire et frugale. Mais, avec le temps et l'expansion de l'Empire, le luxe et la hiérarchie politico-sociale l'avaient profondément modifiée. Le « simple citoyen » (maceualli) menait encore une vie assez semblable à celle des Aztèques de la migration ; il cultivait le lopin de terre auquel il avait droit, chassait ou pêchait, devait prendre part aux travaux collectifs (entretien des canaux et des ponts, terrassements, etc.). Mais les négociants disposaient de grandes richesses sous forme de denrées, métaux précieux, plumes, tissus. L'aristocratie militaire, qui se renouvelait d'ailleurs par la promotion de guerriers sortis du peuple, possédait des domaines ruraux et des palais, et recherchait de plus en plus le luxe. Autour d'elle gravitaient serviteurs, métayers, esclaves, et aussi des artistes, sculpteurs, ciseleurs, orfèvres, peintres, poètes et musiciens.
Tous les enfants, quelle que fût leur origine, recevaient une éducation relevant d'un des deux systèmes en vigueur : pour les enfants du peuple, les telpochcalli, collèges de préparation à la vie pratique et à la guerre ; pour ceux de l'aristocratie, mais aussi pour ceux des négociants et pour les enfants « plébéiens » que l'on destinait à la prêtrise, les calmecac, monastères-collèges qui dépendaient des temples. Dans ces derniers, on enseignait l'histoire traditionnelle, la religion et les rites, l'écriture pictographique, la lecture des livres sacrés, la musique et le chant. Il existait d'ailleurs des écoles de chant ouvertes aux jeunes gens de la classe populaire.
L'administration de l'Empire et la justice étaient assurées par un grand nombre de fonctionnaires et de magistrats, assistés de scribes, gendarmes, huissiers, messagers. Organisés selon une hiérarchie complexe, ils percevaient en rémunération le produit de terres qui leur étaient affectées. Les conquérants espagnols et Cortés lui-même ne tarissent pas d'éloges quant à l'ordre et à l'efficacité de l'administration, à l'intégrité des juges, à la splendeur et à la propreté de la capitale. La justice est un modèle d'organisation. Grâce à une remarquable hiérarchie des juridictions, qui comprend des tribunaux d'instance (teccali) et une cour suprême ou cour d'appel (tlacxitlan), la justice est rendue avec rapidité et efficacité. Aucun procès ne dure plus de quatre-vingts jours, y compris le jugement et l'arrêt. Les juges sont nommés par le souverain et par le chef du quartier où se tient le tribunal.
Prédominance de l’empereur

L'État aztèque, né de la démocratie tribale, était devenu une monarchie aristocratique. Au sommet, le tlatoani (« celui qui parle, qui commande »), élu à vie au sein d'une même dynastie par un collège restreint de dignitaires, était assisté d'un « vice-empereur », le ciuacoatl, et de quatre « sénateurs » élus en même temps que lui. Il désignait de hauts fonctionnaires tels que le petlacalcatl, chargé de la perception des impôts et du trésor, le uey calpixqui, préfet de la capitale, etc. Le Grand Conseil (tlatocan, « lieu de la parole, du commandement ») se réunissait sous sa présidence ou sous celle du ciuacoatl pour discuter des décisions importantes, et pouvait repousser jusqu'à trois reprises les propositions du souverain, par exemple en cas de déclaration de guerre. L’empereur est, au début du xvie s., un personnage quasi divin, entouré d'un halo religieux. Sa principale mission consiste à défendre, à agrandir et à embellir le temple de Huitzilopochtli, le dieu organisateur du monde des Aztèques, auquel il offre, souvent lui-même, des sacrifices. L'empereur vit dans un palais superbe, entouré de ses femmes, de ses conseillers, de ses devins, de ses nains et de ses bouffons. Nul ne peut le regarder en face, ni le toucher. Il lui est interdit de fouler le sol.
Une religion omniprésente et sanglante

Reliée à la classe dirigeante par de multiples liens familiaux, mais distincte d'elle, influente à coup sûr dans les affaires publiques mais non mêlée directement à la gestion de l'État, la classe sacerdotale était nombreuse et respectée. À la tête de la hiérarchie se trouvaient les deux grands prêtres égaux appelés Serpents à plumes, assistés d'un « vicaire général », lui-même entouré de deux coadjuteurs. Groupés en collèges au service de telle ou telle divinité, ou répartis dans les quartiers comme simples desservants, les prêtres avaient à leur charge non seulement le culte, mais l'éducation supérieure et les hôpitaux destinés aux pauvres et aux malades. Le clergé disposait d'immenses richesses en terres et en marchandises de toute sorte, qu'administrait un trésorier général.
La vie des Aztèques était dominée par la religion, que caractérisaient un panthéon foisonnant, une riche mythologie, un rituel complexe fertile en épisodes dramatiques et sanglants mais aussi en cérémonies grandioses et en émouvante poésie. La civilisation aztèque avait réalisé la synthèse des divinités astrales des tribus nordiques (Huitzilopochtli, Tezcatlipoca), des dieux agraires adorés par les anciennes populations sédentaires (Tlaloc, Chalchiuhtlicue, etc.), des dieux étrangers tels que Xipe Totec (Oaxaca) ou Tlazolteotl (déesse de l'Amour chez les Huaxtèques).
Le dieu des Aztèques à qui est adressé le culte est guerrier et triomphant. Huitzilopochtli est fils d'une déesse de la Terre, il personnifie le Soleil par sa victoire sur ses frères et sœurs, les Ténèbres et l'Étoile du matin. Soleil et guerre : tels sont les deux principes organisateurs de la religion aztèque. Ainsi, les morts au combat ou les sacrifiés connaissent une survie grandiose, car ils sont chargés d'aider le Soleil dans sa course. Tous les jours pendant quatre ans, ils l'accompagnent du levant au zénith. Passé cette période, ils se métamorphosent en colibris ou en papillons. Celui qui meurt dans sa maison, au contraire, disparaît dans les Ténèbres. Dès son enfance, l'homme aztèque est préparé à l'idée du sacrifice; il ne doit vivre que pour donner son cœur et son sang « à notre Mère et à notre Père, la Terre et le Soleil », et contribuer de la sorte au bel ordonnancement du monde : permettre le lever du Soleil, la tombée de la pluie, la pousse du maïs… La « guerre fleurie », pacte de sang entre tribus sœurs, de même origine et de même culture, a été scellée à cette fin.
Les sacrifices humains, très fréquents, correspondaient à deux conceptions distinctes. Tantôt le sang et le cœur des victimes étaient offerts aux dieux, plus particulièrement au Soleil, afin d'assurer la marche régulière de l'univers ; tantôt les victimes incarnaient le dieu et mimaient son drame mythique, jusqu'au moment où leur sacrifice transférait leur force vitale à la divinité représentée. Les sacrifiés, de même que les guerriers tombés au combat et les femmes mortes en couches étaient promis à une éternité bienheureuse, tandis que les morts ordinaires, pensait-on, devaient subir quatre années d'épreuves dans le royaume souterrain de Mictlantecuhtli (le Pluton aztèque) avant de disparaître dans le néant. Mais les morts que Tlaloc avait « distingués » en les appelant à lui (par noyade, hydropisie, affections pulmonaires, etc.) devaient jouir dans l'au-delà d'une vie paisible dans l'abondance du paradis (Tlalocan).
« Le compte des destins »

À l'instar des Mayas et des Toltèques, les Aztèques ont élaboré un système très complexe de calendriers, mêlant observations astronomiques et métaphysique, instrument de repérage des phénomènes naturels, tels les saisons ou le mouvement des astres, mais aussi moyen de déterminer le destin des hommes et du monde. L'existence de chacun était régie par le tonalpoualli, le « compte des destins », système extrêmement complexe de divination fondé sur un calendrier rituel de 260 jours divisé en 20 séries de treize. Chacun de ces jours était désigné par un chiffre et un signe – « 1, crocodile », « 2, vent », « 3, maison », etc. –, que les prêtres spécialisés, les « compteurs de destins », interprétaient à l'occasion des naissances, mariages, départs en voyage, expéditions militaires. Chaque année solaire est désignée par le nom de son premier jour, pris lui-même dans le calendrier divinatoire. Seuls quatre signes peuvent commencer une année: tecpatl (le silex), acatl (le roseau), calli (la maison), tochtli (le lapin). Combinés chacun avec les treize nombres fondamentaux du calendrier divinatoire, ils offrent 52 débuts d'année possibles. À l'issue de ce cycle de cinquante-deux ans, le temps est réputé suspendu: il peut alors se dissoudre, et c'est la fin du monde tant redoutée, ou se répéter, les anciens signes épuisés redevenant porteurs de vie à la faveur d'une cérémonie sacrificielle. Au-delà de ce cycle clos, les noms des jours et des années se répètent inlassablement.
La chute de l’empire

Le 18 février 1519, Hernán Cortés débarque au Yucatán accompagné de quelques dizaines de soldats. Le 13 août 1521, Tenochtitlán tombe sous ses assauts ; le dernier empereur est capturé, les Aztèques sont décimés et soumis à jamais. On peut se demander pourquoi un État organisé à ce point pour la guerre et une civilisation aussi élaborée se sont effondrés comme châteaux de sable devant une poignée d'Espagnols. L'explication tient sans doute au décalage technologique (les Mexicas n'ont ni épées de fer ni armes à feu). Elle tient aussi au pessimisme de la vision religieuse aztèque. Moctezuma II, scrupuleux et méditatif, très attentif aux présages, croit reconnaître dans les Espagnols qui arrivent sur la côte du Mexique les représentants de Quetzalcóatl, le roi-prêtre des Toltèques, le dieu-serpent à plumes dont le retour est annoncé par d'anciennes prophéties. De plus, l'année 1519 coïncide avec la fin d'un cycle calendaire de cinquante-deux ans, qui marque la suspension du temps. Ces êtres étranges, blancs, barbus et vêtus de fer, qui lancent la foudre et possèdent des chevaux, animaux que personne n'a jamais vus au Mexique, ont tous les caractères des dieux. Les Aztèques, prêts à les accepter comme tels, ne veulent que les honorer…
L'explication réside enfin dans la complicité active des peuples voisins, soumis depuis trop longtemps à la puissance mexica, fatigués de donner leur fortune à son empereur, et leurs enfants à ses dieux. Les Totonaques et les seigneurs de Tlaxcala rejoignent Cortés, qui se présente devant Tenochtitlán-Mexico avec une armée de plus de 30 000 indigènes. Moctezuma hésite : il cherche la preuve qu'il se trouve devant des dieux. Il reçoit les Espagnols et prépare pour eux des fêtes, en l'honneur, notamment, de Huitzilopochtli. Mais Cortés doit regagner la côte à la hâte pour combattre des émissaires de l'Espagne venus lui demander des comptes sur son épopée. Pendant ce temps, Alvarado, son lieutenant resté sur place, organise, sous on ne sait quel prétexte, le massacre de la foule venue assister à une cérémonie religieuse. À son retour, Cortés trouve la capitale aztèque en révolte ; Moctezuma, tenu responsable de la situation, est tué par le peuple. L'insurrection progresse. Assiégés, Cortés et ses compagnons doivent se frayer un chemin hors de la ville ; ils sont décimés par les guerriers aztèques enragés : c'est la Noche Triste (la Nuit Triste) du 30 juin au 1er juillet 1520. Cortés en réchappe pourtant. Il va reconstituer ses forces et réinvestir méthodiquement Tenochtitlán à partir de la fin de 1520. Le 13 août 1521, au milieu des ruines de sa ville dévastée par les canons, le dernier empereur aztèque se rend aux Espagnols. Il s'appelle Cuauhtémoc, l'« Aigle-qui-tombe », c'est-à-dire le Soleil couchant ; le soleil aztèque s'éteint pour toujours.
Quelques divinités du panthéon aztèque

Chalchiuhtlicue

« Celle qui a une jupe de pierres vertes », déesse de l'Eau douce, compagne de Tlaloc.
Cihuateteo

« Femmes-déesses », femmes mortes en couches et divinisées ; elles prennent au zénith le relais des guerriers morts au sacrifice pour accompagner le Soleil dans son voyage.
Coatlicue

« Celle qui a une jupe de serpents », vieille déesse de la Terre, qui enfanta miraculeusement le dieu des Mexica, Huitzilopochtli.
Coyolxauhqui

« Celle qui est parée de grelots », sœur aînée de Huitzilopochtli, tuée par lui, ainsi que ses frères, les 400 étoiles au Sud, au moment de sa venue au monde. Elle symbolise les ténèbres, vaincues par le jeune Soleil triomphant.
Eecatl

Quetzalcóatl sous sa forme de dieu du Vent. Représenté avec un masque en forme de bec de canard, ou sous la forme d'un singe soufflant.
Huitzilopochtli

« Le colibri de gauche », jeune dieu de la tribu aztèque, qu'il avait guidée dans sa migration. Il symbolise le Soleil triomphant, au zénith.
Mayahuel

Déesse du Maguey, qui avait été la plante nourricière des Aztèques au temps de leur migration. Elle est généralement représentée comme plurimammaire.
Mictlantecuhtli

Le « Seigneur du lieu des morts », dieu des Enfers, représenté sous la forme d'un cadavre décharné.
Nanauatzin

Petit dieu pustuleux ou syphilitique, autre forme de Quetzalcóatl. À l'origine des temps, il s'était sacrifié en se jetant dans un brasier allumé à Teotihuacán, pour faire naître le Soleil.
Ometecuhtli et Omecihuatl

« Le Seigneur et la Dame de la dualité ». D'après certaines sources, c'est le couple primordial qui aurait enfanté tous les autres dieux et les humanités. Leur culte semble être tombé en désuétude chez les Aztèques, et n'être resté vivant que chez certains rameaux nahuas émigrés dès le xiie s. comme les Pipils du Guatemala.
Quetzalcóatl

QuetzalcóatlQuetzalcóatl
« Serpent plume précieuse ». Sans doute la figure dominante du panthéon aztèque. Inventeur des arts, des techniques et de la pensée philosophique.
Tezcatlipoca

« Miroir qui fume », dieu du Nord, du Ciel nocturne et de la Guerre, patron des jeunes guerriers. Vainqueurs de Quetzalcóatl par ses sortilèges.
Tlaloc

Fresque de TepantitlaFresque de Tepantitla
Vieux dieu de la Pluie, l'un des plus importants du panthéon, honoré dans tout le Mexique. Caractérisé par ses yeux entourés de serpents formant comme des lunettes et par sa bouche ornée de crocs, comme les autres dieux de la Pluie des peuples voisins ou antérieurs : le Cocijo des Zapotèques, le Chac des Mayas, etc.
Tlazolteotl

« Déesse de l'Immondice », déesse de l'Enfantement et de l'Amour charnel, des Bains lustraux. Originaire sans doute de la Huaxteca, région connue pour sa « frivolité », elle avait le pouvoir d'effacer, par la confession, les offenses à la morale sexuelle.
Toci

« Notre aïeule », nommée aussi Teteo innan, « la mère des dieux ». C'est son culte qui était célébré sur la colline où devait apparaître la Vierge de Guadalupe, faisant de celle-ci, par un phénomène de syncrétisme, une Vierge pleinement nationale.
Tonatiuh

Le Soleil, représenté au centre du célèbre monument « la Piedra del sol », tirant la langue pour réclamer sa nourriture, le sang humain.
Xipe Totec

« Notre Seigneur l'écorché », dieu peut-être originaire de l'actuel État d'Oaxaca. Il représente le Renouveau de la végétation. Les prêtres se revêtaient en son honneur de la peau des sacrifiés, qui, en jaunissant, évoquait une feuille d'or : il est aussi le dieu des orfèvres.
Xiuhtecuhtli

« Le Seigneur du feu », également nommé Huehueteotl, « le vieux dieu ». Vieux dieu du Feu et des puissances volcaniques, représenté généralement comme un vieillard ridé dont la tête supporte un brasero.
Xolotl

Autre forme de Quetzalcóatl. Lors du sacrifice qu'avaient décidé tous les dieux à Teotihuacán pour faire vivre le Soleil, il fut le seul à s'enfuir et à tenter de se cacher. Il devint le dieu des Monstres, et de tout ce qui est double : double épi de maïs, double maguey, jumeaux…
ART

Introduction

L'art des Aztèques, comme leur religion, est le résultat d'une synthèse. La tradition toltèque qui avait survécu dans certaines villes du plateau central comme Culhuacán, le style « mixtéca-puebla » de Cholula, de Tizatlán et de l'Oaxaca, et certaines influences d'origine plus lointaine, comme celle des Huaxtèques, se sont amalgamés en un ensemble original. Riche à la fois d'un symbolisme ésotérique et d'un vigoureux réalisme, l'art aztèque frappe par la puissance et l'énergie des formes, par la sûreté du dessin, par la hardiesse de la conception.


Architecture

En architecture, les Aztèques n'ont guère innové ; ils ont repris pour l'essentiel les thèmes de l'architecture classique et toltèque, c'est-à-dire la pyramide à degrés et le palais horizontal. Cependant, la juxtaposition de deux temples au sommet d'une pyramide unique, comme c'était le cas du Grand Teocalli de Mexico, avec les sanctuaires jumelés de Tlaloc et de Huitzilopochtli, est un trait typiquement aztèque. Les monuments circulaires, tels que les temples du Vent à Mexico et à Calixtlahuaca, relèvent d'une tradition étrangère à la civilisation classique : il s'agit là d'un emprunt à l'architecture huaxtèque. Les dimensions grandioses de certains édifices, comme le palais du Tlatoani à Mexico ou celui du roi de Texcoco, immenses bâtiments groupés autour de patios et de jardins, surpassaient tout ce qui avait été réalisé au Mexique auparavant. En outre, les Aztèques sont le seul peuple autochtone du Mexique qui ait taillé entièrement dans la roche vive, à Malinalco, un temple avec ses statues et ses bas-reliefs.
Sculpture

QuetzalcóatlQuetzalcóatl
La sculpture, dont il subsiste de très nombreuses œuvres en dépit des destructions massives dues à la conquête, présente un large éventail symbolique et stylistique, depuis les idoles et les bas-reliefs à thèmes religieux jusqu'aux statues de personnages et d'animaux, en passant par les scènes historiques à la gloire des empereurs. Parmi les spécimens les plus connus qui se trouvent dans les musées du Mexique ou à l'étranger, on mentionnera la statue colossale de la déesse Coatlicue, extraordinaire chef-d'œuvre macabre ; les représentations du Serpent à plumes Quetzalcóatl ; le « Calendrier aztèque », monolithe qui résume sur son disque les conceptions cosmologiques des anciens Mexicains ; le « Teocalli de la Guerre sacrée », dédié au Soleil et au combat cosmique ; une tête de dignitaire (« chevalier-aigle ») qui évoque de façon frappante l'énergie des guerriers ; la « Pierre de Tizoc », qui retrace les victoires du septième souverain ; la stèle commémorative de l'inauguration du grand Temple, par Ahuitzotl, en 1487.
Arts décoratifs

Les Aztèques ont fait revivre l'art du masque en pierre, qui avait été pratiqué avec virtuosité à l'époque classique (Teotihuacán, ve-viiie s.). Ils ont porté à un haut degré de perfection la sculpture et la ciselure des pierres semi-précieuses : jadéite, néphrite, serpentine, cristal de roche. D'admirables statuettes en portent témoignage, par exemple celle du dieu Tezcatlipoca (musée de l'Homme, Paris) ou celle de Xolotl (musée du Wurtemberg, à Stuttgart).
Trois grandes corporations d'artisans étaient spécialisées, à Mexico, dans les arts que nous appelons « mineurs » : les orfèvres, dont les merveilleux bijoux et ornements d'or et d'argent s'inspiraient surtout du style mixtèque de l'Oaxaca ; les lapidaires, qui décoraient de mosaïque de turquoise, de grenat, d'obsidienne et de nacre les masques, objets cérémoniels, casques d'apparat ; enfin les amanteca, ou plumassiers, dont les fragiles chefs-d'œuvre faits de plumes d'oiseaux tropicaux ornaient la coiffure et les vêtements des dignitaires ainsi que les idoles des dieux.


Peinture

Manuscrit aztèqueManuscrit aztèque
Il existait à Mexico deux catégories de peintres : ceux qui couvraient de fresques les murailles des palais et des sanctuaires, et ceux qui, scribes versés dans l'écriture hiéroglyphique, enluminaient les manuscrits religieux ou historiques. Certains de ces manuscrits, tel le Codex borbonicus (bibliothèque de l'Assemblée nationale, Paris), constituent des recueils de petits tableaux symboliques admirablement exécutés.


Littérature

La littérature, surtout sous la forme de poèmes déclamés et chantés avec accompagnement de flûtes et d'instruments à percussion, présentait des genres nettement délimités : poèmes religieux d'une grande élévation, poèmes philosophiques, épopées historico-mythiques, odes lyriques, poèmes mimés et dialogués que l'on peut considérer comme un embryon de théâtre. En outre, les Aztèques attachaient une importance extrême à l'art oratoire ; toutes les circonstances importantes de la vie publique ou privée, depuis l'élection d'un souverain jusqu'au départ d'une caravane de négociants, étaient marquées par des discours pompeux et imagés. Enfin, la danse tenait une large place dans les réjouissances familiales, dans les banquets et dans les cérémonies religieuses.

 
 
 
 

LE MOYEN ÂGE

 

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Moyen Âge
Baptême de Clovis
Consulter aussi dans le dictionnaire : Moyen Âge
Cet article fait partie du dossier consacré au Moyen Âge.
Période de l'histoire de l’Occident, située entre l'Antiquité et les Temps modernes (ve-xve siècles).
Le Moyen Âge occidental est traditionnellement situé entre la chute du dernier empereur romain d'Occident (476) et la découverte de l'Amérique (1492), même si ces deux dates sont arbitraires et restent discutables.
La civilisation médiévale se définit par quatre caractéristiques majeures : le morcellement de l'autorité politique et le recul de la notion d'État ; une économie à dominante agricole ; une société cloisonnée entre une noblesse militaire, qui possède la terre, et une classe paysanne asservie ; enfin, un système de pensée fondé sur la foi religieuse et défini par l'Église chrétienne.
1. Le cadre chronologique

L'expression « moyen âge » date du xviie siècle : ce serait Christophe Kellner (Cellarius), professeur d'histoire à l'université de Halle, qui l'aurait employée pour la première fois, en 1688 (Historia medii aevi). La définition, commode chronologiquement, suggère ainsi que la période de mille ans, archaïque et barbare, qui a rompu avec les modèles classiques de l'Antiquité, n'est que l'attente obscure des prestiges de la Renaissance et des Temps modernes. Cette longue période est pour la première fois réhabilitée au xixe siècle, mais dans une vision simpliste (l’ère « gothique ») campée de caricatures romantiques, du chevalier toujours preux au serf irrémédiablement « attaché à la glèbe ». Le langage commun n'est d’ailleurs toujours pas exempt des images conventionnelles d'un Moyen Âge plus mythique que réel, encore synonyme de retour aux limbes, de médiocre et d'inaccompli.
Depuis les années 1930, les historiens s'attachent à rendre son identité à cette longue période de lentes mutations, au cours de laquelle une société complexe s'est épanouie en Occident. En particulier, les études minutieuses faites en France par l'école historique des Annales – et notamment par Marc Bloch, Georges Duby et Jacques Le Goff – ont permis de mettre fin à cette tradition d’idées fausses.
Pour délimiter un cadre chronologique à ce long « Moyen Âge », on ne peut se référer à des dates politiques. Si 395 marque la fin de l'unité de l'Empire romain, avec la séparation entre Empire d'Orient et Empire d'Occident, 476 voit la disparition du dernier empereur romain d'Occident. À l'autre extrémité de la période, la prise de Constantinople par les Turcs ottomans en 1453 est surtout significative pour l'Orient ; en Occident, on pourrait se référer à la mort du dernier roi « médiéval », Louis XI de France, en 1483. Il n’en demeure pas moins que le voyage de Christophe Colomb en 1492, lourd de conséquences, est la date communément admise pour définir la fin du Moyen Âge et le début de l’époque moderne.
La rupture avec les périodes qui encadrent le Moyen Âge n'est donc pas aussi nette qu'on le laisse souvent entendre, et, bien que les repères chronologiques soient indispensables, les évolutions se dessinent plus sûrement dans les mutations économiques et sociales qui, en aucun domaine, n’ont été brutales.
2. Le haut Moyen Âge (fin du ve-ixe siècle)

2.1. L’héritage antique

Introduction
Le Moyen Âge perce déjà dans le monde antique du iiie siècle. La volonté d'échapper à l'État – à sa pression fiscale et aux charges militaires ou municipales – caractérise alors le comportement social. Contraction démographique et étiolement urbain amorcent la ruralisation de l’économie, tandis que se dégrade la condition des colons endettés et que s'améliore celle de l'esclave, qui, de plus en plus, a la jouissance d'une terre. Le développement du christianisme, religion officielle de l’Empire romain depuis la fin du ive siècle, assoit les bases de la puissance ecclésiastique.
L'assimilation des Barbares
Déclenchées par les Huns, qui, à la fin du ive siècle, entreprennent une migration vers l'ouest et poussent devant eux Ostrogoths et autres peuples germains, les grandes invasions n’ont jamais pris l'aspect d'une ruée massive, même si le mouvement s'accentue à partir de 406. Elles n'ont pas non plus détruit brusquement l'Empire romain, qui, dans un premier temps, s'est efforcé d'intégrer ces populations. Un Occident nouveau est né de la lente fusion des peuples et des coutumes.
Les Barbares savent tirer profit de la romanité, acceptent le code d'hospitalité qui préside à leur implantation, s'intègrent (tel Théodoric) au fonctionnariat impérial, ou rédigent (à l'instar d'Alaric) un code de lois, dit bréviaire, inspiré du droit romain.
Le maintien de la langue latine, la continuité entre nombre de grandes villes antiques et médiévales, la permanence des anciens circuits commerciaux sont autant de survivances de l'Antiquité dans le haut Moyen Âge. Par ailleurs, l'apport barbare imprègne ce monde nouveau : la notion de droit public s'estompe, civil et militaire ne se distinguent plus guère dans des communautés où prévaut la valeur guerrière du chef, élu et mythifié. L'économie sylvo-pastorale des Barbares renforce la ruralisation en cours depuis le Bas-Empire. La fuite devant les responsabilités imposées par l'État se conjugue avec le repli des aristocraties sur leurs terres, refuge et fondement de leur pouvoir.
Le rôle de la foi chrétienne
Baptême de ClovisBaptême de Clovis
Le véritable ciment des communautés antiques et barbares est le christianisme. Le prosélytisme des moines (→ Colomban, Benoît de Nursie), soutenu par le pape Grégoire le Grand, est renforcé par l'écrasement de l'arianisme en 653.
Les premiers royaumes barbares sont balayés par les Vandales et les Francs. Alors que, de la Provence à l'Italie et à l'Espagne, le pouvoir éclate en principautés territoriales, Vandales et Francs constituent des royaumes centralisés. Celui des Francs doit en partie son succès au baptême de Clovis (498 ou 499), qui acquiert, outre la reconnaissance de l'empereur byzantin, le soutien du clergé et du pape, dont il devient le principal appui : au moment où, dans l'empire d'Orient, se multiplient les controverses et les hérésies, le christianisme devient ainsi en Occident le passage obligé vers le pouvoir.
2.2. Vers un grand empire chrétien

Le sacre du roi Pépin le Bref à Saint-Denis, par le pape Étienne II en 754, confirme le prestige franc et marque un nouveau pas vers la sacralisation d'une famille : celle des Carolingiens. Le principe dynastique complète désormais l'élection coutumière.
Le couronnement impérial de Charlemagne
Couronnement de CharlemagneCouronnement de Charlemagne
Le secours apporté par Charlemagne au pape, menacé par la noblesse romaine, fait du Carolingien le candidat à la restauration de l'empire d’Occident : son couronnement sanctionne cette évolution. Lors de la cérémonie romaine à la Noël 800, le pape Léon III, en couronnant l'empereur avant qu'il ne soit acclamé, manifeste la suprématie du spirituel sur le temporel, Charlemagne se considérant « empereur couronné par Dieu ». En revanche, Charlemagne, couronnant lui-même son fils Louis le Pieux en 813, se propose de rappeler que le pape n'est que le premier des évêques, dépendant de la protection militaire, donc du pouvoir temporel.
L'Empire carolingienL'Empire carolingien
De fait, l’Empire franc des Carolingiens s'appuie principalement sur l'armée. Mais celle-ci n'en est pas le seul fondement. Charlemagne entreprend une rénovation de l'État à partir d'Aix , où siège la chapelle (→ Aix-la Chapelle). La reprise en main de l'administration régionale par l'intermédiaire des comtes, représentants assermentés de l'empereur, surveillés par les missi dominici, le retour à une législation publique, votée par les hommes libres des plaids et consignée dans les capitulaires (ordonnances), un réseau de fidélités entrecroisées remontant à la personne même de l'empereur : tout concourt au redressement et à la consolidation de l'autorité impériale.
L'Empire devient un Empire germanique
Otton Ier le GrandOtton Ier le Grand
Alors même que s'édifie une civilisation nouvelle, l'Empire carolingien révèle ses faiblesses. Toujours unifié sous Louis le Pieux, il profite encore un temps des conquêtes de Charlemagne. Toutefois, la politique du nouveau souverain, trop favorable à l'Église, met en danger la suprématie du pouvoir laïque. La réforme clunisienne (909) placera d'ailleurs les monastères sous l'autorité directe de Rome (→ histoire de Cluny).
Divisé par les fils de Louis le Pieux en trois royaumes rivaux (Francie occidentale, Lotharingie, ropyaume de Germanie) malgré la proclamation du droit d'aînesse en 817, l'Empire carolingien n'a plus qu'une unité théorique.
Mais en Germanie, où le roi a conservé le contrôle des duchés régionaux, l'idée d'empire et les structures carolingiennes sont assez vigoureuses pour que le roi Otton Ier de Germanie prenne à son tour la couronne impériale, en 962. Chrétien sincère, il n'en impose pas moins sa tutelle au pape et au clergé germanique. Les leçons de l'échec politique des Carolingiens ont été retenues. Toutefois, l'Empire ressuscité n'est plus que strictement germanique, et bientôt appelé Saint Empire romain germanique.
Pour en savoir plus, voir l'article Carolingiens.
3. L'âge féodal (xe-xiiie siècle)

3.1. La société féodale

Dès le viie siècle émerge une aristocratie guerrière composée de nobles de fonction et de nobles de lignage, qu'aucune solidarité de groupe social ne cimente. Charlemagne incite ces hommes à la recommandation mutuelle afin de remplacer les conflits de clans par des relations de fidélité.
L'engagement vassalique
Adoubement d'un chevalierAdoubement d'un chevalier
La richesse foncière constitue le fondement de la puissance de ces aristocrates. Les mieux nantis (vassaux royaux) disposent de terres en toute propriété (les alleux, issus d'héritages familiaux), mais aussi d'honneurs, concédés pour la durée d'exercice d'une charge (comtale par exemple), et de bénéfices accordés en échange de services (surtout militaires). Devenu héréditaire, par transmission familiale des fidélités, le bénéfice ne tarde pas à être la cause même de l'engagement vassalique.
La puissance se mesure donc au nombre d'hommes à qui l'on est en mesure de procurer une terre en échange de leur engagement. Inversement, il devient tentant pour les vassaux de multiplier leurs fidélités afin d'accroître le nombre de leurs bénéfices. Et beaucoup d'hommes libres cherchent à se recommander : en ces temps incertains, servir un protecteur vaut mieux qu'une totale indépendance.

L'arbre de la société médiévaleL'arbre de la société médiévale
Évêques et abbés, à la recherche d'une protection, entrent aussi en vassalité et n'échappent pas à l'intégration dans l'univers féodal. Ne pouvant, du fait de leur vocation religieuse, remplir les obligations militaires, ils ont, depuis les temps carolingiens, confié la gestion des églises et des abbayes à des avoués laïques. Ceux-ci se sont peu à peu approprié les domaines ecclésiastiques, ainsi menacés de dissolution par les partages successoraux.
En France, le transfert de l'autorité publique entre les mains des châtelains se poursuit, sans qu'il soit possible d'affirmer que cette anarchie féodale ait été le tombeau du pouvoir ou, au contraire, son plus efficace refuge.
La multiplication des fidélités vassaliques, devenues concurrentes, jette les nobles dans d'interminables conflits qui accroissent l'insécurité de populations, déjà terrorisées par les catastrophes annoncées à l'approche de l'an 1000. Contrainte subie ou protection illusoire, la dépendance des hommes se généralise à tous les échelons d'une société que l’évêque Adalbéron de Laon, en 1015, divise entre ceux qui prient (oratores), ceux qui combattent (bellatores) et ceux qui travaillent (laboratores) – c'est-à-dire entre le clergé, la noblesse et le tiers état.
Pour en savoir plus, voir l'article féodalité.
L’émergence des États
Le monde occidental en l'an mille
Le monde occidental en l'an mille
Le monde occidental en l'an milleLe monde occidental, XIIe-XIIIe siècles
Entre le xie et le xiiie siècle, la notion d'État n'est encore qu'en gestation, mais l'idée que le roi doit gouverner pour le bien commun s'affirme de plus en plus. La notion de pouvoir public progresse au cours du xiiie siècle ; ainsi s'explique le rôle croissant des assemblées de contrôle (états, parlements, Cortes), qui, selon les pays, équilibrent un pouvoir monarchique consolidé par le principe dynastique, légitimé par le sacre et appuyé sur l'Église.
Guillaume le Conquérant naviguant vers l'AngleterreGuillaume le Conquérant naviguant vers l'Angleterre
En Angleterre, l'équilibre des pouvoirs s'instaure au milieu de violents conflits. La victoire de Guillaume le Conquérant à Hastings en 1066 ouvre l'île saxonne à la colonisation et à la féodalité normandes.
Hugues CapetHugues Capet
En France, les succès de la monarchie capétienne se confirment tardivement. Hugues Capet, encore aux prises avec les féodaux, n'a pour lui que l'aura de son sacre. Ses successeurs, de Robert le Pieux à Philippe Ier, ont pour seul souci d'assurer la dynastie des Capétiens.
Il faut attendre Philippe II Auguste et ses victoires sur l'Angleterre et le Saint Empire (→ bataille de Bouvines en 1214) pour voir s'affirmer l'indépendance du royaume de France.
Saint Louis chevauchant avec ses chapelainsSaint Louis chevauchant avec ses chapelains
Le rayonnement et la piété personnels de Louis IX (Saint Louis, après sa canonisation au xiiie siècle) portent le prestige royal à son comble. Le roi s'attache à moraliser les mœurs féodales.
La Hongrie, christianisée au xie s.siècle, parvient à maintenir son indépendance. Malgré la Bulle d'or, concédée par le roi André II en 1222, qui renforce le pouvoir des magnats, la tradition monarchique conserve toute sa vigueur.
La Reconquête, XIIIe siècleLa Reconquête, XIIIe siècle
En Espagne, les petits royaumes chrétiens du Nord – Asturies, Castille, Aragon et Navarre – poursuivent depuis le viiie siècle la lutte contre les musulmans, maîtres du califat de Cordoue et du royaume de Grenade. La Reconquista, croisade des chrétiens de la péninsule Ibérique, marque des progrès décisifs au début du xiiie siècle, malgré la résistance de Grenade. L'Espagne chrétienne, divisée en royaumes, ne parvient pas à réaliser son unité. Cependant, des rois comme Ferdinand III en Castille (1217-1252) et Jacques Ier en Aragon (1213-1276) structurent fermement les institutions monarchiques et publiques, que contrebalancent les Cortes.
En Italie, l'explosion urbaine et les forces économiques modèlent réellement les frontières politiques, surtout dans le nord du pays. Quelques villes dominent : Gênes, enrichie par son monopole commercial en mer Noire depuis 1261 ; Milan ; Florence ; et surtout Venise, grande bénéficiaire de la quatrième croisade (1202-1204), véritable « thalassocratie » dans laquelle le doge contrôle l'aristocratie marchande, dont seules quelques familles constituent le Grand Conseil. Dans de nombreuses communes italiennes, les podestats, d'abord nommés par les empereurs germaniques puis élus au xiiie siècle, jouent le rôle d'arbitres et détiennent la réalité de l'autorité publique. L'exemple des villes italiennes montre, plus que tout autre, l'influence des forces économiques sur la structuration politique des États.
Pour en savoir plus, voir l'article histoire des communes.
3.2. Les mutations sociales

Introduction
Alors que les variations de fortune au sein de chaque groupe introduisent une stratification nouvelle entre riches et pauvres, l’ancienne division tripartite de la société perdure, et nul ne peut y échapper : on reste orator (membre du clergé), bellator (membre de la noblesse) ou laborator (membre du tiers état), et tous ne profitent pas de manière égale des périodes d'expansion économique.
Le monde paysan
Les progrès de l'agriculture contribuent à l'amélioration du sort des populations, sur les plans juridique et économique. Au xiiie siècle, le servage, encore symbolisé par le paiement en argent du chevage, du formariage et de la mainmorte, est devenu résiduel. La liberté s'obtient soit par rachat individuel, soit au moyen de formalités collectives, soit encore à l'occasion des concessions de chartes de défrichement.
La préférence des tenanciers (détenteurs de tenures) va aux terres à cens, dont le loyer (payé en argent et fixé une fois pour toutes) se dévalue régulièrement, alors qu'augmentent le prix de la terre et celui des céréales. Pour leur part, les détenteurs des tenures à champart (ou terrage, ou agrière), astreints à verser un pourcentage de la récolte (du huitième au quart), s'enrichissent nettement moins vite.
De nombreux paysans, engagés dans la modernisation de leur exploitation, s'endettent. Le phénomène est notable à la fin du xiie siècle, les terres étant grevées de rentes. Les prêteurs sont juifs, lombards, paysans riches ou bourgeois ; les seigneurs eux-mêmes n'hésitent pas à jouer le rôle de banquiers. Aussi ne bénéficient de l'expansion que l'alleutier et le fermier à cens, libres de corvée et de rente : ces paysans aisés ne représentent guère que 2 % environ de la masse rurale. Beaucoup n'ont que de petites tenures (moins de 2 ha) ; d'autres, brassiers ou manœuvriers, n'en possèdent aucune et sont employés comme journaliers.
Le temps des seigneurs
Château fort de CoucyChâteau fort de Coucy
L'univers féodal se transforme également. Si les biens ecclésiastiques profitent des dons pour s'accroître, de nombreux domaines laïques souffrent des partages successoraux et se parcellisent, notamment en Île-de-France, où des « seigneuries croupions » résultent de l'absence du droit d'aînesse.
Accaparés par leurs activités, les seigneurs préfèrent confier la gestion de leur domaine à des régisseurs professionnels, choisis parmi les ministériaux. Pour beaucoup, les revenus ont diminué : les terres accensées (c'est-à-dire prises à cens) ne rapportent plus guère, et le seigneur s'attache désormais à développer les revenus céréaliers de son propre domaine (appelé la réserve), à renforcer les droits de mutation et à multiplier les amendes. Mais cela ne suffit pas toujours à préserver l'équilibre des fortunes.
Pour en savoir plus, voir l'article seigneurie
En outre, la chevalerie, en fusionnant avec la noblesse de lignage à la fin du xiie siècle, a apporté à celle-ci son prestige militaire. Les mouvements de paix, le développement de l'armée de métier, l'affermissement du pouvoir public ternissent, dès le xiiie siècle, la réputation de l'aristocratie combattante.

Adoubement d'un chevalierAdoubement d'un chevalier
Vivre noblement coûte cher. Aussi, bien des manifestations symboliques de la condition chevaleresque sont-elles réduites ou transformées : seul le fils aîné est adoubé, et seule la fille aînée est mariée. Les seigneurs n'en continuent pas moins à s'adonner aux tournois, et ils écoutent encore les récits des jongleurs et des troubadours chantant l'amour courtois dans la grande salle du vieux château fort, dont le rôle militaire s'efface progressivement devant la puissance économique et judiciaire du seigneur.
Ainsi, à l'appauvrissement économique s'ajoute la détérioration de l'image sociale d'une noblesse. Démunies, nombre de familles seigneuriales, incapables de continuer à vivre noblement, tombent dans la déchéance. Afin de régénérer une noblesse qu'en outre il veut plus soumise, le roi (en France notamment) n'hésite pas, dès la fin du xiiie siècle, à anoblir de riches bourgeois pour lesquels la réussite sociale tient lieu d'honneur.
Pour en savoir plus, voir les articles littérature et amour courtois, noblesse.
La place de l'Église
Chevaliers en croisadeChevaliers en croisade
D'un monde en mutation surgissent des forces nouvelles, dont la foi est l'une des plus dynamiques. La tâche de l'Église est donc d'envergure.
Aux plus belliqueux, elle prêche la paix de Dieu et la trêve de Dieu, tandis qu'elle détourne les énergies vers les croisades contre les infidèles d'Orient et d'Espagne, et contre les Slaves païens (xiie-xiiie siècle).
Fontenay, l'abbayeFontenay, l'abbaye
Aux plus pacifiques, une floraison de nouveaux ordres monastiques offre des havres de méditation ou de travail : ainsi en va-t-il des chartreux de Grandmont , de l'abbaye de Fontevraud et des 650 filiales de l'ordre de Cîteaux, fondé entre 1098 et 1112 par saint Robert de Molesme et saint Bernard de Clairvaux, le rénovateur de la règle bénédictine.
Aux plus politiques incombe la tâche de désengager l'Église du monde laïque. Le pape Grégoire VII (1073-1085) s'y emploie tout particulièrement. Il rappelle la suprématie du spirituel sur le temporel, condamne la simonie et l'investiture laïque des évêques, dans les vingt-sept propositions de son Dictatus papae, en 1075.
Le renouveau culturel que l'Église a stimulé dans les scriptoria des monastères et dans l'édification des premières églises romanes à partir de 1070 sont les manifestations tangibles d'une vive piété.
Pour en savoir plus, voir l'article monachisme.
Les exclus
Les mutations sociales n'ont guère facilité l'intégration des non-chrétiens, ni amélioré la condition des exclus. Victimes du regain de piété chrétienne lié aux croisades, les Juifs sont stigmatisés par le concile du Latran de 1215. Ils sont repoussés dans des ghettos lorsqu'ils ne sont pas expulsés, à plusieurs reprises, de France et d'Angleterre notamment. Leurs biens sont saisis et leurs créances annulées. Fous et lépreux ne vivent que de la générosité, tout comme les mendiants qui, depuis la fin du xiie siècle, se rassemblent dans les maisons-Dieu. Les multiples errants, tels les pastoureaux au xiiie siècle, sont suspectés d'hérésie. Rejetés de tout groupe social, brigands et charbonniers écument les campagnes et enflamment les « effrois » (révoltes paysannes).
3.3. La civilisation rurale

Introduction
Très Riches Heures du duc de BerryTrès Riches Heures du duc de Berry
La production agricole semble suffire aux ixe et xe siècles, sans qu'il soit nécessaire d'accroître la surface exploitée. L'équilibre entre les terres cultivées (ager) et les zones de pacage et de forêt (saltus), dont les ressources sont indispensables à la vie quotidienne, est préservé. Ce système procure même un surplus en céréales, en vin ou en produits artisanaux, qui contribue à sortir le domaine de son apparente autarcie. L'économie monétaire pénètre les campagnes.
Soumise à de violents chocs démographiques (pestes et famines récurrentes) aux ve et viie siècle, la population occidentale s'accroît de façon notable durant les deux siècles suivants. Ce phénomène est caractérisé par un rééquilibrage de l'occupation des territoires de l'Europe du Nord. Mais l'espérance de vie moyenne ne dépasse guère 30 ans, et près de 45 % des enfants n'atteignent pas l'âge de 5 ans. La quasi-totalité de la population, groupée en hameaux isolés les uns des autres par de vastes étendues incultes, vit essentiellement des richesses issues de la terre.
Au xie siècle, on peut dénombrer en France 6,2 millions d’habitants ; un état des feux (foyers fiscaux) dressé en 1328 permet d'estimer la population du début du xive s.siècle entre 12 et 16 millions. Dans le même temps, l'Italie gagne près de 5 millions d'âmes (passant de 5 à 10 millions). En Angleterre, le Domesday Book de 1085 fait état d’une population de 1,3 million de personnes, qui passe à 3,7 millions à la fin du xiiie siècle. En outre, l'âge moyen serait passé de 22 à 35 ans entre 1100 et 1275, le nombre moyen d'enfants par couple augmentant de 4 à 5.
Certes, la surmortalité – enfants en bas âge et femmes en couches notamment –, la croissance plus dynamique en Europe du Nord qu'en Europe du Sud prouvent que bien des déséquilibres démographiques demeurent. Mais, dans l'ensemble, la croissance est indubitable, à la fois cause et conséquence de l'expansion économique.
Les grands défrichements
En Germanie, la poussée vers l'est (Drang nach Osten) est un triple mouvement de christianisation, de colonisation et d'urbanisation. Il est largement impulsé par l'Église chrétienne, les féodaux et l’ordre Teutonique. Du Brandebourg à la Poméranie, la progression est remarquable entre 1130 et 1180. Quittant des domaines que trop de partages ont rendus exigus, attirés par la promesse de terres gratuites, Allemands, mais également Flamands et Hollandais s'en vont fonder, entre autres, Lübeck, Berlin, Francfort-sur-l'Oder, villes qu'ils dotent des droits urbains germaniques.
L'expansion est également œuvre de proximité, dans le cadre de la seigneurie rurale. Depuis l'an 1000, en effet, l'Occident défriche fébrilement. Forêts et marais reculent partout entre le xie et le xiiie siècle, tandis que les polders gagnent sur la mer du Nord. Commencés discrètement par l'élargissement des terroirs anciens, les défrichements favorisent dans un premier temps la multiplication des alleux paysans. Mais les seigneurs, ne pouvant accepter que des hommes et de nouvelles terres échappent à leur contrôle et à leurs impositions, reprennent l'initiative du mouvement ; leur aide matérielle et technique est, en outre, indispensable lorsque la conquête du milieu se révèle difficile.
Par ailleurs, les seigneurs cherchent à attirer les paysans en leur promettant des terres, la liberté et autres franchises. À cette fin, ils accordent des chartes de fondation d'agglomérations nouvelles qui établissent les droits et les obligations de chacun. Ainsi naissent de nombreuses villes dont le nom a gardé la trace de cette époque : Villeneuve, Villefranche et autres bastides.
Après avoir atteint sa phase culminante au xiie siècle, en Île-de-France par exemple, le mouvement de défrichements s'essouffle progressivement. Seules le prolongent quelques initiatives individuelles. Le besoin de terres nouvelles n'est cependant pas totalement assouvi.
Pour en savoir plus, voir l'article grands défrîchements.
Les nouvelles techniques agricoles
Sans la vulgarisation des techniques nouvelles qui les accompagnent, les défrichements n'auraient pu suffire à dynamiser l'économie rurale.
Les outils en fer, servant à l'essartage (haches, faux, etc.), se perfectionnent grâce aux progrès de la métallurgie. Si, dans les sols secs des régions méditerranéennes, le paysan reste fidèle à l'araire, la charrue se répand dès le xie siècle sur les terres lourdes de l'Île-de-France et de l'Ouest. La traction de la charrue est améliorée par les progrès de l'attelage. Le joug frontal remplace progressivement le joug de garrot, qui étranglait l'animal et diminuait d'autant ses capacités.
L’amendement des sols s'ajoute à l'amélioration des techniques. À partir de 1200, les paysans multiplient les labours (jusqu'à quatre en Île-de-France) pour ameublir la terre. Mais les engrais manquent : on n'utilise la plupart du temps que du chaume ou des feuilles pourries. De fait, c'est la généralisation de la jachère qui assure à la terre le repos propice à une meilleure régénération. Sur la zone à cultiver, divisée en trois soles, alternent récoltes de printemps (orge, avoine), récoltes d'hiver (seigle, froment) et terre en jachère. Ainsi les paysans font-ils deux récoltes dans l'année.
Les conditions climatiques autorisent la viticulture jusqu'en France septentrionale, et même en Angleterre. Clercs, princes et bourgeois s'enorgueillissent de leurs vignes. La technique de culture, sinon de conservation, est déjà parfaitement maîtrisée.
3.4. La civilisation urbaine

La vitalité urbaine
Passé l'an 1000, on ne peut plus douter de la vitalité urbaine, encore stimulée par l'immigration rurale. Les villes neuves, nées des défrichements, complètent le réseau urbain hérité de l'Antiquité. Centre de production, la ville est aussi lieu de pouvoir, d'échanges et de culture.
Le peuplement, toutefois, reste inégal. À part quelques grands centres (comme Paris, Milan, Bruges et Londres), la majorité des villes reste de dimensions modestes : seules soixante villes européennes auraient, à la fin du xiiie siècle, dépassé les 10 000 habitants.
L'émancipation des villes
Dès la fin du xie siècle, les bourgeois tolèrent de plus en plus difficilement les pressions judiciaires et fiscales qu'exercent sur eux les seigneurs, tant laïques qu'ecclésiastiques. S'associant en communes, souvent encouragées par le pouvoir royal, n'hésitant pas à recourir à la violence, les notables bourgeois obtiennent des chartes de franchises qui reconnaissent l'autonomie du pouvoir municipal, celui des échevins dans le Nord ou celui des consuls dans le Sud. En France comme en Italie, toutefois, leur pouvoir demeure plus largement contrôlé par les comtes ou même les podestats, parfois librement choisis comme à Gênes, à Milan ou à Pise au xiiie siècle. De même, dans le Saint Empire romain germanique, les villes, à l'exception de celles de la Baltique, restent liées par serment à l'empereur, auquel elles doivent le service de guerre et l'impôt de gîte.
Foires et marchés
L'impulsion agricole se communique à l'activité artisanale. Au sein des domaines ruraux, les paysans se sont très tôt livrés à un artisanat de nécessité. Pour répondre aux besoins quotidiens, ils achètent parfois la matière première aux marchands de passage. Mais, à partir du xiie siècle, en France et en Flandre notamment, la ville devient le foyer privilégié de l'artisanat, car c'est là qu'arrivent les produits du grand commerce, indispensables à l'activité des métiers (laine, cuir, peaux, métaux) ; c’est là aussi que se regroupe la main-d'œuvre et que se perfectionnent les techniques. Ainsi le monde des artisans, lié à celui des marchands, s'impose-t-il peu à peu comme un élément constitutif du tissu urbain.

Teinturiers dans un atelierTeinturiers dans un atelier
Pendant une ou plusieurs semaines, sous la protection d'un représentant du pouvoir seigneurial, les marchands traitent leurs affaires, commerciales aussi bien que financières. Certaines foires sont spécialisées, comme celles de la laine en Angleterre ou celles des draps en Flandre. Toutes sont surveillées par les gardes des foires, dont la juridiction s'étend à tout l'Occident au xiiie siècle. Les plus célèbres sont les foires de Champagne (Troyes, Provins, Lagny, Bar-sur-Aube), qui ont la particularité d'offrir un marché quasi permanent, de draps et d'épices en particulier, entre la Flandre et l'Italie. Mises en place vers 1150, ces foires sont protégées successivement par le comte de Champagne, puis par le roi de France lui-même, à partir de 1209. Italiens et Flamands ne les fréquentent assidûment que dans le dernier quart du xiie siècle. Leur déclin, vers 1250, semble lié à plusieurs facteurs, parmi lesquels le développement du marché parisien et celui de l'industrie textile italienne.
Les métiers
Rue marchande au Moyen ÂgeRue marchande au Moyen Âge
L'organisation des métiers, souvent regroupés par quartiers, derrière leur bannière, n'est d'abord au xiie siècle que conviviale et charitable, à l'image de confréries. Les réglementations protectrices et le refus de la concurrence incitent à une organisation minutieuse de la production qui, en principe, prohibe toute innovation spontanée. Ainsi, la qualité est fixée et dûment contrôlée. L'organisation du travail exclut la surproduction d'un atelier aux dépens des autres, et les prix n'échappent pas à la surveillance des maîtres.
Dans chaque ville se retrouvent tous les métiers. Qu'ils soient liés à la consommation (telles la boucherie et la boulangerie) ou qu'ils dépendent du grand commerce (tels le tissage, le foulage et la teinturerie), tous sont strictement contrôlés par le pouvoir communal, car la « loyauté » de la production et la régularité de l'approvisionnement garantissent la paix sociale.
L'enseignement
Saint Louis et Robert de SorbonSaint Louis et Robert de Sorbon
Sans être, comme la légende l'a laissé croire, le créateur de l'école, Charlemagne a établi un véritable programme élémentaire d'alphabétisation chrétienne. Puis, sous l'autorité des évêques, à partir de 1079 s'ouvrent les écoles-cathédrales. L'enseignement s'y donne en latin, et les élèves ont le statut de clercs.
Les universités sont issues des centres scolaires les plus importants, dès la fin du xiie siècle. Soutenues par le pape, elles n'obtiennent souvent leurs privilèges (droit de grève, sceau, liberté de recrutement) qu'à l'issue de conflits avec les autorités communales ou royales. Placée sous l'autorité du recteur et de ses doyens, l'université est souvent divisée en facultés qui lui donnent une identité particulière. Ainsi, Montpellier est plus orientée vers le droit et la médecine, Paris vers la théologie.
Les étudiants, regroupés en nations, sont souvent pauvres. C'est à leur intention que sont ouverts les collèges, comme celui de Robert de Sorbon, fondé à Paris en 1257. À la fin du xiiie siècle, à Paris, vivent 5 000 étudiants pour une population estimée à 200 000 habitants.
Le modèle antique de la culture littéraire a fortement imprégné l'enseignement, fondé sur les sept arts libéraux. Le trivium (grammaire, rhétorique et dialectique) l'emporte généralement sur le quadrivium, qui regroupe les disciplines scientifiques (arithmétique, géométrie, astronomie et musique).
Les écoles laïques, où l'enseignement est dispensé en langue vulgaire (le français dans le royaume de France), forment notaires et marchands.
3.5. Développement du commerce

Introduction
L'urbanisation est très liée à la dynamique des échanges commerciaux. En fait, ceux-ci n'ont jamais été réellement interrompus. Mais il est certain qu’aux xiie et xiiie siècles, tout concourt à la relance de l'activité commerciale : sécurité accrue, protections accordées par les seigneurs, amélioration des transports, augmentation des surplus et demande plus diversifiée.
La monnaie et la circulation de l'argent
FrancFranc
Indice de vitalité économique, la monnaie pénètre toutes les activités économiques, qu'elles soient urbaines ou rurales. La quasi-disparition de la monnaie d'or, de trop forte valeur, et la frappe du denier d'argent, dès 670, avaient déjà stimulé l'augmentation du volume des échanges et ouvert l'économie monétaire à un plus grand nombre.
L'augmentation du stock métallique, due essentiellement aux mines du Harz, de la Saxe et de la Bohême, permet d'alimenter les ateliers monétaires. Nombre de seigneurs et de villes disposent du droit de battre monnaie. Si les ateliers monétaires sont encore environ 300 en France au xiie siècle, ils ne sont plus que 100 en 1270, puis 30 en 1315. Cette centralisation progressive s'accompagne d'une unification sous l'égide royale. Louis IX (Saint Louis) impose en 1262, dans tous ses États, le cours légal de la monnaie royale : le tournaisis, hérité du vieux système carolingien du denier. Le sou et la livre restent des monnaies de compte (1 livre vaut 20 sous, soit 240 deniers). Sur le même modèle, Henri II Plantagenêt crée, en Angleterre, la livre sterling, équivalant à 20 shillings ou à 240 pences. Dans l'ensemble, l'Occident reste fidèle à la monnaie d'argent. L'abondance de la monnaie favorise l'accélération de sa circulation et la vitalité du commerce.
Les techniques commerciales
Souvent venues d'Italie, les techniques commerciales se répandent et se complexifient. Dans le domaine du prêt, surtout privé, les Juifs (jusqu'à leur expulsion de France en 1306), les Lombards et les cahorsins prêtent sur gages.
La banque naît des pratiques de change. En effet, la multiplicité des monnaies a nécessité la mise en place de changeurs, qui fixent le cours des espèces en fonction du poids de métal pur qu'elles contiennent. Au cours du xiie s.siècle à Gênes, ces changeurs étendent leurs activités à la gestion des dépôts et des virements ; ceux-ci sont effectués par des contrats de change à partir de 1300. Si la simple lettre de change ne se répand qu'au xive siècle, le rechange est déjà pratiqué dès la fin du xiie siècle. Par ces procédés, banquiers et marchands pratiquent une triple opération : un paiement, un change et un crédit (puisque le règlement se fait à terme).
Longtemps itinérants, les marchands se sédentarisent, expédiant leurs commis sur les routes et les mers pour rester en ville gérer leurs affaires. Ils se regroupent de plus en plus souvent en associations, notamment en Italie. Dans la commende, née à Venise au xie siècle, un ou plusieurs négociants fournissent l'argent ou la marchandise, voire les deux, à un ou à plusieurs marchands voyageurs. Ces derniers, à leur retour, touchent une part des bénéfices convenue par avance.
Les échanges internationaux
DucatDucat
Si les Italiens innovent en matière commerciale, les marchands de l'Europe du Nord, de la Flandre à la Baltique, s'adaptent plus lentement aux nouvelles méthodes : les changeurs brugeois ne deviennent banquiers qu'au xive siècle.
Le grand commerce international s'organise d'abord à partir de deux pôles : d'une part, les Pays-Bas, avec leur draperie, en provenance de Flandre, du Hainaut puis du Brabant, que Flamands et Italiens exportent en Europe méridionale – Bruges, grand fournisseur de laine importée d'Angleterre est la place marchande la plus importante de l'univers nordique ; d'autre part, les villes italiennes, qui ont puisé leur fortune dans le commerce avec l'Orient en assurant, entre autres, le trafic des épices.
Au xiiie siècle, deux pôles nouveaux exercent leur attraction : la Hanse teutonique et la région rhénane. Cette dernière reprend, à partir de la Flandre et des villes de la Hanse, la dynamique nord-sud vers l'Allemagne méridionale et l'Italie.
4. Le bas Moyen Âge (xive-xve siècle)

4.1. Le temps des calamités

Introduction
Aux deux siècles d'expansion que sont les xiie et xiiie siècles succèdent deux siècles de crise profonde. Au milieu du xve siècle, les mutations, dans tous les domaines, sont d'une telle ampleur que, pour les historiens, c'en est fini du Moyen Âge. Les causes de la dépression sont multiples, et aucune d'elles ne peut seule l'expliquer. Famines, pestes et guerres se sont conjuguées pour faire de ce qu'on appelle le « bas Moyen Âge », le « Moyen Âge tardif », le « temps de l'homme rare » : l'Occident est alors moins peuplé qu'au début du xiiie siècle.
Les famines
La crise des xive-xve siècles est d'abord frumentaire : dès 1309 en Allemagne, les récoltes ne suffisent plus à alimenter les hommes, et en 1315-1316 toute l'Europe occidentale est affamée. Les années de mauvaises récoltes provoquent une hausse du prix des produits céréaliers. Les années d’excellentes récoltes ne règlent pas la crise car, si le prix des céréales chute, celui des autres produits (agricoles et artisanaux) continue d'augmenter durablement.
Attesté par le recul des feuillus en Allemagne, par celui de la vigne en Angleterre, et par la disparition des céréales en Islande, le refroidissement climatique explique en partie les mauvaises récoltes. Les fortes pluies de 1315 aggravent ce phénomène. Mais la catastrophe est amplifiée par la surpopulation qui touche les terroirs et les villes manufacturières, où affluent les immigrés ruraux.
L’épidémie de la Grande Peste
La peste à TournaiLa peste à Tournai
Dans les villes, insalubres, les populations sous-alimentées résistent mal aux épidémies de peste, qu'une médecine balbutiante se révèle incapable d'enrayer. De 1346 à 1353, suivant les grands axes commerciaux, la maladie se propage jusqu'en Île-de-France, où elle ravage Paris de juin 1348 à juin 1349. Présente en Europe centrale, elle gagne les Pays-Bas et l'Angleterre, puis l'Écosse et les pays scandinaves en 1350. Paris doit encore subir ses attaques récurrentes en 1361-1362, alors que la peste des enfants s'abat, particulièrement sévère, sur le Languedoc en 1363.
Pour en savoir plus, voir l'article Grande peste.
Certains préfèrent fuir ; d'autres se murent chez eux. Prince ou serf, riche ou pauvre, nul n'est épargné par le fléau. Arras, Florence, l'Angleterre tout entière perdent 50 % de leurs habitants, Zurich 60 %. On estime à 25 millions – soit le tiers de la population – les victimes de la Grande Peste en Europe occidentale.
Avec l’épidémie de peste, l'homme devient une ressource économique rare et cher. Les salaires augmentent, tant à la campagne, où les seigneurs cherchent la main-d'œuvre qui relancerait l'exploitation de leurs réserves, que dans les ateliers urbains.
Les guerres
La permanence des conflits aggrave le déficit humain. Enlisée dans la guerre de Cent Ans (1337-1453), à laquelle s'ajoute de 1407 à 1413 le conflit entre Armagnacs et Bourguignons, la France, théâtre des opérations, est sans doute le pays le plus touché en Occident.

Bataille de FormignyBataille de Formigny
Il n’en demeure pas moins que dans toute l'Europe, ou presque, on s'affronte. L'Italie frémit sous le choc des impérialismes commerciaux nés avec les empires coloniaux. Ainsi, Pise lutte vainement contre Florence (1399-1406), et Milan contre Venise (1426-1429) ; Angevins et Aragonais se disputent la Sicile et le sud de la péninsule italienne (1435-1443). Dans la péninsule Ibérique, la fratricide querelle entre Pierre II et Henri de Trastamare ensanglante la Castille (1350-1369). L'Angleterre, ébranlée par la résistance écossaise (1295-1328) et déjà mobilisée contre la France, doit également faire face à la guerre des Deux-Roses (1455-1485), qui oppose les maisons d'York et de Lancastre. L'Europe du Nord n'est pas épargnée : en 1360, la Hanse sort victorieuse d'un premier conflit avec le Danemark, mais Teutoniques et Polonais s'affrontent durant un demi-siècle, de 1411 à 1466.
Les conflits mobilisent davantage d'hommes qu'auparavant. Sur terre, où des volontaires contractuels viennent grossir les rangs des armées, mais aussi sur mer, où sévissent pirates et gardes-côtes mercenaires. De la puissante artillerie française aux long bows anglais, les armes se perfectionnent et se multiplient.
Les périodes de trêve n'apportent aucun soulagement aux campagnes, qui sont pillées et dévastées en permanence par des troupes privées de tout autre ravitaillement. La tactique de la terre brûlée, adoptée par Bertrand Du Guesclin pour repousser ces bandes désœuvrées vers l'Espagne en 1367, est tout aussi redoutable pour les populations locales que les grandes chevauchées anglaises du Prince Noir en Languedoc (1355). « Écorcheurs » et « routiers » sévissent jusqu'à l'application de l'ordonnance sur les abus des gens de guerre, en 1439. Les paysans quittent des campagnes exsangues, abandonnant leurs tenures, et cherchent refuge à la ville, où le poids de la guerre se fait également sentir.
L’augmentation des taxes
Pour financer les guerres et payer les mercenaires, les états (assemblées représentant les trois ordres de la société : clergé, noblesse et tiers état) en France, de même que le Parlement en Angleterre autorisent, non sans difficultés, l'alourdissement de la fiscalité royale.
La pénurie de numéraire est un phénomène classique en période de troubles. Aussi les souverains français procèdent-ils à de fréquents réajustements monétaires, dont les conséquences sont avantageuses pour les débiteurs, mais catastrophiques pour ceux qui perçoivent des revenus fixes. Les incertitudes monétaires pèsent sur le grand négoce, que ralentissent en outre l'insécurité grandissante des mers et le mauvais état des routes livrées aux pillards. La production et la consommation sont en recul dans une société perturbée, où les pouvoirs (publics comme seigneuriaux) sont plus que jamais contestés.
4.2. Les crises politiques et sociales

La remise en cause des pouvoirs
La guerre de Cent Ans a dévalorisé le pouvoir royal au profit des aristocraties française et anglaise. Le triomphe monarchique n'est pas encore confirmé, et bien des insuffisances et des contestations fragilisent l'institution. En France, les états généraux entendent jouer leur rôle. Ils sont réunis dix-sept fois au cours du xive siècle, pour le vote de subsides, le règlement des successions ou l'approbation des traités. Mais, malgré le contrôle qu'ils prétendent exercer sur les finances publiques, ils ne menacent guère le pouvoir du roi, pas plus que ne le font les assemblées locales, que le souverain sait finalement utiliser à son avantage.
La petite noblesse s'agite périodiquement, voire constitue de véritables ligues. Elle contraint Louis X à concéder quelques chartes, dans lesquelles est définie la part d'autonomie des provinces. Les princes organisent leur domaine à l'image du royaume, créent des principautés toujours prêtes à défier l'autorité souveraine, en Bourgogne notamment. Les grands du royaume cherchent plus, au moins en France, à contrôler l'autorité du souverain qu'à la détruire.
Lorsque de jeunes souverains accèdent au trône avant d'être majeurs, le pouvoir est livré aux coteries princières. Ainsi, la minorité de Charles VI (1380-1388) laisse le champ libre aux intérêts divergents de ses oncles, en particulier de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. En Angleterre, ces questions se règlent par de sanglantes révolutions de palais : Édouard III fait arrêter et exécuter Mortimer, jadis régent de son royaume, et Thomas de Gloucester paie de sa vie, en 1397, sa révolte contre son ancien pupille Richard II.
Dans certaines circonstances, la transmission du pouvoir donne lieu à d'inextinguibles conflits. En France, la succession de Louis X (1314-1316) et celle de Philippe V (1316-1322) inaugurent un nouveau principe dynastique qui écarte délibérément les femmes et leurs fils du pouvoir (décision des états généraux de 1317 et 1328). Au mépris de toute tradition, la succession en ligne collatérale est autorisée, afin de rendre impossible l'installation d'un Anglais sur le trône de France.
L'enchevêtrement des liens familiaux et des obédiences vassaliques a depuis longtemps brouillé les points de repère politiques et sociaux. Il nourrit des conflits d'autorité dont l'arbitrage incombe à la force plus qu'au droit. Ainsi, par le jeu des alliances, les rois d'Angleterre Édouard II et Édouard III, petits-fils par leur mère des rois de France, peuvent se croire quelque droit à la couronne de France, tout comme Henri VI, petit-fils de Charles VI. Le roi d'Angleterre, égal en puissance au roi de France, mais néanmoins son vassal pour les terres qu’il possède dans le royaume de France, pouvait-il accepter de s'abaisser à lui prêter hommage ? Pouvait-il tolérer la « saisie du fief » de Guyenne opérée par son suzerain en 1337 ? Instrument du pouvoir, la vassalité devient alors inévitablement source de guerre féodale, prémisse à un affrontement national.
Les mouvements de révolte
Partout en Europe, campagnes et villes sont gagnées par des flambées de violence. Expression d'une rageuse lassitude, ces mouvements sont dépourvus de programme social et politique, bien qu'ils soient, de fait, antifiscaux et antiseigneuriaux.

JacquerieJacquerie
Dans les campagnes, les défaites militaires, l'incurie des seigneurs absents, les pillages et les destructions, l'accroissement de la fiscalité royale et seigneuriale provoquent de brusques protestations. Les meilleurs terroirs agricoles sont touchés (Beauvaisis, Île-de-France, bassin de Londres). Ces révoltes paysannes prennent généralement l'aspect d'« effrois » spontanés, violents, et cruellement réprimés. À ce type de révolte correspond, sans doute, celle de la Flandre maritime menée par Zannequin (1323-1327) ; partiellement aidée par les tisserands, elle est écrasée par Philippe VI de Valois. En 1358, en France, la Jacquerie paysanne comme la révolte parisienne, menée par Étienne Marcel, sont essentiellement antinobiliaires. La « révolte des travailleurs » en Angleterre (1381) est l'expression des masses rurales criant leur misère autant que leur refus de la poll tax imposée par le gouvernement en 1380. Les révoltés, dirigés par Wat Tyler, parviennent à entrer dans Londres à l'été 1381, jusqu’à ce que l'assassinat de Tyler donne le signal de la répression. Les aristocraties scandinaves font face à de semblables révoltes, tant en Suède (1434) qu'en Norvège (1438) et qu'au Danemark (1441). Les fureurs paysannes agitent aussi l'Aragon à partir de 1409 et la Catalogne en 1462.
La dégradation des rapports maîtres-ouvriers est à l'origine de révoltes appelées « émotions ». Elles ne sont pas nouvelles : les xiie et xiiie siècles en ont déjà connu de nombreuses, de la révolte des tisserands de Troyes (1175) aux émeutes de Pontoise (1267) et de Provins (1279), avant celles de Douai et d'Ypres (1294-1305). Les maîtres veulent assurer leur monopole et leur suprématie sur les apprentis comme sur les valets et les compagnons plus spécialisés. Ils soumettent l'accès à la maîtrise à des conditions plus astreignantes, qui bloquent les métiers.
Le paroxysme du mouvement de protestation se situe à la fin du xive siècle ; il prend l'aspect de grèves, parfois accompagnées de bris de machines comme à Rouen en 1381-1382. Le tumulte des Ciompi (→  révolte des Ciompi) à Florence en 1378 est l'expression d'un malaise autant politique que social, tout comme le mouvement parisien des maillotins, qui met ouvertement en cause le parti du roi et de ses régents (1382). Il faut l'armée royale pour écraser à Rozebeke (→  bataille de Rozebeke), en 1382, les tisserands flamands pro-anglais révoltés contre la France. Dans l'ensemble, les ouvriers n'ont guère tiré profit de ces révoltes. Mais bien plus encore que chez les paysans, elles ont favorisé une solidarité dont les conséquences vont s'inscrire dans un lointain avenir, face aux négociants et aux maîtres de métiers qui conservent le pouvoir économique et politique des villes.
Le malaise moral
La Grande peste a tant tué, que la population ayant survécu cherche à profiter de ce sursis. Au milieu d'un foisonnement de couleurs, la mode se pare de toutes les audaces. Pour les plus riches, l'habillement, avec ses soieries et ses fourrures, devient de plus en plus luxueux. Tentant d'agir contre ces extravagances, les nombreuses lois somptuaires n'ont guère d'effets. Tableaux vivants et bals masqués animent, parfois tragiquement, les cours princières (en 1393, sous Charles VI, le bal des Ardents coûte la vie à cinq jeunes seigneurs, brûlés vifs par des torches). La courtoisie renaît néanmoins dans les poèmes de Charles d'Orléans en France, ou dans les écrits de Geoffrey Chaucer en Angleterre. On hésite entre la fureur des plaisirs et la chasse aux boucs émissaires. Deux mille Juifs sont ainsi massacrés à Strasbourg en 1349.
Pour sa part déchirée par le grand schisme d’Occident (1378-1417), la papauté n'offre plus de modèle, ni moral ni religieux. La chrétienté tout entière est divisée entre le pape de Rome, celui d'Avignon, et un troisième issu du concile de Pise en 1409. L'unité ne doit être retrouvée qu'avec l'élection de Martin V en 1417.
Les désordres créés par le grand schisme ne sont pas étrangers à la propagation des hérésies. Les prêtres sont rares, des églises sont détruites, des couvents désertés. Voyant dans ces catastrophes un châtiment divin, les flagellants allemands et flamands appellent au repentir, ainsi qu'à la révision des dogmes et des pratiques. Les nouveaux prédicateurs populaires savent exploiter le sens profond des mécontentements. Ils en structurent les idées, établissent un lien entre la contestation sociale et la remise en cause de l'Église et du clergé. Ainsi, John Ball appuie ouvertement les travailleurs anglais, déjà influencés par les discours de John Wycliffe.
Plus à l'est, les hussites de Bohême et les taborites de Bavière critiquent tout autant le servage et la fiscalité qu'une papauté oublieuse de sa vocation. C'est le mouvement des lollards en Angleterre, intellectuel avant de devenir populaire, qui réalise le mieux cette synthèse contestataire. Mais l'hérésie, dont toutes ces révoltes sont empreintes, facilite leur marginalisation et justifie leur écrasement.
5. Vers l'Europe moderne

5.1. Le triomphe des hommes d'argent

Julien de MédicisJulien de Médicis
Un renouveau, perceptible à travers les premiers signes d'une relance démographique et économique, est sensible dans toute l'Europe à partir de 1450. L'Europe de la fin du Moyen Âge devient surtout celle des « hommes d'affaires ». Les Médicis à Florence, les Fugger et les Welser à Augsbourg sont à la tête d'un réseau d'affaires international et discutent à égalité avec les grands princes, dont ils sont les banquiers et les prêteurs.
5.2. Le nouveau paysage politique

5. Vers l'Europe moderne<

 
 
 
 

HISTOIRE DE LA PRODUCTION DU FEU

 

La longue histoire de la production du feu


Un document réalisé à l'occasion de l'exposition
"A la conquête du feu" au Musée de Terra Amata


Production de feu à la préhistoire


La longue histoire de la production du feu
Par Bertrand ROUSSEL
Docteur en Préhistoire - Musée de Paléontologie Humaine de Terra Amata


Sur Hominides.com
Feu- Maitrise et domestication

Exposition
A la conquète du feu

Préhistoire
vision globale

Outils de la Préhistoire


Homo erectus, le premier hominidé à avoir maitrisé le feu

La longue histoire de la production du feu


Introduction
La friction du bois
La percussion de la pierre
Le briquet à silex et la percussion de l'acier
Le bambou l'air et la lumière
Les techniques modernes de production du feu


Quand l’homme a-t-il maîtrisé le feu ? Pour l’heure, la seule preuve acceptable de la domestication du feu est la découverte de véritables foyers aménagés. Alors que les premiers outils en pierre remontent à 2,5 millions d’années, les plus anciennes structures de combustion datent d’environ 450 000 ans. La grotte de Menez-Dregan, dans le Finistère, a livré plusieurs foyers dont le plus ancien remonterait à cette époque. Dans le gisement de Terra Amata (Alpes-Maritimes), plusieurs foyers (datés de 380 000 ans) étaient aménagés dans de petites fosses ou sur des dallages de galets.
A partir de 350 000 ans, les traces de domestication du feu sont de plus en plus probantes et nombreuses. Par la suite, la fréquence des foyers augmente encore nettement, à tel point que, dans les habitats bien conservés, c’est leur absence qui paraît étonnante…    H. de Lumley / Musée de Terra Amata / Ville de Nice
    
Foyer de Terra Amata . H. de Lumley / Musée de Terra Amata / Ville de Nice
La friction du bois

Production du feu par frictionLe principe général de toutes les techniques de production du feu par friction du bois est très simple. Le frottement de deux pièces de bois entraîne la formation de sciure et un dégagement de chaleur. Si la friction est suffisamment intense, l'augmentation de la température permet l'embrasement de la sciure et une petite braise apparaît. Celle-ci est alors
placée dans des herbes bien sèches puis, grâce à l'air apporté en soufflant, une flamme surgit.
A partir de ce principe très simple, l'homme a développé de nombreuses modalités de friction. Parmi celles-ci, la friction par rotation est certainement la technique traditionnelle de production du feu la plus présente dans notre imaginaire collectif. Elle consiste à faire tourner un foret (ou drille) sur une planchette de bois. Le mode d'entraînement et la forme du foret peuvent varier. Dans tous les cas, il est nécessaire d'aménager une gouttière permettant l'évacuation de la sciure produite par le frottement. Grâce à elle, la zone de contact est alimentée par l'oxygène. Sinon, sans air pas de feu ! C'est dans cette gouttière que la sciure rencontrera la chaleur produite par la friction et pourra ainsi se transformer en braise.
Le foret tourne rapidement entre les mains de l'opérateur. Avec le foret à main, une braise peut être produite en une cinquantaine de secondes (cliché : B. Roussel).

La percussion de la pierre

La production du feu par percussion de deux pierres s'incarne dans un geste extrêmement simple : "taper" une pierre contre une autre. Il est donc très facile d’allumer le feu en percutant deux pierres à condition de bien les choisir. Pour Production du feu par percussionsusciter des étincelles efficaces, il est nécessaire d'employer un sulfure naturel de fer dont il existe deux formes : la pyrite et la marcassite. Ces deux minéraux percutés par une roche dure, comme le silex ou le quartzite, produisent de belles étincelles. Pour obtenir une braise, il suffit de les diriger sur une matière sèche et très combustible que l'on désigne par le terme "initiateur". Dès qu’il reçoit une étincelle, ce matériau s'embrase. Quelques herbes bien sèches et un peu d'air permettent alors de passer de cette petite braise à une véritable flamme.
Ce moyen d'allumer le feu était connu au moins dès le Paléolithique supérieur. On trouve des restes de sulfures de fer portant des traces de percussion dans différents gisements (couche aurignacienne de la grotte de Vogelheard en Allemagne, grotte magdalénienne du Trou du Chaleux en Belgique). Au Néolithique, les restes de sulfures de fer, plus nombreux, sont parfois associés à des pièces de silex présentant des traces de percussion qui ont pu être utilisées pour produire les étincelles.
La production du feu par percussion de la pierre semble encore connue durant l'Antiquité, comme le suggèrent des textes d'Aristote, Pline ou Nonnos de Panopolis ainsi que quelques découvertes archéologiques.
Production du feu par percussion d'un éclat de silex sur un morceau de marcassite. Les étincelles produites embrasent facilement un morceau d'amadou (cliché : B. Roussel).

Le briquet à silex et la percussion de l’acier

Briquet à silex

A partir du deuxième Age du Fer, un nouveau mode de production du feu apparaît en Europe : le briquet à silex. Cet objet, quasiment oublié aujourd'hui, a pourtant été le principal moyen d'allumage du feu durant la plus grande partie de notre histoire. En effet, la percussion d'un morceau d'acier contre le tranchant d’une roche dure, par exemple du silex, génère des étincelles susceptibles d'embraser une matière bien sèche, comme l'amadou.

Par souci d’esthétique mais aussi d’ergonomie (l’objet doit bien tenir en main lors de la percussion), la forme du briquet a beaucoup varié selon les régions et les périodes. Les plus sommaires ressemblent à une lame dont une seule extrémité est repliée. D'autres présentent l'aspect d'un D ou d'un B. Les plus beaux exemplaires s'ornent d'une poignée en bronze ou en argent décorée de motifs finement ouvragés. Dans certains cas, le briquet était associé à d'autres outils (pince à braise, lame de couteau, etc.) sur le principe de nos couteaux suisses.

Rapidement, une étincelle produite par la percussion du briquet d'acier sur l’éclat de silex tombe sur l'amadou et celui-ci s'embrase (cliché : B. Roussel).    Dès le XVIe siècle, des systèmes mécaniques sont également mis au point pour automatiser le geste de percussion, comme le briquet à rouet et le briquet-pistolet.
Outre l'éclat de silex, deux éléments sont nécessaires au fonctionnement du briquet : l'amadou et l'allumette.
L'amadou est une matière ouatinée qui se trouve à l'intérieur d'un champignon nommé l'amadouvier. Il s'embrase facilement au contact des étincelles du briquet. Toutefois, pour être utilisable, il doit être conservé à l'abri de l'humidité. Des cornes ou des boîtes à amadou étaient spécialement dédiées à sa conservation. L'amadou ne fournit qu'une braise. Pour obtenir une véritable flamme, on utilisait, au moins depuis l'époque romaine, des "allumettes" ou "chènevottes". Il s'agissait de petits bâtonnets de bois aux extrémités enduites de soufre qui ne s'enflammaient qu'au contact d'un
morceau d'amadou incandescent. Le mot "allumette" sera repris au XIXe siècle pour désigner les allumettes chimiques que nous utilisons encore aujourd'hui.

Le bambou, l’air et la lumière

Parmi les techniques traditionnelles de production du feu, l'une des plus originales reste la percussion d'un bambou contre une roche dure ou un morceau de céramique. Ce mode d'allumage du feu est pourtant bien attesté dans certaines régions d'Asie du Sud-Est. C'est le célèbre naturaliste Alfred Russel Wallace qui a le premier signalé cet étonnant briquet en 1869. Par la suite, plusieurs ethnographes et voyageurs de la fin du XIXe et du XXe siècle ont observé ce mode d'allumage du feu. L'aire de répartition de cette technique semble circonscrite à certaines zones restreintes du sud-est asiatique. On la rencontre aux Philippines, dans la partie malaise de Bornéo et en plusieurs points de l'Indonésie.

Une autre surprenante méthode d’allumage du feu, le briquet pneumatique ou adiabatique, est fondée sur l'augmentation de température induite par la compression de l'air. Le fonctionnement du briquet pneumatique relève d’une loi physique bien connue de toute personne ayant gonflé une roue de vélo : la compression d'un gaz entraîne son échauffement. A l’image d’une petite pompe à vélo, le briquet est composé d'un cylindre étanche, clos à une extrémité, et d'un piston parfaitement ajusté afin d'éviter que l'air ne s’échappe. Il suffit de placer au bout du piston (ou au fond du tube), une matière s'embrasant facilement, comme l'amadou, et de comprimer brutalement l’air contenu dans le cylindre.
Briquet asiatique pneumatique
Briquet pneumatique asiatique en bois (cliché : B. Roussel).
Le briquet pneumatique semble avoir eu deux foyers d'apparition : l'un en Asie du Sud-Est, l'autre en Europe.
La concentration de la lumière du soleil permet d'obtenir une chaleur très intense au niveau du foyer de convergence des rayons. Cette technique nécessite l'utilisation d'un miroir concave ou d'un objet jouant le rôle de lentille.
Durant l’Antiquité classique, la concentration des rayons lumineux du soleil a servi notamment pour l’allumage des feux rituels. De même, cette technique était connue en Amérique du Sud et en Amérique centrale ainsi qu’en Chine et en Europe. Dans les années 1970 et 1980, des briquets solaires en plastique connurent une certaine mode et différents
modèles furent commercialisés.

Les techniques modernes de production du feu

Les savants de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle vont rivaliser d'ingéniosité pour créer de nouveaux modes d'allumage du feu. Ainsi, à la fin des années 1770, le célèbre physicien italien Volta proposa un briquet fondé sur la mise à feu de l'hydrogène grâce à des étincelles électriques. En 1823, Döbereiner perfectionna ce procédé pour créer un briquet de table à usage domestique. Ce dispositif produisait son hydrogène à partir de l'attaque du zinc par de l'acide sulfurique. L'hydrogène restait alors sous pression dans le corps du briquet. Une éponge de platine servant de catalyseur, une flamme était produite instantanément en ouvrant le robinet qui retenait le gaz.

De nombreux autres principes physico-chimiques furent mis à contribution pour créer des briquets. On peut ainsi évoquer des briquets fondés sur une réaction chimique, comme le briquet oxygéné ou le briquet au sodium. D'autres systèmes mettent à profit une étincelle généralement produite grâce à l'électricité statique (briquet à hydrogène, briquet à alcool de Mayr, briquet à alcool et éther de Hess). Une autre famille de briquets électriques tire partie
de l'incandescence d'un fil de platine traversé par du courant (briquet de Klinkerfues, briquet de Satune, briquet de Voisin et Dronier, briquet Luminus).

Briquet à émeri    Vers 1889, apparaissent les briquets à amorce. Ils reposent tous sur le même principe. Il s'agit de percuter une amorce à base de fulminate de mercure qui enflamme une mèche parfois imbibée d’essence. Les capsules chimiques sont réparties sur un ruban ou sur des rondelles de papier.

En 1878, Joseph Vaudaine met au point et commercialise un système d'allumage fondé sur la friction d'une roulette d'émeri (minéral dur contenant du corindon) sur des plaques métalliques. Les gerbes d'étincelles produites mettaient le feu à une mèche de coton.
Le briquet à émeri annonce les briquets actuels, collection privée (cliché : B. Roussel).     
Depuis l'époque romaine, les allumettes soufrées complètent le briquet à silex pour passer de la combustion lente de l'amadou à une véritable flamme. Grâce aux travaux sur le phosphore de Robert Boyle (1627-1691), un nouveau système bien pratique va voir le jour, près de cent cinquante ans plus tard.
Au début du XIXe siècle, plusieurs procédés chimiques d'allumage du feu annoncent les allumettes modernes. Ainsi, le briquet oxygéné (découvert par Chancel en 1805) mettait en oeuvre du chlorate de potassium, du soufre et de l'acide sulfurique, alors que le briquet phosphorique (inventé par Derosne avant 1816) mettait déjà à profit la grande inflammabilité du phosphore.
En 1827, un procédé simple apparaît enfin. Le britannique John Walker (1781-1859) met au point les premières allumettes à friction. Elles consistaient en un bâtonnet de bois dont l'extrémité était enduite d'un mélange de chlorate de potassium, de sulfure d'antimoine, de gomme arabique et d'amidon. S'allumant par frottement sur du papier de verre, elles restaient difficiles d'emploi.

L'invention des premières allumettes au phosphore en 1831 est le fait d'un jurassien originaire de Poligny : Charles Sauria (1812-1895). Leur bouton était composé de phosphore blanc, de chlorate de potassium et de soufre. Ces premières allumettes phosphoriques étaient redoutablement efficaces… mais très dangereuses ! Elles s’enflammaient au moindre frottement, ce qui donna lieu à de nombreux accidents.
La fabrication de ces allumettes n’était pas sans danger : la manipulation du phosphore blanc entraînait des cas de nécrose de la mâchoire chez les ouvriers. Au milieu du XIXe siècle, on trouva une solution à ce problème en remplaçant le phosphore blanc par le phosphore rouge. Le suédois Johan Edvard Lundström (1815-1888) mit le premier au point les "allumettes de sûreté". Il eut l’idée de séparer la pâte inflammable, constituant le bouton de l'allumette, du phosphore blanc qu'il plaça sur la boîte. Dès lors, les allumettes de sûreté ne pouvaient s'allumer que si on les grattait contre la bande dédiée à cet usage. Les procédés de fabrication et les mélanges ont bien sûr été améliorés, mais les allumettes que nous utilisons aujourd'hui fonctionnent toujours sur le même principe.    Allumettes Roche et Eydoux
Avant 1872, plusieurs sociétés dont Roche et Eydoux produisaient des allumettes
(cliché : Frédéric Sinclair, http://fredfilu.free.fr).
 
Le XXe siècle donne le jour à deux grandes innovations dans le monde du briquet : le ferrocérium et le gaz liquide.
En 1902-1903, le célèbre chimiste autrichien Carl Auer von Welsbach réalise une découverte importante pour l'histoire du briquet. Il observe qu'un alliage de fer et de cérium produit de puissantes étincelles lorsqu'il est frotté sur de l'acier. Ce nouvel alliage, nommé "ferrocérium", fut rapidement utilisé dans la production de briquets à molette métallique dentée permettant un allumage aisé d'une mèche de coton. Ce type de briquet est souvent improprement nommé "briquet à amadou". En effet, les mèches ne sont pas en amadou mais en coton. Grâce au ferrocérium et à la vulgarisation des distillats légers du pétrole, le briquet à essence se développe au début du XXe siècle. Ce type de briquet est commercialisé sous des formes variées. Il sera d'ailleurs particulièrement en vogue durant le premier conflit mondial avec les célèbres "briquets de tranchées". Après la guerre, des briquets semi-automatiques, puis automatiques, voient le jour. Il n'est alors plus nécessaire de faire tourner la molette : l'ouverture du capot déclenche le mouvement de celle-ci et la flamme apparaît.

Briquet à Methanol    Une innovation importante voit le jour peu de temps après la fin de la seconde guerre mondiale. Marcel Quercia et Georges Ferdinand mettent au point en 1948 un nouveau combustible en mesure de remplacer l'essence : le gaz liquide. Par la suite, l'amélioration des systèmes de valve favorisera le succès du briquet à gaz qui ne s'est d'ailleurs pas démenti
depuis.

De nombreux autres systèmes d'allumage du feu seront inventés durant le XXe siècle, comme le briquet à méthanol et catalyseur de platine, les différents briquets électriques, les briquets piézo-électriques ou à quartz, etc.

 

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LES ROULEAUX CARBONISÉS D'HERCULANUM

 

Paris, 20 janvier 2015


Voir à l'intérieur des rouleaux carbonisés d'Herculanum


Une équipe internationale1 comprenant des chercheurs du CNRS (Institut de recherche et d'histoire des textes), du CNR italien et de l'ESRF (synchrotron de Grenoble) vient de réussir une percée technologique majeure pour étudier des rouleaux de papyrus ensevelis par l'éruption du Vésuve en 79 et découverts à Herculanum il y a 260 ans. Grâce à une nouvelle technique d'imagerie non invasive par rayons-X, les chercheurs ont pu faire apparaître des lettres grecques cachées au cœur même d'un rouleau carbonisé. Les résultats obtenus ont également permis d'émettre une hypothèse quant à l'identité de l'auteur du texte. Ces travaux interdisciplinaires, publiés le 20 janvier dans Nature Communications, laissent espérer que, dans le futur, l'ensemble des papyrus de la bibliothèque antique d'Herculanum pourront être déchiffrés.
Lors de l'éruption du Vésuve qui a détruit Pompéi, des centaines de rouleaux de papyrus ont été ensevelis sous plusieurs couches de matériaux volcaniques. Une bibliothèque entière a été redécouverte il y a 260 ans à Herculanum. Certains des papyrus qui la composaient ont été comme fossilisés et sont parvenus jusqu'à nous. Ils constituent un trésor culturel unique puisqu'il n'existe sans doute pas d'autre copie des textes qu'ils contiennent.
Ces rouleaux carbonisés sont extrêmement fragiles. Les tentatives pour les ouvrir et en lire le contenu risquent de les fragmenter voire de les détruire. Au cours des dernières décennies, différentes techniques d'imagerie avaient été mises en œuvre pour tenter de lire les papyrus sans les dérouler, en vain jusque-là. Dans cette publication, les chercheurs présentent une nouvelle méthode qui leur a permis de déchiffrer plusieurs lettres et mots à l'intérieur d'un rouleau sans l'endommager.
L'encre utilisée dans l'Antiquité était fabriquée à partir de carbone issu des résidus de fumée. Celle-ci a donc une densité quasi identique à celle de la feuille de papyrus brûlée, ce qui la rend difficile à distinguer via l'utilisation classique des rayons X. La tomographie X en contraste de phase (XPCT) utilisée dans ces travaux permet de mieux percevoir la différence entre l'encre et le papier en utilisant la différence d'indice de réfraction. Cette technique exploite également le fait que l'encre ne pénètre pas dans les fibres végétales et les lettres forment donc un très léger relief à la surface du papier. Cette différence de quelques centaines de microns permet d'amplifier le contraste entre les deux composantes du rouleau et de faire apparaître les lettres.
En étudiant par XPCT deux papyrus d'Herculanum issus de la collection de l'Institut de France les chercheurs ont pu lire des mots se situant sous plusieurs couches de papier ou sur des spires du rouleau déformées et collées entre elles. Ils ont également réussi à reconstituer un alphabet grec presque complet pour un papyrus encore enroulé. L'analyse du style d'écriture et la comparaison avec un texte étudié précédemment ont permis d'avancer des hypothèses sur l'âge du rouleau carbonisé et sur son auteur : il pourrait contenir un texte du philosophe épicurien Philodème rédigé au premier siècle avant J-C au sein de son école.
Cette avancée technique permettant de détecter les traces d'encre au sein d'un rouleau de papyrus carbonisé sans compromettre son intégrité était attendue depuis longtemps. En la développant davantage, il sera possible d'obtenir l'image d'un papyrus dans son ensemble en quelques heures d'analyse sous la ligne de lumière d'un synchrotron. À terme, l'ensemble des textes philosophiques contenus dans les rouleaux de la « Villa des papyrus » d'Herculanum pourraient ainsi être déchiffrés.

 

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