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Quels antibactériens pour après-demain?

 

 

 

 

 

 

 

Quels antibactériens pour après-demain?
mensuel 314
daté novembre 1998 -

Les chercheurs de l'industrie pharmaceutique retournent à leurs paillasses. Leur travail est facilité par l'émergence de nouveaux outils comme la chimie combinatoire, le criblage à haut débit, la bioinformatique et la robotique. Mais comment trouver des antibiotiques vraiment innovants ? En cherchant des molécules qui s'attaquent à des processus récemment explorés par la microbiologie moléculaire: mécanismes de résistance, réplication de l'ADN et division bactérienne, voies de communications intercellulaires... En sachant également quels sont les gènes indispensables à la survie ou à l'infectiosité des micro-organismes. Ce que devrait, à terme, révéler le séquençage des génomes et l'étude des protéines bactériennes.

Dans les années 1970, l'industrie pharmaceutique pensait son arsenal thérapeutique suffisant pour combattre les maladies infectieuses. Cantonnés au milieu hospitalier, les phénomènes de résistance microbienne semblaient contrôlés. Les principales firmes, chacune spécialisée dans une ou deux familles d'antibiotiques, ont exploité leur expertise chimique. Elles ont perfectionné leurs molécules, augmentant leur tolérance, élargissant leur spectre d'activité... Mais nombre d'entre elles ont tourné leurs efforts de recherche vers d'autres médicaments antimicrobiens, anti-viraux ou anti-fongiques, et certaines se sont même totalement détournées de ce domaine. Les besoins du marché leur semblaient comblés.
Ce point de vue est démenti depuis la fin des années 1980, avec l'apparition des multirésistances, et celle des résistances en médecine de ville. L'industrie pharmaceutique se tourne donc à nouveau vers la recherche. Son but est, bien sûr, de développer des antibiotiques et vaccins innovants mais aussi, à plus long terme, des classes d'agents antibactériens complètement nouvelles permettant de contourner les phénomènes de résistance. En effet, au lieu de tuer les bactéries comme le font les antibiotiques, ces nouveaux médicaments devraient atténuer le pouvoir pathogène des bactéries en ciblant leurs facteurs de virulence* ou en jouant sur les molécules de communication intercellulaire.
Lors du processus de découverte d'un médicament, chimistes et biologistes s'attachent à identifier ce que l'on appelle des « pistes chimiques ", des composés sélectionnés selon un premier crible, c'est-à-dire un test permettant de repérer les molécules susceptibles d'avoir l'activité recherchée. Ils valident ensuite ces molécules avec un deuxième criblage, fondé sur un test plus spécifique. C'est ainsi qu'ils repèrent les " têtes de série », dont ils étudient la relation structure-activité pour ensuite affiner leur activité pharmacologique.

Les chercheurs puisent les composés testés dans ce qu'ils appellent leur trésor, des banques de molécules ou pharmacothèques, aujourd'hui constituées le plus souvent par chimie combinatoire voir l'encadré : " La chimie combinatoire, source de diversité moléculaire ". De quels types de banques de molécules disposent-ils? Ils peuvent, dans un premier temps, faire appel à des banques d'aide à la recherche, dites exploratoires. Elles sont créées sur écran d'ordinateur à partir de banques virtuelles, générées par modélisation moléculaire. Plus rationnelles, les pharmacothèques dirigées comportent des molécules dont les caractéristiques sont déduites de la connaissance du site de liaison de la cible bactérienne. Enfin, les banques d'optimisation contiennent des molécules qui dérivent déjà d'une première piste chimique. La modélisation moléculaire, y compris les études de structure tridimensionnelle, facilite la conception rationnelle de ces pharmacothèques.
Mais elles n'ont d'intérêt que si l'on dispose conjointement d'outils performants de criblage, basés sur des cibles bactériennes originales: test enzymatique in vitro, tests sur bactérie entière ou recombinante... Ces outils de criblage, dits à haut flux ou à haut débit, sont issus des progrès de la robotique. Ce sont des systèmes capables de réaliser des tâches séquentielles indépendantes telles que dilution, pipettage et répartition de composés dans des cupules ou puits, agitation, incubation, lecture de résultats. Ils sont pilotés par des logiciels spécifiquement adaptés au type d'analyse que l'on réalise. Pour visualiser l'effet des composés testés, les méthodologies le plus souvent utilisées sont la fluorescence, la radioactivité, la scintillation par proximité* SPA: scintillation proximity assay , les tests cellulaires bactériens. Un criblage à haut débit permet d'analyser sur un crible défini, de 100 000 à 500 000 molécules en quelques semaines1. L'efficacité d'un crible est directement liée à la pertinence de la cible bactérienne choisie. Depuis dix ans, la recherche publique mondiale a fourni nombre de résultats dans des domaines variés de la bactériologie générale structure, biochimie, physiologie et virulence bactérienne et des mécanismes de résistance.

Quelles sont les cibles bactériennes sur lesquelles pensent pouvoir agir les laboratoires pharmaceutiques ? Et, tout d'abord, quelles stratégies employer pour contrer la résistance bactérienne aux antibiotiques? Deux grandes stratégies se dégagent: rechercher de nouvelles familles de molécules qui s'attaquent à des cibles bactériennes originales, échappant donc au problème de résistance croisée avec les antibiotiques des familles actuellement utilisées ; ou bloquer les mécanismes de résistance des bactéries. Passons en revue quelques-unes des différentes pistes explorées, sachant qu'à l'heure actuelle il est bien difficile de dire quelles sont les plus prometteuses.
L'approche visant à bloquer les mécanismes de résistance a déjà été mise en oeuvre quand on a découvert les bêta-lactamases, ces enzymes bactériennes qui inactivent différents antibiotiques de la famille de la pénicilline les bétâ-lactamines. C'est alors qu'ont été mis au point les inhibiteurs de bêta-lactamases. La multirésistance de certaines bactéries peut également être liée à un effet barrière des enveloppes bactériennes, effet qui empêche l'antibiotique d'atteindre sa cible dans le corps bactérien voir l'article de P. Trieu-Cuot et C. Poyart, dans ce numéro2. Pour répondre à ces problèmes d'enveloppe, plusieurs solutions : rechercher des molécules déstabilisant la membrane externe des bactéries à Gram négatif*, pour la rendre perméable aux antibiotiques ; rechercher des antibactériens dont la structure chimique échappe à l'action des pompes d'efflux, ces protéines insérées dans la membrane bactérienne qui rejettent les molécules dans le milieu extérieur ; ou encore développer des molécules interférant avec la synthèse des éléments de structure de ces pompes. Pour le premier déstabilisation de la membrane externe et le troisième cas inhibition des pompes, les molécules issues de cette recherche seraient utilisées en complément des antibiotiques déjà commercialisés. Dans le deuxième cas molécule échappant aux pompes d'efflux, on obtiendra une nouvelle famille d'antibiotique ou un antibiotique dérivé des familles existantes.

Autre piste, le processus de réplication de l'ADN bactérien offre aussi des cibles intéressantes. Chez Escherichia coli, par exemple, plus de trente protéines sont impliquées dans la réplication de l'ADN. La mutation des gènes codant ces protéines entraîne généralement un blocage de la réplication, suivi d'un arrêt de la croissance et souvent de la mort bactérienne. D'autre part, la machinerie de réplication est similaire chez la plupart des bactéries. De ce fait, un inhibiteur de la réplication a toutes les chances d'avoir un spectre d'activité large. A l'heure actuelle une famille d'antibactériens, les quinolones, a pour cible les topoisomérases, enzymes impliquées dans les changements de conformation de l'ADN. Mais on connaît maintenant une vingtaine d'enzymes polymérase III holoenzyme et ses sous- unités, ou encore DnaA, DnaB et DnaC... qui interviennent dans la phase initiale de réplication de l'ADN: ce sont autant de cibles potentielles pour de nouveaux agents antibactériens3.
La division cellulaire est un autre exemple de cible, d'ailleurs liée à la précédente. En effet, le processus de formation de la membrane la septation qui va séparer une bactérie en deux cellules filles est intimement coordonné au début de la réplication de l'ADN.
Un ensemble de protéines appelées Fts régulent et coordonnent la division d'une bactérie. L'une d'entre elles nommée FtsZ est impliquée dans la phase précoce de division et régule par sa concentration la fréquence de septation. Une faible augmentation de la production de cette protéine entraîne la formation de mini- cellules, alors qu'une forte augmentation de cette même protéine conduit à une filamentation et à la mort bactérienne4. Des composés interférant avec FtsZ pourraient donc être de bons candidats antibiotiques.
Dans un avenir plus lointain, un autre domaine, récemment mis en lumière, pourrait générer des cibles originales. Ce sont les voies de communication intercellulaires des bactéries. Bien qu'étant des organismes unicellulaires, les bactéries, lorsqu'elles se multiplient, sont intégrées dans une organisation multicellulaire générant des comportements de groupe liés à la densité microbienne dans un environnement donné. Ces comportements de groupes sont régulés par des signaux extracellulaires, véhiculés par des substances appelées phéromones. Chez les bactéries à Gram positif, ces phéromones sont des peptides. Chez les bactéries à Gram négatif, ce sont généralement des métabolites de la N-acylhomosérine lactone*. Ces systèmes de régulation du comportement des populations microbiennes, regroupés sous le terme anglais " quorum sensing », contrôlent nombre de fonctions d'une population bactérienne dans son environnement immédiat5. Les bactéries possèdent également des systèmes dits à deux composants, constitués d'un détecteur de surface capable de recevoir des signaux de l'environnement proche, et d'un transducteur permettant de transférer l'information jusqu'à certains gènes de l'ADN. L'activation de ces derniers modifie le comportement de la cellule bactérienne pour répondre au signal reçu. Enfin de nombreuses bactéries peuvent dialoguer avec les cellules-hôtes cellules épithéliales*, endothéliales* ou encore phagocytaires*. Elles produisent dans le milieu extérieur des molécules qui interfèrent avec la cellule-hôte et détournent certaines de ses activités à leur profit6. Que l'on bloque la production de phéromones, le détecteur ou le transducteur du système à deux composants, l'idée sous-jacente est d'empêcher la bactérie de s'adapter à son environnement sans porter atteinte à sa survie, ce qui devrait éviter l'apparition de résistances.

Un dernier exemple de cible potentielle est la capacité d'adhérence des bactéries aux cellules qu'elles infectent. Pour beaucoup d'agents pathogènes, la première phase de la colonisation d'un hôte se caractérise par l'attachement spécifique des bactéries aux cellules d'un tissu ou à un biomatériau implanté cathéter, prothèse.... Généralement, cette adhérence résulte de l'interaction spécifique d'une adhésine bactérienne, le plus souvent de nature protéique, et d'un récepteur cellulaire servant de lien entre la bactérie et l'hôte cellule ou biomatériau. La connaissance approfondie de ces systèmes d'adhérence chez différentes bactéries pathogènes, telles que les colibacilles, les staphylocoques ou encore les streptocoques, permet d'envisager le développement de molécules capables de les bloquer et donc de prévenir l'installation de l'infection voir figure7.
A plus long terme, l'innovation devrait également venir de la génomique, c'est- à-dire de la caractérisation et du séquençage total du génome et de son exploitation. Depuis quelques années, le décryp- tage systématique des génomes des bactéries pathogènes monte en puissance. Depuis le premier séquençage d'un génome bactérien, celui d' Haemophilus influenzae en 1995, une dizaine d'autres ont déjà été totalement séquencés, par des réseaux de laboratoires publics ou par des sociétés privées8. On peut s'attendre à ce que le génome de la majorité des bactéries pathogènes pour l'homme soit séquencé au début des années 2000.
Un génome bactérien correctement reconstitué et annoté dont les gènes sont identifiés doit apporter de nouvelles cibles. Mais le chemin sera long, car seuls certains gènes intéressent la recherche antibactérienne: ainsi un génome contenant, par exemple, 2 000 gènes comporte probablement 10 % de gènes essentiels à la croissance in vitro, et quelques pour-cent pour l'expression de la virulence. Mais la constitution de banques de séquences de gènes n'est que la première étape d'un travail colossal qui doit mener à l'étude de la fonction des nouveaux gènes découverts, et à une meilleure compréhension du rôle des gènes déjà connus. Ce n'est que lorsque la fonction des gènes sera élucidée que nous pourront identifier des cibles innovantes. Pour exploiter l'énorme masse de données du séquençage, il faut disposer d'outils moléculaires nouveaux et performants voir l'encadré: " Biopuces et peignage d'ADN ". L'exploitation des banques de gènes grâce à la bioinformatique permet, par étude d'homologie de séquences, d'accéder à la fonction d'une partie des gènes nouvellement identifiés. Une autre méthode consiste à étudier l'impact de l'inactivation de ces gènes sur la croissance bactérienne.
Il est également possible de rechercher des gènes qui ne s'expriment qu' in vivo, lors des phases d'infection et de multi- plication9. On sait peu de choses de ces gènes qui gouvernent l'expression de la pathogénicité chez l'hôte, pour la simple raison que la majorité des études de microbiologie moléculaires ont été réalisées sur des bactéries cultivées en tubes à essai et non dans un organisme vivant. Mais aujourd'hui plusieurs méthodes expérimentales permettent de les identifier:
- la technique d'expression de gènes in vivo IVET, pour in vivo expression technology . Les chercheurs travaillent avec des souches bactériennes mutantes qui, par exemple, ne peuvent survivre que si on leur fournit une base azotée, la purine on dit qu'elles sont auxotrophes à la purine. Ils construisent des plasmides* contenant le gène codant la purine et un gène marqueur celui d'une enzyme, la galactosidase, mais pas de promoteur séquence d'ADN qui déclenche l'expression d'autres gènes. Ces plasmides sont introduits dans les bactéries et s'intègrent dans leur chromosome. Après avoir injecté les bactéries ainsi modifiées à une souris, on recherche celles qui ont pu se multiplier in vivo . Si oui, c'est qu'un promoteur de la bactérie s'est exprimé, permettant la production de purine. On peut alors l'identifier grâce au gène marqueur puis, enfin, le repérer dans la souche bactérienne. Outre l'auxotrophie à la purine, les chercheurs se servent, par exemple, de souches résistantes au chloramphénicol ;
- la méthode d'induction différentielle de fluorescence DFI, pour differential fluorescence induction . Elle repose sur le même principe que la précédente. Mais dans ce cas le plasmide contient le gène d'une protéine vert fluorescent GFP, pour green fluorescent protein , facilement repérable in vivo s'il est activé par un promoteur bactérien ;
- la mutagenèse dirigée STM, pour signature-tagged mutagenesis . Elle est fondée sur l'emploi d'un pool de souches bactériennes mutantes. Ce sont des mutants dits d'insertion, c'est-à-dire que l'on a introduit au hasard dans leur génome des fragments d'ADN, ce qui bloque l'expression des gènes. On injecte ces bactéries à la souris, puis on compare les souches cultivées in vitro à celles qui se sont multipliées in vivo . Si l'on ne retrouve pas certaines souches chez l'animal, c'est qu'on a muté un gène essentiel pour l'infection ;
- la transformation d'une souche non pathogène en pathogène. Il s'agit d'introduire dans des bactéries avirulentes des gènes issus de souches virulentes, dont on pense qu'ils ont un rôle important dans l'infection. Puis d'évaluer le pouvoir pathogène chez l'animal des souches ainsi créées ;
- la technique d'hybridation soustractive d'ARN messagers. Son but est d'éliminer la majorité des gènes dits domestiques ceux du métabolisme de base ne jouant pas un rôle majeur in vivo .
Complémentaire de la génomique, un nouveau champ de recherche se développe rapidement : la protéomique. Il s'agit de l'analyse systématique de toutes les protéines d'une bactérie, grâce à l'emploi conjoint de techniques éprouvées d'analyse des protéines, de la robotique et de l'informatique voir l'encadré : " Qu'est-ce que la protéomique ? ". En recherche antibactérienne, elle permet l'étude des protéines intervenant dans les mécanismes de résistance aux antibiotiques ou des facteurs de virulence.

Revenons, entre autres, au processus de développement du médicament. On a identifié une cible innovante, mis au point le criblage primaire des pharmacothèques, sélectionné les composés répondant positivement à ce crible, validés les pistes chimiques, identifié et optimisé les têtes de série. Les meilleures candidates, quand elles ont une activité antibiotique classique inhibition de la croissance ou activité létale, entrent alors dans le processus bien défini de prédéveloppement études bactériologiques précliniques in vitro et infections expérimentales10. Mais il n'en va pas de même si l'on s'intéresse à des molécules dont l'activité s'exerce sur la capacité d'une bactérie à maîtriser son environnement immédiat cellules ou tissus de l'hôte, ou encore sur les facteurs de virulence responsables de la pathogénicité du micro-organisme. Dans ce cas, les molécules n'ont pas ou peu d'impact sur la croissance bactérienne. Il va falloir, par exemple, démontrer que l'on protège l'animal, ou que l'on diminue la durée de l'infection. Mais il n'existe pas encore de méthodes d'évaluation d'activité référencées permettant de juger directement ou indirectement de l'activité d'une molécule sur un facteur de virulence. Il nous faut mettre au point des tests sur animaux, des modèles cellulaires par exemple inhibition de la capacité d'adhérence de la bactérie à des cellules épithéliales, des modèles d'étude d'activité curative molécule seule ou associée à un antibiotique classique ou prophylactique.
Il n'est pas exagéré d'écrire que la recherche pharmaceutique dans le domaine des antibactériens entre dans une nouvelle époque. Les connaissances en microbiologie fondamentale, médicale et moléculaire, s'accumulent rapidement. Les outils de recherche de nouvelles molécules actives sur les bactéries sont de plus en plus performants. Les pro- chaines années verront sans aucun doute apparaître de véritables innovations thérapeutiques et prophylactiques. Elles devraient répondre, au moins en partie, au problème de la multirésistance aux familles d'antibiotiques disponibles. Rappelons toutefois qu'il faut une dizaine d'années pour développer un nouveau médicament, et qu'une bactérie, grâce à son remarquable pouvoir d'adaptation, est toujours capable de contourner une difficulté majeure mettant en cause sa pérennité.
1D.W. Brandt, Drug Discov. Today, 3, 61, 1998.
2I.T. Paulsen et al., Microbiol. Rev., 60, 575, 1996.
3C.S. McHenry, Emerging Targets in Antibacterial and Antifungal Chemotherapy, J. Sutcliffe et N.H. Georgopapadakou eds, New York, Chapman et Hill, p. 37, 1992.
4J. Luntkenhaus et al., Annu. Rev. Biochem., 66, 93, 1997.
5K.M. Gray, Trends in Microbiology, 5, 184, 1997.
6L.M. Albright et al., Annu. Rev. Genet., 23, 311, 1989.
7I. Ofek et al., Trends in Microbiology, 4, 257, 1996.
8R.D. Fleishchmann et al., Science, 269, 496, 1995.
9H. Smith, Trends in Microbiology, 6, 239, 1998.
10 J.F. Desnottes, T ibtech , 14, 134, 1996.
11D. Michelet et al., Pour la Science, 241, 50, 1997.
12 G. Ramsay, Nature Biotechnology, 16, 40, 1998.
13A. Bensimon et al., Science, 265, 2096, 1994.
14M.R. Wilkins et al., Biotech. Gen. Eng. Rev., 13, 19, 1995.

NOTES
*VIRULENCE Aptitude d'un agent pathogène à se multiplier dans un organisme et à y sécréter des toxines.
*Le principe du dosage par SCINTILLATION PAR PROXIMITÉ repose sur l'interaction entre un substrat radiomarqué, greffé sur un support dont la proximité permet l'amplification de la scintillation. La coupure du substrat, par exemple par une enzyme bactérienne, éloigne le substrat du support ce qui supprime la scintillation. Mais si la molécule à tester inhibe l'enzyme, la scintillation persiste.

*GRAM NÉGATIF :Les bactéries à Gram négatif et à Gram positif se distinguent selon leur réaction différente à une technique de coloration mise au point par le Danois Christian Gram. Les bactéries Gram­ ont une double membrane.

*SONDE OLIGONUCLÉOTIDIQUE Fragment, court et bien défini, d'ADN simple brin les nucléotides sont les éléments de base de l'ADN. Ces sondes servent à repérer par hybridation par reconstitution de l'ADN double brin une séquence d'ADN identique ou apparentée.

*L'ÉLECTROPHORÈSE consiste à faire migrer, dans un gel soumis à un champ électrique, les molécules protéines ou ADN, ARN... présentes dans un mélange. En effet, les molécules migrent différemment selon leur charge électrique, leur taille et leur forme.

*CHROMATOGRAPHIE LIQUIDE HAUTE PERFORMANCE CLHP Technique de séparation de composés chimiques, par exemple des protéines, qui met à profit leur diffusion différentielle dans un support. La CLHP utilise des matrices de chromatographie très homogènes, formées de résines de silice contenues dans des colonnes sous pression.

LA CHIMIE COMBINATOIRE, SOURCE DE DIVERSITÉ MOLÉCULAIRE
La recherche pharmaceutique reste encore semi-empirique. Son approche repose sur le criblage systématique d'un grand nombre de molécules provenant des échantillothèques constituées au fil du temps. Traditionnellement, ces banques de molécules renfermaient surtout des collections de produits de synthèse, d'intermédiaires de synthèse et d'extraits naturels. Depuis les années 1980, la chimie combinatoire a permis d'accroître considérablement la diversité des molécules soumises au criblage : elle permet la synthèse rapide d'un grand nombre de composés chimiques, sans les purifier11I. Ces derniers sont ensuite testés et seuls les produits actifs seront purifiés et caractérisés. Pour la synthèse en parallèle, on fait réagir dans les puits d'une microplaque des entités chimiques des synthons de différents types acides aminés, amines, nucléotides, acides..., ce qui conduit à l'obtention simultanée de toutes les combinaisons possibles de ces synthons. Contrairement à la synthèse en parallèle, où chaque composé reste dans son propre puits de microplaque, la synthèse par mélange et répartition brasse des produits qui se ressemblent dans un même tube. On peut aussi créer des banques de molécules en utilisant un squelette chimique, appelé répartiteur de fonctions chimiques, sur lequel on greffe des motifs variés dans différentes positions. Ces techniques ont vite abouti à des banques comportant plusieurs millions de molécules ce qui pose des problèmes d'analyse. Aujourd'hui, tout en préservant la diversité moléculaire, la taille des pharmacothèques est souvent plus réduite, de mille à quelques dizaines de milliers de molécules.

QU'EST-CE QUE LA PROTÉOMIQUE?
La protéomique, néologisme apparu ces dernières années, n'est rien d'autre que l'analyse systématique des protéines bactériennes. Cette analyse est réalisée par utilisation conjointe de l'électrophorèse bidimensionnelle*, de la chromatographie liquide haute performance* CLHP et de la spectrométrie de masse, associées à la bioinformatique et à la robotique14. Jusqu'à récemment, l'électrophorèse 2D n'avait pu être automatisée, les gels étant insuffisamment stables. C'est aujourd'hui chose faite: certaines technologies emploient des gels qui donnent des résultats bien reproductibles lors d'analyses à haut débit. L'intérêt des électrophorèses c'est qu'elles peuvent être réalisées avec de très faibles quantités de protéines et qu'elles permettent la séparation de milliers de protéines. L'étape suivante consiste à caractériser ces protéines en termes de séquence d'acides aminés. On peut identifier certaines d'entre elles en les comparant aux protéines déjà répertoriées dans des banques. Celles qui ne sont pas connues sont excisées du gel et clivées à l'aide d'enzymes protéolytiques pour obtenir de courts fragments polypeptidiques. Ces fragments sont ensuite séparés par CLHP et analysés par spectrométrie de masse pour en définir la séquence d'acides aminés.

BIOPUCES ET PEIGNAGE D'ADN
Parmi les nouvelles techniques d'étude des génomes, figurent en bonne place les puces à ADN, ou biopuces, dont le marché est dominé par les sociétés américaines, et le peignage moléculaire, mis au point à l'Institut Pasteur de Paris. Les biopuces servent à identifier des fragments d'ADN ou d'ARN grâce à leur hybridation en parallèle sur des microsurfaces greffées unités d'hybridation avec des milliers de sondes oligonucléotidiques*12.
La puce à ADN est issue des techniques de miniaturisation de l'informatique et de la chimie des nucléotides. Ces derniers sont fixés sur support de verre au moyen de technologies semblables à celles utilisées pour les microprocesseurs. Les sondes oligonucléotidiques sont synthétisées in situ sur un support photosensible par photolithographie procédé de la firme Affymetrix, ou greffées par impression à jet d'ADN sur le support à l'aide d'un champ électrique procédés de Nanogen et de Cis Bio-international ou encore dans un bloc de polyacrylamide procédé Mirzabekov. Lors de la réaction d'hybridation, chaque unité d'hybridation est destinée à reconnaître, dans un mélange déposé à la surface de la puce, une séquence cible d'ADN ou d'ARN marquée en solution.

Une autre méthodologie d'avenir, complé- mentaire de la puce à ADN, est celle du peignage moléculaire d'ADN13. Elle consiste à ancrer, par leurs extrémités, des molécules d'ADN en solution sur une surface de verre traité, et à les étirer à l'aide de la tension superficielle d'un ménisque en mouvement. Elle autorise l'emploi de fragments d'ADN plus longs que dans les biopuces. Une fois l'ADN peigné, irréversiblement fixé sur la surface de verre, on met en place des protocoles d'hybridation fluorescente in situ pour détecter, mesurer et positionner des sondes nucléotidiques dans n'importe quel génome.

SAVOIR
:
I. Chopra et al., « The search for antimicrobial agents effective against bacteria resistant to multiple antibiotics », Antimicrob. Agents Chemother., 41, 497, 1997.
J.-F. Desnottes, " Recherche de nouveaux antibactériens, évolution des méthodes d'évaluation microbiologiques », Bull. Soc. Fr. Microbiol., 10 hors série, 37, 1995.
M. Bellis et al., « La puce ADN : un multiréacteur de paillasse », Médecine/Science, 13, 1317, 1997.

 

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Mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Mémoire

Sous titre
Une affaire de plasticité synaptique

La mémoire permet d'enregistrer des informations venant d'expériences et d'événements divers, de les conserver et de les restituer. Différents réseaux neuronaux sont impliqués dans de multiples formes de mémorisation. La meilleure connaissance de ces processus améliore la compréhension de certains troubles mnésiques et ouvre la voie à des interventions auprès des patients et de leur famille.
       

Dossier réalisé en collaboration avec Francis Eustache, directeur de l'unité 1077 Inserm/EPHE/UNICAEN, Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine

Comprendre le fonctionnement de la mémoire
La mémoire est la fonction qui nous permet d’intégrer, conserver et restituer des informations pour interagir avec notre environnement. Elle rassemble les savoir-faire, les connaissances, les souvenirs. Elle est indispensable à la réflexion et à la projection de chacun dans le futur. Elle fournit la base de notre identité.

Cinq systèmes interconnectés
La mémoire se compose de cinq systèmes interconnectés, impliquant des réseaux neuronaux distincts :
*         La mémoire de travail (à court terme) est au cœur du réseau.
*         La mémoire sémantique et la mémoire épisodique sont deux systèmes de représentation consciente à long terme.
*         La mémoire procédurale permet des automatismes inconscients.
*         La mémoire perceptive est liée aux différentes modalités sensorielles.
On rassemble parfois toutes les mémoires autres que celle de travail sous le nom générique de mémoire à long terme. Par ailleurs, on distingue souvent les mémoires explicites (épisodique et sémantique) des mémoires implicites (procédurale et perceptive).
La mémoire de travail
La mémoire de travail (ou mémoire à court terme) est la mémoire du présent. Elle permet de manipuler et de retenir des informations pendant la réalisation d’une tâche ou d’une activité.
Cette mémoire est sollicitée en permanence : c’est elle qui permet par exemple de retenir un numéro de téléphone le temps de le noter, ou de retenir le début d’une phrase le temps de la terminer. Elle utilise une boucle phonologique (répétition mentale), qui retient les informations entendues, et/ou un calepin visuospatial, qui conserve les images mentales.
Elle fonctionne comme une mémoire tampon : les informations qu’elles véhiculent peuvent être rapidement effacées, ou stockées dans la mémoire à long terme par le biais d’interactions spécifiques entre le système de mémoire de travail et la mémoire à long terme.

7, le nombre magique
On estime que le nombre de chiffres, de lettres, ou de mots qu’une personne peut restituer immédiatement dans l’ordre proposé est égal à 7, plus ou moins deux (on parle de l'empan verbal). Il peut être augmenté en regroupant les données (une série de 8 chiffre est plus facile à retenir lorsqu’ils sont groupés par 2 que lorsqu’ils sont pris isolément). Par ailleurs, une série de mots est d’autant plus facile à retenir qu’ils sont courts ou qu’ils sont proches phonologiquement ou sémantiquement.
La mémoire sémantique
La mémoire sémantique est celle du langage et des connaissances sur le monde et sur soi, sans référence aux conditions d'acquisition de ces informations. Elle se construit et se réorganise tout au long de notre vie, avec l’apprentissage et la mémorisation de concepts génériques (sens des mots, savoir sur les objets), et de concepts individuels (savoir sur les lieux, les personnes…).
La mémoire épisodique
La mémoire épisodique est celle des moments personnellement vécus (événements autobiographiques), celle qui nous permet de nous situer dans le temps et l’espace et, ainsi, de se projeter dans le futur. En effet, raconter un souvenir de ses dernières vacances ou se projeter dans les prochaines font appel aux mêmes circuits cérébraux.
La mémoire épisodique se constitue entre les âges de 3 et 5 ans. Elle est étroitement imbriquée avec la mémoire sémantique. Progressivement, les détails précis de ces souvenirs se perdent tandis que les traits communs à différents événements vécus favorisent leur amalgame et deviennent progressivement des connaissances tirées de leur contexte. Ainsi, la plupart des souvenirs épisodiques se transforment, à terme, en connaissances générales.
La mémoire procédurale
La mémoire procédurale est la mémoire des automatismes. Elle permet de conduire, de marcher, de faire du vélo ou jouer de la musique sans avoir à réapprendre à chaque fois. Cette mémoire est particulièrement sollicitée chez les artistes ou les sportifs pour acquérir des procédures parfaites et atteindre l’excellence. Ces processus sont effectués de façon implicite, c’est-à-dire inconsciente : la personne ne peut pas vraiment expliquer comment elle procède, pourquoi elle tient en équilibre sur ses skis ou descend sans tomber. Les mouvements se font sans contrôle conscient et les circuits neuronaux sont automatisés.
La constitution de la mémoire procédurale est progressive et parfois complexe, selon le type d’apprentissage auquel la personne est exposée. Elle se consolide progressivement, tout en oubliant les traces relatives au contexte d’apprentissage (lieu, enseignant…).
La mémoire perceptive
La mémoire perceptive s’appuie sur nos sens et fonctionne la plupart du temps à l’insu de l’individu. Elle permet de retenir des images ou des bruits sans s’en rendre compte. C’est elle qui permet à une personne de rentrer chez elle par habitude, grâce à des repères visuels. Cette mémoire permet de se souvenir des visages, des voix, des lieux.
Avec la mémoire procédurale, la mémoire perceptive offre à l’humain une capacité d’économie cognitive, qui lui permet de se livrer à des pensées ou des activités spécifiques tout en réalisant des activités devenues routinières.

Mémorisation : De l’organisation cérébrale….
Il n’existe pas "un" centre de la mémoire dans le cerveau. Les différents systèmes de mémoire mettent en jeu des réseaux neuronaux distincts, répartis dans différentes zones du cerveau. L’imagerie fonctionnelle (tomographie
tomographie
Technique d’imagerie cérébrale permettant de reconstituer le volume en coupes d’un objet, tel que le cerveau.
par émission de positons, imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) permet aujourd’hui d’observer le fonctionnement cérébral normal impliqué dans les processus cognitifs.
Ainsi, le rôle de l’hippocampe et du lobe frontal semble particulièrement déterminant dans la mémoire épisodique, avec un rôle prépondérant des cortex préfrontaux gauche et droit dans son encodage et sa récupération, respectivement. La mémoire perceptive recrute des réseaux dans différentes régions corticales, à proximité des aires sensorielles. La mémoire sémantique fait intervenir des régions très étendues, et particulièrement les lobes temporaux et pariétaux. Enfin, la mémoire procédurale recrute des réseaux neuronaux sous-corticaux et au niveau du cervelet.

La phase de stockage de l’information nécessite des étapes répétées de consolidation. L’hippocampe semble constituer un élément important dans le processus. Enfin, la restitution d’un souvenir, quelle que soit son ancienneté, reposerait également sur cette structure cérébrale, en interaction avec différentes régions néocorticales. Pour autant, il serait moins sollicité lorsque le rappel provient de la mémoire sémantique plutôt que de la mémoire épisodique.

...à la plasticité synaptique
La mémorisation résulte d’une modification des connexions entre les neurones d’un système de mémoire : on parle de "plasticité synaptique". Les différentes formes de mémoire fonctionnent en interaction, selon que la situation requiert des informations issues de la mémoire sémantique ou épisodique, implicite ou explicite. Ainsi, un souvenir se traduit par l’intervention de neurones issus de différentes zones cérébrales et assemblés en réseaux. Ces connections interneuronales évoluent constamment au gré des expériences et sont responsables de la persistance d’un souvenir à long terme ou non, selon les cas (importance de l’évènement, contexte environnemental et émotionnel…).
Pris isolément, le souvenir correspond à une variation de l’activité électrique au niveau d’un circuit spécifique formé de plusieurs neurones interagissant par le biais des connexions synaptiques (les synapses
synapses
Zone de communication entre deux neurones.
étant les points de contacts entre les neurones). Sa formation repose sur le renforcement ou la création d’une connexion synaptique temporaire, stimulée par le biais de protéines produites puis transportées au sein des neurones, comme le glutamate
glutamate
Neurotransmetteur excitateur le plus répandu dans le système nerveux central.
, le NMDA ou la syntaxine qui va elle-même moduler la libération du glutamate.
Le souvenir est ensuite consolidé ou non en fonction la présence de médiateurs cellulaires au niveau du réseau neuronal impliqué dans les heures suivantes. L’activation régulière et répétée de ce réseau permettrait de renforcer ou de réduire ces connexions et, par conséquent, de consolider ou oublier ce souvenir. Sur le plan morphologique, cette plasticité est associée à des changements de forme et de taille des synapses, des transformations de synapses silencieuses en synapses actives, la croissance de nouvelles synapses.
Le maintien à long terme d’un souvenir repose sur la modification de la cinétique d’élimination ou de renouvellement de certains médiateurs. La phosphokinase zêta (PKM zêta) joue un rôle prépondérant dans ce mécanisme en favorisant la persistance des mécanismes impliqués dans la stabilisation et la consolidation des souvenirs. Elle possède pour cela deux propriétés spécifiques : elle n’est soumise à aucun mécanisme d’inhibition et elle s'autoréplique.
Au cours du vieillissement, la plasticité des synapses diminue et les modifications des connexions sont plus éphémères, ce qui pourrait expliquer des difficultés croissantes à retenir des informations.


La réserve cognitive, soutien de la mémoire
Les capacités de maintien de la mémoire et d’adaptation en cas de lésions semblent variables d’un individu à l’autre. En effet, il a été décrit qu’à lésions cérébrales équivalentes en imagerie, tous ne présenteraient pas les mêmes altérations cognitives. Ces capacités dépendraient de la réserve cérébrale, relative au tissu cérébral, et de la réserve cognitive, qui repose sur sa fonctionnalité.
Selon différentes études, un volume cérébral accru, ou un nombre élevé de neurones ou de synapses est associé à une survenue plus tardive de démence. À lésions équivalentes, ceux qui présentent une réserve cérébrale plus importantes présenteraient des troubles moins sévères. Cette réserve cérébrale serait sous l’influence de paramètres génétiques et probablement environnementaux.
La réserve cognitive correspond à l’efficacité des réseaux neuronaux impliqués dans la réalisation d’une tâche et celle du cerveau à mobiliser ou mettre en place des réseaux compensatoires en cas de lésions pathologiques ou de perturbations physiologiques liées à l’âge. Elle se traduit également par une variabilité, d’un sujet à l’autre, de la tolérance des lésions cérébrales identiques. En effet, les données disponibles suggèrent que la richesse des interactions et le niveau d’éducation sont associés à une survenue plus tardive des troubles cognitifs ou des démences Alzheimer ou apparentées. À l’inverse, l’évolution du déclin cognitif chez ces derniers serait plus rapide une fois installé : elle s’expliquerait par le fait que les symptômes sont identifiés à un stade où les lésions sont plus nombreuses et importantes.
La constitution de la réserve cognitive pourrait dépendre:
*         de l’importance des apprentissages
*         du niveau d’éducation
*         d’une stimulation intellectuelle tout au long de la vie
*         de la qualité des relations sociales
*         de l’alimentation
*         du sommeil
*         des paramètres génétiques seraient également probablement impliqués

Hygiène de vie et mémoire
Des expériences ont montré que dormir améliore la mémorisation, et ce d’autant plus que la durée du sommeil est longue. A l’inverse, des privations de sommeil (moins de 4 ou 5 heures par nuit) sont associées à des troubles de la mémoire et des difficultés d’apprentissage. Par ailleurs, le fait de stimuler électriquement le cerveau (stimulations de 0,75 Hz) pendant la phase de sommeil lent (caractérisée par l’enregistrement d’ondes corticales lentes à l’encéphalogramme) améliore les capacités de mémorisation d’une liste de mots. Plusieurs hypothèses pourraient expliquer ce phénomène : pendant le sommeil, l’hippocampe est au repos, évitant les interférences avec d’autres informations au moment de l’encodage du souvenir. Il se pourrait aussi que le sommeil exerce un tri, débarrassant les souvenirs de leur composante émotionnelle pour ne retenir que l’informationnelle, facilitant ainsi l’encodage. Pour en savoir plus, consulter le dossier Sommeil.
Le sommeil n'est pas le seul paramètre d’hygiène de vie qui influence notre capacité de mémorisation : l’alimentation (bénéfice du régime méditerranéen), l’activité physique et les activités sociales jouent également un rôle important.

Mémoire et émotions : de l’amélioration mnésique à la pathologie
Il est démontré que les émotions peuvent moduler la façon dont une information est enregistrée, l’émotion renforçant ponctuellement l’attention. Ainsi, une émotion positive peut se traduire par une amélioration ponctuelle des performances mnésiques. Il apparaît également que la consolidation, et donc la rétention d’une information est favorisée par l’émotion : le rappel d’un souvenir émotionnel après un long intervalle est souvent plus important que lorsque ce souvenir est neutre. L’imagerie fonctionnelle montre d’ailleurs que le rappel des souvenirs est proportionnel à leur intensité émotionnelle qui peut être observée par l’activation de l’amygdale, siège des émotions. Enfin, la récupération d’un souvenir est aussi améliorée par la présence d’une émotion positive. Chez les personnes présentant un trouble cognitif, les expériences montrent un effet protecteur des émotions positives sur les capacités résiduelles de mémoire. Ce mécanisme existe cependant uniquement dans les premiers stades de la maladie. Ensuite, l’incapacité de l’amygdale à remplir son rôle rend ce mécanisme compensatoire inefficace.
Il existe un pendant pathologique à ce processus : en effet, une émotion trop intense, notamment traumatique, entraîne une distorsion de l’encodage. L’état de stress post-traumatique (ESPT) des personnes victimes ou témoins d’un évènement dramatique en est l’illustration type. Le souvenir est mémorisé sur le long terme, avec à la fois une amnésie de certains aspects et une hypermnésie d’autres détails qui laissent la personne hantée durablement par cet événement. Il s’accompagne d’une décharge de glucocorticoïdes
glucocorticoïdes
Hormones stéroïdiennes ayant une action sur le métabolisme protéique et glucidique.
(hormone du stress), dans l’hippocampe au moment de l’événement. Cette distorsion profonde de l’encodage des événements, au contraire d’un souvenir normal, rend le souvenir persistant au cours du temps sans qu’il ne perdre de son intensité ou de sa spécificité. La victime a ainsi le sentiment de revivre continuellement la scène traumatisante, même des années après.
Dans d’autres situations ayant également trait à une émotion vive (stress, agression...), certains sujets développent plus volontiers une amnésie dissociative : véritable stratégie défensive adaptative, développée de façon inconsciente, elle repose sur l’oubli d’une partie des souvenirs autobiographiques ou sémantiques, ainsi que de l’évènement l’ayant déclenchée. Ces souvenirs peuvent être réactivés, progressivement ou brutalement, à l’issue d’une conscientisation de l’évènement déclencheur.
Sur le plan thérapeutique, la compréhension des mécanismes de stabilité des souvenirs et de l’influence émotionnelle offrent les moyens d’envisager la prise en charge thérapeutique de certaines pathologies : ainsi, le développement d’approches psychothérapeutiques fondées sur la dissociation entre les souvenirs et les émotions peut permettre de réduire le handicap lié à des maladies comme certaines formes d’anxiété ou l’état de stress post-traumatique.

Mémoire et oubli : du physiologique au pathologique
Depuis une vingtaine d’années, la prévalence
prévalence
Nombre de cas enregistrés à un temps T.
croissante des troubles de la mémoire tel que la maladie d’Alzheimer, a fait de l’oubli un symptôme. Pourtant, l’oubli est aussi un processus physiologique, indispensable au bon fonctionnement de la mémoire.
En effet, l’oubli est nécessaire pour l’équilibre du cerveau, permettant à ce dernier de sélectionner les informations secondaires qu’il est possible d’éliminer afin de ne pas saturer les circuits neuronaux. L’oubli est un corollaire de la qualité de la hiérarchisation et de l’organisation des informations stockées. Ainsi, certaines personnes souffrent d’hypermnésie idiopathique
idiopathique
Qui existe par soi-même, indépendamment d’une autre maladie.
, une pathologie de l’abstraction et de la généralisation du souvenir dans laquelle l’oubli des détails est aboli. Ces personnes rencontrent des difficultés de vie quotidienne liées à l’incapacité d’organiser leurs souvenirs en fonction de leur significativité et de leur importance.
Cependant, l’oubli peut aussi correspondre à la disparition involontaire de souvenirs acquis par apprentissage volontaire ou implicite, alors que son codage a été réalisé correctement. Ce phénomène reste physiologique tant qu’il est sporadique. Il concerne plus souvent la mémoire épisodique que la mémoire sémantique, procédurale ou sensorielle. Il devient pathologique, et prend plus volontiers le nom d’amnésie, lorsqu’il concerne des pans entiers de mémoire sémantique ou épisodique.

Les multiples troubles de la mémoire
Certaines situations entraînent des incapacités sévères et des amnésies durables. Les causes possibles sont :
*         un traumatisme physique entraînant des lésions cérébrales
*         un accident vasculaire cérébral hémorragique ou ischémique
*         une tumeur du cerveau
*         ou encore une dégénérescence neuronale comme la maladie d’Alzheimer
Dans d’autres cas, les troubles sont moins sévères et le plus souvent réversibles. Les causes possibles sont :
*         des maladies mentales comme la dépression
*         le stress et l’anxiété, ou la fatigue
*         un événement traumatisant (deuil)
*         des effets indésirables de médicaments comme des somnifères, des anxiolytiques (d’autant plus fréquent que la personne est âgée)
*         l’usage de drogues
Les troubles de la mémoire ont différentes origines biologiques, comme un déficit en certains neuromédiateurs ou une faible connectivité entre les réseaux cérébraux.
Les manifestations de ces troubles sont extrêmement variables selon leur origine et les localisations cérébrales des processus pathologiques. Ainsi, des patients atteints d’une démence sémantique, dans laquelle des mots ou des informations sont oubliés, perdent également des souvenirs anciens alors qu’ils continuent à mémoriser de nouveaux souvenirs épisodiques (souvenirs "au jour le jour"). Ces troubles sont associés à une atrophie des lobes temporaux. Chez d’autres patients, notamment ceux souffrant de la maladie d’Alzheimer, les troubles concernent la mémoire épisodique : chez eux, les souvenirs les plus anciens sont épargnés plus longtemps que les plus récents. D’autres types de déficiences existent : celles affectant les neurones impliqués dans la mémoire procédurale peuvent engendrer la perte de certains automatismes, comme chez les personnes atteintes par la maladie de Parkinson ou de Huntington. Celles affectant les neurones impliqués dans la mémoire du travail, peuvent quant à elles donner des difficultés à se concentrer et à faire deux taches en même temps.

Maladie d'Alzheimer et démence sémantique. Visualisation des zones atrophiées dans la maladie d’Alzheimer (en haut), dans la démence sémantique (au milieu) et, de façon commune dans ces deux pathologies (en bas). Les flèches rouges indiquent la région commune hippocampique affectée par ces démences. © Inserm/Renaud Lajoie / Unité 1077
Il existe également des troubles de la mémoire sévères mais transitoires, comme l’ictus amnésique idiopathique : survenant le plus souvent entre 50 et 70 ans, il s’agit d’une amnésie soudaine et massive pendant laquelle le patient est incapable de se souvenir de ce qu’il vient de faire, sa mémoire épisodique est annihilée. Mais sa mémoire sémantique est intacte : il peut répondre à des questions de vocabulaire et évoquer des connaissances générales. Cette amnésie disparaît souvent après six à huit heures.

Les enjeux de la recherche
La mémoire et ses troubles donnent lieu à de nombreuses recherches qui font appel à des expertises variées dans un cadre pluridisciplinaire : génétique, neurobiologie, neuropsychologie, électrophysiologie, imagerie fonctionnelle, épidémiologie, différentes disciplines médicales (neurologie, psychiatrie…), mais aussi sciences humaines et sociales.

Ma mémoire et celle des autres
La mémoire a longtemps été considérée comme individuelle et étudiée comme telle. Cette approche est aujourd’hui caduque, ou du moins incomplète. Le souvenir se situe en effet à l’interface entre l’identité personnelle et les représentations collectives : il se constitue à partir des interactions entre la personne, les autres et l’environnement. Il ne peut être détaché du contexte social dans lequel il prend place. Les interactions, mais aussi les représentations sociales et les stéréotypes influencent le fonctionnement de notre mémoire.

On parle de cognition sociale : elle permet, par exemple, d’adapter son comportement selon le contexte dans lequel on se trouve, et cela grâce à la mémorisation et l’analyse des expériences passées. L’empathie découle également de cette notion interindividuelle de la mémoire : elle utilise notamment les informations de la mémoire épisodique afin de permettre un "voyage de l’esprit" se traduisant en capacité à partager la détresse de l’autre. Aussi appelée "théorie de l’esprit", cette capacité à se mettre à la place de quelqu’un et à imaginer et interpréter ses pensées fait appel à nos mémoires dont nous décentrons l’objet. Sur le plan médical, la dégénérescence des neurones au niveau frontotemporal, retrouvée dans certaines démences (Alzheimer et apparentées), se caractérise par une diminution de la cognition sociale : le malade peut présenter des troubles du comportement ou des dysfonctionnements sociaux.
Par ailleurs, sur un plan plus large, il existe aussi une mémoire collective ou culturelle, celle qui prend place autour des évènements historiques (autour de leur évocation ou de leur commémoration) et des évènements contemporains médiatisés. Il s’agit d’une mémoire partagée constituée des différentes représentations de l’évènement par l’ensemble des personnes.
Ce domaine de recherche est particulièrement novateur et rapproche les expertises en neurosciences et en psychologie de celles en sociologie, en histoire, en philosophie ou en éthique. En termes thérapeutiques, cette transdisciplinarité peut également apporter un intérêt : l’état de stress post-traumatique correspond par exemple à une hypermnésie des perceptions et émotions liées à l’évènement, à une amnésie des aspects contextuels, ainsi qu’à une perturbation de la mémoire autobiographique. À la suite d’un évènement traumatisant, une prise en charge appropriée de la charge émotionnelle associée pourrait être d’autant plus efficace que l’évènement en question est inscrit dans le cadre social, à la fois familial et professionnel. Il en serait d’autant plus question dans le cadre d’un évènement inscrit dans la mémoire collective.

Sonder la mémoire individuelle et collective des attentats
Le programme 13-Novembre, mené par des chercheurs de l’Inserm et du CNRS, associe différents volets de recherche transdisciplinaire autour du témoignages recueillis sur les attentats du 13 novembre 2015. Il cherche à évaluer comment le souvenir traumatique des attentats évolue dans les mémoires individuelles et collectives, comment les deux fonctionnent en interaction et quels sont les facteurs de vulnérabilité face à l’ESPT. À quatre reprises durant dix ans, les témoignages et les éventuels troubles (ESPT, images envahissantes, dépression…) de 1 000 personnes volontaires seront analysés selon leur proximité avec les attentats : cette cohorte rassemble des personnes exposées directement (survivants, témoins, familles), indirectement (habitants des quartiers des attentats) ainsi que des habitants franciliens ou non franciliens. Ces données seront recueillies parallèlement à une analyse de l’opinion des français sur le sujet, ainsi qu’une analyse du discours et de la textométrie des informations télévisuelles ou radiophoniques liés à ces évènements, afin d’en identifier les interactions.

La mémoire au futur
Selon le contexte, nos propres aspirations, nos projets, nous avons une capacité à élaborer des scénarios plausibles pour le futur, constitués de pensées, d’images et d’actions. Ceux-ci ne peuvent prendre forme que sur la base des représentations du passé. La mémoire du futur fait donc appel à notre mémoire épisodique et sémantique, contrairement aux idées reçues ou aux conceptions habituelles de la mémoire, traditionnellement associées au passé. Ainsi, l’imagerie permet de vérifier que l’évocation d’un souvenir autobiographique ou l’imagination d’un scénario futur font intervenir des régions cérébrales très proches les unes des autres. Par ailleurs, les études montrent que les amnésiques ne peuvent se projeter dans le futur.
La capacité à remplir une tâche à une date ou un jour précis entre aussi dans le cadre de la mémoire du futur : on l’appelle alors plus volontiers mémoire prospective, articulée autour de différents volets selon la nature des tâches à effectuer : "mémoire prospective propre" pour les actions ponctuelles (poster une lettre, aller à un rendez-vous…), "mémoire prospective habituelle" pour toutes les tâches routinières, "monitoring" pour l’attention portée à la fin d’une tâche tandis qu’une autre est en cours (penser à arrêter le four à la fin d’une cuisson, par exemple).

Cette notion de mémoire du futur peut avoir des applications thérapeutiques. Ainsi, des "thérapies orientées vers le futur" ont été développées et testées auprès de patients souffrant de dépression majeure ou de schizophrénie : menées à travers plusieurs séances réparties sur quelques semaines, elles consistent à sensibiliser les sujets sur l’importance des projections mentales dans le futur, la façon dont celles-ci peuvent être améliorées en luttant contre des mécanismes personnels de résistance, puis, progressivement à leur proposer des activités de pleine conscience et, enfin, à travailler sur l’évocation de leurs propres valeurs, leurs objectifs, et les moyens d’y arriver. Les premières études montrent que cette approche peut être plus efficace que les thérapies cognitivo-comportementales
thérapies cognitivo-comportementales
Traitement des difficultés du patient dans « l’ici et maintenant » par des exercices pratiques centrés sur les symptômes observables au travers du comportement.
conventionnelles.

Mémoires externes
Il semble clair aujourd’hui que notre mémoire interne et nos capacités de projection sont influencées par la mémoire externe : les supports de mémoire collective (livres, films…) sont un élément utile pour modeler notre mémoire du futur. La multiplication des dispositifs électroniques de stockage d’information dans notre quotidien est cependant décrite comme modifiant l’organisation et la puissance de notre mémoire, que nous sollicitons par conséquent moins. Cet équilibre entre mémoire interne et externe constitue un enjeu majeur pour l’avenir.
Sur le plan thérapeutique, les supports externes de stockage sont aujourd’hui testés sous forme d’implants cérébraux dans la prise en charge de patients amnésiques. De façon plus futuriste, l’idée de greffe de mémoire artificielle fait également l’objet de développements actuels.

Modifier la mémoire grâce à l'optogénétique
Outre l’imagerie fonctionnelle, qui fait aujourd’hui partie des modes d’exploration incontournables de l’organisation mnésique, d’autres approches sont plus récentes et en pleine évolution. C’est notamment le cas de l’optogénétique, qui est une technique alliant génétique et optique : elle consiste à modifier génétiquement des cellules afin de les rendre sensibles à la lumière et, grâce à cette dernière, d’en moduler le fonctionnement. Ainsi, l’optogénétique permet d’activer ou d’inhiber expérimentalement des groupes spécifiques de neurones dans le tissu cérébral et d’en évaluer l’impact.
Elle permet aussi de développer des méthodes de manipulation de la mémoire (implantations de faux souvenirs, oubli expérimental…). Ces travaux permettent d’envisager des approches thérapeutiques intéressantes dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques.

 

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Maladies à prions / Maladie de Creutzfeldt-Jakob

 

 

 

 

 

 

 

Maladies à prions / Maladie de Creutzfeldt-Jakob

Sous titre
Une dégénérescence rapide du système nerveux central

Les maladies à prions sont des maladies rares, caractérisées par une dégénérescence du système nerveux central
système nerveux central
Composé du cerveau et de la moelle épinière.
et la formation d’agrégats d’une protéine spécifique. On les appelle aussi encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST). Elles sont dues à l’accumulation dans le cerveau d’une protéine normale mais mal conformée, la protéine prion. Ces maladies sont caractérisées par une évolution rapide et fatale, ainsi que par l’absence de traitement. La plus connue est la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MJC).
       

               
Dossier réalisé en collaboration avec Stéphane Haïk, co-responsable de l’équipe Maladie d’Alzheimer- maladies à prions de l’unité Inserm 1127, Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), et coordonnateur du Centre national de référence des agents transmissibles non conventionnels, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.

Comprendre les maladies à prions
En dehors du Kuru décrit dans les années 50 en Papouasie Nouvelle-Guinée (voir plus loin), on connaît aujourd’hui trois maladies à prions humaines : la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ), l’insomnie fatale familiale (IFF) et le syndrome de Gerstmann-Straüssler-Scheinker (GSS). Ce sont des maladies rares : 100 à 150 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année en France.

Maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique chez l'homme. Il existe une spongiose disséminée à l'intérieur du cortex cérébral. On note la raréfaction neuronale. x62,5. © Inserm, O. Robain
Ces encéphalopathies se développent chez l’adulte. Elles se caractérisent par une démence à laquelle s’ajoutent des signes neurologiques : troubles de la coordination des mouvements, troubles visuels, crises d’épilepsie, myoclonies (secousses musculaires brèves)… Une fois les premiers symptômes apparus, ces maladies évoluent rapidement et de manière progressive, sans rémission, jusqu’au décès. Chacune présente un profil particulier :
*         La maladie de Creutzfeldt-Jakob débute souvent par des troubles non spécifiques, de type insomnie ou anxiété. Ensuite, des troubles de la mémoire, de l’orientation ou du langage s’installent. A ce syndrome démentiel sont progressivement associés des myoclonies (spasmes musculaires), des troubles de l’équilibre ou de la vue, des tremblements, des épilepsies... La MCJ est la seule maladie humaine à pouvoir être de cause génétique (due à une mutation dans le gène codant pour la protéine prion, la mutation E200K étant la plus fréquente),  de cause infectieuse (MCJ secondaire à une contamination) ou de forme sporadique (de survenue aléatoire, sans mutation ni exposition à un prion exogène retrouvée). Toutefois, la forme sporadique est la plus fréquente : elle représente 85% de l’ensemble des encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST) diagnostiquées chaque année. Dans ce cas, la maladie apparaît généralement après 60 ans et évolue sur une période d’environ 6 mois. Lorsque la maladie est d’origine génétique ou infectieuse, les symptômes sont plus précoces et d’évolution plus lente. Dans les formes infectieuses, la période d’incubation peut être extrêmement longue et dépasser 50 ans.
*          
*         L’insomnie fatale familiale est une encéphalopathie d’origine exclusivement génétique. Elle est liée à une mutation (D178N) qui augmente la probabilité de changement de conformation de la protéine prion humaine. L’IFF débute généralement vers 50 ans et se caractérise par des troubles du sommeil paradoxal qui évoluent vers une insomnie rebelle associée à des troubles neurovégétatifs. Progressivement, des troubles des mouvements et la démence apparaissent. L’issue de la maladie est fatale après 6 à 30 mois d’évolution.
*          
*         Le syndrome de Gerstmann-Straüssler-Scheinker est également provoqué par une mutation spécifique du gène codant pour la protéine prion. De nombreuses mutations, différentes de celles impliquées dans la MCJ ou l’IFF, ont été identifiées (P102L, A117V, E211Q, Ins144, Ins192…). La maladie débute souvent vers 40 ans, avec des troubles de l’équilibre et de la coordination des mouvements. Elle évolue ensuite sur plusieurs années vers la démence, avec une aggravation des troubles neurologiques.

Le prion, une protéine aux capacités exceptionnelles
La protéine prion (PrPc) est une protéine physiologique qu’on retrouve de façon très conservée chez de nombreuses espèces. Son rôle est mal connu, mais la protéine est présente dans la plupart des compartiments de l’organisme et pourrait assurer de multiples fonctions cellulaires. Dans les neurones du cerveau, la protéine prion peut devenir pathogène en changeant sa conformation tridimensionnelle : elle se replie sur elle-même de façon très serrée, ce qui la rend hydrophobe, peu soluble et résistante à la dégradation. On l’appelle alors protéine prion "scrapie" (PrPsc).
Les PrPsc s’agrègent entre elles et forment des dépôts qui se multiplient à l’intérieur et à l’extérieur des cellules du cerveau, perturbant leur fonctionnement et leurs mécanismes de survie. Dans cette forme anormale, la protéine prion est en outre capable de transmettre son anomalie conformationnelle : au contact d’une PrPsc, une protéine prion normale adopte à son tour une conformation anormale. Cet effet domino favorise la propagation de l’anomalie de proche en proche, d’abord au sein d’un neurone, puis d’un neurone à l’autre.

La réplication du prion, un mécanisme parfois utile
Des études récentes ont montré que le mécanisme moléculaire au centre de la réplication des prions pouvait être impliqué dans des fonctions physiologiques du cerveau normal : ainsi, la mémoire à long terme pourrait mettre en jeu l’auto-agrégation de certaines protéines synaptiques, selon le même principe que la protéine prion anormale.
Les prions sont à ce jour les seuls agents infectieux dénués d’acides nucléiques, contrairement aux agents transmissibles conventionnels que sont les virus, les bactéries et les parasites. La grande diversité des maladies à prions pourrait s’expliquer, au moins en partie, par l’existence de différentes souches de prions dont les propriétés seraient dictées par les modifications conformationnelles de la protéine.

Histoire d’une découverte
C’est en cherchant à isoler l’agent infectieux responsable de la tremblante du mouton que l’américain Stantey Prusiner a pour la première fois identifié la protéine prion. Dans les années 1970, les similitudes entre cette maladie du mouton et des maladies humaines n’échappent pas aux scientifiques. En étudiant la première, ils espèrent mieux comprendre les secondes. Mais ils ne s’expliquent pas comment la maladie peut être transmise d’un animal à l’autre, même après avoir soumis l’inoculum à des traitements capables de détruire un virus ou une bactérie (comme les rayonnements ionisants). Stantey Prusiner proposera l’hypothèse et le terme de "prion" en 1982, dans la revue Science, apportant de nombreux arguments en faveur de cette hypothèse dont l’originalité a longtemps suscité la controverse. Il sera récompensé pour ses travaux par le prix Nobel de médecine en 1997.

Le risque de transmission interindividuelle

© Inserm, J-G. Fournier Accumulation sous forme de bâtonnets de la protéine prion (PrPc) dans le cerveau d'un enfant atteint de Creutzfeldt-Jacob iatrogène, contamination par hormone de croissance. Marquage à l'or colloïdal (10nm) avec un anticorps anti prion (PrP).
La transmission interindividuelle des maladies à prions a été suspectée chez l’homme dès les années 50, à partir des travaux menés par Anton Gajdusek en Papouasie Nouvelle-Guinée. Des cas d’encéphalopathies spongiformes (Kuru) avaient été observés dans des tribus qui pratiquaient des rites funéraires cannibales. Les similitudes entre les lésions observées chez ces patients et celles associées à la tremblante du mouton (dont la transmissibilité était déjà connue) ont conduit les chercheurs à démontrer que le Kuru puis, dans un second temps, la MCJ, l’IFF et le GSS pouvaient être transmis aux primates par inoculation, inaugurant ainsi le concept d’encéphalopathie spongiforme transmissible.
Aujourd’hui, l’Organisation mondiale de la santé propose une classification des tissus de l’organisme selon le risque de transmission de la maladie qui leur est associé : les tissus plus à risque sont issus du système nerveux central et de l’œil. Dans une moindre mesure, le liquide céphalorachidien
liquide céphalorachidien
Liquide transparent dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière.
, le sang et certains organes (reins, poumons…) peuvent aussi transmettre le prion anormal. De fait, quelques cas de MCJ sont accidentellement survenus après administration d’hormone de croissance extraite de l’hypophyse de personnes décédées, ou après la greffe de certains tissus (cornée, dure-mère) issues de donneurs atteints. Depuis 1988, l’hormone de croissance prescrite en France n’est plus d’origine humaine, mais produite par génie génétique. Et depuis 1994, les greffes de dure-mère sont interdites. Quelques cas de MCJ ont aussi été observés suite à certaines interventions utilisant des électrodes intracérébrales ou des instruments neurochirurgicaux. A l’époque, les méthodes conventionnelles de stérilisation ne permettant pas d’éliminer le risque prion. Mais aujourd’hui, des procédures spécifiques de décontamination permettent d’éliminer ce risque.

Le risque lié à l’alimentation
La transmission d’un prion du bovin à l’Homme via la consommation d’aliments contaminés est suspectée en 1996, lors de la dramatique crise de la "vache folle". Depuis plusieurs années, une épidémie d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) frappait les élevages du Royaume-Uni. La propagation de cette maladie à prions, qui touchait plusieurs dizaines de milliers de bêtes chaque année, était sans doute due à l’utilisation de farines animales, produites à partir de carcasses et insuffisamment décontaminées. Son origine reste toutefois discutée.
L’apparition concomitante d’une forme très particulière de la MCJ chez des patients inhabituellement jeunes, au Royaume Uni, en France, puis dans de nombreux autres pays, a rapidement fait craindre un passage de la maladie du bovin à l’Homme. Les chercheurs ont confirmé cette hypothèse en démontrant que l’agent responsable de cette variante de la MCJ était bien l’agent bovin. Au total, environ 230 personnes à travers le monde ont développé une MCJ suite à cette contamination, dont 27 en France.
Depuis, des mesures de prévention ont été mises en place pour limiter au maximum le risque de contamination lié au prion bovin : interdiction de l’utilisation des farines animales issues de ruminants, surveillance des animaux d’élevage, déclaration obligatoire des cas suspects et abattage sélectif en cas de maladie avérée, dépistage de l’ESB et retrait systématique des tissus à risque à l’abattoir (moelle épinière, cervelle, amygdales, intestins…)…
Une inquiétude persiste toutefois sur la prévalence
prévalence
Nombre de cas enregistrés à un temps T.
dans la population générale des porteurs asymptomatiques de ce prion bovin, et sur les risques de transmission secondaire associés, notamment lors de transfusion sanguine

Un diagnostic de probabilité pour une maladie sans traitement
Ce sont d’abord le profil clinique et l’évolution des symptômes qui permettent d’évoquer un diagnostic d’ESST. Des examens complémentaires permettent de l’étayer :
*         Un électroencéphalogramme (EEG) permet de repérer des perturbations relativement spécifiques de l’activité cérébrale.
*         L’IRM met en évidence des anomalies particulières au niveau de certaines régions du cerveau (noyaux gris centrauxnoyaux gris centrauxEnsemble d’amas de cellules nerveuses enfouies sous le cortex et interconnectés entre eux.

, cortex) pour lesquelles les diagnostics différentiels sont peu nombreux.
*         La ponction lombaire permet de vérifier l’absence d’inflammation dans le liquide céphalorachidien (LCR) et de détecter la protéine 14-3-3, une protéine libérée par les neurones au moment de leur mort. Cependant, ce marqueur n’est pas spécifique des maladies à prions et peut être détecté dans le liquide céphalorachidien au cours de nombreuses maladies du système nerveux central (maladies neurodégénératives dans leurs formes rapidement progressives, accidents vasculaires cérébraux, encéphalites…).

Cortex d'un singe macaque inoculé avec l'agent de l'encéphalopathie bovine spongiforme. Il existe deux vacuoles arrondies contenant des enroulements membranaires. x15500. © Inserm, O. Robain
Si l’ensemble de ces éléments cliniques et paracliniques peut permettre de poser un diagnostic d’ESST, il ne s’agit que d’un diagnostic de probabilité : en effet, seul l’examen du tissu cérébral, réalisé le plus souvent post-mortem, permet d’affirmer le diagnostic en montrant des lésions neuropathologiques caractéristiques et l’accumulation spécifique de PrPsc. On constate alors classiquement un aspect en éponge du tissu cérébral (spongiose) liée à une vacuolisation des neurones (formation de "trous"), une perte neuronale, une gliose (prolifération de certaines cellules de soutien) et des dépôts de PrPsc, parfois sous la forme de plaques amyloïdes
plaques amyloïdes
Agrégation extracellulaire pathologique de peptides ß-amyloïdes.
.
Aujourd’hui, il n’existe pas de traitement spécifique des maladies à prions. Les seuls médicaments qui peuvent être prescrits sont ceux qui peuvent soulager ou limiter les différents symptômes de la maladie. Une aide à la prise en charge médico-sociale et psychologique est proposée aux malades et à leur famille par la Cellule nationale d’aide à la prise en charge des MCJ.

Les enjeux de la recherche
Beaucoup d’équipes de recherche travaillent aujourd’hui à mieux comprendre le comportement des prions. Ils visent à identifier les mécanismes de l’agrégation et de la propagation de la protéine anormale ainsi que les cofacteurs impliqués dans ces phénomènes, décrypter la corrélation entre conformation, diversité des souches et des maladies, comprendre les facteurs gouvernant la susceptibilité individuelle à la maladie, notamment dans les formes infectieuses…
Un autre volet des recherches consiste à améliorer les méthodes diagnostiques. En effet, la recherche de la protéine 14-3-3 n’est pas spécifique de la maladie et pose parfois des difficultés d’interprétation. Par ailleurs, un diagnostic le plus précoce possible est important pour évaluer de nouveaux traitements et favoriser leur efficacité. Ainsi, des chercheurs travaillent à mettre en évidence la protéine prion anormale directement dans le liquide céphalorachidien. La faible concentration de PrPsc ne pouvant être mesurée par des méthodes conventionnelles, une stratégie en cours de développement utilise la capacité du prion pathologique à engendrer un changement de conformation de la protéine normale. Sur ce principe, des méthodes d’amplification de la mauvaise conformation de la PrP dans un tube à essai ont été mises au point. Leur validation en clinique humaine est en cours.
L’identification de traitements spécifiques efficaces est un troisième domaine de recherche important. Jusqu’à présent, quelques molécules utilisées dans d’autres maladies ont été testées, mais sans succès. En France, deux molécules ont été administrées à titre compassionnel, la quinacrine et le pentosan polysulphate. Si ces tentatives ont jusqu’à présent été décevantes, elles ont cependant apporté des informations précieuses sur l’histoire naturelle de ces maladies et sur la méthodologie permettant la mise en œuvre d’essais contrôlés dans ces maladies rares et rapidement fatales. Un seul essai contrôlé en double aveugle
en double aveugle
Signifie que ni le patient ni le médecin ne savent qui reçoit la molécule ou le placebo.
a été réalisé. Il visait à évaluer l’intérêt d’un traitement par la doxycycline qui cible la PrPsc et a donné des résultats prometteurs dans des études ouvertes en Italie et en Allemagne.

Caroline Dakowski de l'équipe "Cellules souches, signalisation et prions", observation de cellules neuronales au microscope à épifluorence. Laboratoire de l'UMR-S 747, Centre universitaire des Saints-Pères, Université Paris Descartes. © Inserm, P. Latron
La recherche de médicaments visant à empêcher la conversion de la PrPc, favoriser l’élimination des formes anormales de la protéine et en limiter la propagation est porteuse d’espoir. Une piste intéressante cible PDK1, un des médiateurs cellulaires mis en jeu au cours de l’infection. Son inhibition permettrait à la fois d’inhiber le phénomène de conversion en favorisant le clivage de la PrPc, et d’atténuer les conséquences de sa réplication sur la survie des neurones. La recherche thérapeutique s’appuie sur des modèles cellulaires de la réplication et sur une validation dans des modèles in vivo de l’infection, plus longs à mettre en œuvre. Elle devra apporter la preuve de l’efficacité des molécules candidates vis-à-vis des souches humaines de prions.

Alzheimer, Parkinson, cancer… : des mécanismes "prion-like" ?
La capacité d’une protéine à changer de conformation, à s’agréger en recrutant la forme normale de la protéine et à se propager d’une cellule à l’autre n’est pas spécifique de la protéine prion. Ces dix dernières années, les recherches ont montré que d’autres protéines de l’organisme impliquées dans certaines maladies pouvaient adopter le même comportement : la peptide
peptide
Enchaînement d’acides aminés. L’assemblage de plusieurs peptides forme une protéine.
béta-amyloïde impliqué dans la maladie d’Alzheimer, l’alpha-synucléine dans la maladie de Parkinson, ou la protéine p53 dans le cancer. On dit qu’elles adoptent des comportements "prion-like".
La plupart des maladies neurodégénératives pourraient donc partager un mécanisme impliquant la propagation d’une anomalie conformationnelle. Ceci expliquerait leur histoire naturelle, marquée par une dissémination progressive des lésions dans le système nerveux selon un schéma bien établi. Cette découverte importante  permet d’envisager le développement d’approches thérapeutiques communes, ciblant ces mécanismes de propagation.

 

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Une enzyme cruciale enfin démasquée

 

       

 

 

 

 

 

Une enzyme cruciale enfin démasquée

| 20 NOV. 2017 - 15H19 | PAR INSERM (SALLE DE PRESSE)

BIOLOGIE CELLULAIRE, DÉVELOPPEMENT ET ÉVOLUTION | CANCER | NEUROSCIENCES, SCIENCES COGNITIVES, NEUROLOGIE, PSYCHIATRIE


Après 40 ans de recherche, des chercheurs du CEA, du CNRS, de l’Université Grenoble Alpes, de l’Université de Montpellier et de l’Inserm ont enfin démasqué l’enzyme responsable de la détyrosination de la tubuline. Surprise : ce n’est pas une enzyme mais deux qui ont été découvertes capables de modifier ce composant essentiel du squelette de la cellule. Ces travaux ouvrent de nouvelles pistes pour mieux comprendre le rôle de la tubuline dont les altérations accompagnent cancers, maladies cardiaques et défauts neuronaux. Ces résultats sont publiés le 16 novembre 2017 dans la revue Science.
Une collaboration internationale impliquant des chercheurs du CEA, du CNRS, de l’Inserm, de l’Université Grenoble Alpes, de l’Université de Montpellier et de l’Université de Stanford[1] a identifié une enzyme, la Tubuline CarboxyPeptidase (TCP), qui est responsable d’une transformation biochimique des microtubules cellulaires, la détyrosination. La détyrosination est une réaction biologique consistant à supprimer l’acide aminé terminal tyrosine[2], de la tubuline α, un composant des microtubules. Alors qu’elle était recherchée depuis quatre décennies, les biologistes ont réussi à isoler cette protéine par purification et ont ensuite apporté les preuves de son activité cellulaire.

Les microtubules contribuent à des fonctions cellulaires essentielles
Les microtubules sont des fibres dynamiques présentes dans toutes les cellules. Formés par l’assemblage de deux protéines (tubuline α et tubuline β), les microtubules assurent de  nombreuses fonctions. Ils séparent les chromosomes destinés aux deux cellules filles lors de la division cellulaire, ils contribuent à la polarité des cellules, à la morphologie et à la migration cellulaire. Ils forment des sortes de rails sur lesquels sont transportés des constituants cellulaires tels que des protéines ou des brins d’ARN.
Ces fonctions cellulaires sont régulées grâce à l’existence de “signaux” présents à la surface des microtubules. Ces signaux sont des modifications biochimiques des acides aminés (appelées modifications post-traductionnelles car elles ont lieu après la synthèse de la protéine) qui sont réalisées par plusieurs enzymes qui, ici, modifient les tubulines.
L’enzyme TCP, identifiée après 40 ans de mystère
L’activité de l’une de ces enzymes a été mise en évidence pour la première fois en 1977 par des chercheurs argentins qui lui donnent le nom de TCP (Tubuline CarboxyPeptidase). Cette enzyme, qui n’avait jusqu’à ce jour jamais été identifiée (sa taille et sa séquence restaient inconnues), a comme fonction de supprimer le dernier acide aminé, une tyrosine, de l’extrémité de la tubuline α. C’est la réaction de détyrosination. Une enzyme réverse, la ligase TTL, est chargée de repositionner cette tyrosine à sa place. C’est la tyrosination. Ce cycle de détyrosination/tyrosination est vital pour la cellule et l’organisme. Une détyrosination massive (anormale) est observée dans plusieurs cancers sévères et maladies cardiaques.
Identifier et caractériser la TCP constituait donc un objectif majeur pour comprendre la fonction physiologique de la détyrosination de la tubuline α et pour évaluer les conséquences de son inhibition.
Pour isoler la TCP, les chercheurs ont suivi son activité, utilisé des techniques classiques de biochimie et fait appel à des chimistes de l’Université de Stanford qui ont développé une petite molécule inhibitrice de son activité. Cette molécule a été utilisée comme hameçon pour “pêcher” l’enzyme convoitée.

Cycle de détyrosination/tyrosination de la tubuline
Les microtubules sont des fibres présentes dans toutes les cellules composées d’un empilement de tubulines α/β. La tubuline α porte une tyrosine (Y) à son extrémité qui est alternativement enlevée et replacée par deux enzymes, modifiant ainsi la surface des microtubules. La TCP (représentée par une scie composée de deux éléments, VASH/SVBP) est responsable de la détyrosination. La TTL (représentée par un tube de colle) replace la tyrosine sur la tubuline. Ce cycle est essentiel aux diverses fonctions des microtubules dans les cellules (division, migration, …) et vital pour l’organisme. © C. Bosc, GIN
Au final, ce ne sont pas une, mais deux enzymes qui ont été découvertes ! Ces dernières, dénommées VASH1 et VASH2, étaient déjà connues des scientifiques mais sans savoir qu’il s’agissait d’enzymes en lien avec le cytosquelette. Les chercheurs ont montré qu’à la condition d’être associées à une protéine partenaire appelée SVBP, VASH1 et VASH2 sont capables de détyrosiner la tubuline α. Pour le démontrer, les chercheurs ont supprimé leur expression (ou celle de leur partenaire SVBP) dans les neurones. Ils ont alors observé une très forte diminution du taux de détyrosination de la tubuline α, ainsi que des anomalies dans la morphologie des neurones (v. Figure). Les chercheurs sont allés plus loin en montrant que ces enzymes sont également impliquées dans le développement du cortex cérébral.

Des perspectives pour la lutte contre le cancer
Ainsi, quarante ans après les premiers travaux sur la détyrosination de la tubuline α, les enzymes responsables ont été démasquées ! Dorénavant, les scientifiques espèrent qu’en modulant l’efficacité de la TCP et en améliorant les connaissances du cycle détyrosination/tyrosination, ils pourront mieux lutter contre certains cancers et progresseront dans la connaissance des fonctions cérébrales et cardiaques.

Photographies de l’altération des neurones par une réduction de l’expression des enzymes TCP (VASH/SVBP. De gauche à droite : neurone contrôle, neurones dans lesquels l’expression de VASH1 et VASH2 est réduite, neurones dans lesquels l’expression de SVBP est réduite. Les neurones ayant moins d’enzyme présentent un retard de développement et des anomalies morphologiques. © L. Peris /GIN

[1] Les instituts suivants sont impliqués : Grenoble Institut des neurosciences, GIN (Inserm/Univ. Grenoble Alpes); l’Institut de biosciences et biotechnologies de Grenoble, BIG (Inserm/CEA/Univ. Grenoble Alpes) ; l’Institut pour l’avancée des biosciences, IAB (Inserm/CNRS/Univ. Grenoble Alpes), le Department of Pathology, Stanford University School of Medicine (Stanford, USA), l’Institut de génétique humaine, IGH (CNRS/Univ. de Montpellier), le Centre de recherche en biologie cellulaire de Montpellier, CRBM (CNRS/Univ. de Montpellier).
[2] La tyrosine est l’un des 22 acides aminés qui constituent les protéines

POUR CITER CET ARTICLE :
SALLE DE PRESSE INSERM
Une enzyme cruciale enfin démasquée
LIEN :
https://presse.inserm.fr/une-enzyme-cruciale-enfin-demasquee/29995/

 

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