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GÉNÉTIQUE ET THÉRAPIES

 

Transcription de la 517 e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 14 janvier 2004


Arnold Munnich « L'impact de la génétique sur les thérapies »
Les maladies génétiques touchent 3 à 4 % des nouveaux nés, soit 30 000 nouveaux cas par an en France et près de 25 à 30 millions de citoyens européens. Considérées individuellement, chacune des 5 000 maladies génétiques recensées est rare puisqu'elle affecte un très faible nombre d'individus, mais considérées collectivement elles constituent un enjeu majeur de santé publique. Les enjeux de santé publique qui ont occupé dans l'immédiat après-guerre, la malnutrition, l'alcoolisme, la tuberculose, la mortinatalité liée aux infections périnatales, sont aujourd'hui éradiqués. Contrairement aux maladies infectieuses comme la variole ou la poliomyélite, les maladies génétiques ne pourront jamais disparaître car à chaque génération surviennent des mutations. Les individus porteurs sains de ces gènes modifiés constituent le grand réservoir des maladies génétiques. Les idéologies d'épuration qui sont absolument monstrueuses sont également absurdes dans la mesure où nous sommes tous potentiellement porteurs de gènes de maladies.
La génétique et l'étude du génome sont des sujets particulièrement à la mode ces dernières années conduisant à des progrès considérables. L'important est de savoir maintenant quel a été ou sera le bénéfice de cette accumulation de connaissances pour les patients.
Le premier bénéfice pour les enfants, pour les sujets, est l'accès à un diagnostic plus simple et plus rapide. Le diagnostic de la plupart des maladies génétiques, comme la myopathie, la mucoviscidose, l'amyotrophie spinale, nécessitait il y a encore quelques années plusieurs jours d'hospitalisation pour réaliser une série d'explorations douloureuses, tels les biopsies, les électromyogrammes. Aujourd'hui, une simple prise de sang permet aux spécialistes de faire un diagnostic fiable et rapide pour les maladies monogéniques qui résultent de l'effet d'un seul gène ou de quelques gènes qui ont été identifiés.
Figure 1 : Quelle maladie ?

Maladie
Fréquence
Diagnostic classique
Test ADN
Myopathie
1/4 000
Biopsie musculaire
+
Mucoviscidose
1/2 500
Test de la sueur
+
Amyotrophie spinale
1/6 000
Biopsie musculaire, EMG
+
Hémochromatose
1/5 000
Biopsie du foie
+
Fragilité du chromosome X
1/5 000
Caryotype
+
Stienert
1/5 000
Biopsie musculaire, EMG
+
Huntington
1/10 000
Évolution clinique
+
Incontinentia P
1/10 000
Biopsie cutanée
+
Achondroplasie
1/10 000
Radios du fStus
+

Malheureusement, un grand nombre de maladies dites génétiquement hétérogènes sont causées par une combinaison de dizaines ou centaines de gènes. Cette extraordinaire complexité rend très difficile l'identification des gènes responsables et plus encore le diagnostic.
Figure 2 : Une maladie, plusieurs gènes

Maladie
Gènes impliqués
Études familiales
Test ADN
Bourneville
2 gènes
+/-
+
Os de verre
2 gènes
+/-
+/-
Ataxie
> 10 gènes
+/-
+
Paraplégie
> 10 gènes
+/-
-
Déficit énergétique
> 100 gènes
+/-
+/-
Retard mental
> 100 gènes
+/-
+/-
Rétinopathies
> 100 gènes
+/-
-

L'identification des gènes responsables de chacune des 5 000 maladies génétique est un enjeu de la recherche théorique et un enjeu de santé publique car elle est indispensable au conseil génétique. La connaissance des gènes impliqués permet de prodiguer aux couples ayant déjà un ou plusieurs enfants atteint d'une maladie génétiquement hétérogène le conseil génétique et le diagnostic prénatal nécessaires pour éviter la récidive.
Pour répondre au mieux à la complexité de ce sérieux problème de santé publique il faut coordonner les efforts des chercheurs et des cliniciens. L'organisation sanitaire et le partage des responsabilités et du travail entre les différents groupes de génétique hospitaliers à Paris et en province est nécessaire pour le typage des maladies génétiques.
L'organisation des différents acteurs n'est rien si elle ne s'accompagne pas d'une meilleure détermination des personnes ayant réellement besoin d'un test ADN. Il n'est en effet pas question de faire des examens génétiques à des porteurs sains n'ayant plus de projets d'enfants ou bien à des personnes potentiellement porteuses d'un gène mais qui ne tireront aucun bénéfice réel de l'identification du gène en cause. Au contraire, il est important d'identifier le gène lorsqu'un couple a perdu un, deux ou trois enfants d'une maladie génétiquement hétérogène et qu'il attend avec angoisse l'espoir d'avoir enfin un enfant bien portant.
Les associations de malades jouent un rôle capital aux côtés des pouvoirs publics et des chercheurs. Ainsi, le Téléthon qui est la vitrine médiatique de l'association française contre la myopathie a joué un rôle décisif dans la lutte contre les maladies génétiques par l'identification des gènes de ces maladies.
La recherche médicale permet d'identifier des gènes. Le transfert de ces connaissances scientifiques au bénéfice des familles dépend, quant à lui, du champ de la santé publique et à ce titre devrait être pris en charge financièrement par les structures hospitalières.
En matière de génétique, entre l'accumulation impressionnante des connaissances sur les causes de maladies et la faible quantité des thérapeutiques, il y a un espace pour la prévention.
La prévention intervient par exemple dans le cas de familles dont plusieurs sujets ont développé par exemple un cancer du sein, un cancer du colon, une néoplasie endocrinienne ou une hémochromatose. Le diagnostic d'un risque génétique dans ces familles permet d'identifier les sujets à risque qu'il faudra suivre avec beaucoup d'attention. La prise en charge d'un sujet qui n'est pas encore symptomatique mais que l'on sait porteur du gène d'une maladie présente des bénéfices mais également des risques.
Les principaux bénéfices concernent les personnes atteintes d'une maladie génétique à début tardif ou d'évolution variable dont on pourra anticiper l'évolution. Dans le cas de l'hypertension artérielle par exemple, il sera possible de prendre en charge le patient dès l'apparition des premiers symptômes. Dans le cas de maladies pour lesquelles nous ne disposons pas encore de traitement comme un risque de surdité, une rétinite pigmentaire ou la Chorée de Huntington dont les symptômes apparaissent à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, il sera possible d'orienter la scolarité ou la formation professionnelle de ce jeune homme ou de cette jeune fille.
La question se pose, dans le cas où la connaissance n'apporte pas de bénéfice thérapeutique, de déterminer qui au juste veut savoir. S'agit-il de l'enfant ou bien de ses parents ? Il faut identifier la demande sans l'anticiper et déterminer les intérêts divergents qui peuvent habiter les uns et les autres. Avant de faire une prise de sang qui demande cinq minutes il faut parfois une, deux ou trois consultations pour décider si le sujet souhaite réellement bénéficier du test. Ainsi, dans le cas de la Chorée de Huntington il n'y a que 18 % des sujets qui viennent en consultations qui à l'issue des entretiens maintiennent leur souhait d'un test pré-symptomatique. Si être un généticien signifie faire des prouesses scientifiques, il s'agit également de réfléchir à l'impact de notre connaissance, de nos savoirs sur la qualité de vie de nos contemporains. Dans bien des cas, prédire signifie médire et pas guérir. De plus, le fait d'être porteur du gène d'une maladie ne signifie pas ipso facto que cette dernière va s'exprimer. Une autre raison d'être prudent et d'utiliser ces tests avec infiniment de circonspection.
L'usage que notre société va faire de ces tests reste encore une inconnue. Les généticiens devront peut-être un jour rendre des comptes à des mutuelles d'assurance maladie, à des caisses d'assurance maladies, à des sociétés de recrutement. Que deviendra le secret médical lorsque le fait d'être diabétique, hypertendu ou le risque de développer un Alzheimer ou un Parkinson sera considéré comme incompatible avec l'exercice d'une activité professionnelle par une entreprise ? Lorsque la connaissance n'apporte pas un traitement de nature à guérir la maladie la prudence doit rester de mise.
La prévention prénatale et préimplantatoire intervient dans le cas de familles perdant plusieurs enfants âgés de quelques jours à quelques mois de la même maladie. Si le diagnostic est précis, si la demande est justifiée, la loi autorise des centres de référence avec des experts de la génétique obstétrique et de la génétique à procéder à l'interruption médicale de grossesse pour des fStus atteints d'affection d'une particulière gravité. Il ne s'agit pas d'une victoire de la génétique mais d'un moindre mal pour éviter aux couples de subir un nouveau deuil.
Le diagnostic génétique préimplantatoire consiste en une fécondation in vitro de gamètes d'un couple à fort risque de donner naissance à un enfant atteint. Après la fécondation, une cellule est prélevée de l'embryon pour faire le test. À la suite de ce diagnostic prénatal ultra précoce, seuls les embryons indemnes de la maladie sont transférés dans l'utérus maternel. Contrairement au diagnostic prénatal, les mères n'ont donc pas à subir l'épreuve d'une nouvelle interruption médicale de grossesse. Le taux de réussite d'une telle procédure est très faible, environ 20%, et uniquement 30% des couples optent pour des grossesses naturelles à l'issue des consultations d'information. La France est le dernier pays européen à avoir autorisé les diagnostics préimplantatoires et ce dans deux services : Un centre réunissant l'Hôpital Necker-Enfants malades à Paris et l'Hôpital Antoine Béclère à Clamart et un centre à Strasbourg. Les membres de ces centres sont à l'écoute des couples pour leur proposer toutes les stratégies, une meilleure compréhension des possibilités en rendant la médecine génétique plus humaine.
Les avancées scientifiques permettant les diagnostics génétiques constituent une source majeure de problèmes éthiques pour demain. Entre le scientifiquement possible et l'éthiquement souhaitable il y a un monde. Il appartiendra à notre génération et à la suivante de déterminer les bonnes indications et le bon usage que collectivement nous ferons de ces progrès.
Les risques de dérives sont nombreux, notamment le diagnostic de complaisance du sexe et la généralisation des diagnostics génétiques sur cellules fStales circulant dans le sang maternel, comme cela est déjà le cas dans les pays anglo-saxons. Il ne faudrait pas qu'au motif d'une stérilité dans le couple la fécondation in vitro soit assortie de diagnostics préimplantatoires pour des affections qui ne sont pas d'une particulière gravité voire totalement bénignes. Ces débats, notamment dans le cas des cancers non génétiques, ont fait la une des médias à la fin de l'année 2003. Il était alors question d'autoriser les tests de compatibilité HLA pour le futur frère ou sSur d'un enfant atteint de cancer par exemple dans la maladie de Fanconi. Cet enfant serait accueilli comme le messie par ses parents car non seulement il serait sain mais il permettrait également à son aîné de guérir. Cependant, si le législateur a donné un accord pour l'extension du diagnostic génétique préimplantatoire au typage HLA dans certaines indications de particulière gravité, il s'agit uniquement des cas de cancers génétiques et pas des leucémies. Nous devons rester vigilant car nous ne basculerons pas dans l'horreur du jour au lendemain et chaque citoyen doit mesurer la responsabilité qui pèse sur les généticiens et sur l'ensemble de la société car nous sommes les garants du meilleur usage possible de ces pratiques.
Le séquençage du génome humain, l'identification et le clonage des gènes responsables de maladies ont donné de nombreux espoirs pour le développement de thérapeutiques. Avant d'envisager la thérapie génique pour après-demain, il faut nous rendre à l'évidence que les thérapies d'aujourd'hui et de demain, si elles sont bien dérivées des connaissances du génome, restent des thérapies tout à fait traditionnelles. Les généticiens travaillent non pas déjà à guérir les 30 000 enfants malades qui viennent au monde chaque année, mais à mettre en place des tests permettant de reconnaître les enfants qui seraient susceptibles d'être guéris. En l'état actuel des connaissances et des traitements, il y a entre 1 et 10 % des maladies génétiques qui peuvent être curables par des traitements traditionnels. Nous allons présenter cinq stratégies thérapeutiques actuellement utilisées, avant d'aborder la thérapie génétique et enfin terminer par la pharmacologie traditionnelle qui reste à ce jour le plus grand espoir des malades.
Un petit nombre de maladies génétiques du métabolisme sont curables par un régime ou bien par des vitamines. Ces traitements font l'effet de véritables miracles. Il est difficile de rendre compte de l'impression ressentie par les soignants lorsqu'un enfant qui était donné pour mort se remet à marcher, que ses symptômes disparaissent et qu'il est guéri, comme cela m'est arrivé. Les doses de vitamines impliquées sont bien évidemment pharmacologiques et dépassent largement les comprimés utilisés par les étudiants pour affronter plus sereinement les examens. De même, si un enfant sur 200 subit un retard mental il est possible pour quelques uns d'entre eux de guérir de ce handicap par l'apport de vitamines. Les spécialistes doivent pouvoir disposer de d'avantage de moyens pour identifier ceux parmi ces enfants qui seraient curables avec l'administration de ces médicaments.
Figure 3 : Maladies métaboliques curables par les régimes diététiques

Hypoprotidiques
Phénylcétonurie, leucinose, hyperammoniémies
Hypolipidiques
Hypercholestérolémies
Hyperglucidiques
Anomalies de l'oxydation des acides gras

Figure 4 : Maladies métaboliques curables par les vitamines

Biotine (B8)
Déficit multiple des carboxylases
Pyridoxine (B6)
Homocystinurie
Cobalamine (B12)
Acidurie organique
Tocophérol (E)
Ataxie pseudo-Friedrich
Carnitine
Myopathie lipidique, cardiomyopathie
Quinone (CoQ10)
Ataxie, déficits énergétiques
Créatine
Retard mental

Les transplantations d'organes, de rein, de foie, de cSur, de moelle osseuse et même de systèmes nerveux, peuvent permettre à certains patients de retrouver une vie normale. Des neurochirurgiens de Montpellier ont récemment tenté une expérience sur un adolescent atteint de dystonie de torsion. Les principaux symptômes de cette maladie sont un recroquevillement des mains et des pieds ainsi qu'une torsion de la bouche. L'équipe de Philippe Cook s'est basée sur des expériences récentes pour guérir la maladie de Parkinson et ont implanté un pacemaker dans le noyau gros central. Les malades atteints de dystonie de torsion, de dystonie par déficit en penthoténate kinase, de la Chorée de Huntington ou de maladies mitochondriales ont une modification du noyau postéro-ventral du Globus Palidum - ansa lenticularis, qui est responsable d'une perte du tonus. Le pacemaker introduit par les chirurgiens au niveau de l'abdomen et relié à une électrode dans le cerveau permet à ces adolescents de retrouver l'usage de leurs mains et de leurs pieds. Cet appareil coûte 7 500 euros et doit être changé tous les 5 ans. C'est peu pour rendre une vie normale à ces enfants.
Figure 5 : Transplantation d'organes/néo-organes

Rein
Polykystose, néphronophtisie, Alport
Foie
Déficit en a1AT, atrésie biliaire, maladies métaboliques
CSur
CMO, malformations, déficits énergétiques
Moelle osseuse
Décifits immunitaires, maladies de surcharge
Système nerveux
Pace-maker cérébral

Les progrès de la génétique ont également permis de produire des protéines et des médicaments par génie génétique, évitant ainsi le prélèvement par exemple d'enzymes sur des cadavres. C'est le cas notamment du facteur VIII pour les hémophiles, de l'insuline pour les diabétiques et de l'hormone de croissance.
Des déficits enzymatiques, tels la maladie de Fabry, la maladie de Gaucher, la maladie de Pompe ou la maladie de Hurter, peuvent être guéris par des injections régulières des enzymes déficientes. Dans le cas de la maladie de Pompe il s'agit de remplacer les enzymes chargées de détruire les contenus des lysosomes, les poubelles des cellules. Les injections qui sauvent la vie aux malades ont lieu tous les quinze jours et coûtent 150 000 euros par an. Ce n'est rien face à la vie d'un enfant mais c'est beaucoup lorsqu'on considère l'ensemble des malades. Pour guérir cette myopathie avec une grande détresse cardiaque à un coût supportable par la société il faut mettre en concurrence les sociétés pharmaceutiques pour faire baisser les prix.
La thérapie génique est la voie d'avenir, j'en suis intimement convaincu. Cependant, il y a un fossé entre les espérances, les promesses et les résultats. De nombreux problèmes techniques ne sont pas résolus. Le choix du vecteur n'est pas fait. Il faut trouver le moins dangereux, le plus adapté à chaque cas. Toutes les maladies ne sont pas de bonnes cibles pour la thérapie génique. Les bébés bulles constituent le premier modèle d'expérimentation. Une fois le vecteur et la maladie choisis, il faut ensuite trouver de bons modèles animaux et ne pas négliger les risques. Les premiers essais aux États-Unis ont été des catastrophes puisqu'un jeune homme qui souffrait d'hyperammonie héréditaire est mort de l'administration de virus recombinant pour le gène de l'ETC. Les immunologistes de l'Hôpital Necker-Enfants malades déplorent quant à eux deux leucémies sur les sept premiers enfants traités par thérapie génique pour le déficit immunitaire. En effet, lorsque le virus portant le gène guérisseur est rentré dans le génome de la moelle osseuse il s'est inséré au niveau d'un gène du cancer qui s'est ainsi activé. Ces résultats nous incitent à retarder les prochains essais afin de mieux cibler les gènes dans le génome avant de généraliser les procédures de thérapie génique.
Nous ne pouvons que constater le fossé entre les connaissances extraordinaires de la génétique et l'arsenal relativement limité dont nous disposons. Nous ne pouvons donc pas miser tous nos efforts sur la thérapie génique et négliger la pharmacologie traditionnelle dont les résultats ne sont plus à prouver et dont nous allons donner quelques exemples.
Un chercheur canadien, Francis Glorieux, a étudié la maladie des os de verre. Les malades, tel le pianiste Petrucciani, font des dizaines voire des centaines de fractures par an pour les cas les plus graves. Le chercheur a observé qu'un médicament, les biphosphonates, inhibait la fonction osthéoclastique des os, leur capacité à se résorber eux-mêmes. Si les malades ne peuvent pas régénérer leurs os, il a pensé qu'il serait judicieux de les empêcher de les détruire. Il a réussi à consolider les os en tuant les cellules entourant les os et qui sont habituellement chargées de les détruire. En mourrant elles constituent une gaine protectrice qui empêche les os de se briser. Ce médicament ne guérit pas la maladie mais permet de limiter ses symptômes.
De même, des généticiens ont eu l'idée d'utiliser un antibiotique, la gentamycine, pour lutter contre certaines formes de mucoviscidose. Cet antibiotique a la particularité d'agir au niveau des cellules pour favoriser la transcription de gènes en passant outre des signaux stop du code génétique. En ne tenant pas compte de ces signaux, il permet dans le cas qui nous intéresse la fabrication de protéines certes imparfaites mais qui permettent d'assurer une partie de leurs fonctions et ainsi de lutter contre les symptômes de certaines formes de mucoviscidose en en limitant les effets.
Dans mon équipe, nous avons étudié le syndrome de Smith Magénis. Les enfants atteints par cette maladie ont une délétion d'une partie du chromosome 17 et présentent un retard mental, un retard du langage, de l'hyperactivité, de l'agressivité et de l'automutilation. Ils sont inscolarisables, ils mordent leurs frères et sSurs, leurs parents et eux-mêmes. De plus, ils présentent des troubles du sommeil qui les font dormir le jour et être éveillés la nuit. Leurs problèmes de sommeil et d'agressivité rendent la vie impossible à eux-mêmes et à leur famille. Les études en laboratoire ont permis de découvrir que leurs troubles du sommeil étaient dus à une inversion du rythme de sécrétion de l'hormone du sommeil, la mélatonine. La plupart de leurs symptômes étaient simplement dus au fait que leur entourage ne cessait de les réveiller lorsqu'ils avaient sommeil. Un traitement à base de bêtabloquant pour les empêcher d'avoir sommeil le jour et de mélatonine pour leur donner envie de dormir la nuit a permis de rétablir un cycle artificiel de veille/sommeil basé sur l'alternance jour/nuit. Les enfants ainsi traités ont perdu l'essentiel de leur agressivité ce qui a rendu possible leur scolarisation. Les familles ont également repris une vie normale.
Les progrès de la compréhension des mécanismes favorisent de nouvelles thérapeutiques qui ne sont pas nécessairement génétiques. Ce qui est important pour les malades, pour leurs familles ce n'est pas uniquement de trouver des remèdes mais déjà de savoir que des scientifiques travaillent et cherchent à comprendre les maladies incompréhensibles.
La science fait fi de tous les dogmatismes. Elle ignore les plans quadriennaux, les programmes de recherche, elle nous prend au dépourvu, nous réserve de mauvaises surprises. Raison de plus pour faire feu de tout bois et ne négliger aucune piste.
Les financements sont nécessaires mais pas suffisants. Comme Lavoisier le disait, « les découvertes ne se commandent pas ». Il ne suffit pas de financer une thématique pour que les résultats soient au rendez-vous. Ils viennent souvent des groupes les plus modestes, les plus petits comme ces neurochirurgiens qui s'attaquent à la dystonie de torsion.
La science est narquoise, impertinente et insolente. Elle brouille les cartes.
Enfin, « la science n'est pas bonne ou mauvaise » comme le dit Henri Atlan, elle est bonne et mauvaise à la fois. L'usage qui en est fait peut cependant menacer notre société : le mauvais usage des tests génétiques s'ils étaient généralisés, la généralisation de médicaments sans les tests suffisants. La science va se poursuivre que vous le vouliez ou non, les chercheurs sont curieux et continueront leurs recherches en dépit des moratoires, des décisions, des ultimatums. Ce qui compte, et là où la communauté scientifique et les citoyens sont convoqués, c'est de faire en sorte que de cette science soit fait collectivement un bon usage et non un usage pervers. « Le meilleur des savants, le plus grand des savants, reçoit l'enfer en héritage. »

 

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VOIR LES CELLULES COMMUNIQUER

 

VOIR LES CELLULES COMMUNIQUER


Nos cellules "communiquent" chimiquement en échangeant des "molécules-mots" : hormones, neurotransmetteurs, etc. Le dialogue entre neurones dans notre cerveau est ainsi intimement lié à leurs échanges de petites bouffées de neurotransmetteurs de proche à proche. Beaucoup est déjà connu en physiologie et en biologie sur ce domaine, mais il reste encore très mystérieux car nos connaissances sur le sujet sont encore limitées par des difficultés expérimentales. Cela se comprend aisément lorsque l'on sait que ces échanges impliquent seulement quelques milliers de molécules-mots en quelques millièmes de seconde. De même, les neurones étant incapables de stocker leur énergie, ont une activité impliquant un couplage très fin avec le système neurovasculaire qui irrigue le cerveau. En d'autres termes, lorsqu'un neurone "communique avec ses partenaires", il doit simultanément "réclamer" un accroissement du flux sanguin à son voisinage immédiat. C'est précisément cette modulation locale du flux sanguin qui est observée en temps réel par imagerie IRM ou par caméra à positons (PET scan) avec des conséquences importantes en médecine ou en sciences cognitives. Néanmoins, le phénomène observé n'est que le résultat d'un échange de neurotransmetteur, le NO, sous-jacent comme nous le démontrerons au cours de cette conférence. Au cours de cette conférence nous expliquerons comment des électrodes extrêmement petites (entre une vingtaine et une cinquantaine d'entre elles, réunies en faisceau, auraient l'épaisseur d'un seul cheveu humain !) peuvent être utilisées afin de "voir les cellules parler". Nous montrerons ensuite comment les données expérimentales ainsi obtenues permettent de remonter aux mécanismes physicochimiques mis en jeu, c'est-à-dire de "comprendre comment elles parlent". voir le site internet : : http://helene.ens.fr/w3amatore/

 

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LES ARCHITECTES DU VIVANT

 

LES ARCHITECTES DU VIVANT (1998)


Les protéines sont des macromolécules qui sont à la base du fonctionnement cellulaire des organismes vivants. Pour connaître leurs fonctions, il est indispensable de connaître leur structure car leur forme va conditionner leurs fonctions. La cristallographie par diffraction de rayons X est une technique permettant de visualiser les structures moléculaires. Pour des raisons encore inexpliquées, une molécule organique, par mise en solution puis évaporation, va former un dépôt cristallin. Les cristaux, éclairés par un faisceau de rayons X, fournissent un diagramme de diffraction qui permet de reconstituer l'image de la molécule. La source de rayons X utilisée est le rayonnement synchrotron émis par les accélérateurs de particules. Une des applications principales de l'étude des protéines est la mise au point de médicaments. En effet la connaissance de la forme de la zone active d'une molécule permet de synthétiser des inhibiteurs qui, s'insérant dans cette zone, en bloquent la fonction : il est ainsi possible d'inhiber des fonctions indispensables à la survie des virus.

 

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MÉCANISME DE REPLIEMENT DES MOLÉCULES

 

Textede la 595ème conférencede l'Universitéde tous les savoirs prononcée le 17 juillet 2005


ParDidier Chatenay: « Le mécanisme de repliement des molécules »
Le thème de cette conférence vous fera voyager aux confins de plusieurs sciences : physique, chimie et biologie bien évidemment puisque les macromolécules dont nous parlerons sont des objets biologiques : des protéines.
Le plan de cet exposé sera le suivant :
- Quelques rappels sur la structure de la matière (atomes, liaisons chimiques, molécules, macromolécules).
- Qu'est-ce qu'une protéine (la nature chimique de ces macromolécules, leur mode de synthèse, leurs structures et leurs fonctions biologiques) ?
- Le problème du repliement (d'où vient le problème, paradoxe de Levinthal).
- Résolution du paradoxe et interactions inter intra moléculaires (échelles des énergies mises en jeu).
Rappels sur la structure de la matière.
La matière est constituée d'atomes eux-mêmes étant constitués d'un noyau (composé de particules lourdes : protons, chargés positivement, et neutrons non chargé) entouré d'un nuage de particules légères : les électrons chargés négativement. La taille caractéristique d'un atome est de 1 Angström (1 Angström est la dix milliardième partie d'un mètre ; pour comparaison si je prends un objet de 1 millimètre au centre d'une pièce, une distance dix milliards de fois plus grande représente 10 fois la distance Brest-Strasbourg).
Dans les objets (les molécules biologiques) que nous discuterons par la suite quelques atomes sont particulièrement importants.
Par ordre de taille croissante on trouve tout d'abord l'atome d'hydrogène (le plus petit des atomes) qui est le constituant le plus abondant de l'univers (on le trouve par exemple dans le combustible des fusées). L'atome suivant est le carbone ; cet atome est très abondant dans l'univers (on le trouve dans le soleil, les étoiles, l'atmosphère de la plupart des planètes. Il s'agit d'un élément essentiel comme source d'énergie des organismes vivants sous forme de carbohydrates). On trouve ensuite l'azote, constituant essentiel de l'air que nous respirons. L'atome suivant est l'oxygène, également constituant essentiel de l'air que nous respirons, élément le plus abondant du soleil et essentiel au phénomène de combustion. Le dernier atome que nous rencontrerons est le souffre que l'on trouve dans de nombreux minéraux, météorites et très abondants dans les volcans.
Les atomes peuvent interagir entre eux pour former des objets plus complexes. Ces interactions sont de nature diverse et donnent naissance à divers types de liaisons entre les atomes. Nous trouverons ainsi :
- La liaison ionique qui résulte d'interactions électrostatiques entre atomes de charges opposées (c'est par exemple ce type de liaison, qu'on rencontre dans le chlorure de sodium, le sel de table). Il s'agit d'une liaison essentielle pour la plupart des minéraux sur terre, comme par exemple dans le cas des silicates, famille à laquelle appartient le quartz.
- Un autre type de liaison est la liaison covalente. Cette liaison résulte de la mise en commun entre 2 atomes d'un électron ou d'une paire d'électrons. Cette liaison est extrêmement solide. Ce type de liaison est à l'origine de toute la chimie et permet de former des molécules (l'eau, le glucose, les acides aminés). Ces acides aminés sont constitués de carbone, d'azote, d'hydrogène et d'oxygène. Dans ces molécules on retrouve un squelette qu'on retrouve dans tous les acides aminés constitué d'un groupement NH2 d'un côté et COOH de l'autre ; la partie variable est un groupement latéral appelé résidu. Un exemple d'acide aminé est constitué par la méthionine qui d'ailleurs contient dans son résidu un atome de soufre. La taille caractéristique des distances mises en jeu dans ce type de liaison n'est pas très différente de la taille des atomes eux-mêmes et est de l'ordre de l'angström (1.5 Angström pour la liaison C-C, 1 Angström pour une liaison C-H).

Ces liaisons ne sont pas figées et présentent une dynamique ; cette dynamique est associée aux degrés de libertés de ces liaisons tels que par exemple un degré de liberté de rotation autour de l'axe d'une liaison C-C. Ces liaisons chimiques ont donc une certaine flexibilité et aux mouvements possibles de ces liaisons sont associés des temps caractéristiques de l'ordre de la picoseconde (mille milliardième partie de seconde) ; il s'agit de temps très rapides associés aux mouvements moléculaires.
A ce stade nous avons 2 échelles caractéristiques importantes :
- 1 échelle de taille : l'angström
- 1 échelle de temps : la picoseconde.
C'est à partir de cette liaison covalente et de petites molécules que nous fabriquerons des macromolécules. Un motif moléculaire, le monomère, peut être associé par liaison covalente à un autre motif moléculaire ; en répétant cette opération on obtiendra une chaîne constituée de multiples monomères, cette chaîne est une macromolécule. Ce type d'objets est courant dans la vie quotidienne, ce sont les polymères tels que par exemple :
- le polychlorure de vinyle (matériau des disques d'antan)
- le polytétrafluoroéthylène (le téflon des poêles)
- le polyméthacrylate de méthyl (le plexiglas)
- les polyamides (les nylons)
Quelle est la forme d'un objet de ce type ? Elle résulte des mouvements associés aux degrés de libertés discutés plus haut ; une chaîne peut adopter un grand nombre de conformations résultant de ces degrés de liberté et aucune conformation n'est privilégiée. On parle d'une marche aléatoire ou pelote statistique.
Les protéines
Quelles sont ces macromolécules qui nous intéressent particulièrement ici ? Ce sont les protéines qui ne sont rien d'autre qu'une macromolécule (ou polymère) particulière car fabriquée à partir d'acides aminés. Rappelons que ces acides aminés présentent 2 groupes présents dans toute cette famille : un groupe amine (NH2) et un groupe carboxyle (COOH) ; les acides aminés diffèrent les uns des autres par la présence d'un groupe latéral (le résidu). A partir de ces acides aminés on peut former un polymère grâce à une réaction chimique donnant naissance à la liaison peptidique : le groupement carboxyle d'un premier acide aminé réagit sur le groupement amine d'un deuxième acide aminé pour former cette liaison peptidique. En répétant cette réaction il est possible de former une longue chaîne linéaire.

Comme nous l'avons dit les acides amines diffèrent par leurs groupes latéraux (les résidus) qui sont au nombre de 20. On verra par la suite que ces 20 résidus peuvent être regroupés en familles. Pour l'instant il suffit de considérer ces 20 résidus comme un alphabet qui peut donner naissance à une extraordinaire variété de chaînes linéaires. On peut considérer un exemple particulier : le lysozyme constitué d'un enchaînement spécifique de 129 acides aminés. Une telle chaîne comporte toujours 2 extrémités précises : une extrémité amine et une extrémité carboxyle, qui résultent de la réaction chimique qui a donné naissance à cet enchaînement d'acides aminés. Il y a donc une directionnalité associée à une telle chaîne. La succession des acides aminés constituant cette chaîne est appelée la structure primaire. La structure primaire d'une protéine n'est rien d'autre que la liste des acides aminés la constituant. Pour revenir au lysozyme il s'agit d'une protéine présente dans de nombreux organismes vivants en particulier chez l'homme où on trouve cette protéine dans les larmes, les sécrétions. C'est une protéine qui agit contre les bactéries en dégradant les parois bactériennes. Pour la petite histoire, Fleming qui a découvert les antibiotiques, qui sont des antibactériens, avait dans un premier temps découvert l'action antibactérienne du lysozyme ; mais il y a une grosse différence entre un antibiotique et le lysozyme. Cette molécule est une protéine qu'il est difficile de transformer en médicament du fait de sa fragilité alors que les antibiotiques sont de petites molécules beaucoup plus aptes à être utilisées comme médicament.
Pour en revenir au lysozyme, présent donc dans les organismes vivants, on peut se poser la question de savoir comment un tel objet peut être fabriqué par ces organismes. En fait, l'information à la fabrication d'un tel objet est contenue dans le génome des organismes sous la forme d'une séquence d'acide désoxyribonucléique (ADN) constituant le gène codant pour cette protéine. Pour fabriquer une protéine on commence par lire l'information contenue dans la séquence d'ADN pour fabriquer une molécule intermédiaire : l'ARN messager, lui-même traduit par la suite en une protéine. Il s'agit donc d'un processus en 2 étapes :
- Une étape de transcription, qui fait passer de l'ADN à l'ARN messager,
- Une étape de traduction, qui fait passer de l'ARN messager à la protéine.
Ces objets, ADN et ARN, sont, d'un point de vue chimique, très différents des protéines. Ce sont eux-mêmes des macromolécules mais dont les briques de base sont des nucléotides au lieu d'acides aminés.
Ces 2 étapes font intervenir des protéines ; l'ARN polymérase pour la transcription et le ribosome pour la traduction. En ce qui concerne la transcription l'ARN polymérase se fixe sur l'ADN, se déplace le long de celui-ci tout en synthétisant l'ARN messager. Une fois cet ARN messager fabriqué un autre système protéique, le ribosome, se fixe sur cet ARN messager, se déplace le long de cet ARN tout en fabriquant une chaîne polypeptidique qui formera la protéine. Il s'agit d'un ensemble de mécanismes complexes se produisant en permanence dans les organismes vivants pour produire les protéines.
Ces protéines sont produites pour assurer un certain nombre de fonctions. Parmi ces fonctions, certaines sont essentielles pour la duplication de l'ADN et permettre la reproduction (assure la transmission à la descendance du patrimoine génétique). Par ailleurs ce sont des protéines (polymérases, ribosomes) qui assurent la production de l'ensemble des protéines. Mais les protéines assurent bien d'autres fonctions telles que :
- Des fonctions de structure (la kératine dans les poils, les cheveux ; le collagène pour former des tissus),
- Des fonctions de moteurs moléculaires (telles que celles assurées par la myosine dans les muscles) ; de telles protéines sont des usines de conversion d'énergie chimique en énergie mécanique.
- Des fonctions enzymatiques. Les protéines de ce type sont des enzymes et elles interviennent dans toutes les réactions chimiques se déroulant dans un organisme et qui participent au métabolisme ; c'est par exemple le cas du mécanisme de digestion permettant de transformer des éléments ingérés pour les transformer en molécules utilisables par l'organisme.
Pour faire bref toutes les fonctions essentielles des organismes vivants (la respiration, la digestion, le déplacement) sont assurés par des protéines.
A ce stade nous avons donc introduit les objets essentiels de cet exposé que sont les protéines. Pour être complet signalons que la taille de ces protéines est très variable ; nous avons vu le lysozyme constitué d'une centaine d'acides aminés mais certaines protéines sont plus petites et certaines peuvent être beaucoup plus grosses.
Nous allons maintenant pouvoir aborder le problème de la structure et du repliement de ces objets.
La structured'une protéine
Tout d'abord quels sont les outils disponibles pour étudier la structure de ces objets. Un des outils essentiels est la diffraction des rayons X. L'utilisation de cet outil repose sur 2 étapes. La première (pas toujours la plus facile) consiste à obtenir des cristaux de protéines. Ces protéines, souvent solubles dans l'eau, doivent être mises dans des conditions qui vont leur permettre de s'arranger sous la forme d'un arrangement régulier : un cristal. C'est ce cristal qui sera utilisé pour analyser la structure des protéines qui le composent par diffraction des rayons X. A partir du diagramme de diffraction (composé de multiples tâches) il sera possible de remonter à la position des atomes qui constituent les protéines. Un des outils essentiels à l'heure actuelle pour ce type d'expérience est le rayonnement synchrotron (SOLEIL, ESRF).
Il existe d'autres outils telle que la résonance magnétique nucléaire qui présente l'avantage de ne pas nécessiter l'obtention de cristaux mais qui reste limitée à l'heure actuelle à des protéines de petite taille.
Finalement à quoi ressemble une protéine ? Dans le cas du lysozyme on obtient une image de cette protéine où tous les atomes sont positionnés dans l'espace de taille typique environ 50 Angströms. Il s'agit d'un cas idéal car souvent on n'obtient qu'une image de basse résolution de la protéine dans laquelle on n'arrive pas à localiser précisément tous les atomes qui la constituent. Très souvent cette mauvaise résolution est liée à la mauvaise qualité des cristaux. C'est l'exemple donné ici d'une polymérase à ARN. Néanmoins on peut obtenir des structures très précises même dans de le cas de gros objets.

Repliement,dénaturation et paradoxede Levinthal
Très clairement on voit sur ces structures que les protéines sont beaucoup plus compactes que les chaînes désordonnées mentionnées au début. Cette structure résulte du repliement vers un état compact replié sur lui-même et c'est cet état qui est l'état fonctionnel. C'est ce qui fait que le repliement est un mécanisme extrêmement important puisque c'est ce mécanisme qui fait passer de l'état de chaîne linéaire déplié à un état replié fonctionnel. L'importance de ce repliement peut être illustrée dans le cas d'un enzyme qui permet d'accélérer une réaction chimique entre 2 objets A et B ; ces 2 objets peuvent se lier à l'enzyme, ce qui permet de les approcher l'un de l'autre dans une disposition où une liaison chimique entre A et B peut être formée grâce à l'environnement créé par l'enzyme. Tout ceci ne peut se produire que si les sites de fixation de A et B sont correctement formés par le repliement de la longue chaîne peptidique. C'est la conformation tridimensionnelle de la chaîne linéaire qui produit ces sites de fixation.

Il y a une notion associée au repliement qui est la dénaturation. Nous venons de voir que le repliement est le mécanisme qui fait passer de la forme dépliée inactive à la forme repliée active ; la dénaturation consiste à passer de cette forme active repliée à la forme inactive dépliée sous l'influence de facteurs aussi variés que la température, le pH, la présence d'agents dénaturants tels que l'urée.
La grande question du repliement c'est la cinétique de ce phénomène. Pour la plupart des protéines où des expériences de repliement-dénaturation ont été effectuées le temps caractéristique de ces phénomènes est de l'ordre de la seconde. Comment donc une protéine peut trouver sa conformation active en un temps de l'ordre de la seconde ?
Une approche simple consiste à développer une approche simplifiée sur réseau ce qui permet de limiter le nombre de degrés de liberté à traiter ; on peut par exemple considérer une protéine (hypothétique) placée sur un réseau cubique. On peut considérer le cas d'une protéine à 27 acides aminés. On peut alors compter le nombre de conformations possibles de telles protéines ; à chaque acide aminé on compte le nombre de directions pour positionner le suivant. Sur un réseau cubique à chaque étape nous avons 6 possibilités ce qui fera pour une chaîne de 27 acides aminés 627 possibilités. Cela n'est vrai qu'à condition d'accepter de pouvoir occuper 2 fois le même site du réseau ce qui, bien sur, n'est pas vrai dans la réalité ; si on tient compte de cela on arrive en fait à diminuer quelque peu ce nombre qui sera en fait 4,727. Plus généralement pour une chaîne de N acides aminés on obtiendra 4,7N possibilités. Si on part d'une chaîne dépliée on peut alors se dire que pour trouver le « bon état replié » il suffit d'essayer toutes les conformations possibles. Cela va s'arrêter lorsqu'on aura trouvé une conformation stable, c'est-à-dire une conformation énergétiquement favorable. Pour passer d'une conformation à une autre il faut au moins un mouvement moléculaire élémentaire dont nous avons vu que l'échelle de temps caractéristique est la picoseconde (10-12 seconde). I faut donc un temps total (afin d'explorer toutes les conformations) :
Trepliement= 4,7N * Tmoléculaire.
Si on prend N=100, Tmoléculaire= 1picoseconde=10-12seconde, alors :

Trepliement= 1055 secondes !!!
C'est beaucoup car on cherche 1 seconde et on trouve quelque chose de beaucoup plus grand que l'âge de l'univers (de l'ordre de 1027 secondes). Avec cette approche il faut plus de temps à une protéine pour se replier et met plus de temps que l'âge de l'univers.
C'est le paradoxe de Levinthal.
Comment s'en sortir ?
Il faut revenir aux acides aminés et en particulier aux résidus qui permettent de différencier les 20 acides aminés. Ces 20 acides aminés peuvent se regrouper en famille selon la nature de ce résidu.


Une première famille est constituée par les acides aminés hydrophobes. Qu'est ce qu'un acide aminé hydrophobe ou l'effet hydrophobe ? Il s'agit de l'effet qui fait que l'eau et l'huile ne se mélangent pas. Si sur une chaîne on dispose des acides aminés hydrophobes alors ceux-ci vont faire « collapser » la chaîne afin de se regrouper et de se « protéger » de l'eau, tout comme l'eau et l'huile ont tendance à ne pas se mélanger. Ce mécanisme tend à créer ainsi une poche hydrophobe qui permet à ces acides aminés d'éviter l'eau. On commence ainsi à avoir une amorce de solution au paradoxe de Levinthal : la protéine ne va essayer que toutes les conformations, elle va commencer à utiliser dans un premier temps ce mécanisme qui à lui seul va éliminer un grand nombre de conformations possibles.
Mais il y a d'autres familles d'acides aminés et parmi celles-ci celle des acides aminés chargés (+ ou -) qui vont être soumis aux interactions électrostatiques classiques (les charges de même signe se repoussent, les charges de signe contraire s'attirent). Ainsi, si le long de la chaîne nous avons 2 acides aminés de signe opposé ils vont avoir tendance à s'attirer ; cet effet a là encore tendance à diminuer le nombre de conformations possibles pour la chaîne.
Dernière famille, un peu plus complexe mais au sein de laquelle les interactions sont de même nature que pour les acides aminés chargés, à savoir des interactions de type électrostatique. Cette famille est constituée par les acides aminés polaires qui ne portent pas de charge globale mais au sein desquels la distribution des électrons est telle qu'il apparaît une distribution non uniforme de charges ; cette asymétrie dans la répartition des charges va permettre par exemple de créer des liaisons hydrogènes entre molécules d'eau (interactions qui donnent à l'eau des propriétés particulières par rapport à la plupart des autres liquides).
Au total l'image initiale que nous avions des chaînes polypeptidiques doit être un peu repensée et l'on doit abandonner l'idée d'une marche au hasard permettant d'explorer toutes les conformations possibles puisque les briques de base de ces chaînes interagissent fortement les unes avec les autres. On peut ainsi récapituler l'ensemble des interactions au sein d'une chaîne (effet hydrophobe, liaison ionique, liaison hydrogène, sans oublier un mécanisme un peu particulier faisant intervenir des acides aminés soufrés qui peuvent former un pont disulfure ; il s'agit néanmoins d'une liaison un peu moins générale que les précédentes et qui par ailleurs est beaucoup plus solide).
La structure globale de nos protéines résulte de la présence de toutes ces interactions entre les acides aminés présents le long de la chaîne. Lorsque l'on regarde attentivement de telles structures on observe la présence d'éléments répétitifs assez réguliers : hélices, feuillets. Ces feuillets sont des structures locales au sein desquelles la chaîne est organisée dans un plan au sein duquel la chaîne s'organise. Ces éléments de régularité résultent des interactions entre acides aminés et pour la plupart il s'agit des fameuses liaisons hydrogènes entre atomes spécifiques. Bien évidemment certaines régions sont moins organisées et on retrouve localement des structures de type marche au hasard.

Si on récapitule ce que nous avons vu concernant la structure des protéines, nous avons introduit la notion de structure primaire qui n'est rien d'autre que l'enchaînement linéaire des acides aminés. Nous venons de voir qu'il existait des éléments de structure locale (hélices, feuillets) que nous appellerons structure secondaire. Et ces éléments associés aux uns aux autres forment la structure globale tridimensionnelle de la protéine que nous appellerons structure tertiaire.

Il faut noter que cette structure des protéines résulte d'interactions entre acides aminés et il est intéressant de connaître les ordres de grandeur des énergies d'interactions mises en jeu. Ces énergies sont en fait faibles et sont de l'ordre de grandeur de l'énergie thermique (kBT). C'est le même ordre de grandeur que les énergies d'interaction entre molécules au sein d'un liquide comme l'eau ; on peut s'attendre donc à ce que de tels objets ne soient pas rigides ou totalement fixes. Ces mouvements demeurent faibles car il y a une forme de coopérativité (au sens ou plusieurs acides aminés coopèrent pour assurer une stabilité des structures observées) qui permet néanmoins d'observer une vraie structure tridimensionnelle. Ainsi, au sein d'un feuillet ou d'une hélice, plusieurs liaisons sont mises en jeu et à partir de plusieurs éléments interagissant faiblement, on peut obtenir une structure relativement stable de type feuillet ou hélice ; il suffit néanmoins de peu de chose pour détruire ces structures, par exemple chauffer un peu.
Si on revient au mécanisme de repliement on doit abandonner notre idée initiale de recherche au hasard de la bonne conformation. Si on part d'un état initial déplié, un premier phénomène a lieu (essentiellement lié à l'effet hydrophobe, qui vise à regrouper les acides aminés hydrophobes) qui fait rapidement collapser la chaîne sur elle-même. D'autres phénomènes vont alors se mettre en route comme la nucléation locale de structures secondaires de type hélices ou feuillets qui vont s'étendre rapidement le long de la chaîne. Le processus de Levinthal est donc complètement faux et l'image correcte est beaucoup plus celle donnée ici de collapse essentiellement lié à l'effet hydrophobe et de nucléation locale de structures secondaires.

Les protéines n'essaient donc pas d'explorer l'ensemble des conformations possibles pour trouver la bonne solution mais plutôt utiliser les interactions entre acides aminés pour piloter le mécanisme de repliement.
En fait la composition chimique de la chaîne contient une forme de programme qui lui permet de se replier correctement et rapidement.
Au sein des organismes vivants il y a donc plusieurs programmes ; un programme au sein du génome qui permet la synthèse chimique des protéines et un programme de dynamique intramoléculaire interne à la chaîne protéique qui lui permet d'adopter rapidement la bonne conformation lui permettant d'assurer sa fonction.
Il faut noter qu'il existe d'autres façons de s'assurer que les protéines se replient correctement qui font intervenir d'autres protéines (les chaperons).
Notons enfin les tentatives effectuées à l'heure actuelle de modélisation réaliste sur ordinateurs.

 

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