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Nicolas II
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Nicolas II (en russe : Николай Александрович Романов, Nikolaï Aleksandrovitch Romanov), de la dynastie des Romanov, né le 18 mai 1868 (6 mai 1868 C. J.) au palais de Tsarskoïe Selo et assassiné avec toute sa famille le 17 juillet 1918 à Ekaterinbourg, est le dernier empereur de Russien 4, roi de Pologne et grand-prince de Finlande.
Nicolas II est « tsar de toutes les Russies », de 1894 à 1917. Il connaît de nombreux surnoms suivant les époques : « Nicolas le Pacifique », du temps de son règne, puis les Soviétiques le baptisent « Nicolas le Sanguinaire », mais de nos jours la tradition populaire orthodoxe le décrit comme « un saint digne de la passion du Christ ».
Sous son règne et sous celui de son père, la Russie connaît un essor économique, social, politique et culturel sans précédent. Les serfs ont été libérés pendant le règne de son grand-père Alexandre II et les impôts sont allégés. Le Premier ministre Piotr Stolypine réussit à développer une classe de paysans riches, les 175 millions d'habitants devient la troisième ou quatrième puissance économique mondiale et possède le premier réseau ferroviaire après les États-Unis et le Canada. Le rouble devient une monnaie convertible et, outre un nombre important de marchands et d'industriels, l'Empire possède désormais ses propres financiers qui sont souvent des mécènes. Sur le plan culturel, la Russie connaît alors un « Âge d'argent », et prend la deuxième place dans le domaine de l'édition de livres. De nouvelles universités, des écrivains, sculpteurs, peintres, danseurs… sont à l'époque connus dans le monde entier1. Selon Alexander Gerschenkron, « nul doute qu'au train où croissait l'équipement industriel pendant les années du règne de Nicolas II, sans le régime communiste, la Russie eût déjà dépassé les États-Unis »L2 1.
Nicolas II gouverne de 1894 jusqu'à son abdication en 1917. Il ne réussit pas à mettre fin à l'agitation politique de son pays ni à mener les armées impériales à la victoire pendant la Première Guerre mondiale. Son règne se termine avec la révolution russe de 1917, pendant laquelle lui et sa famille sont emprisonnés d'abord dans le palais Alexandre à Tsarskoïe Selo, puis plus tard dans la maison du gouverneur à Tobolsk, et finalement dans la villa Ipatiev, à Ekaterinbourg. Nicolas II, son épouse, son fils, ses quatre filles, le médecin de la famille, son domestique personnel, la femme de chambre et le cuisinier seront ensuite mis à mort par les bolcheviks dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918.
Jeunesse
Le 6 mai 1868 naît Nicolas Alexandrovitch Romanov (en transcription universitaire, Nikolaj Aleksandrovič Romanov), fils d'Alexandre III et de Marie Feodorovna (1847-1928), fille de Christian IX roi du Danemark. Il est le premier des cinq enfants du couple impérial : Alexandre (1869-1870), Georges (1871-1899), Michel (1878-1918), Xénia Alexandrovna (1875-1960) et Olga (1882-1960).
Nicolas et ses plus jeunes frères sont élevés à la dure : des lits de camp, un ameublement simple, des icônes de la Vierge et de l'enfant Jésus. Leur grand-mère Marie Alexandrovna introduit les coutumes britanniques en matière d'éducation chez les Romanov : gruau pour le déjeuner, bains froids, abondance d'air frais2… Leur mère est brillante, enjouée, aimant la vie en société, les bals et les fêtes et elle leur donne le goût du divertissement et de la vie mondaineL1 1, mais elle ne s’occupe guère d’eux et c’est leur père, rude et bourru, qui monte dans leurs chambres pour les câliner3.
Le 1er/13 mars 1881, Nicolas assiste à la brève agonie de son grand-père, l'empereur Alexandre II de Russie, dont un attentat a arraché les jambes et défiguré le visage4. Or cet attentat survient alors même qu'Alexandre II, poursuivant sa politique réformatrice, s'apprêtait à faire de grandes réformes. Nicolas devient tsarévitch. Pour des raisons de sécurité, le nouvel empereur Alexandre III et sa famille s'installent au palais de Gatchina en dehors de la ville5.
À l'adolescence, le tsarévitch, d'un caractère déjà sérieux et réservé, respecte les conseils de ses précepteurs et obéit aux ordres de son père6. Alexandre III confie l'éducation de son fils à des hommes issus de son gouvernement, parmi lesquels le procureur du Saint Synode, Constantin Pobiedonostsev, le général Danilovitch, le ministre des finances Bunge, totalement pénétrés de la nécessité d'un pouvoir impérial fort7.
En 1884, à l'âge de seize ans, il rencontre pour la première fois la princesse Alix de Hesse-Darmstadt, l'une de ses cousines allemandes, élevée à la cour d'Angleterre, âgée de douze ans, dont il tombe amoureux. Toutefois la perspective d'un possible mariage avec une princesse allemande contrarie aussi bien le tsar que la tsarine, et Alexandre III ordonne à Nicolas Alexandrovitch d'abandonner tout espoir de se marier avec une Allemande8.
Le futur empereur mesure 1,73 m, mince, avec des cheveux châtains et des yeux bleus, il est, selon ses contemporains, bien de sa personne. Excellent danseur, patineur et cavalier, il a le goût de la chasse, parle plusieurs langues, dont le français, mais la politique est pour lui une corvéeL1 2.
De 1885 à 1890, il fréquente la faculté de sciences politiques et économiques de l'université de Saint-Pétersbourg, devient colonel de la Garde impériale et suit aussi les cours de l'Académie d'État. Les journaux intimes du jeune Nicolas montrent son enthousiasme pour la vie de caserne, pour les parades, les revues, et la vie des jeunes soldats de la capitale. L'empereur, cependant, ne fait rien pour lui enseigner l'art de gouverner. Il veut en faire un juriste, un officier et le meilleur représentant de la grande Russie et de l'illustre famille des Romanov auprès des cours européennes9. Le futur Premier ministre Serge Witte propose à Alexandre III de nommer le tsarévitch Nicolas président des travaux du Transsibérien. L'empereur refuse : « Connaissez-vous bien le tsarévitch ? A-t-il jamais réussi à parler sérieusement avec vous ? Il est encore un enfant dans tout et pour tout, il juge les choses en mode enfantine. Comment serait-il capable de présider un comité ? » L'homme d'État lui réplique qu'il ne sera là que pour présider, pas pour comprendre ».
Le 23 octobre 1890, Nicolas appareille sur un croiseur russe et fait une tournée officielle en Grèce, en Égypte, aux Indes, dans le sud-est asiatique, en Chine et au Japon, accompagné de son frère Georges et de son oncle, futur Georges Ier de Grèce. Pendant son séjour au Japon, le tsarévitch reçoit un coup de sabre d'un mari outragé par les avances que Nicolas aurait faites à sa jeune épouseL2 2 (cf. l'article « incident d'Ōtsu »). Le tsarévitch doit revenir dans son palais en traversant la Sibérie. Il revient d'Asie avec un grand mépris pour les Japonais, qu’il appelle « les singes » et il est plus que jamais assuré de son amour profond et sincère pour le paysan russe : « le meilleur des êtres humainsL1 3 ».
À son retour, son père lui conseille de s'amuser et va jusqu'à favoriser une relation du tsarévitch avec la première danseuse du Théâtre Marie, Mathilde Kschessinska. Il rompt toutefois rapidement sa relation avec la Kchessinskaïa10.
Au début des années 1890, la santé de l'empereur Alexandre III se dégrade. Comme Nicolas est tombé amoureux de sa cousineL2 3, il obtient le consentement à son mariage avec Alix, malgré l'insistance de ses parents à le marier à la princesse Hélène d'Orléans, fille de Philippe d'Orléans et ainsi renforcer l'alliance franco-russe. Le 8 avril 1894, Nicolas Alexandrovitch et Alix de Hesse-Darmstadt se fiancent officiellement au château de Cobourg, en présence de leurs familles, parmi lesquelles on pouvait compter l'empereur Guillaume II et la reine Victoria, grand-mère commune à la fois de la fiancée, du Kaiser et de Nicolas.
Avant de mourir, Alexandre son père l'exhorte : « Manifeste ta propre volonté, ne laisse pas les autres oublier qui tu esL1 4 ». Nicolas II succède à Alexandre III, le 1er novembre 1894.
Premières années de règne
Mariage
Le nouvel empereur s'interroge : « Que va-t-il nous arriver à moi et à toutes les Russies11? ». Il avoue : « Non, je ne suis pas prêt à être un tsar. Je n'ai jamais voulu l'être. Je ne sais rien sur ce qu'il doit faire pour gouverner. Je n'ai pas la moindre idée de comme on parle aux ministres12,13 ». Pendant un certain temps, il se contente d'imiter son père, mais il consacre beaucoup plus d'attention aux détails de l'administration que ce dernier.
Protestante, sa fiancée se convertit avec réticence à l'orthodoxie. Le Kaiser, leur cousin, s’entremet avec succès. Il veut renouer l’entente des trois empereursL2 4. Le 26 novembre 1894, Nicolas II épouse la princesse Alix de Hesse-Darmstadt (1872-1918), fille du grand-duc Louis IV de Hesse et de la grande-duchesse, née princesse Alice d'Angleterre (1843-1878). Elle est connue en Russie sous le nom d'Alexandra Féodorovna14. Les cérémonies de mariage obéissent à un rite multiséculaireL2 5.
Nicolas II et Alexandra auront cinq enfants : quatre filles, Olga (1895-1918), Tatiana (1897-1918), Maria (1899-1918), Anastasia (1901-1918) et enfin un fils, le tsarévitch Alexis Nikolaïevitch (1904-1918). Il existe de nombreuses photos du mariage, du couple et de ses enfants, qui forment une famille très unie15. Les cinq enfants auront pour précepteur le Suisse Pierre Gilliard.
Couronnement
Le 26 mai 1896 est le jour de son sacre comme empereur et autocrate de toutes les Russies par la Grâce de Dieu (Божию Милостию, Император и Самодержец Всероссийский) et Basileus de l'Église Orthodoxe russe. Le rituel est inspiré de ByzanceL1 5 et a lieu à Moscou, la troisième RomeL2 5. À Moscou, se trouvent les corps de ses ancêtres et cette grande ville outre qu’elle est le centre de l’Empire (Rossia) incarne la tradition Rous, l’ancienne Russie. Se conformant aux précédents couronnements, Nicolas II fait une entrée triomphale dans la ville de Moscou, sur un cheval blanc, suivi des deux impératrices16.
Le jour de cette cérémonie très importante, une bousculade se produit dans la foule au champ de Khodinka, provoquant la mort de plusieurs centaines de personnes qui sont piétinées17. Le tsar pense annuler les cérémonies officielles, mais il n’ose se décommander au bal du comte de Montebello, l’ambassadeur français. Il y paraît donc, blême et anxieux. Et à peine sorti de cette fête gâchée, il se rend au chevet des blessésL1 6. En raison de cette catastrophe et de la participation du tsar au bal, le peuple va se mettre à haïr la tsarine qu’il surnomme « l’Allemande ». Or, tous ceux qui vont la rencontrer vont rapidement se rendre compte qu’elle déteste l'Empire allemand et parle en anglais, sa langue maternelleL1 7.
Mal préparé à assumer ses fonctions, Nicolas II est généralement considéré par les historiens comme un homme n'ayant ni l'imagination créatrice, ni l'énergie de concevoir un autre ordre18. Il subit constamment l'influence de son épouse. Il rêve d'une existence bourgeoise avec elle et leurs enfants et de parties de tennis ou de bains dans les eaux glacées de la Baltique. D'ailleurs trois jours après son mariage, il écrit dans son journal : « Avec Alix je suis immensément heureux. Dommage que les affaires d'État me prennent tant de temps. Je préfèrerais passer avec elle toutes ces heures »19. Le tsar semble parfaitement inconscient des intrigues de la cour, de sa dépravation et de l'affairisme de certains de ses conseillers. Peu capable de refus, il est trop délicat et bien élevé pour se déterminer grossièrement et, plutôt que refuser, préfère se taire. Son épouse écrit à la fin de sa vie en 1917 à une amie : « Si vous saviez au prix de quel effort il a pu vaincre en lui cette propension à la colère, propre à tous les Romanov !... Le plus magnifique des vainqueurs est celui qui se vainc lui-même »20.
En dépit d'une visite au Royaume-Uni avant son accession, où il s'intéresse au fonctionnement de la Chambre des communes, Nicolas II est opposé au parlementarisme, et même à une extension des pouvoirs des assemblées locales, les zemstvos. Il défend le principe de l'autocratie absolue21. Au mois de janvier 1895, il expose clairement son programme : il est le dépositaire d’une tradition, celle des Romanov, et l’autocratie est un principe sacré, légitimé par des lois qui ne sont pas temporellesL1 8. Il répète aux Russes : « Vous avez formulé des rêves insensés »L2 6.
Affirmation de l'autocratie
Nicolas II veut conserver l'organisation centralisée du pouvoir, qui avait permis de conserver la stabilité gouvernementale. Parmi ses principaux collaborateurs, figurent des hommes jadis proches conseillers d'Alexandre III, comme le procureur du Saint Synode, Constantin Pobiedonostsev, ancien précepteur de ce dernier, les ministres de l'Intérieur, Ivan Goremykine (de 1895 aux 1899) et le comte Plehve (de 1902 à 1904), le chef de la police de Saint-Pétersbourg, Dimitri Feodorovitch Trepov (de 1896 à 1905). Le choix de son cabinet annonce quelles vont être les orientations politiques des premières années du règne du jeune Nicolas II.
Totalement novice dans l'art de gouverner un État, il arrive au trône en appliquant les doctrines conservatrices apprises de Pobiedonostsev22. Il a des idées toutes-faites et idéalise la réalité russe. Il est influencé par la lecture des biographies des saints orthodoxes et du tsar Alexis Ier, connu dans l'histoire russe comme « le bon tsar » et se veut être un vrai « père du peuple », le surnom du tsar dans les campagnes russes23,24.
En même temps, il accède aux demandes de sa femme, timide et puritaine, qui veut s'éloigner, ainsi que sa famille, de la vie mondaine de l'aristocratie russe, en choisissant comme résidence le palais Alexandre, situé à Tsarskoïe Selo, en français le « village des Tsars ». Cela le rendra - et surtout l'impératrice Alexandra - antipathique à une partie importante de la grande noblesse de Moscou et de Saint-Pétersbourg, qui ne se reconnaît pas dans cet empereur privilégiant un style de vie austère loin de la cour25.
Sous l'impulsion du comte Plehve, ministre de l'Intérieur, il soumet les zemstvos, assemblées provinciales ouvertes au peuple, à des fonctionnaires d'État, et organise une russification des « provinces », en particulier de la Pologne, de la Finlande et du Caucase26. Il accroît également la politique antisémite amorcée par son père Alexandre III : numérus clausus, ghettos, et surtout sanglants pogroms exécutés par les Cent-Noirs[réf. nécessaire].
Serge Witte et l'industrialisation de la Russie[modifier | modifier le code]
Nicolas II conserve aussi le ministre de son père, Serge Witte. Malgré leur divergence de caractère, Nicolas II approuve la politique de développement économique intensif menée par son ministre des Finances (de 1892 à 1903). Le comte de Witte veut faire de la Russie une grande puissance européenne.
Le 3 janvier 1897, Serge Witte continue les réformes financières amorcées sous Alexandre III : le rouble-or est instauré dont l'impérial (15 roubles) et le demi-impérial (7 roubles et 50 kopecks). Cette réforme donne un élan sans précédent en Russie, à l'économie et aux développements de l'industrie27,28. La dette de la Russie passe de 258 à 158 millions de roubles entre 1897 et 1900L2 7.
Le comte de Witte a aussi comme priorité le développement du commerce à l'étranger. Après une négociation serrée avec Berlin, le gouvernement allemand accepte d'appliquer à la Russie un tarif douanier très favorable. En 1914, la moitié des importations russes viendront d’Allemagne et un tiers des exportations y partiront29.
Pour développer l'industrie, Serge Witte a recours à l'emprunt à l'étranger, les fameux emprunts russesL2 8. De 1895 à 1899, ils atteignent 275 millions de roubles, venant avant tout de France et un peu de Belgique. Grâce à eux, le développement industriel est considérablement facilité. La production augmente en effet de 8 % dans les années 1890.
Witte encourage les compagnies privées étrangères à venir investir en Russie. En 1900, près de 300 sociétés, en grande partie françaises et belges, y sont installées. Elles contrôlent 60 % de la production de houille et 80 % de celle du coke.
Les progrès réalisés dans le domaine du développement économique, sans réel souci du sort des ouvriers, entraînent logiquement des mouvements sociaux. Serge Witte se rend compte de la nécessité de faire des réformes sociales, culturelles et politiques. Mais il doit faire face à l’essor de la culture russe traditionnelle qu'inspire au peuple et aux intellectuels la peur du changement. C’est le cas de Constantin Aksakov et d'Alexeï Khomiakov, slavophiles ennemis de l’Occident et du progrès, partisans du retour au mir et à l’orthodoxie des anciens. Et aussi à l’opposition des grands propriétaires fonciers30 et d'industriels voulant de la main-d'œuvre bon marché. En juillet 1897, le gouvernement limite la journée de travail à onze heures trente et le travail de nuit à dix heuresL1 9.
Malgré tout, Nicolas II est conscient de la valeur de Witte qu'il déteste, car il est soupçonné d'être franc-maçonL2 9, mais qu'il laisse réformer et industrialiser l’Empire30. Avant la fin du siècle, la balance commerciale russe n’est plus déficitaire et le rouble devient convertible et fiable. Des chemins de fer sont construits dans tout le pays, dont le Transsibérien terminé en 190131. Witte transforme la Russie en « serre du capitalisme »32. On le compare souvent à Colbert et à Turgot33.
La politique agricole, au contraire, se montre ruineuse et inadéquate. Les jachères sont nombreuses et les paysans libres endettés32. Witte comprend qu'il faut baisser leurs impôts et, comme il constate que la vodka est consommée en quantité excessive, il décrète l'alcool monopole d'État. Le Trésor se gonfle des sommes importantes générées par la consommation de vodkaL1 10. Entre 1893 et 1899, 24 pour cent des ressources du gouvernement proviennent de la vodkaL2 8.
La population passe de 98 à 175 millions d’habitants de 1880 à 1914. Witte repeuple la Sibérie et des territoires en Extrême-Orient. L'exploitation des ressources orientales toutefois engendre un conflit administratif de compétences entre les ministères des Finances et des Étrangers.
En 1900, la crise mondiale de la monnaie cause la fermeture d'industries et de banques. Les propriétaires fonciers, opposés à Witte profitent de la situation pour relancer des attaques contre lui, en l’accusant d’être le père de la social-démocratie. La Russie reprendra seulement en 1903 son ascension économique34.
Défense de la paix
L'allié principal de la Russie, à cette époque, est toujours la France, depuis la signature de l'alliance franco-russe, ratifiée par Alexandre III de Russie en 1893. En effet, la Russie voit d'un œil inquiet la montée en puissance de l'Empire allemand à sa frontière occidentale. La Triplice redoutée lie toujours l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie - dont la diplomatie expansionniste dans les Balkans l'oppose à la Russie - et le royaume d'Italie. Aussi la France, outre son programme de coopération financière et économique, aide-t-elle l'armée à se moderniser à la suite de l'alliance franco-russe signée en 1891. Des visites officielles bilatérales s'effectuent à un rythme régulier : d'abord la visite du jeune couple impérial en France, en octobre 1896, qui est un triomphe et au cours de laquelle Nicolas II inaugure le Pont Alexandre-III à Paris35, ensuite la visite en 1897 du président Félix Faure, puis la seconde visite de Nicolas II en France en 1901, auquel répond celle du président Émile Loubet à Saint-Pétersbourg en 1902.
L'Angleterre, quant à elle, reste fidèle à sa politique de « splendide isolement », et, concurrente de la France dans sa politique coloniale, n'a de cesse de contenir la Russie et de critiquer cette alliance. En 1902, elle va même jusqu'à signer avec le Japon un traité, où elle attaquerait la France si le Japon est attaqué par la Russie. Ce qui explique la neutralité de cette dernière, lors de la désastreuse guerre russo-japonaise.
Par la suite, constatant la faiblesse de l'armée russe après sa défaite et inquiète de la rencontre à l'été 1905 du Kaiser et de son cousin le tsar, l'Angleterre change de point de vue par nécessité. Elle se décide à régler ses différends de frontières dans le Pamir, en Afghanistan et en Perse avec la Russie et amorce une politique de rapprochement qui donnera corps à la Triple-Entente. Le président Fallières rencontre Nicolas II à Cherbourg, le 31 juillet 1909. Cette alliance à trois qui est présentée alors comme une défense de la paix face à la montée des périls est en pleine vigueur, jusqu'à la Première Guerre mondiale.
En août 1912, après les affaires de la canonnière d'Agadir et des différends de la France avec l'Empire allemand, Raymond Poincaré, alors président du conseil et chargé des Affaires étrangères, se rend en visite officielle en Russie, pour surtout assister à des manœuvres conjointes et se rendre compte de l'état de l'armée russe. Il réitère sa visite, cette fois en tant que président de la république, juste après l'attentat de Sarajévo, en juillet 1914.
Sur le plan intérieur, en 1897, le tsar envoie le général Galitzine russifier les provinces du Caucase et en 1898, il nomme gouverneur général du grand-duché de Finlande Bobrikov qui entreprend une certaine russification de la population.
Malgré cette répression, un appel au désarmement est lancé en 1898 par Nicolas II, conseillé par Witte qui est totalement opposé à une guerre soit avec l’Allemagne, soit avec le Japon. Nicolas II lance à tous les pays un appel au désarmement et à la paix mondiale, en se référant aux conséquences commerciales, financières et morales de la course aux armements36 En 1899, le tsar choisit la ville de La Haye pour la première conférence internationale devant discuter de ce problème.
Les autres puissances comme le Royaume-Uni et l'Allemagne accueillent froidement son invitation. Vingt nations européennes, toutefois, participent à ces rencontres, ainsi que les États-Unis, le Mexique, le Japon, la Chine, le Siam et la Perse qui réunissent aussi des experts de droit international public de divers pays. La proposition de désarmement est repoussée, mais on obtient une convention sur les règles de guerre (qui prévoit la tutelle de personnes et les structures civiles et la prohibition des gaz toxiques), et le droit international humanitaire. Le résultat le plus important obtenu du tsar et de ses collaborateurs est cependant la création de la Cour d'arbitrage international de La Haye37,38.
Situation intérieure au début du xxe siècle[
Les révoltes paysannes se multiplient au début du siècle dans l'Empire, les émeutes et les grèves aussi et s'ajoutent à ces violences des pogroms. La crise internationale et l'effort de guerre ont comme conséquences la fermeture de 4 000 usines.
En 1902, Nicolas II confie le ministère de l'Intérieur au comte Plehve. Bien qu'il éprouvât de la sympathie pour les idées constitutionnelles, Plehve développe une politique très conservatrice.
En 1903, l'empereur fait de Séraphin de Sarov un saint et se sent placé sous la protection d'une sainte figure authentiquement russe, paysanne, à l'image du peuple idéal auquel il se réfère sans cesseL1 11.
Guerre et révolution de 1905
La guerre contre le Japon (1904-1905)
En 1896, la Russie obtient la construction du chemin de fer de l'est chinois qui doit relier la ville russe de Tchita au port de Vladivostok, en traversant le saillant que forme la Mandchourie, entre les deux points (ce qui permet d'éviter un long détour le long de l'Amour).
Dans son expansion vers l'est pour participer au dépeçage de la Chine par les grandes puissances européennes, la Russie pendant la révolte des Boxers occupe la Mandchourie, en 1900.
Des généraux et des hommes d'affaires envisagent d'étendre le protectorat russe sur la Corée que le Japon considère comme sa chasse gardée. Jusqu'en 1902, la Russie et le Japon tentent de régler pacifiquement leurs différends. D'intenses contacts diplomatiques ont lieu entre les deux pays, diverses options sont envisagées : le partage de la péninsule coréenne, la neutralité coréenne sous garantie internationale, l'échange de la Corée contre la Mandchourie.
Le 8 février 1904, le Japon attaque par surprise la flotte russe ancrée à Port-Arthur et assiège la ville qui se rend après un siège de huit mois. En mars 1905, l'infanterie russe est battue à la bataille de Moukden. En mai, la flotte de la Baltique, parvenue sur les lieux après un périple de plusieurs milliers de kilomètres est anéantie dans le détroit de Tsushima.
En septembre 1905, un traité de paix russo-japonais est signé à Postsmouth (États-Unis). La Russie reconnaît l'existence des intérêts japonais en Corée, concède au Japon les privilèges qu'elle avait acquis en Mandchourie et lui cède la partie méridionale de l'île de Sakhaline mais, malgré l'insistance de la délégation nippone, ne verse pas d'indemnité de guerre.
Sur le plan militaire, ce conflit préfigure les guerres du xxe siècle par sa durée (un an et demi), par les forces engagées (sans doute plus de deux millions d'hommes au total) et les pertes (156 000 morts, 280 000 blessés, 77 000 prisonniers) ainsi que par l'emploi des techniques les plus modernes de l'art de la guerre (logistique, lignes de communications et renseignements ; opérations combinées terrestres et maritimes; durée de préparation des engagements, tranchées)39.
Cette catastrophe est « la première défaite de l’homme blanc » face à des gens de couleur et pour les peuples colonisés de l’Empire russe c’est « la défaite du tsar blanc ». Les musulmans de Russie se mettent à rêver d’émancipation40. L’admiration fait place au mépris.
Chez les Russes, le mécontentement grandit. Le cuirassé Potemkine bombarde le port d'Odessa. Les partis d'opposition sortent renforcés de la défaite des armées russes.
La révolution de 1905
La Russie est depuis le début du xxe siècle dans un état de révolte permanente. Trois partis exploitent le mécontentement chez les ouvriers, les paysans et les bourgeois :
Le parti ouvrier social-démocrate de Russie est une organisation politique marxiste révolutionnaire fondée en mars 1898. Les grèves ouvrières commencent relativement tard, en 1903. Elles obéissent au début à des motivations économiques puis deviennent politiques. En 1897 est né le Bund, mouvement ouvrier juif marxiste qui revendique pour les juifs l'égalité nationale qui va se heurter à Lénine qui est partisan de l'unité du parti41.
Le Parti socialiste révolutionnaire est une organisation politique russe, d'inspiration socialiste et à base essentiellement paysanne. Il se réclame du groupe terroriste Narodnaïa Volia (Volonté du peuple) disparu en 1881. En 1904, la brigade terroriste du parti, sous la direction de Boris Savinkov, organise l'attentat contre le ministre de l'intérieur Plehve. Les SR assassinent aussi Dmitri Sipiaguine et le grand-duc Serge, oncle du tsar. L'agitation paysanne est endémique à partir de 1902, mais les émeutes ne virent jamais à l'insurrection : elles ont pour but de faire peur aux nobles afin qu'ils cèdent la terre à bas prix. On compte 670 soulèvements de ce type de 1902 à 1904.
Le parti constitutionnel démocratique un parti politique libéral. Les membres du parti sont appelés Cadets, de l'abréviation KD du nom du parti en russe (Конституционная Демократическая партия). Le Parti constitutionnel démocratique est formé à Moscou du 12 au 18 octobre 1905, à l'apogée de la révolution russe de 1905. Ce n'est qu’en 1906, avec le repli de la révolution, que les Cadets abandonnèrent leurs aspirations révolutionnaires et républicaines et se déclarèrent en faveur d'une monarchie constitutionnelle.
L'évolution économique et sociale du pays avait fait monter les oppositions libérales, démocrates, socialistes et révolutionnaires au régime tsariste. Il suffit d'une étincelle pour déclencher une révolution. Le 22 janvier 1905, la police ouvre le feu sur une immense manifestation ouvrière, faisant entre huit cents et mille morts. L'ironie du sort veut que le meneur de la manifestation, le pope Gapone, soit en réalité membre d'un syndicat policier destiné à noyauter le mouvement ouvrier et l'orienter dans la direction voulue par les autorités. Les ouvriers qui convergent vers le palais d'Hiver - ils ignorent que Nicolas II est absent de la capitale - portent des icônes et des portraits du tsar et viennent en sujets fidèles ou plutôt comme des enfants devant leur père pour le supplier de soulager leur misère.
Le Dimanche Rouge marque le début d'un engrenage révolutionnaire : la première révolution russe.
Des jacqueries éclatent dans la plupart des provinces de l'Empire, indépendamment des troubles survenus à Saint-Pétersbourg, car les moujiks ignorent le Dimanche Rouge, dont les journaux censurés ne disent pas un mot.
Dans le même temps, la grève ouvrière s'étend à tout le pays. En l'absence de syndicats, l'idée d'une organisation représentative des ouvriers fait son chemin sous la forme de soviets : ils apparaissent d'abord en province dans le rôle de comités de grèves éphémères (ce mot russe signifiant conseil est adopté en mai 1905 par les ouvriers d'Ivanovo pour désigner leur comité de grève). Ils prennent une coloration plus politique avec la fondation du soviet de Saint-Pétersbourg, en octobre 1905, et de Moscou, en décembre. Tout en se méfiant des intellectuels suspects de vouloir imposer leur hégémonie, les ouvriers ressentent le besoin d'être conseillés par des révolutionnaires expérimentés, qui n'ont qu'un rôle consultatif à côté des délégués ouvriers : d'abord réservés parce qu'ils n'approuvent pas le mouvement des masses, les bolcheviks envoient des représentants mais les postes dirigeants reviennent aux mencheviks, plus nombreux jusqu'en 1917.
La population réclame une constitution, une Douma et les libertés. À Saint-Pétersbourg, les Socialistes Révolutionnaires, les bolcheviks et les mencheviks s'unissent au sein du soviet ouvrier qui publie les Izvestia.
L'échec de l'Empire constitutionnel
Le Manifeste d'octobre 1905
« J’ai signé cette déclaration à cinq heures. Après une semblable journée je ressens le poids de mes responsabilités et mes pensées sont confuses. Oh Seigneur ! aide nous et sauve la Russie et la paix42 ! ».
La première révolution russe contraint Nicolas II à des concessions arrachées par son ministre Witte. Nicolas II promulgue le manifeste du 17 octobre, le nom officiel est Le Manifeste sur le perfectionnement de l'ordre de l'État (russe : Манифест об усовершенствовании государственного порядка). Il s'engage à accorder des libertés civiques au peuple, dont :
• la liberté de culte
• la liberté de parole,
• la liberté de réunion,
• la liberté d'association,
• l'institution d'une Douma d'Empire, élue au suffrage semi-universel qui va avoir le pouvoir d'approuver les lois. La Douma est le nom emprunté à l'ancien conseil des tsars moscovites, afin de signifier que l'organe créé en 1905 ne repose que sur la volonté du tsar.
• une amnistie pour tous les délits et crimes commis avant la proclamation du Manifeste.
• une promesse aux populations non russes du respect des libertés et le droit, pour chaque nationalité, d'utiliser sa propre langue.
• un Premier ministre avec des pouvoirs étendus.
Il comporte un décret selon lequel aucune loi n'entrera en vigueur sans le consentement de la Douma. Le manifeste a été précurseur de la première constitution russe de 1906. En réalité, le manifeste n'entraîne pas un accroissement significatif des libertés ou de la représentation politique pour le Russe moyen. L'empereur continue d'exercer son droit de veto sur la Douma, et il va la dissoudre plusieurs fois. Nicolas II ne pense pas que les rapports avec les peuples dominés doivent être modifiés43.
Les libéraux estiment qu'ils ont obtenu satisfaction sur l'essentiel, mais sont divisés sur la stratégie à adopter : l'aile droite forme le mouvement octobriste, mené par Alexandre Goutchkov et s'affirme prête à collaborer loyalement avec le gouvernement tandis que l'aile gauche, menée par l'historien Milioukov et le Parti constitutionnel démocratique (K. D.) fait du parlementarisme à l'occidentale, un idéal que la Russie doit prochainement atteindre. Les radicaux considèrent ces concessions comme insuffisantes : les Socialistes révolutionnaires et les bolcheviks refusent de participer à une Douma sans pouvoir réel et appellent à la poursuite du mouvement révolutionnaire, relayés par le soviet de Saint-Pétersbourg. Les ouvriers de la capitale, épuisés par une année de luttes, répondent mal à l'appel lancé par le Soviet, dont le gouvernement fait arrêter les membres, mais les ouvriers prennent les armes à Moscou et le pouvoir doit utiliser l'artillerie pour écraser le soulèvement.
Le 27 avril 1906, le tsar est à l’origine de la Loi fondamentale de l'État, sorte de constitution, qui transforme la Russie en une monarchie constitutionnelle, mais non parlementaire, les ministres ne dépendant que de l'empereur. En outre, la Douma se trouve rapidement en complet désaccord avec l'empereur. Celui-ci change alors la loi électorale, en diminuant considérablement le poids électoral de la majorité du peuple par rapport à celui des classes aisées et fausse ainsi largement le suffrage universel.
Le 3 mai 1906, Nicolas II accepte la démission du Premier ministre Serge Witte aux tendances relativement progressistes ainsi que de son gouvernement et le remplace par le très conservateur Ivan Goremykine, assisté de Piotr Stolypine comme ministre de l’Intérieur qui conserve ses fonctions de gouverneur de Saratov.
L'année suivante, la répression met fin à la vague de grèves. Le nouveau Premier ministre Stolypine ne cherche pas à gagner la confiance du prolétariat et se contente d'une loi sur les assurances et les maladies, mesure peu populaire, car elle exige une participation ouvrière aux cotisations.
Les lois fondamentales (avril 1906)[
Nicolas II ne cède qu'à contre-cœur en octobre 1905. Il limite au maximum les concessions octroyées dans les Lois fondamentales (ce qui évite d'utiliser le terme honni de constitution) promulguées en avril 1906, la veille du jour où doit se réunir la première Douma.
L'empereur conserve le titre d'autocrate (article 4) et garde le contrôle de l'exécutif. Les ministres ne sont pas responsables devant la Douma et relèvent uniquement du souverain. L'empereur est le chef des forces armées, dirige la politique étrangère (et notamment détient le droit de déclarer la guerre et de faire la paix) et convoque les sessions annuelles de la Douma (article 9).
Le pouvoir législatif de la Douma est officiellement restreint : elle n'a pas l'initiative des lois et les lois qu'elle a acceptées passent ensuite devant l'ancien Conseil d'État transformé en Conseil d'Empire et qui tient lieu de chambre haute (article 44). Le gouvernement a la possibilité de légiférer par oukases dans l'intervalle des sessions, à charge de les faire ratifier ensuite par la Douma.
La période semi-constitutionnelle (1905-1907)
La première Douma ou Douma cadette (mai-juillet 1906)
Les élections réellement libres sont un succès pour le parti Kadet et le centre gauche. Beaucoup parmi les nouveaux élus prennent leurs fonctions à cœur et s'aliènent immédiatement la couronne en cherchant à établir un régime parlementaire et à imposer une réforme agraire jugée inacceptable par la noblesse tandis que Goremykine, éphémère Premier ministre d'avril à juillet 1906, refuse tout contact avec la Douma. Elle veut aussi la libération de tous les prisonniers politiques et du veto des ministres. Les Russes sont à peine majoritaires (deux cent soixante-dix députés russes pour deux cents non-russes)43.
Stolypine, nommé nouveau Premier ministre par Nicolas II, obtient la dissolution de la Douma. Les députés libéraux et socialistes modérés répliquent en lançant l'appel de Vyborg, appelant à la résistance passive par le refus de l'impôt et de la conscription. Les signataires de l'appel sont condamnés à la prison et déclarés inéligibles non seulement à la future Douma mais aussi aux zemstvos.
La deuxième Douma ou Douma rouge (février-juin 1907)
Le gouvernement s'est assuré tous les moyens de pression pour obtenir des résultats favorables, mais la deuxième Douma s'avère encore plus ingouvernable que la première. Les partis de gauche qui ont renoncé au boycott progressent aux dépens des cadets, dont les leaders sont inéligibles. Les socialistes-révolutionnaires obtiennent trente-six députés et les sociaux-démocrates soixante-six. Les députés non-russes sont toutefois moins nombreux43. Ils s'opposent à Stolypine par tous les moyens : ce dernier obtient de nouveau de l'empereur la dissolution de la Douma, à cause d'un prétendu complot fomenté par les sociaux-démocrates.
Le gouvernement Stolypine (1906-1911)
En juillet 1906, Nicolas II nomme Stolypine président du Conseil des ministres. Celui-ci se donne deux objectifs : rétablir l'ordre et mettre en œuvre un programme de réformes. Il est le grand artisan de la nouvelle politique russe, qui se veut conservatrice et moderniste. Issu d’une famille de vieille noblesse, il pense que le seul remède à la poussée révolutionnaire est le développement économique du pays.
La modification de la loi électorale et l'élection de la Troisième Douma[modifier | modifier le code]
La modification de la loi électorale a pour but de faire élire une Douma prête à coopérer avec le gouvernement : la représentation paysanne est diminuée de près de moitié, celle des ouvriers réduite de façon draconienne. Le nombre de députés de la noblesse augmente de façon tout à fait disproportionnée étant donné le faible nombre de ses électeurs. Le gouvernement trouve enfin une Douma coopérative, où l'Union du peuple russe (droite nationale) et les Octobristes sont majoritaires, mais où des bolcheviks sont députés.
Contrairement à ce qui s'est passé pour les deux premières Doumas qui n'ont duré que quelques mois, la troisième reste en fonction jusqu'au terme légal de la législature, c'est-à-dire jusqu'en 1912.
La quatrième Douma dure également cinq ans, de 1912 à la révolution de février 1917.
La lutte contre le terrorisme
L'arrivée au pouvoir de Stolypine correspond à une reprise du terrorisme. Les socialistes-révolutionnaires décident en 1906 de frapper un grand coup : la résidence où vit le Premier ministre est l'objet d'un attentat particulièrement sanglant (plus de trente victimes, dont deux enfants de Stolypine, sont grièvement blessés). Stolypine est indemne, mais il est convaincu de la nécessité de sévir sur-le-champ. Il décide la constitution de cours martiales ambulantes composées d'officiers sans formation juridique qui procèdent à l'instruction immédiate des dossiers : les jugements sont rendus et exécutés par des militaires, les accusés sont privés d'avocat et du droit d'interjeter appel. Cette justice expéditive et arbitraire, qui fonctionne jusqu'au printemps 1907, prononce des milliers de condamnations à mort (la cravate de Stolypine) ou aux travaux forcés (le wagon de Stolypine). Au temps de Stolypine, la Sibérie gagne trois millions d’habitants, dont des condamnés politiques.
Une réelle tentative de réforme agraire
Stolypine estime qu'il faut changer radicalement de politique agraire. Il est convaincu que le mir est devenu un ferment de socialisme qui va à l'encontre du droit de propriété et ne permet plus de maintenir l'ordre dans les campagnes. Il entend par conséquent constituer une classe de petits propriétaires privés qui élargirait la base sociale du régime et briserait l'unité corporative de la paysannerie, en calquant l'Occident où les paysans soutiennent politiquement les partis conservateurs.
Les oukases de 1906, 1910 et 1911 facilitent la dissolution des mirs, afin de permettre le passage de la propriété collective à la propriété individuelle. La législation agraire de Stolypine, quoique critiquée, est la seule à tenter une modification en profondeur des campagnes et de la condition du peuple russe.
Leur résultat est très controversé. Les statistiques divergent et vont de 16 à 54 % de koulaks sortis du mir selon les auteurs. Les libéraux estiment que cette politique résolue est en train de sauver l'Empire et, avec les années, la réforme aurait atteint son but avec la transformation et la stabilisation des campagnes. Les marxistes pensent que cette réforme a eu une portée très limitée, car elle pèche par l'étroitesse de son champ d'application. Stolypine est décidé à ne pas confisquer de terres à la noblesse et invite les paysans à repartager les terres qu'ils possèdent déjà. Son aspect est coercitif et provoque l'accentuation des différenciations sociales au sein de la masse paysanne.
Stolypine s’emploie à russifier le monde des affaires en favorisant la formation de capitaux russes, le développement des exportations et la mise en œuvre d’une production de plus en plus compétitive. Mais, le 14 septembre 1911, il essuie un coup de feu, tiré par Bogrov, alors qu'il assiste à une représentation à l'opéra de Kiev en présence du tsar et de sa famille. Il meurt quatre jours plus tard. Bogrov est présenté comme un juif agissant pour l’extrême-gauche, mais en réalité il appartient à l’Okhrana et a l’ordre de supprimer Stolypine, responsable de la réforme agraire et donc haï par les grands propriétaires terriens. Cette thèse sera développée par Alexandre Soljenitsyne dans août 14, premier nœud.
En 1913, deux ans après sa mort, l’Empire russe est considéré comme la troisième puissance mondiale, mais la dernière tentative de réforme conservatrice de l'Empire n'a pu être menée à son terme.
L'avant-guerre
Une impression de fin de règne (1911-1914)
La mort de Stolypine marque la reprise des troubles révolutionnaires et des grandes grèves, telle celle sur la Léna à partir de février 1912. Kokovtsov est nommé, par l'empereur, président du Conseil. Pendant ce mandat, il garde le portefeuille de ministre de l'Intérieur. Dans son autobiographie, le comte Witte mentionne Kokovtsov, comme l'un de ses assistants les plus brillants. Witte laissait son assistant gérer lui-même certaines affaires, notamment certaines réformes dans les finances de la Russie impériale. Kokovtsov, homme prudent, très capable et défenseur du tsar, ne peut toutefois pas lutter contre les factions puissantes de cour, qui détiennent un véritable pouvoir44. Kokovtsov est une sorte de mandarin russe, haut fonctionnaire froid, hautain, consciencieux et compétent45. Quand le ministre de la guerre Vladimir Alexandrovitch Soukhomlinov réclame pour son budget des crédits démesurés, il les réduit considérablement, ce qui lui attire la haine de ce personnage qui voulait remplacer Stolypine.
En 1912, la Russie instaure un système d'assurance sociale pour les ouvriers et adopte un certain nombre d'autres lois pour améliorer leurs conditions de vie. Le président américain William Taft commente ainsi ces lois sociales : « La législation du travail que votre Empereur a promulgué est tellement parfaite que notre pays démocratique ne peut se vanter de pareille protection sociale »46. Kokovtsov, Premier ministre libéral, qui a négocié avec Cambon et Poincaré les emprunts ferroviaires de 1906, en redemande en 1913. Émigré en France, il sera l'ami de Poincaré47.
Vladimir Kokovtsov est remplacé par Ivan Goremykine, car il s’est permis de critiquer ouvertement Raspoutine. Le 12 février 1914, Goremykine est de nouveau rappelé par Nicolas II au poste de président du Conseil. Le choix du tsar est dicté par les bons sentiments qu'éprouve l'impératrice Alexandra pour le président du Conseil. Il reste dans ces fonctions jusqu'en juillet 1916. L'hostilité des membres de la Douma et des ministres nuit à l'efficacité de son gouvernement. En 1915, Nicolas II prend la décision d'assurer lui-même le commandement de l'armée impériale, Goremykine invite le Conseil d'État a approuver la décision de l'empereur. Les conseillers d'État refusent sa proposition, il déclare alors : « Je ne suis pas apte à assurer ma position et demande à être remplacé par un homme possédant des vues plus modernes ». Le 2 février 1916 son désir est exaucé, il est remplacé par Boris Stürmer qui n'est en rien un homme moderne.
Raspoutine[
Par l'intercession de la grande-duchesse Militza et de sa sœur, la grande-duchesse Anastasia, Raspoutine, qui se dit starets, est présenté à la famille impériale au grand complet, le 1er novembre 1905. Il offre à chacun de ses hôtes des icônes. Le jeune tsarévitch Alexis souffrant d'hémophilie, Raspoutine demande à être conduit au chevet du jeune malade, lui impose les mains, et parvient à enrayer la crise et à le soulager. Selon certains, il ne donne plus d’aspirine au jeune malade, ce médicament anticoagulant qui aggrave l'hémophilie.
Le moujik acquiert la reconnaissance de la famille impériale et ses proches. La tsarine Alexandra Feodorovna croit même que Raspoutine est un messager de Dieu. Invité à leurs fêtes ou réunions, il fait la connaissance de nombreuses femmes riches qui le prennent pour amant et guérisseur. L'une d'entre elles, Olga Lokhtina, épouse d'un général influent mais crédule, le loge chez elle et le présente à d'autres femmes d'influence, comme Anna Vyroubova, amie et confidente de la tsarine, et Mounia Golovina, nièce du tsar. Grâce à d'habiles mises en scène, il se produit à Saint-Pétersbourg ou au palais impérial de Tsarskoie Selo, résidence impériale, dans des séances d'exorcisme et de prières. Des récits de débauches, prétendues ou avérées, commencent alors à se multiplier et à faire scandale.
En 1912, le tsarévitch Alexis souffre d'hémorragie interne que les médecins n'arrivent pas à guérir. Raspoutine est appelé en désespoir de cause, et après avoir béni la famille impériale, entre en prière. Au bout de dix minutes, épuisé, il se relève en disant : « Ouvre les yeux, mon fils ». Le tsarévitch se réveille en souriant et, dès cet instant, son état s'améliore rapidement.
Dès lors, Raspoutine devient un familier de Tsarskoie Selo et est chargé de veiller sur la santé des membres de la famille impériale. Le tsar se figure être proche du peuple car il accueille dans son palais Raspoutine. Cependant, malgré la pleine confiance du tsar, il se rend vite très impopulaire auprès de la cour et du peuple et est vite considéré comme le « mauvais ange » de la famille impériale.
Il ne se préoccupe pas d'amasser une fortune personnelle, le seul luxe qu'il s'accorde consiste en une chemise de soie et une magnifique croix offertes par l'impératrice Alexandra . Il conserve ses cheveux gras et sa barbe emmêlée.
Raspoutine se heurte en 1905 au président du Conseil Stolypine, homme moderne et efficace, qui n’accepte pas l'influence de ce moujik mystique. Lors de l'affaire des Balkans, en 1909, Raspoutine se range dans le parti de la paix aux côtés de la tsarine et d'Anna Vyroubova contre le reste de la famille Romanov. Le président du Conseil le fait surveiller par l'Okhrana et Raspoutine est écarté de la cour et exilé à Kiev. Le 14 septembre 1911, l’assassinat de Stolypine met fin aux réformes et permet aussi au « starets » de revenir à la cour. Lors de l'été 1912, le tsarévitch Alexis, en déplacement en Pologne, est victime d'une nouvelle hémorragie interne très importante, après un accident. Raspoutine envoie un télégramme assurant la famille impériale de ses prières et, après la réception de son télégramme, l'état de santé du tsarévitch se stabilise et commence à s'améliorer le lendemain. Cette coïncidence est à l’origine du renvoi de ministres ou de généraux. Raspoutine est toutefois contre l’entrée en guerre de la Russie49. Les défaites qu’ils avaient prédites font que l’opinion va jusqu’à lui prêter une relation avec l’impératrice50.
L'empereur se montre alors de moins en moins réceptif aux prophéties et aux conseils du faux moine51. Mais, en 1915, il est discrédité et le pouvoir se retrouve aux mains de l'impératrice Alexandra Feodorovna et de Raspoutine. Ce dernier est finalement assassiné en décembre 1916 par un agent des services secrets britanniques lors d'un complot organisé par des ultra-monarchistes et menés par le prince Youssoupoff, parent par alliance de l'empereur.
La rivalité avec l'Autriche-Hongrie dans les Balkans (1908-1914)
En 1613, le boyard Michel III de Russie avait été élu tsar de toutes les Russies. En 1913, Nicolas II célèbre en grande pompe le 300e anniversaire de règne de la Maison Romanov ; les acclamations orchestrées de la foule le convainquent de sa popularité et de la puissance de la Russie, mais ce pays est un colosse aux pieds d’argile29.
Nicolas II et sa famille assistent à des nombreuses cérémonies dans tout le pays. A-t-il conscience du danger qui menace l'Europe et son Empire ? En 1913, Lénine écrit à Gorki : « Une guerre entre la Russie et l'Autriche serait très profitable à la révolution. Mais, il y a peu de chances que François-Joseph et Nikki52 nous fassent ce plaisir53. » C'est aussi l'avis d'autres révolutionnaires russes.
Lorsque l'Autriche-Hongrie a annexé la Bosnie-Herzégovine en 1908, la Russie a refusé de s'incliner mais, mal soutenue par la France qui estimait que les intérêts vitaux de la Russie n'étaient pas en jeu et menacée par un ultimatum secret allemand, elle dut accepter le fait accompli.
Les querelles balkaniques ne sont pas perçues comme un danger pour la paix, mais comme une possibilité de revanche pour une Russie humiliée en 1904-1905, puis en 1908. Elle acquiert la certitude qu'un jour l'un des deux empires devra céder devant l'autre. Elle entend de ce fait tirer profit d'un éventuel démembrement de l'Empire ottoman, dans les Balkans, pour s'assurer des positions rêvées et patronne la création d'une alliance entre les États balkaniques qui attaquent la Turquie en 1912 et soutient la Serbie dans toutes ses entreprises.
L'attentat de Sarajevo est l'œuvre de terroristes armés par Belgrade et soutenus par leur 2e Bureau, mais ils sont liés au colonel Artmarov, attaché militaire russe en Serbie et aux services secrets russes. Le gouvernement serbe n'ose pas sévir contre eux54.
Après l'assassinat de l'héritier du trône d'Autriche-Hongrie à Sarajevo par les Serbes et l'envoi par le gouvernement austro-hongrois à la Serbie d'un ultimatum, jugé qu'en grande partie acceptable par Belgrade, le gouvernement russe décide de soutenir la Serbie, faute de quoi il ne lui resterait qu'à enregistrer une nouvelle défaite. La Russie se considère comme la protectrice naturelle des Slaves. Elle a déjà fait par le passé des guerres pour ce genre de prétexte. Nicolas II, demeuré pacifique, déclare : « C'est une crise balkanique de plus »L2 10. Il écrit à son cousin Willy55 : « Je compte sur ta sagesse et ton amitié. » Néanmoins son cousin lui réplique: « Actuellement, il est en ton pouvoir d'empêcher la guerre… Personne ne menace l'honneur et la puissance russe…
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LE COLISÉE |
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Colisée
Le Colisée, à l'origine amphithéâtre Flavien (Colosseo en italien), est un immense amphithéâtre ovoïde situé dans le centre de la ville de Rome, entre l'Esquilin et le Cælius, le plus grand jamais construit dans l'empire romain. Il est l'une des plus grandes œuvres de l'architecture et de l'ingénierie romaines.
Sa construction, juste à l'est du Forum Romain, a commencé entre 70 et 72 ap. J.-C., sous l'empereur Vespasien, et s'est achevée en 80 sous Titus. D'autres modifications ont ensuite été apportées au cours du règne de Domitien (81-96)1. Le nom d'amphithéâtre Flavien dérive du nom de famille (gens Flavii) des deux empereurs Vespasien et Titus.
Pouvant accueillir entre 50 000 et 75 000 spectateurs2, le Colisée a été utilisé pour les venationes (combats d'animaux sauvages), les munera (combats de gladiateurs) et autres spectacles publics, tels que des exécutions de condamnés à mort, des reconstitutions de batailles célèbres et des drames basés sur la mythologie romaine. Il est resté en service pendant près de 500 ans, les derniers jeux se prolongeant jusqu'au vie siècle. Pour l'inauguration du Colisée, en 80 ap. J.-C., Titus donne une Naumachie dans le Colisée transformé en bassin reconstituant la bataille navale de Corinthe contre Corcyre. Le bâtiment a finalement cessé d'être utilisé au cours du haut Moyen Âge. Il a plus tard été réutilisé pour des usages variés tels que des habitations, des ateliers d'artisans, le siège d'un ordre religieux, une forteresse, une carrière et un sanctuaire catholique chrétien.
Le Colisée est actuellement en état de ruine, en raison des dommages causés par les tremblements de terre et la récupération des pierres, mais il continue à donner la mesure de l'ancienne puissance de la Rome Impériale. Aujourd'hui, il est l'un des symboles de la Rome moderne, une de ses attractions touristiques les plus populaires, et a encore des liens étroits avec l'Église catholique romaine : chaque Vendredi saint, le pape mène une procession aux flambeaux sur un chemin de croix aboutissant à l'amphithéâtre. Le Colisée est représenté sur la pièce de monnaie italienne de 5 centimes d'euro.
Le nom du Colisée
Le nom latin initial du Colisée était amphitheatrum Flavium (en français « amphithéâtre Flavien »). Le monument a été construit par les empereurs de la dynastie Flavienne pour offrir aux citoyens des spectacles, d'où son nom d'origine3. Ce nom est encore fréquemment utilisé dans les ouvrages spécialisés, mais il est peu connu du grand public. Dans l'Antiquité, les Romains ont parfois évoqué le Colisée sous le nom d'Amphitheatrum Caesareum, dans un contexte poétique4,5.
Le nom de Colosseum (du bas-latin colossus qui vient lui-même du grec κολοσσός, « colosse, grande statue6 ») est probablement7 dérivé de celui d'une statue colossale de Néron érigée à proximité1 et initialement ornant l'entrée de la Domus aurea8. Cette statue a ensuite été remodelée par les successeurs de Néron en une figure d'Hélios (Sol ou Apollon), dieu du soleil, par l'ajout de la couronne solaire. La tête de Néron a été remplacée à plusieurs reprises par celles de divers empereurs. En dépit de ses liens païens, la statue est restée debout une bonne partie de l'époque médiévale, et était créditée de pouvoirs magiques. Elle fut finalement considérée comme un symbole iconique de la permanence de Rome9.
Au viiie siècle, Bède le Vénérable (ca. 672-735) écrivit une célèbre épigramme célébrant la signification symbolique de la statue : Quandiu stabit coliseus, stabit et Roma ; quando cadet coliseus, cadet et Roma ; quando cadet Roma, cadet et mundus ("Tant que durera le Colosse, Rome durera ; quand le Colosse tombera, Rome tombera ; quand Rome tombera, le monde tombera")10. Ceci est souvent mal traduit, en se référant au Colisée plutôt qu'au colosse (comme, par exemple, dans le fameux poème de Byron Childe Harold's Pilgrimage) : à l'époque de Bède, le nom masculin coliseus était appliqué à la statue plutôt qu'à ce qui était encore connu sous le nom d'amphithéâtre Flavien.
Le colosse de Néron a fini par tomber, probablement jeté bas en vue de la réutilisation de ses éléments de bronze. Le nom de Colosseum (nom neutre) a été utilisé vers l'an 1000, pour désigner l'amphithéâtre. La statue elle-même a été en grande partie oubliée, et seule sa base survécut, entre le Colisée et le Temple de Vénus et de Rome tout proche11.
Le nom a été corrompu en Coliseum au cours du Moyen Âge. En Italie, l'amphithéâtre est toujours connu sous le nom de il Colosseo, et d'autres langues romanes en sont venues à utiliser des formes similaires, telles que le Colisée en français, el Coliseo en espagnol, o Coliseu en portugais ou Colosseumul en roumain.
Histoire
Antiquité
Après le grand incendie de Rome en 64 ap. J.-C, Néron se fit construire un somptueux palais. S'étant saisi de terrains au fond d'une vallée basse au fond de laquelle courait un ruisseau canalisé, entre le Cælius, l'Esquilin et le Palatin, il fit édifier la magnifique domus aurea. Devant des pavillons, jardins, et portiques, il créa un lac artificiel et fit placer le Colosse de Néron non loin de l'entrée du domaine. L'aqueduc préexistant de l'Aqua Claudia fut prolongé pour l'approvisionnement en eau de cette zone11.
À sa mort en 68, Néron fit l'objet d'une damnatio memoriae. La zone fut transformée par Vespasien et ses successeurs. La statue colossale fut conservée, mais on démolit une grande partie de la Domus Aurea dont les vestiges servirent de fondations aux thermes de Trajan. Le lac fut comblé et le terrain réutilisé pour la construction du nouvel amphithéâtre Flavien qui était destiné à remplacer l'amphithéâtre de Statilius Taurus totalement ravagé lors du grand incendie de Rome12. La construction du Colisée commença autour de 70-72 (le début et la durée des travaux de construction reste incertains mais selon le plupart des historiens, ils durèrent environ dix ans, avec deux années supplémentaires pour la finition13) sous le règne de l'empereur Vespasien dont la décision peut être vue comme un geste populiste de retour au domaine public d'un quartier annexé par Néron pour son propre usage14.
Selon une inscription sur un bloc de marbre trouvé sur le site, « l'empereur Vespasien a ordonné que l'on édifie ce nouvel amphithéâtre sur sa propre part de butin15 », il y a lieu de penser que cela se réfère à la grande quantité de trésors saisis par les Romains à la suite de leur victoire dans la Première Guerre judéo-romaine de 70, notamment le sac de Jérusalem et le pillage de son temple16. Il est possible que les milliers de prisonniers juifs emmenés à Rome à la suite de cette campagne militaire aient été employés à la construction du monument, notamment pour les travaux les moins qualifiés (ouvriers posant le béton plutôt que maçons spécialisés dans le travail du travertin)17. Le Colisée peut donc être interprété comme un grand monument triomphal construit dans la tradition romaine de célébration des grandes victoires, ce qui expliquerait la présence d'un arc de triomphe ornant l'entrée principale du Colisée et l'ajout par Domitien de boucliers de bronze sur l'attique11.
Contrairement à beaucoup d'autres amphithéâtres situés à la périphérie des villes, le Colisée fut construit littéralement et symboliquement au cœur de Rome. Des écoles de gladiateurs et d'autres bâtiments annexes furent construits à proximité. À la mort de Vespasien, en 79, le troisième étage du Colisée était achevé. Le dernier niveau fut inauguré par son fils Titus, en 80. Dion Cassius rapporte que 9 000 bêtes sauvages furent tuées lors des jeux inauguraux. Le bâtiment fut ensuite rénové par Domitien, fils cadet de Vespasien, empereur nouvellement désigné, qui ajouta l'hypogée , réseau de souterrains utilisés pour abriter les animaux et les gladiateurs. Il adjoignit également une galerie tout au sommet du Colisée, destinée à accroître encore le nombre de places.
Lors de l'inauguration, près de 9 000 animaux sauvages furent mis à mort. Sous le règne de Trajan, en 107, 11 000 animaux et 10 000 hommes auraient été impliqués durant 123 jours de fête. Côté technique, 2 000 marins étaient employés pour manœuvrer au-dessus du Colisée l'immense velarium qui donnait de l'ombre aux 55 000 spectateurs. Ceux-ci pouvaient alors admirer à la belle saison, et environ six fois par an, le combat des gladiateurs dont l'âge dépassait rarement 22 ans.
En 217, le Colisée fut gravement endommagé par un incendie majeur (causé par la foudre, selon Dion Cassius18) qui détruisit les étages supérieurs des gradins construits en bois. Il ne fut entièrement réparé que vers 240 et subit d'autres réparations en 250 ou 252, puis en 320. Une inscription enregistre la restauration de diverses parties du Colisée sous Théodose II et Valentinien III (règne : 425-450), peut-être pour réparer les dommages causés par un tremblement de terre majeur, en 443 ; d'autres travaux furent entrepris en 484 et en 508.
L'arène continua d'être utilisée pour des concours jusqu'au vie siècle au moins, avec les derniers combats de gladiateurs vers 435. Les chasses aux animaux sauvages se poursuivirent au moins jusqu'en 52311.
Époque médiévale
Le Colisée a connu bien des changements au cours du Moyen Âge. Une petite église fut construite à l'intérieur de la structure, à la fin du vie siècle, et l'arène devint un cimetière.
Les nombreux espaces voûtés, sous les gradins, furent utilisés comme habitations ou comme ateliers, et on relève encore des locataires au xiie siècle, époque où les Frangipani fortifièrent l'édifice, apparemment pour en faire une forteresse.
Le Colisée eut à souffrir de plusieurs tremblements de terre dont ceux de 443, 508, 801, 847 et surtout celui de 1349 qui provoqua l'effondrement de tout un pan du mur extérieur du côté sud19. Avec l'autorisation du pape, une grande partie des pierres fut alors récupérée pour la construction des palais, églises, hôpitaux et autres bâtiments. Ainsi toute la façade du palais de Venise et de la basilique Saint-Pierre sont issues du recyclage des blocs de travertin du Colisée20. Les placages de marbre alimentèrent les fours à chaux11. Les agrafes de fer ou de bronze scellées au plomb servant à assujettir les pierres furent systématiquement pillées en creusant au burin entre les joints, laissant les innombrables cicatrices (trous) aujourd'hui visibles sur tous les murs intérieurs et extérieurs, et affaiblissant encore l'édifice qui souffrit des tremblements de terre de 1703 et 181221.
Un ordre religieux s'installa dans les ruines au milieu du xive siècle, pour s'y maintenir jusqu'à la fin du xixe siècle22.
Époque moderne
Le Colisée, la Meta Sudans et l'arc de Constantin, vus par Bernardo Bellotto, vers 1742.
Au cours des xvie et xviie siècles, les fonctionnaires de l'Église cherchèrent à donner un rôle productif au grand monument à l'abandon. Sixte Quint (1585-1590) envisagea de transformer l'édifice en filature de laine où l'on emploierait les prostituées, mais cette proposition ne fut pas suivie d'effet par suite de son décès23. En 1671, le cardinal Altieri autorisa son utilisation pour des courses de taureaux, ce qui provoqua un tollé.
Thomas Cole, 1832. Le chemin de croix autour de l'arène et la végétation couronnant les murs ont été supprimés à la fin du XIXe siècle.
Au début du xviiie siècle un moine Carme le père Angiolo Paoli, intervint auprès du pape Clément XI pour préserver ce lieu qui « avait été imprégné du sang des martyrs » et avait été laissé à l'abandon. Le Pape approuva le projet du moine. Le Carme, avec l'aide de quelques volontaires, se transforma en maçon et fit fermer les arcs avec des murs épais, et les portes avec de grosses traverses en fer. À l'intérieur, il érigea trois grosses croix de bois24.
En 1749, Benoît XIV décida que la politique officielle de l'Église serait de faire du Colisée le lieu sacré où les premiers chrétiens ont été martyrisés. Il interdit l'utilisation du Colisée comme carrière, et consacra l'édifice à la Passion du Christ et fit installer un chemin de croix, le déclarant sanctifié par le sang des martyrs chrétiens qui y périrent. Plus tard furent entrepris divers projets de restauration et de stabilisation : sous l'Empire français, la façade fut renforcée par des étais de brique en 1807 et 1827, Napoléon faisant employer 1 800 hommes à la restauration et aux fouilles des principaux monuments de Rome de 1811 à 1814. À la suite de l'occupation de Rome, Napoléon III poursuivit les travaux de restauration et de fouilles25. L'intérieur fut restauré en 1831, 1846 et 1930. Avant le nettoyage et les restaurations effectuées au xixe siècle par des archéologues et ingénieurs, les voyageurs avaient une vision romantique du site, les arcs et les ruines devenues un jardin rempli de fleurs et de verdure leur rappelant la splendeur passée de Rome26.
L'arène fut partiellement fouillée en 1810-1814 et en 1874, puis totalement déblayée dans les années 193011. En 1995, débuta un chantier de restauration, le plus important depuis 1836, dont l'objectif était de diminuer le nombre de fragments du monument se détachant et d'ouvrir 85 % du monument au public (contre 15 % en 1995)27. Les restaurations se poursuivent encore actuellement.
Architecture
Extérieur
Contrairement aux amphithéâtres antérieurs construits entre deux collines, le Colisée est une structure autonome entièrement construite. Il est de plan ovoïde (courbe polycentrique très proche d'une ellipse)28, orienté OSO-ENE, de 189 m de long et 156 m de largeur, avec une superficie de 2,4 ha. La hauteur de la paroi extérieure est de 48 m. Le périmètre d'origine mesure 545 m. L'arène centrale est un ovale de 86 m de long et 54 m de largeur, entouré par un mur de 4,5 m de hauteur, qui s'élève jusqu'au niveau des premiers gradins29.
Près de 100 000 m3 de travertin (dont 45 000 pour la paroi extérieure en opus quadratum), montés sans mortier, mais solidarisés par 300 t d'agrafes de fer, ont été utilisés11. Cette roche, issue d'une carrière près de Tibur, fut transportée au Colisée par une route spécialement aménagée à cet effet. Une quantité similaire de blocs de tuf, de briques et de béton en opus caementicium ont également été employés afin d'adapter la résistance des matériaux aux charges et poussées selon structures (principaux piliers en travertin, murs radiaux en travertin et tuf, voûtes en briques de béton30. Cependant, l'ensemble de la structure a subi d'importants dommages au cours des siècles, avec de larges segments effondrés à la suite de tremblements de terre. Le côté nord du mur d'enceinte est toujours debout ; les rampes de brique à chaque extrémité ont été ajoutées au xixe siècle pour consolider le mur. Le reste de l'actuel extérieur du Colisée est en fait le mur intérieur d'origine.
Le bâtiment repose sur une base de deux marches. La partie survivante de la paroi extérieure de la façade monumentale se compose de trois niveaux d'arcades superposés, surmontés d'une plate-forme sur laquelle se dresse un attique de grande hauteur, percé de fenêtres à intervalles réguliers. Seulement 31 arcs de l'anneau extérieur, numérotés de XXIII à LIV, sont restés intacts. Les arcades sont encadrées de demi-colonnes de style dorico-toscan (style spécifiquement romain), ionique et corinthien, tandis que l'attique est orné de pilastres composites31, les style de ces trois niveaux devenant l'archétype des amphithéâtres romains postérieurs32. Les arcs au rez-de chaussée font 7.05 m de hauteur pour 4.20 m de largeur. Les arcs aux premier et deuxième étages, qui ne font que 6.45 m de hauteur, étaient ornés de 160 statues en bronze doré hautes de cinq mètres probablement en l'honneur des divinités et des autres personnages de la mythologie classique, tandis que 40 boucliers en bronze ajoutés par Titus rythmaient l'attique et symbolisaient les conquêtes militaires romaines avec le bouclier pris à l'ennemi. Il est possible que les boucliers soient un rappel de ce décor déjà employé dans la basilique Æmilia33.
La construction est favorisée par la répétition d'un motif architectural, le fornix (travée formée d'une arcade et de deux piliers, répétée 80 fois pour constituer le périmètre) rappelant la prostitution qui se déroulait sous ces arcades34.
Deux cent quarante mâts étaient dressés en encorbellement autour du sommet de l'attique. Ils soutenaient un vaste auvent rétractable, connu sous le nom de velum ou velarium, qui abritait les spectateurs du soleil. C'était une immense toile soutenue par un anneau de cordes en filet, avec un trou au centre1. Il couvrait deux tiers de l'arène, en pente vers le centre pour capter le vent et en diriger une brise vers les spectateurs. Des marins, spécialement enrôlés au siège de la marine à Misène et basés à la proche caserne du Castra Misenatium, étaient chargés de la manœuvre du velarium35. À noter que les places les plus hautes, où prenaient place les plus pauvres, n'étaient pas protégées du soleil36.
Le Colisée était entouré d'une place de 17,5 m de large pavée de travertin et délimité par les bornes fixées37 dans le sol dont la fonction est discutée (ancrage des cordes de rappel du velarium, portes pour filtrer et réguler les accès au monument)38. Les jours de spectacle, cette place regorgeait de colporteurs et de pickpockets39. L'énorme capacité du Colisée rendait indispensable un dispositif d'accès et d'évacuation rapide, pour lequel les architectes mirent au point des solutions similaires à celles que nous connaissons dans nos stades modernes. Quatre-vingts entrées s'ouvraient sur l'extérieur au rez-de-chaussée, dont soixante-seize, numérotées (de même que chaque escalier) étaient destinées aux spectateurs ordinaires1. Des grilles sous chaque arc (il ne reste plus que leurs gonds dans le mur) permettaient de réguler le flot de spectateurs. La porte principale nord-ouest (appelée « porta triumphalis » ou « porte de la vie ») était l'entrée principale réservée à la parade inaugurale des gladiateurs et à la sortie des combattants vainqueurs, la porte sud-est (la « porta libitinensis » ou « porte de la mort »)40 pour emmener les mortellement blessés au spoliarium alors que les deux autres entrées axiales étaient destinées à l'élite (porte sud-ouest empruntée par l'empereur et ses proches, par les sénateurs et les vestales ; porte nord-est par les magistrats et riches patriciens)41. Les quatre entrées axiales étaient richement décorées de peintures et de reliefs en stuc, dont des fragments nous sont parvenus. Le « passage de Commode » (passage secret du nom de l’empereur qui, selon les sources historiques, y subit un attentat)42 qui reliait la loge impériale méridionale à l'extérieur (probablement un palais) est le témoin de ce riche décor. Bon nombre des entrées originales extérieures ont disparu avec l'effondrement du mur extérieur, mais les entrées XXIII à LIV survivent encore. Tout l'édifice était probablement peint11.
Les spectateurs recevaient des billets sous forme de fragments de poterie numérotés (jeton d'entrée, ou tessera, distribué gratuitement la veille43) qui leur donnaient les instructions nécessaires de section et de rangée de sièges. Ils accédaient à leurs places par des vomitoria qui s'ouvraient sur les gradins, le public étant installé en une heure de temps. Dès la fin des jeux ou en cas d'urgence, l'évacuation ne prenait que quelques minutes44.
Les spectateurs étaient assis dans un arrangement hiérarchisé qui reflète la nature rigide et stratifiée de la société romaine. Des inscriptions gravées sur les gradins indiquent à quelle catégorie de personnes ils étaient destinés, par exemple equitibus romanis (c'est-à-dire « pour les chevaliers romains »), ou encore pædagogis puerorum (« pour les maîtres d'école »).
Des loges spéciales étaient réservées respectivement au sud et nord à l'empereur et aux Vestales, offrant les meilleures vues sur l'arène. Une large plate-forme ou podium, au même niveau, accueillait les spectateurs de classe sénatoriale, autorisés à apporter leur propre chaise. Les noms de certains sénateurs du ve siècle sont encore gravés dans la pierre.
Le niveau situé juste au-dessus de celui des sénateurs, connu sous le nom de primum mænianum, était occupé par la classe des chevaliers (ordre équestre : equites, noblesse non sénatoriale). Le niveau suivant, le mænianum secundum, était à l'origine réservé aux simples citoyens romains (les plébéiens) et était divisé en deux sections. La partie inférieure (l'immum) était destinée aux citoyens riches, alors que la partie supérieure (le summum) était dévolue à la classe moyenne. Des secteurs spécifiques étaient attribués à d'autres groupes sociaux : par exemple, les garçons avec leurs tuteurs, les soldats en permission, les dignitaires étrangers, les scribes, les hérauts, les prêtres et ainsi de suite. Certaines zones étaient réservées à des groupes spécifiques. Les sièges de pierre, — et plus tard de marbre — étaient rendus plus confortables par les coussins que chacun apportait pour son propre usage47.
Un dernier niveau, le mænianum secundum in ligneis, ("2e étage en bois") fut ajouté au sommet de l'édifice sous le règne de Domitien. Il consistait en une galerie destinée aux pauvres, aux esclaves et aux femmes, avec des places debout ou aménagées succinctement sur des tribunes de bois en pente très raide. Certains groupes étaient totalement exclus du Colisée, notamment les fossoyeurs, les acteurs et les anciens gladiateurs11.
Chaque niveau, divisé en sections (mæniana) par des passages en courbe et des murets (praecinctiones ou baltei), était subdivisé en cunei, ou portions, et par les allées et les marches des vomitoria. Chaque rangée (gradus) avait ses sièges numérotés, permettant de désigner précisément chaque siège par son gradus, son cuneus et son numéro propre48.
Arène et hypogée
L'arène mesure 83 × 48 m (280 × 163 pieds romains)11. Elle est composée d'un plancher de bois recouvert de sable (le mot latin arena ou harena signifie "sable") qui évitait aux combattants de glisser, absorbait facilement le sang répandu et pouvait être rapidement remplacé49. La mise en eau . L'arène couvre une vaste structure souterraine appelée « hypogée » (nom masculin d'origine grecque, littéralement "le sous-sol": hupo (sous) et gê (la terre)). Il reste peu actuellement de l'arène originale, mais l’hypogée est encore bien visible : à la suite des fouilles entreprises en 1803, les souterrains sont envahis par les eaux d'égouts et de pluie, et il a fallu attendre les années 1880 pour que des pompes performantes puissent évacuer ces eaux et permettre la reprise des fouilles. Les souterrains sont édifiés quelques années après l’inauguration de l’amphithéâtre, à l’époque de Domitien (81-96 après J.-C.)50.
L'hypogée était divisés en 15 couloirs réalisés en brique et blocs de tuf, bâtis parallèlement à une galerie centrale qui suivait le grand axe de l’ellipse (est-ouest). Il était constitué d'un réseau à deux niveaux souterrains de tunnels et de cages situés sous l'arène, où gladiateurs et animaux se tenaient prêts avant le spectacle. Quatre-vingts puits verticaux fournissaient un accès instantané à l'arène pour les animaux en cage et les accessoires de scène ; des plates-formes à charnières de plus grandes dimensions, appelées hegmata, permettaient l'accès des éléphants et autres grands animaux. L'hypogée a été restructuré à maintes reprises au cours des cinq siècles de fonctionnement du Colisée, et l'on peut distinguer au moins douze différentes phases de construction11.
L'hypogée était relié par des tunnels souterrains à un certain nombre de points en dehors du Colisée. Les animaux et leurs dresseurs pouvaient rejoindre par un tunnel les écuries situées à proximité, de même que les gladiateurs pouvaient rallier sans peine à partir du couloir central leur caserne du Ludus Magnus, toujours visible, juste à l'est du Colisée. Des tunnels spéciaux étaient réservés à l'empereur et aux Vestales, afin qu'ils puissent rejoindre leurs loges sans avoir à se mêler à la foule11.
Des quantités de machines de toutes sortes étaient entreposées dans l'hypogée. 28 ascenseurs51, cabestans (des socles en pierre dans laquelle était attelée la pièce en bronze de ces treuils sont encore visibles au sol)52 et poulies hissaient et descendaient décors et accessoires, ainsi que les animaux en cage jusqu'à la surface de l'arène où ils étaient libérés53. Il existe des preuves de l'existence de grands mécanismes hydrauliques permettant d'inonder rapidement l'arène, vraisemblablement par le biais d'une connexion à un aqueduc situé à proximité11.
Installations annexes
Le Colisée attira dans son orbite toutes sortes d'activités annexes dans le voisinage : en plus de l'amphithéâtre lui-même, de nombreux autres bâtiments implantés à proximité étaient liés aux jeux. Immédiatement à l'est se trouvent les importants vestiges du Ludus Magnus, une école d'entraînement des gladiateurs, reliée au Colisée par un passage souterrain. Le Ludus Magnus avait sa propre arène, qui était elle-même une attraction populaire pour les spectateurs romains. D'autres écoles d'entraînement s'étaient installées dans la même zone, le Ludus Matutinus ("école du matin"), où étaient formés les chasseurs d'animaux, en plus des écoles des Daces et des Gaulois.
À proximité également se tenait l'Armamentarium, comprenant une armurerie pour stocker les armes, le Summum Choragium, où les machines étaient entreposées, le Sanitarium, où l'on soignait les gladiateurs blessés, et le Spoliarium, où les corps des gladiateurs morts étaient dépouillés de leurs armes et évacués.
Sur le périmètre du Colisée, à une distance de 18 m du périmètre, était disposée toute une série de grosses bornes de pierre, dont cinq subsistent du côté est. Diverses explications de leur présence ont été avancées : elles pourraient avoir marqué une frontière religieuse, ou bien une limite extérieure pour le contrôle des billets, ou encore des points d'ancrage pour le velarium11.
Juste à côté du Colisée se dressait la Meta Sudans, et plus tard vint l'Arc de Constantin.
Les jeux au Colisée
Le Colisée a été utilisé pour accueillir des combats de gladiateurs et d'autres jeux très variés. Le matin, après un tour initial sur l’arène de tous les participants pour se présenter au public (la pompa gladiatoria), avait lieu un type de spectacle très populaire : la chasse aux animaux sauvages, ou venatio, qui faisait appel à une grande variété de bêtes sauvages, principalement importées d'Afrique, telles que rhinocéros, hippopotames, éléphants, girafes, lions, panthères, crocodiles, gnous et autruches. Des batailles et des chasses étaient souvent mises en scène parmi des décors comprenant des arbres et des bâtiments. Pendant l’après-midi se déroulaient les spectacles appelés munera qui ont toujours été donnés par des individus (appelés munerarii ou editores) plutôt que par l'État. Ils avaient une forte connotation religieuse, mais démontraient aussi la puissance et le prestige de la famille, auprès de la population qui les appréciait immensément54. Ces fêtes prenaient parfois une ampleur exceptionnelle : il est rapporté que Trajan, en 107, a fêté ses victoires sur les Daces par des jeux impliquant 11 000 animaux et 10 000 gladiateurs, durant 123 jours.
Les écrivains anciens rapportent que le Colisée a vu se dérouler, dès les premiers jours, des naumachies, plus communément appelées navalia proelia (reconstitutions et mise-en-scène de combats navals avec de vrais morts).
Il est consigné dans les comptes des jeux inauguraux offerts en 80 par Titus que l'arène remplie d'eau a alors accueilli des courses de chevaux et de taureaux spécialement entraînés à nager. Il est également fait état de la reconstitution d'une très fameuse bataille navale entre les Grecs de Corfou et de Corinthe.
Cela a fait l'objet d'un débat entre les historiens, bien que l'approvisionnement en eau n'eût pas été un problème, de savoir comment on avait pu rendre l'arène suffisamment étanche et trouver assez d'espace pour y faire évoluer des navires de guerre. On peut penser que ces grands spectacles navals avaient lieu dans le volume vide occupé par la suite par l'hypogée, tel que nous le voyons encore aujourd'hui11.
Des sylvae ou recréations champêtres ont également eu leur place dans les Jeux de l'amphithéâtre. Des peintres, techniciens et architectes s'appliquaient à reconstituer toute une forêt, avec de vrais arbres et arbustes plantés dans le sable de l'arène. Cette forêt apparaissait progressivement peuplée d'animaux introduits tour à tour pour le plus grand plaisir de la foule. Ces scènes pouvaient simplement montrer à la population urbaine les scènes de la nature sauvage, ou bien devenir la toile de fond de chasses ou de scènes illustrant des épisodes de la mythologie.
Pendant l'intervalle du déjeuner, sur l'arène on exécutait des condamnations à mort. Lors de l'exposition aux bêtes, la damnatio ad bestias, le condamné était généralement lié à un poteau et poussé vers les bêtes. Occasionnellement, les décors ont pu être utilisés pour des exécutions dans lesquelles le héros de l'histoire - joué par un malheureux condamné - était tué de la façon dont le relataient les récits mythologiques -, dévoré par des fauves ou d'une autre façon55. Cette partie du spectacle était la moins prisée, de nombreux spectateurs en profitant pour s'alimenter ou se rafraîchir à la cinquantaine de fontaines disposées dans le Colisée56.
Aujourd'hui
La médaille olympique des JO de 1928 à 2000 représente le Colisée comme symbole du classicisme au lieu du Parthénon, motif modifié lors des JO d'Athènes en 2004.
Le Colisée aujourd'hui est une attraction touristique majeure de Rome, avec des milliers de touristes chaque année qui paient leur billet pour voir seulement l'arène de l'intérieur, bien que l'entrée pour les citoyens de l'UE soit partiellement subventionnée et que les moins de 18 ans, ainsi que les plus de 65 ans ressortissants de l'UE soient admis gratuitement57. En 2001, un musée consacré à Éros est situé à l'étage supérieur du bâtiment. Une partie du plancher de l'arène est reconstituée la même année.
Le Colisée a également été le site de cérémonies catholiques depuis le xxe siècle. Par exemple, le pape Jean-Paul II y a inauguré une nouvelle forme de processions du chemin de croix qui ont lieu chaque Vendredi saint58,59.
Variations de température et d'humidité, secousses telluriques, trombes d'eau, pollution urbaine rongeant la pierre, surfréquentation... le Colisée est un géant malade. Chaque année, 500 000 euros lui sont alloués par l'État italien pour parer au plus urgent. Ce qui ne suffit pas pour des travaux plus ambitieux. Avec près de 5 millions de visiteurs par an (ce qui en fait le monument le plus visité d'Italie) et seulement 35 % du monument accessible au public en 2010, le Colisée poursuit ses restaurations pour éviter l'engorgement. En 2010, il ouvre ainsi une partie de l'hypogée à des visites guidées60. Face à la réduction du budget du ministère des Biens culturels, le site a dû se tourner vers le mécénat privé pour boucler le budget : en 2011, un accord signé avec Diego Della Valle, le PDG de la marque de chaussures Tod's, permet à ce groupe de se prévaloir d'être « le sponsor unique du Colisée » en finançant entièrement les travaux (nettoyage de la pierre noircie par la pollution, colmatage des fissures et brèches, remplacement des barrières métalliques obturant les arches du rez-de-chaussée, restauration de l'hypogée, mise en place d'un nouveau système d'illumination et construction d'un centre de services touristiques), soit 25 millions d'euros dont un tiers peut être déduit fiscalement61. En échange, l'association « Amici del Colosseo » créée par le sponsor a le droit exclusif d'utiliser l'image du monument pour ses publicités62. Le Colisée reste ouvert au public pendant ces travaux, prévus de 2013 à 2016, les échafaudages ne couvrant qu'un tiers du monument à la fois. Le nombre de visiteurs du Colisée est passé en une dizaine d'années d'un million par an à environ six millions en 2013, entre autres grâce au succès du film Gladiator de Ridley Scott en 200063.
DOCUMENT wikipedia.org LIEN |
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LA VACCINATION - HISTOIRE |
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VACCINATION
L’histoire de la vaccination
Observations empiriques
Edward Jenner et la vaccine
Le principe de la vaccination
La nature du vaccin
L'efficacité individuelle des vaccins
L’efficacité collective des vaccins
Les étapes de la vaccination
Inoculation du vaccin
Primovaccination
Rappels
Les vaccinations courantes
Chez l'enfant
Chez l'adulte
Le calendrier des vaccinations
Contre-indications et effets indésirables
Voir plus
vaccination
Injection intradermique
Consulter aussi dans le dictionnaire : vaccination
Cet article fait partie du dossier consacré à l'immunité.
Administration d'un vaccin ayant pour effet de conférer une immunité active, spécifique d'une maladie, rendant l'organisme réfractaire à cette maladie.
L’histoire de la vaccination
Observations empiriques
Épidémie
Au cours des grandes épidémies qui dans le passé déciment l'Europe, on constate que les personnes contaminées qui ont survécu peuvent s'occuper des autres personnes atteintes sans retomber malades : elles sont devenues, définitivement, résistantes à la maladie en question – et à celle-là seulement.
Ces observations empiriques conduisent, bien avant que l'on ne découvre les mécanismes de l'immunité, à induire une maladie pour s'en protéger. La pratique de la variolisation, arrivée en Europe au début du xviiie siècle, a vu le jour en Chine au début du xie siècle. Très en vogue sous le règne de Louis XV dans les classes privilégiées, elle consiste à inoculer une variole bénigne (par scarification avec des croûtes varioleuses) pour éviter une forme plus grave… mais elle fait beaucoup de dégâts.
Edward Jenner et la vaccine
Edward JennerEdward Jenner
La première méthode efficace de lutte contre la variole est la vaccination mise au point en 1796 par le médecin anglais Edward Jenner, sur la base de l’observation suivante : la maladie ne touchait pas les préposés à la traite des vaches qui avait préalablement contracté la vaccine, ou cow-pox (la variole de la vache), maladie bénigne transmise par les pustules des pis des femelles atteintes.
Louis Pasteur
Le succès de la vaccination – effectuée de bras à bras avant que Louis Pasteur ait recours à l'inoculation de cultures de bactéries atténuées – est tel que le mot a été conservé pour désigner plus largement la pratique qui consiste à prévenir une maladie en injectant une petite dose de la bactérie ou du virus qui lui est associé.
Le principe de la vaccination
Vaccination
La découverte des mécanismes de l'immunité a permis d'élucider le principe de la vaccination. En effet, outre la phagocytose (immunité naturelle ou innée) réalisée par des globules blancs spécialisés (les polynucléaires et les macrophages), l'organisme peut lutter contre une maladie infectieuse grâce à deux voies : l'une dite cellulaire (intervention des lymphocytes T), l'autre dite humorale (fabrication d'anticorps par les lymphocytes B).
Le système immunitaire est sollicité pour éliminer tout ce qu'il ne reconnaît pas comme faisant partie de l'organisme (le soi) : c’est-à-dire tous les éléments étrangers (le non-soi), notamment les virus et les bactéries. Ces intrus font partie des antigènes capables de déclencher une réponse immunitaire incluant la fabrication d'anticorps. Le système est caractérisé par sa mémoire hautement spécifique et durable : lorsqu'il se retrouve en présence d'un antigène déjà vaincu, la réponse immunitaire est immédiate et efficace. Cette mémoire, assurée par des cellules mémoire (lymphocytes T et B) qui restent dans l’organisme après la fin de l’infection, est d’une durée variable selon les agents infectieux ; elle se prolonge parfois toute la vie (cas de la varicelle par exemple).
La vaccination, qui repose sur ces propriétés, consiste à mettre l'organisme en contact avec une fraction bactérienne ou virale de la maladie combattue, afin que le système immunitaire l'élimine et en garde le souvenir. Un contact ultérieur avec la même maladie entraîne une réaction rapide et intense contre les antigènes reconnus. On parle d'immunité active, par opposition à la sérothérapie, dite passive, qui consiste à fournir les anticorps et non à stimuler le système immunitaire de l'organisme.
Étant donné que l'immunisation active n'apparaît que plusieurs jours ou plusieurs semaines après l'administration du vaccin, la vaccination représente le plus souvent un moyen de prévention contre une infection donnée. Mais elle peut être aussi utilisée pour renforcer les défenses de l'organisme contre une infection déjà installée (vaccinothérapie). La sérovaccination associe la vaccination (protection à long terme) et la sérothérapie (action immédiate) ; ainsi prévient-on le tétanos chez les personnes non vaccinées susceptibles d'avoir contracté la maladie à l'occasion d'une blessure, même minime (piqûre de rosier, par exemple).
La nature du vaccin
Virus de la grippe
Plusieurs types de préparations sont utilisées :
• des germes tués ou inactivés : contre la bactérie de la coqueluche, le virus de la grippe ;
• des germes vivants atténués : BCG contre la tuberculose ;
• des anatoxines sécrétées par le germe et inactivées : contre les toxines de la diphtérie, du tétanos ;
• des fragments ou antigènes, qui n’ont aucun pouvoir infectieux, extraits de l’ADN ou des membranes de méningocoque ou de pneumocoque, de Hæmophilus influenza B (ou HiB), des germes de la typhoïde ou de l'hépatite B.
Cette dernière technique de fabrication, qui n’utilise qu’un fragment sans danger du microbe, sera de plus en plus utilisée pour les vaccins du futur.
Certains vaccins sont injectés seuls (BCG, typhoïde, fièvre jaune, grippe, pneumocoque, méningocoque, hépatite A, hépatite B) mais la plupart des vaccins de l’enfant sont utilisés sous forme combinée de vaccin :
• bivalent : diphtérie-tétanos (DT), hépatites A et B ;
• trivalent : diphtérie-tétanos-poliomyélite (DTP), rougeole-oreillons-rubéole (ROR) ;
• tétravalent : DTP + coqueluche (DTCP) ;
• pentavalent : DTCP + hæmophilus HiB ou hépatite B ;
• hexavalent : / DTCP + hépatite B + hæmophilus HiB.
Pour en savoir plus, voir l'article vaccin.
L'efficacité individuelle des vaccins
Elle dépend de plusieurs facteurs : la nature de l'antigène et la dose administrée, l'utilisation ou non d'un adjuvant, le mode d'administration et l'âge du sujet, mais aussi la constitution génétique de ce dernier, son état nutritionnel et son immunocompétence.
AnticorpsAnticorps
À sa naissance et pendant sa première année de vie, l'enfant possède des anticorps de type IgG (immunoglobulines gamma) qui correspondent sensiblement à ceux de la mère, lesquels, au cours des derniers mois de la vie intra-utérine, ont traversé la barrière placentaire. Si le bébé est allaité, des anticorps lui sont encore transmis par le lait maternel ; ils jouent un rôle protecteur important contre certaines infections.
Des vaccins, comme le combiné rougeole-oreillons-rubéole (ROR), peuvent être inefficaces lorsqu'ils sont pratiqués avant l'âge de 1 an. Néanmoins, l'enfant est capable de s'immuniser très tôt, et la plupart des vaccins sont généralement administrés au cours de la première année.
L’efficacité des vaccins va de 60 % pour la typhoïde à 98 % pour le tétanos ou la diphtérie. Celle du vaccin contre la grippe varie de 60 à 95 % selon les années et les variations génétiques des virus grippaux.
L’OMS a fixé un objectif de 90 % d’enfants vaccinés (on parle de « couverture vaccinale ») contre les maladies courantes avec un minimum de 80 % quelle que soit la région. Cet objectif est presque atteint grâce au Programme élargi de vaccination financé par les agences de l’ONU comme l’UNICEF et la participation de fondations privées.
L’efficacité collective des vaccins
La vaccination généralisée permet, lorsque le seul ou le principal réservoir de virus est l’homme, de casser les chaînes de contamination et de réduire le risque y compris pour les personnes non vaccinées. C’est ainsi que l’on est parvenu à éradiquer la variole en 1977 et que l’on espère éradiquer la poliomyélite dans les prochaines années. L’éradication de la rougeole est envisageable si la couverture vaccinale atteint 95 % dans le monde.
Tout refus individuel, de fondement philosophique ou religieux par exemple, retarde cette éradication dont le bénéfice est collectif.
→ santé publique.
Les étapes de la vaccination
Inoculation du vaccin
Injection intradermiqueInjection intradermique
Selon le vaccin, l'inoculation peut être faite par voie sous-cutanée, intramusculaire, intradermique (→ injection) ou par voie orale (rotavirus). Depuis 2012, le vaccin en spray nasal contre la grippe est autorisé chez l'enfant en France. Ce vaccin s'avère plus efficace que le vaccin classique chez l'enfant, mais pas chez l'adulte. On a recours aujourd'hui à deux types de vaccination :
• les vaccinations combinées, qui consistent à mélanger, au moment de la fabrication, les vaccins dans la même seringue et à les inoculer en un seul point de l'organisme ;
• les vaccinations simultanées, qui consistent à administrer les vaccins en différents points de l'organisme ou par des voies différentes.
Primovaccination
Lorsqu'un organisme est vacciné pour la première fois (primovaccination), il ne réagit pas aussitôt : il connaît une période de latence qui varie entre 24 heures et 15 jours, selon la composition du vaccin et le système immunitaire du sujet. Ensuite commence la production d'anticorps (elle dure de 4 à 28 jours) ; c'est la période de croissance. Enfin, les anticorps sont progressivement éliminés de l'organisme (période de décroissance).
Rappels
Lymphocytes
Le rappel vaccinal correspond à la réintroduction de l'antigène après un certain délai, c'est-à-dire quand tous les anticorps fabriqués après la première injection ont été éliminés. Effectué trop tôt, le rappel peut être inopérant, car l'antigène réintroduit est détruit par les anticorps non encore éliminés et non par ceux nouvellement produits. La réponse secondaire de l'organisme est caractérisée par une courte période de latence et une intense période de croissance : les anticorps prolifèrent rapidement. Les cellules T et B mémoire sont stimulés immédiatement ; les cellules B se différencient en cellules sécrétrices d'anticorps spécifiques de l'antigène introduit.
Ainsi, pour la fièvre jaune, la vaccination est-elle recommandée tous les 10 ans. Si des modifications antigéniques apparaissent au cours du temps dans la structure des virus, la vaccination doit être renouvelée chaque année avec un nouveau vaccin (vaccination annuelle contre le virus de la grippe, qui se modifie fréquemment).
Les vaccinations courantes
Les vaccinations concernent des maladies graves ou fréquentes et évitables.
Chez l'enfant
Adulte tenant la main d'un nouveau-néAdulte tenant la main d'un nouveau-né
Certaines vaccinations sont obligatoires, d'autres sont facultatives mais fortement conseillées. Chaque pays propose un calendrier vaccinal, en fonction des conditions épidémiologiques qui lui sont propres, contre la tuberculose (B.C.G.), contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (D.T.P.), mais aussi contre la coqueluche – maladie infectieuse particulièrement grave chez le jeune nourrisson –, contre la rougeole, les oreillons et contre la rubéole (vaccin R.O.R.), le pneumocoque responsable de méningite et de pneumonie, les hépatites à virus B, le papillomavirus du cancer du col utérin conseillé chez la jeune fille, la fièvre jaune pour les personnes résidant en Guyane.
Une autre vaccination, plus récente, permet de protéger les nourrissons contre les infections à Hæmophilus influenzæ de type b : méningite purulente, épiglottite, etc. Ce vaccin peut être associé au vaccin contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite (D.T.C.P) : on parle alors de vaccin pentavalent.
Chez l'adulte
Bacille de NicolaierBacille de Nicolaier
On distingue des vaccinations de plusieurs types : celles concernant des affections présentes dans toutes les parties du monde (tétanos, rubéole pour les femmes non immunisées, grippe pour les personnes âgées ou fragiles) ; celles qui sont obligatoires pour les personnes se rendant dans certains pays tropicaux ; celles, enfin, rendues nécessaires par une affection particulière ou en raison des risques inhérents à certaines professions (hépatite B ou diphtérie pour les personnels de santé, rage pour les travailleurs agricoles, les vétérinaires ou les gardes forestiers, hépatite A pour les employés des secteurs alimentaires, etc.).
Fièvre jaune
Enfin, en vue d'un voyage dans un pays où sévissent encore des maladies à potentiel épidémique (choléra, fièvre jaune, encéphalite japonaise, encéphalite à tiques, méningocoque par exemple), les vaccinations correspondantes doivent être pratiquées. Le vaccin contre la fièvre jaune est, selon les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (O.M.S.), obligatoire pour tout voyage en zone contaminée. Les pélerins qui se rendent à La Mecque doivent être vaccinés contre une souche particulière de méningocoque en raison d’un risque spécifique.
Pour en savoir plus, voir l'article conseils pour les voyageurs [médecine].
Le calendrier des vaccinations
Le calendrier des vaccinations établi dans chaque pays inclut les vaccins strictement obligatoires, pour la scolarisation par exemple, et les vaccins recommandés.
Calendrier des vaccinations
Contre-indications et effets indésirables
• Les contre-indications absolues à l'administration d'un vaccin sont les affections malignes (cancer, maladie du sang), les affections viscérales chroniques et certains déficits immunitaires. Les vaccins bactériens inactivés (coqueluche) sont contre-indiqués en cas de forte réaction après une précédente injection.
• Les contre-indications temporaires à l'administration d'un vaccin sont une fièvre et les suites immédiates d'interventions chirurgicales. Les maladies rénales, les insuffisances cardiaques ou respiratoires, les maladies dermatologiques, y compris l'eczéma, ne constituent pas des contre-indications, à condition que les vaccinations soient pratiquées en dehors d'une poussée de la maladie. En présence d'un terrain fortement allergique (à l’œuf notamment), la vaccination est possible selon un protocole bien défini comportant notamment une épreuve de tolérance au vaccin.
grossesse
Pendant la grossesse sont contre-indiqués les vaccins anticoquelucheux, antirougeoleux, antirubéolique, antirabique (contre la rage, sauf contamination certaine) et, sauf urgence, les vaccins antidiphtérique et antiamarile (contre la fièvre jaune). En revanche, il est possible de vacciner une femme enceinte contre la grippe et, à partir du 4e mois de grossesse contre la poliomyélite (par voie injectable) et le tétanos.
• Les effets indésirables. L'administration de certains vaccins peut entraîner, dans 10 % des cas, des réactions locales (douleurs, rougeurs, gonflements), et dans moins de 1 % des cas, une fièvre et parfois des réactions allergiques (fièvre, urticaire).
Un débat existe sur la responsabilité des vaccins dans certaines maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques ou l’hépatite auto-immune, mais aucune preuve n’a été rapportée à ce jour.
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PALMYRE |
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Palmyre
** Classification géographique UNESCO
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Palmyre (en grec ancien Παλμύρα / Palmúra) est une oasis du désert de Syrie, à 210 km au nord-est de Damas. Son nom sémitique, attesté déjà dans les archives de Mari (xviiie siècle av. J.-C.), est Tadmor1 ou Tedmor2 (تدمر). C’est toujours son nom actuel.
Histoire
L'origine de Palmyre[modifier | modifier le code]
L’histoire de Palmyre à l’âge du bronze est mal connue : la ville se développa sur un tell qui fut au 1ier siècle av. J.-C. recouvert par la terrasse du sanctuaire de Bēl. Quand les Séleucides prirent le contrôle de la Syrie en 323 av. J.-C., la ville devint indépendante. Mais de la fin du ive siècle av. J.-C. jusqu'en 41 av. J.-C., la situation de la ville ne nous est pas connue.
La Bible attribue la construction de Palmyre au roi Salomon (« Et il bâtit Tadmor dans le désert » (II Chr VIII:4)).
Palmyre gréco-romaine
La ville faisait partie d’un réseau marchand reliant la Syrie à la Mésopotamie et à la côte méditerranéenne. Le nom de Palmyre est mentionné pour la première fois dans les sources gréco-romaines en 41 av. J.-C., quand Marc Antoine lança ses troupes contre elle, pour leur procurer du butin. En 41 av. J.-C., en effet les Romains essayèrent de piller Palmyre mais ils échouèrent, les habitants de la ville s’étant réfugiés avec leurs biens de l’autre côté de l’Euphrate. On en déduit que les Palmyréniens de cette époque étaient encore pour l’essentiel des nomades, vivant de l’élevage et du commerce caravanier.
Intégrée à l’Empire romain sous Tibère, en l'an 19, dans le cadre de la province romaine de Syrie, Palmyre entretint d'étroites relations avec la principauté des Sampsigéramides qui s'étendait autour d’Aréthuse et d’Émèse, cette dernière constituant le débouché naturel vers la mer pour le commerce de Palmyre. Dans une inscription provenant du temple de Bel à Palmyre, Sampsigéramos II est d'ailleurs désigné comme « roi suprême »3. Palmyre atteignit ensuite son apogée sous Hadrien, qui la visita en 129. À cette occasion, elle prit le titre d’Hadriana Palmyra, épithète qui traduit habituellement une aide matérielle puissante de l'empereur, sans qu'il faille y voir l'octroi juridique d'un statut de cité libre4. C’était une ville splendide, qui se développa jusque sous les Sévères. En 212, l’empereur Caracalla promut Palmyre et sa voisine Émèse au statut de colonie romaine5. L’armée romaine y entretenait une garnison de soldats auxiliaires dans un camp au nord de la ville.
Buste funéraire d’Aqmat, fille d’Hagagu, descendant de Zebida, descendant de Ma’an, fin du iie siècle, British Museum.
Au cours de la crise du IIIe siècle, Palmyre échappa aux invasions perses qui ravagèrent la Syrie en 252 et 260. Après 260, ce fut un notable de Palmyre, Odénat, qui fut chargé par l’empereur Gallien de coordonner la défense de l’Orient. Quand sa veuve Zénobie tenta de prendre le pouvoir comme impératrice avec son fils Wahballat, Palmyre se retrouva impliquée un peu malgré elle dans une guerre civile romaine. En 272, vaincue par Aurélien à Antioche puis à Émèse, Zénobie se replia avec ses troupes sur Palmyre, où Aurélien vint la poursuivre. Dans un premier temps les notables de Palmyre se rallièrent à Aurélien et chassèrent Zénobie, qui fut arrêtée. Aurélien laissa à Palmyre une petite garnison et rentra en Italie. À ce moment éclata dans la cité une révolte qui tenta de remettre le pouvoir à Antiochos, le père de Zénobie. Aurélien revint sur ses pas, mata la révolte et ne semble pas avoir exercé de représailles sur la ville. Le sanctuaire d'Hélios fut cependant pillé6 ; l’empereur réquisitionna tout le quartier ouest de la ville pour y installer à demeure la Ire Légion illyrienne.
Au ive siècle et par la suite, Palmyre ne fut plus la prospère cité caravanière d’autrefois. C’est une ville de garnison, occupée par la Ier Légion illyrienne, étape d’une route militaire reliant la région de Damas à l’Euphrate, la Strata Diocletiana. La partie monumentale de la ville fut protégée par un rempart qui laissait en dehors tout le quartier sud (entre le wadi et la source Efqa), quartier peut-être abandonné à cette date. Sous Constantin Ier les forts de la Strata Diocletiana furent pour la plupart abandonnés mais Palmyre demeura jusqu’au vie siècle une ville romaine occupée par l’armée, tandis que la steppe tout autour était occupée par des communautés de moines monophysites, et contrôlée par les tribus arabes Ghassanides, chrétiennes et alliées de l’Empire. Des églises furent construites, tandis que d’anciens temples païens comme la cella de Baalshamin ou encore celle du sanctuaire de Bel furent convertis en églises et décorés de peintures murales.
Sous Justinien au vie siècle, l’enceinte fut renforcée de tours, et les adductions d’eau furent restaurées. La ville qui, selon Procope de Césarée, « était devenue depuis longtemps un désert », reçut une nouvelle garnison qui constituait le poste avancé de la Syrie contre les invasions des Perses.
L'urbanisme de Palmyre gréco-romaine[modifier | modifier le code]
L’ancien decumanus.
Au temps de son apogée au début du iiie siècle, la ville de Palmyre était beaucoup plus étendue que l’actuel site archéologique, pourtant très vaste. La plupart des maisons était faite de briques crues, qui n’ont guère laissé de vestiges visibles. Ce que l’on voit aujourd’hui est le squelette de pierre de la ville, c’est-à-dire les monuments publics, ou parfois simplement les colonnes qui entouraient l’atrium des demeures les plus riches, tandis que le reste a disparu.
Les vestiges de la Palmyre hellénistique ont été identifiés au sud du wādi. La ville se développa d’abord à l’emplacement du sanctuaire de Bel puis, quand le grand parvis fut construit au ier siècle, elle s’étendit entre le sanctuaire de Bel et la source Efqa au sud-ouest (là où aujourd’hui il n’y a plus que les jardins de l’oasis). Autour de la ville vinrent se fixer des familles arabes d’origine nomade, chacune autour de son sanctuaire tribal, comme celui de Baalshamin ou, tout à l’ouest sur la route d’Émèse, celui d’Allat. Au cours du iie siècle, ces banlieues furent intégrées au tissu urbain avec la construction du quartier monumental structuré autour de la grande colonnade.
Pendant cette période prospère, Palmyre était une ville ouverte, dépourvue de remparts. Il existait un mur (traditionnellement appelé « mur de la douane ») entourant un très vaste secteur tout autour de la ville, mais ce mur de pierres ou de briques crues selon les secteurs n’avait aucune fonction militaire ou de prestige : c’était une simple limite administrative, un péage municipal pour le paiement des taxes fixées par le texte intitulé « Tarif de Palmyre », promulgué le 18 avril 137 sous l’empereur Hadrien7. À la fin du iiie siècle, un rempart défensif fut construit à la hâte en remployant des pierres prélevées sur des monuments funéraires, et ne protégeant que le quartier monumental, tandis que le reste de la ville était sans doute abandonné.
La société palmyrénienne[modifier | modifier le code]
Stèle d'Atenatan Gurai (mort en 133). Ny Carlsberg Glyptothek, Copenhague.
Les très nombreuses inscriptions retrouvées sur place permettent de connaître l’organisation de la cité à l’époque romaine. Palmyre adopta les institutions grecques : elle était gouvernée par une boulè, assemblée des principaux propriétaires terriens, et un démos (peuple) constitué des citoyens. Les responsabilités particulières étaient confiées à des magistrats pris dans la boulè, tels que les stratèges ou les agoranomes. Un curateur ou logistès, sorte de contrôleur des finances, était chargé d'apurer les comptes civiques, dès avant la création de la colonie de Palmyre.
Ces institutions étaient demeurées en place jusqu’au ive siècle, y compris, semble-t-il, pendant la crise du iiie siècle, quand Odénat fut salué du titre de resh (en grec « exarque ») de Palmyre : il dut s’agir d’un commandement militaire. Quant au titre de « Roi des rois » porté plus tard par ce même Odénat, et repris par sa veuve Zénobie et son fils Wahballat, il ne signifiait pas pour autant que Palmyre ait changé de régime, puisque les inscriptions montrent qu’à cette époque c’est toujours la boulè et le démos qui font les lois.
À côté de ces institutions civiles, les élites de la cité étaient organisées en collèges de prêtres pour le culte rendu aux principaux dieux. Le plus prestigieux de ces collèges était celui des prêtres de Bel, présidé par le symposiarque (« chef du banquet »).
Les commerçants et les artisans de Palmyre étaient organisés eux aussi en corporations : on connaît celles des corroyeurs, des orfèvres, des tanneurs, des fabricants de radeaux d’outres (radeaux pneumatiques nommés keleks utilisés jusqu’au ixe siècle pour transporter des marchandises qui descendaient l’Euphrate ou le Tigre)8. Palmyre a aussi développé une activité florissante de tissage de soie, laine, coton et lin.
Le commerce caravanier
Palmyre fut du ier siècle au iiie siècle la plus grande puissance commerciale du Proche-Orient, prenant le relais de Pétra, la cité caravanière des Nabatéens. Palmyre exploitait une route caravanière qui, passant par des caravansérails dans la steppe, gagnait les bords de l’Euphrate et les longeait jusqu’à la région de Babylone. De là, ces caravanes gagnaient le royaume de Mésène à l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate. Des navires partaient de là pour gagner l’Inde ou d’autres ports de l’Océan Indien. On a récemment[Quand ?] retrouvé une tablette votive laissée par un Palmyrénien nommé Abgar, en 256, sur l’île de Socotra au large de la Somalie.
Les caravanes de Palmyre étaient des entreprises saisonnières et annuelles. Les différents marchands s'associaient pour grouper leurs expéditions, sous la responsabilité d'un « synodiarque » ou « chef de caravane », puissant commerçant qui prenait en charge une partie des frais. Si des caravansérails ont été identifiés par les archéologues aux sorties de la ville, c’est au cœur du quartier monumental que se trouvait le centre commercial, une place entourée de boutiques et nommée « agora » de Palmyre.
Dalle funéraire portant une inscription : « [au mois de] Nisan, l’an [3]08. Ceci est la tombe de Zabdibôl, fils de (...) ’Ataraùri des Benê Komrê, qu’il a faite pour lui et ses enfants. » Calcaire, an 4 av. J.-C. Musée du Louvre. Provenance : Palmyre.
Inscription palmyrénienne. Musée du Louvre.
Des communautés de commerçants palmyréniens expatriés étaient installées à demeure dans les différentes étapes de ce réseau commercial. On connaît, grâce aux inscriptions, l’existence de cette diaspora à Séleucie du Tigre (au sud de l’actuelle Bagdad) au ier siècle, puis à Ctésiphon (capitale des Parthes, face à Séleucie), à Vologésias, cité commerciale fondée par les Parthes sans doute non loin du site de Babylone, et surtout à Spasinou Charax (ou Charax de Mésène), capitale du royaume de Mésène. Là, la communauté palmyrénienne était si implantée et si influente que des Palmyréniens pouvaient y occuper des fonctions officielles auprès du roi. D’autres Palmyréniens étaient implantés en Égypte sur les bords de la mer Rouge. Enfin, il existait une communauté palmyrénienne à Rome même, installée au iie siècle dans le quartier du Trastevere.
Ce trafic caravanier s'est poursuivi jusqu’aux années 260, y compris quand la Mésène et la Mésopotamie étaient sous la domination des Perses Sassanides. C’est après l’assassinat d’Odénat en 267-268, et la tentative de prise du pouvoir par Zénobie que les caravanes cessèrent d’être attestées. Beaucoup plus tard au vie siècle, c’est la ville de la Mecque dans le Hedjaz qui prendrait la succession de Palmyre comme plaque tournante du commerce caravanier.
Les marchandises exotiques dont Palmyre faisait ainsi commerce du Ier au iiie siècle étaient mal connues dans le détail. Il est certain qu’il s’agissait pour l’essentiel de marchandises précieuses, représentant une grande valeur sous un faible volume, comme les tissus de luxe (notamment la soie), les perles, les pierres précieuses, les épices. Les Palmyréniens eux-mêmes, du moins les plus riches, étaient grands amateurs de ces produits. Les reliefs représentant les riches Palmyréniens en costume parthe montrent que ces costumes étaient couverts de rangées de perles, qui ne viennent guère à cette époque que de l’Inde ou de l’île de Ceylan. D’autre part, on a retrouvé dans les tombes de Palmyre des fragments de soieries chinoises, provenant du Hunan parfois brodées de dragons, et du cachemire d'Afghanistan9.
Les guerriers de Palmyre[modifier | modifier le code]
Pour protéger ces caravanes, les Palmyréniens se faisaient aussi soldats. Le territoire de Palmyre, au nord de la ville, possédait au iie siècle de véritables haras dans la steppe où l’on élevait des chevaux, à des fins qui ne pouvaient être que militaires. La ville elle-même avait une garnison de l’armée régulière romaine, mais les bédouins ou les paysans du territoire de la cité formaient des guerriers montés sur des chevaux ou des chameaux et combattant à la lance ou à l’arc.
Ces guerriers arabes furent enrôlés dans l’armée romaine, surtout à l’époque des Sévères. Certains furent incorporés à l’armée régulière, comme la XXe Cohorte des Palmyréniens, unité de cavalerie qui formait la garnison de Doura Europos aux bords de l’Euphrate sous Sévère Alexandre. D’autres, servant comme numeri, troupes informelles commandées par des officiers romains mais gardant leur équipement traditionnel, furent basés sur les bords du Danube ou encore, pour des méharistes, dans la province de Numidie (en Algérie actuelle). Il n’est pas douteux que cette cavalerie palmyrénienne ait constitué une grande partie des forces militaires d’Odénat puis de Zénobie.
Les dieux de Palmyre[modifier
La triade palmyrénienne : de gauche à droite, le dieu de la Lune Aglibôl, le « Seigneur des Cieux », Baalshamin, dieu solaire, et « l’Ange du Seigneur », Malakbêl, Musée du Louvre.
La procession du Bétyle sur un chameau.
Selon Jean Starcky, les Palmyréniens de l’époque hellénistique adoraient une divinité suprême nommée Bôl (« le Seigneur » dans le dialecte araméen de Palmyre). Très tôt, sous l’influence de Babylone, ce dieu suprême fut désigné comme Bel, forme babylonienne. D’autres dieux lui étaient associés comme Aglibôl (dont le nom conserve la forme ancienne) et Malakbêl, littéralement « l’Ange (malak) du Seigneur (Bel) ». Ce sont là, semble-t-il, les dieux historiques de Palmyre.
Avec l’arrivée d’autres Syriens ou de nomades arabes de plus en plus nombreux, d’autres dieux vinrent ajouter leurs sanctuaires à celui de Bel, voire s’y assimilèrent. C’est ainsi qu’on éleva un temple au dieu solaire syrien Baalshamin (littéralement « le Seigneur (Baal) des Cieux (shamin) »), qui fut assimilé à Bel. D’autres Arabes édifièrent à l’ouest de la ville un sanctuaire à la déesse arabe Allat, assimilée par les Grecs à Athéna. Dans ce temple, fouillé par les archéologues polonais, ont été retrouvées deux statues d’Allat : la première, du ier siècle, représente la déesse comme un lion protégeant une gazelle, la seconde, plus récente, est tout simplement une statue en marbre d’Athéna, dans le style de Phidias, importée de Grèce. Au sud du sanctuaire de Bel se trouvait le sanctuaire de Nébo, un dieu d’origine babylonienne (Nabû), assimilé par les Grecs à Apollon.
D’autres dieux étaient attestés à Palmyre : Arsou et Azizou, dieux chameliers protecteurs des caravanes, ainsi que le dieu Hammon, d’origine sans doute égyptienne.
Le culte le plus important était rendu à Bel, le dieu protecteur de la cité. C’est à lui que fut dédié l’immense sanctuaire de Bel, entouré de portiques, orné de dizaines de statues de bienfaiteurs ayant contribué à le construire. Ce sanctuaire, à peu près contemporain du Temple de Jérusalem bâti par Hérode Ier le Grand, lui était très comparable, tant pour les dimensions que pour la disposition générale et le style architectural. Sur l’immense parvis ouvert sur la ville par des propylées entourés de deux tours se trouvaient un bassin, un autel monumental pour les sacrifices, une salle des banquets où se réunissaient les prêtres de Bel, et surtout la cella monumentale, à laquelle sans doute seuls les prêtres pouvaient accéder. À l’intérieur, deux niches surélevées (l’équivalent du Saint des Saints) contenaient les statues divines. Concession à l’Empire romain, on y plaça au ier siècle aussi la statue de Germanicus et de Tibère.
Le dieu était peut-être aussi présent sous la forme d’un bétyle. Une niche, creusée dans le mur extérieur de la cella, abritait sans doute une pierre sacrée à laquelle les pèlerins pouvaient ainsi accéder, comme celle de la Kaaba de la Mecque. Un bas-relief représente la procession de la pierre sacrée (ou est-ce autre chose ?), placée sur un chameau dans une qubba fermée par des tentures, et au passage de laquelle les femmes voilent complètement leur visage de manière rituelle.
La ville islamique
Le château Qalat ibn Maan, vu de la ville antique
Le château Qalat ibn Maan.
Palmyre fut prise au viie siècle par les Musulmans, quand elle ouvrit ses portes en 634 à Khalid ibn al-Walid. Sous les califes omeyyades, la ville évolua. La construction de boutiques au beau milieu de la grande colonnade transforma cette artère principale en souk, comme dans les autres villes de Syrie. Les califes firent construire dans la steppe aux environs de Palmyre des domaines luxueux, comme Bkhara au sud-est (ancien fort romain transformé en château omeyyade), ou le magnifique palais de Hisham à Qasr el Heyr el Gharbi, à l’ouest de la ville. Palmyre elle-même eut à souffrir des guerres civiles qui aboutirent à la fin des Omeyyades.
Au temps des Croisades, Palmyre dépendit des émirs seldjoukides de Damas, puis passa au pouvoir de l’atabeg bouride Tughtekin, puis de Mohammed fils de Shirkuh, en tant qu’émir de Homs dépendant de Saladin. Ce fut quand Palmyre dépendait des Bourides de Damas qu’en 1132 le chambellan Nasir ad-Din transforma le sanctuaire de Bel en forteresse. La cella du temple fut transformée en mosquée. Au xiiie siècle, la ville passa sous le contrôle du sultan mamelouk Baybars (le texte d’un décret de Baybars relatif aux droits de pâturage des habitants de Tadmor a été retrouvé gravé sur le mur est de la cella de Bel).
La ville fut pillée par Tamerlan en 1401, mais semblait s’en être relevée. Au xve siècle, Ibn Fadlallah al-Omari décrivit Tadmor en vantant ses « vastes jardins, la prospérité de son commerce et ses curieux monuments ». Au xvie siècle, Fakhr ed-Din al Maany fit construire un château-fort, le Qalat Ibn Maan, sur la montagne qui domine la ville à l’ouest. À l’époque ottomane, Palmyre décline. Au xviie siècle, la ville semblait avoir retrouvé ses dimensions de l’Âge du Fer : ce n’est plus qu’un village enfermé dans l’enceinte fortifiée de l’ancien sanctuaire de Bel. Tout le reste a été abandonné.
Du xviie siècle à nos jours[modifier
Palmyre est découverte par les marchands anglais d'Alep en 1691, et des descriptions de ses vestiges, enrichies de gravures saisissantes, sont publiées par Wood en 175310. Ainsi dès le xviie siècle, Palmyre devint célèbre en Europe. Ses magnifiques ruines, la qualité classique de son architecture remontant à l’époque romaine (iie siècle), formèrent un contraste saisissant avec le désert alentour.
Au xixe siècle, les Ottomans y installèrent une petite garnison, tandis que les archéologues venus d’Europe et des États-Unis commencèrent l’étude systématique des ruines et des inscriptions.
Après la Première Guerre mondiale, la Syrie est occupée par les Français dans le cadre d’un mandat de la Société des Nations. L’armée française implante à Palmyre une unité de méharistes et construit un terrain d’aviation pour le contrôle aérien de la steppe. Les fouilles archéologiques sont organisées sur une grande échelle : le village qui occupait le sanctuaire de Bel est détruit et la population relogée dans une ville moderne construite au nord du site archéologique, tandis que le temple antique est restauré.
Depuis l’indépendance de la Syrie, la ville moderne de Tadmor s’est considérablement développée. Le terrain d’aviation est devenu une base militaire, mais le projet d'en faire un aéroport civil pour développer le tourisme n’a jamais été mené à bien. Il y a aussi une prison. Comme dans l’Antiquité, la ville vit de l’agriculture dans l’oasis, de l’élevage bédouin dans la steppe, tandis que les profits autrefois tirés du grand commerce sont remplacés par les revenus non négligeables du tourisme.
Article détaillé : Bataille de Palmyre.
En mai 2015, Palmyre est le théâtre d'une bataille entre le régime syrien et les djihadistes de l'État islamique. Des combats ont eu lieu à seulement un kilomètre des ruines. La progression de l'État islamique, qui a déjà produit des destructions volontaires de ruines en Irak, notamment à Nimroud et Hatra fait alors craindre le pire pour le site de Palmyre11,12,13. Au 21 mai 2015, l'État islamique contrôle la totalité de la cité antique de Palmyre. Irina Bokova, directrice-générale de l'Unesco, appelle à « protéger Palmyre et à tout mettre en oeuvre pour empêcher sa destruction mais il est possible que dans quelque jours il n'y aura plus rien »14.
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