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Quels antibactériens pour après-demain?
mensuel 314
daté novembre 1998 -
Les chercheurs de l'industrie pharmaceutique retournent à leurs paillasses. Leur travail est facilité par l'émergence de nouveaux outils comme la chimie combinatoire, le criblage à haut débit, la bioinformatique et la robotique. Mais comment trouver des antibiotiques vraiment innovants ? En cherchant des molécules qui s'attaquent à des processus récemment explorés par la microbiologie moléculaire: mécanismes de résistance, réplication de l'ADN et division bactérienne, voies de communications intercellulaires... En sachant également quels sont les gènes indispensables à la survie ou à l'infectiosité des micro-organismes. Ce que devrait, à terme, révéler le séquençage des génomes et l'étude des protéines bactériennes.
Dans les années 1970, l'industrie pharmaceutique pensait son arsenal thérapeutique suffisant pour combattre les maladies infectieuses. Cantonnés au milieu hospitalier, les phénomènes de résistance microbienne semblaient contrôlés. Les principales firmes, chacune spécialisée dans une ou deux familles d'antibiotiques, ont exploité leur expertise chimique. Elles ont perfectionné leurs molécules, augmentant leur tolérance, élargissant leur spectre d'activité... Mais nombre d'entre elles ont tourné leurs efforts de recherche vers d'autres médicaments antimicrobiens, anti-viraux ou anti-fongiques, et certaines se sont même totalement détournées de ce domaine. Les besoins du marché leur semblaient comblés.
Ce point de vue est démenti depuis la fin des années 1980, avec l'apparition des multirésistances, et celle des résistances en médecine de ville. L'industrie pharmaceutique se tourne donc à nouveau vers la recherche. Son but est, bien sûr, de développer des antibiotiques et vaccins innovants mais aussi, à plus long terme, des classes d'agents antibactériens complètement nouvelles permettant de contourner les phénomènes de résistance. En effet, au lieu de tuer les bactéries comme le font les antibiotiques, ces nouveaux médicaments devraient atténuer le pouvoir pathogène des bactéries en ciblant leurs facteurs de virulence* ou en jouant sur les molécules de communication intercellulaire.
Lors du processus de découverte d'un médicament, chimistes et biologistes s'attachent à identifier ce que l'on appelle des « pistes chimiques ", des composés sélectionnés selon un premier crible, c'est-à-dire un test permettant de repérer les molécules susceptibles d'avoir l'activité recherchée. Ils valident ensuite ces molécules avec un deuxième criblage, fondé sur un test plus spécifique. C'est ainsi qu'ils repèrent les " têtes de série », dont ils étudient la relation structure-activité pour ensuite affiner leur activité pharmacologique.
Les chercheurs puisent les composés testés dans ce qu'ils appellent leur trésor, des banques de molécules ou pharmacothèques, aujourd'hui constituées le plus souvent par chimie combinatoire voir l'encadré : " La chimie combinatoire, source de diversité moléculaire ". De quels types de banques de molécules disposent-ils? Ils peuvent, dans un premier temps, faire appel à des banques d'aide à la recherche, dites exploratoires. Elles sont créées sur écran d'ordinateur à partir de banques virtuelles, générées par modélisation moléculaire. Plus rationnelles, les pharmacothèques dirigées comportent des molécules dont les caractéristiques sont déduites de la connaissance du site de liaison de la cible bactérienne. Enfin, les banques d'optimisation contiennent des molécules qui dérivent déjà d'une première piste chimique. La modélisation moléculaire, y compris les études de structure tridimensionnelle, facilite la conception rationnelle de ces pharmacothèques.
Mais elles n'ont d'intérêt que si l'on dispose conjointement d'outils performants de criblage, basés sur des cibles bactériennes originales: test enzymatique in vitro, tests sur bactérie entière ou recombinante... Ces outils de criblage, dits à haut flux ou à haut débit, sont issus des progrès de la robotique. Ce sont des systèmes capables de réaliser des tâches séquentielles indépendantes telles que dilution, pipettage et répartition de composés dans des cupules ou puits, agitation, incubation, lecture de résultats. Ils sont pilotés par des logiciels spécifiquement adaptés au type d'analyse que l'on réalise. Pour visualiser l'effet des composés testés, les méthodologies le plus souvent utilisées sont la fluorescence, la radioactivité, la scintillation par proximité* SPA: scintillation proximity assay , les tests cellulaires bactériens. Un criblage à haut débit permet d'analyser sur un crible défini, de 100 000 à 500 000 molécules en quelques semaines1. L'efficacité d'un crible est directement liée à la pertinence de la cible bactérienne choisie. Depuis dix ans, la recherche publique mondiale a fourni nombre de résultats dans des domaines variés de la bactériologie générale structure, biochimie, physiologie et virulence bactérienne et des mécanismes de résistance.
Quelles sont les cibles bactériennes sur lesquelles pensent pouvoir agir les laboratoires pharmaceutiques ? Et, tout d'abord, quelles stratégies employer pour contrer la résistance bactérienne aux antibiotiques? Deux grandes stratégies se dégagent: rechercher de nouvelles familles de molécules qui s'attaquent à des cibles bactériennes originales, échappant donc au problème de résistance croisée avec les antibiotiques des familles actuellement utilisées ; ou bloquer les mécanismes de résistance des bactéries. Passons en revue quelques-unes des différentes pistes explorées, sachant qu'à l'heure actuelle il est bien difficile de dire quelles sont les plus prometteuses.
L'approche visant à bloquer les mécanismes de résistance a déjà été mise en oeuvre quand on a découvert les bêta-lactamases, ces enzymes bactériennes qui inactivent différents antibiotiques de la famille de la pénicilline les bétâ-lactamines. C'est alors qu'ont été mis au point les inhibiteurs de bêta-lactamases. La multirésistance de certaines bactéries peut également être liée à un effet barrière des enveloppes bactériennes, effet qui empêche l'antibiotique d'atteindre sa cible dans le corps bactérien voir l'article de P. Trieu-Cuot et C. Poyart, dans ce numéro2. Pour répondre à ces problèmes d'enveloppe, plusieurs solutions : rechercher des molécules déstabilisant la membrane externe des bactéries à Gram négatif*, pour la rendre perméable aux antibiotiques ; rechercher des antibactériens dont la structure chimique échappe à l'action des pompes d'efflux, ces protéines insérées dans la membrane bactérienne qui rejettent les molécules dans le milieu extérieur ; ou encore développer des molécules interférant avec la synthèse des éléments de structure de ces pompes. Pour le premier déstabilisation de la membrane externe et le troisième cas inhibition des pompes, les molécules issues de cette recherche seraient utilisées en complément des antibiotiques déjà commercialisés. Dans le deuxième cas molécule échappant aux pompes d'efflux, on obtiendra une nouvelle famille d'antibiotique ou un antibiotique dérivé des familles existantes.
Autre piste, le processus de réplication de l'ADN bactérien offre aussi des cibles intéressantes. Chez Escherichia coli, par exemple, plus de trente protéines sont impliquées dans la réplication de l'ADN. La mutation des gènes codant ces protéines entraîne généralement un blocage de la réplication, suivi d'un arrêt de la croissance et souvent de la mort bactérienne. D'autre part, la machinerie de réplication est similaire chez la plupart des bactéries. De ce fait, un inhibiteur de la réplication a toutes les chances d'avoir un spectre d'activité large. A l'heure actuelle une famille d'antibactériens, les quinolones, a pour cible les topoisomérases, enzymes impliquées dans les changements de conformation de l'ADN. Mais on connaît maintenant une vingtaine d'enzymes polymérase III holoenzyme et ses sous- unités, ou encore DnaA, DnaB et DnaC... qui interviennent dans la phase initiale de réplication de l'ADN: ce sont autant de cibles potentielles pour de nouveaux agents antibactériens3.
La division cellulaire est un autre exemple de cible, d'ailleurs liée à la précédente. En effet, le processus de formation de la membrane la septation qui va séparer une bactérie en deux cellules filles est intimement coordonné au début de la réplication de l'ADN.
Un ensemble de protéines appelées Fts régulent et coordonnent la division d'une bactérie. L'une d'entre elles nommée FtsZ est impliquée dans la phase précoce de division et régule par sa concentration la fréquence de septation. Une faible augmentation de la production de cette protéine entraîne la formation de mini- cellules, alors qu'une forte augmentation de cette même protéine conduit à une filamentation et à la mort bactérienne4. Des composés interférant avec FtsZ pourraient donc être de bons candidats antibiotiques.
Dans un avenir plus lointain, un autre domaine, récemment mis en lumière, pourrait générer des cibles originales. Ce sont les voies de communication intercellulaires des bactéries. Bien qu'étant des organismes unicellulaires, les bactéries, lorsqu'elles se multiplient, sont intégrées dans une organisation multicellulaire générant des comportements de groupe liés à la densité microbienne dans un environnement donné. Ces comportements de groupes sont régulés par des signaux extracellulaires, véhiculés par des substances appelées phéromones. Chez les bactéries à Gram positif, ces phéromones sont des peptides. Chez les bactéries à Gram négatif, ce sont généralement des métabolites de la N-acylhomosérine lactone*. Ces systèmes de régulation du comportement des populations microbiennes, regroupés sous le terme anglais " quorum sensing », contrôlent nombre de fonctions d'une population bactérienne dans son environnement immédiat5. Les bactéries possèdent également des systèmes dits à deux composants, constitués d'un détecteur de surface capable de recevoir des signaux de l'environnement proche, et d'un transducteur permettant de transférer l'information jusqu'à certains gènes de l'ADN. L'activation de ces derniers modifie le comportement de la cellule bactérienne pour répondre au signal reçu. Enfin de nombreuses bactéries peuvent dialoguer avec les cellules-hôtes cellules épithéliales*, endothéliales* ou encore phagocytaires*. Elles produisent dans le milieu extérieur des molécules qui interfèrent avec la cellule-hôte et détournent certaines de ses activités à leur profit6. Que l'on bloque la production de phéromones, le détecteur ou le transducteur du système à deux composants, l'idée sous-jacente est d'empêcher la bactérie de s'adapter à son environnement sans porter atteinte à sa survie, ce qui devrait éviter l'apparition de résistances.
Un dernier exemple de cible potentielle est la capacité d'adhérence des bactéries aux cellules qu'elles infectent. Pour beaucoup d'agents pathogènes, la première phase de la colonisation d'un hôte se caractérise par l'attachement spécifique des bactéries aux cellules d'un tissu ou à un biomatériau implanté cathéter, prothèse.... Généralement, cette adhérence résulte de l'interaction spécifique d'une adhésine bactérienne, le plus souvent de nature protéique, et d'un récepteur cellulaire servant de lien entre la bactérie et l'hôte cellule ou biomatériau. La connaissance approfondie de ces systèmes d'adhérence chez différentes bactéries pathogènes, telles que les colibacilles, les staphylocoques ou encore les streptocoques, permet d'envisager le développement de molécules capables de les bloquer et donc de prévenir l'installation de l'infection voir figure7.
A plus long terme, l'innovation devrait également venir de la génomique, c'est- à-dire de la caractérisation et du séquençage total du génome et de son exploitation. Depuis quelques années, le décryp- tage systématique des génomes des bactéries pathogènes monte en puissance. Depuis le premier séquençage d'un génome bactérien, celui d' Haemophilus influenzae en 1995, une dizaine d'autres ont déjà été totalement séquencés, par des réseaux de laboratoires publics ou par des sociétés privées8. On peut s'attendre à ce que le génome de la majorité des bactéries pathogènes pour l'homme soit séquencé au début des années 2000.
Un génome bactérien correctement reconstitué et annoté dont les gènes sont identifiés doit apporter de nouvelles cibles. Mais le chemin sera long, car seuls certains gènes intéressent la recherche antibactérienne: ainsi un génome contenant, par exemple, 2 000 gènes comporte probablement 10 % de gènes essentiels à la croissance in vitro, et quelques pour-cent pour l'expression de la virulence. Mais la constitution de banques de séquences de gènes n'est que la première étape d'un travail colossal qui doit mener à l'étude de la fonction des nouveaux gènes découverts, et à une meilleure compréhension du rôle des gènes déjà connus. Ce n'est que lorsque la fonction des gènes sera élucidée que nous pourront identifier des cibles innovantes. Pour exploiter l'énorme masse de données du séquençage, il faut disposer d'outils moléculaires nouveaux et performants voir l'encadré: " Biopuces et peignage d'ADN ". L'exploitation des banques de gènes grâce à la bioinformatique permet, par étude d'homologie de séquences, d'accéder à la fonction d'une partie des gènes nouvellement identifiés. Une autre méthode consiste à étudier l'impact de l'inactivation de ces gènes sur la croissance bactérienne.
Il est également possible de rechercher des gènes qui ne s'expriment qu' in vivo, lors des phases d'infection et de multi- plication9. On sait peu de choses de ces gènes qui gouvernent l'expression de la pathogénicité chez l'hôte, pour la simple raison que la majorité des études de microbiologie moléculaires ont été réalisées sur des bactéries cultivées en tubes à essai et non dans un organisme vivant. Mais aujourd'hui plusieurs méthodes expérimentales permettent de les identifier:
- la technique d'expression de gènes in vivo IVET, pour in vivo expression technology . Les chercheurs travaillent avec des souches bactériennes mutantes qui, par exemple, ne peuvent survivre que si on leur fournit une base azotée, la purine on dit qu'elles sont auxotrophes à la purine. Ils construisent des plasmides* contenant le gène codant la purine et un gène marqueur celui d'une enzyme, la galactosidase, mais pas de promoteur séquence d'ADN qui déclenche l'expression d'autres gènes. Ces plasmides sont introduits dans les bactéries et s'intègrent dans leur chromosome. Après avoir injecté les bactéries ainsi modifiées à une souris, on recherche celles qui ont pu se multiplier in vivo . Si oui, c'est qu'un promoteur de la bactérie s'est exprimé, permettant la production de purine. On peut alors l'identifier grâce au gène marqueur puis, enfin, le repérer dans la souche bactérienne. Outre l'auxotrophie à la purine, les chercheurs se servent, par exemple, de souches résistantes au chloramphénicol ;
- la méthode d'induction différentielle de fluorescence DFI, pour differential fluorescence induction . Elle repose sur le même principe que la précédente. Mais dans ce cas le plasmide contient le gène d'une protéine vert fluorescent GFP, pour green fluorescent protein , facilement repérable in vivo s'il est activé par un promoteur bactérien ;
- la mutagenèse dirigée STM, pour signature-tagged mutagenesis . Elle est fondée sur l'emploi d'un pool de souches bactériennes mutantes. Ce sont des mutants dits d'insertion, c'est-à-dire que l'on a introduit au hasard dans leur génome des fragments d'ADN, ce qui bloque l'expression des gènes. On injecte ces bactéries à la souris, puis on compare les souches cultivées in vitro à celles qui se sont multipliées in vivo . Si l'on ne retrouve pas certaines souches chez l'animal, c'est qu'on a muté un gène essentiel pour l'infection ;
- la transformation d'une souche non pathogène en pathogène. Il s'agit d'introduire dans des bactéries avirulentes des gènes issus de souches virulentes, dont on pense qu'ils ont un rôle important dans l'infection. Puis d'évaluer le pouvoir pathogène chez l'animal des souches ainsi créées ;
- la technique d'hybridation soustractive d'ARN messagers. Son but est d'éliminer la majorité des gènes dits domestiques ceux du métabolisme de base ne jouant pas un rôle majeur in vivo .
Complémentaire de la génomique, un nouveau champ de recherche se développe rapidement : la protéomique. Il s'agit de l'analyse systématique de toutes les protéines d'une bactérie, grâce à l'emploi conjoint de techniques éprouvées d'analyse des protéines, de la robotique et de l'informatique voir l'encadré : " Qu'est-ce que la protéomique ? ". En recherche antibactérienne, elle permet l'étude des protéines intervenant dans les mécanismes de résistance aux antibiotiques ou des facteurs de virulence.
Revenons, entre autres, au processus de développement du médicament. On a identifié une cible innovante, mis au point le criblage primaire des pharmacothèques, sélectionné les composés répondant positivement à ce crible, validés les pistes chimiques, identifié et optimisé les têtes de série. Les meilleures candidates, quand elles ont une activité antibiotique classique inhibition de la croissance ou activité létale, entrent alors dans le processus bien défini de prédéveloppement études bactériologiques précliniques in vitro et infections expérimentales10. Mais il n'en va pas de même si l'on s'intéresse à des molécules dont l'activité s'exerce sur la capacité d'une bactérie à maîtriser son environnement immédiat cellules ou tissus de l'hôte, ou encore sur les facteurs de virulence responsables de la pathogénicité du micro-organisme. Dans ce cas, les molécules n'ont pas ou peu d'impact sur la croissance bactérienne. Il va falloir, par exemple, démontrer que l'on protège l'animal, ou que l'on diminue la durée de l'infection. Mais il n'existe pas encore de méthodes d'évaluation d'activité référencées permettant de juger directement ou indirectement de l'activité d'une molécule sur un facteur de virulence. Il nous faut mettre au point des tests sur animaux, des modèles cellulaires par exemple inhibition de la capacité d'adhérence de la bactérie à des cellules épithéliales, des modèles d'étude d'activité curative molécule seule ou associée à un antibiotique classique ou prophylactique.
Il n'est pas exagéré d'écrire que la recherche pharmaceutique dans le domaine des antibactériens entre dans une nouvelle époque. Les connaissances en microbiologie fondamentale, médicale et moléculaire, s'accumulent rapidement. Les outils de recherche de nouvelles molécules actives sur les bactéries sont de plus en plus performants. Les pro- chaines années verront sans aucun doute apparaître de véritables innovations thérapeutiques et prophylactiques. Elles devraient répondre, au moins en partie, au problème de la multirésistance aux familles d'antibiotiques disponibles. Rappelons toutefois qu'il faut une dizaine d'années pour développer un nouveau médicament, et qu'une bactérie, grâce à son remarquable pouvoir d'adaptation, est toujours capable de contourner une difficulté majeure mettant en cause sa pérennité.
1D.W. Brandt, Drug Discov. Today, 3, 61, 1998.
2I.T. Paulsen et al., Microbiol. Rev., 60, 575, 1996.
3C.S. McHenry, Emerging Targets in Antibacterial and Antifungal Chemotherapy, J. Sutcliffe et N.H. Georgopapadakou eds, New York, Chapman et Hill, p. 37, 1992.
4J. Luntkenhaus et al., Annu. Rev. Biochem., 66, 93, 1997.
5K.M. Gray, Trends in Microbiology, 5, 184, 1997.
6L.M. Albright et al., Annu. Rev. Genet., 23, 311, 1989.
7I. Ofek et al., Trends in Microbiology, 4, 257, 1996.
8R.D. Fleishchmann et al., Science, 269, 496, 1995.
9H. Smith, Trends in Microbiology, 6, 239, 1998.
10 J.F. Desnottes, T ibtech , 14, 134, 1996.
11D. Michelet et al., Pour la Science, 241, 50, 1997.
12 G. Ramsay, Nature Biotechnology, 16, 40, 1998.
13A. Bensimon et al., Science, 265, 2096, 1994.
14M.R. Wilkins et al., Biotech. Gen. Eng. Rev., 13, 19, 1995.
NOTES
*VIRULENCE Aptitude d'un agent pathogène à se multiplier dans un organisme et à y sécréter des toxines.
*Le principe du dosage par SCINTILLATION PAR PROXIMITÉ repose sur l'interaction entre un substrat radiomarqué, greffé sur un support dont la proximité permet l'amplification de la scintillation. La coupure du substrat, par exemple par une enzyme bactérienne, éloigne le substrat du support ce qui supprime la scintillation. Mais si la molécule à tester inhibe l'enzyme, la scintillation persiste.
*GRAM NÉGATIF :Les bactéries à Gram négatif et à Gram positif se distinguent selon leur réaction différente à une technique de coloration mise au point par le Danois Christian Gram. Les bactéries Gram ont une double membrane.
*SONDE OLIGONUCLÉOTIDIQUE Fragment, court et bien défini, d'ADN simple brin les nucléotides sont les éléments de base de l'ADN. Ces sondes servent à repérer par hybridation par reconstitution de l'ADN double brin une séquence d'ADN identique ou apparentée.
*L'ÉLECTROPHORÈSE consiste à faire migrer, dans un gel soumis à un champ électrique, les molécules protéines ou ADN, ARN... présentes dans un mélange. En effet, les molécules migrent différemment selon leur charge électrique, leur taille et leur forme.
*CHROMATOGRAPHIE LIQUIDE HAUTE PERFORMANCE CLHP Technique de séparation de composés chimiques, par exemple des protéines, qui met à profit leur diffusion différentielle dans un support. La CLHP utilise des matrices de chromatographie très homogènes, formées de résines de silice contenues dans des colonnes sous pression.
LA CHIMIE COMBINATOIRE, SOURCE DE DIVERSITÉ MOLÉCULAIRE
La recherche pharmaceutique reste encore semi-empirique. Son approche repose sur le criblage systématique d'un grand nombre de molécules provenant des échantillothèques constituées au fil du temps. Traditionnellement, ces banques de molécules renfermaient surtout des collections de produits de synthèse, d'intermédiaires de synthèse et d'extraits naturels. Depuis les années 1980, la chimie combinatoire a permis d'accroître considérablement la diversité des molécules soumises au criblage : elle permet la synthèse rapide d'un grand nombre de composés chimiques, sans les purifier11I. Ces derniers sont ensuite testés et seuls les produits actifs seront purifiés et caractérisés. Pour la synthèse en parallèle, on fait réagir dans les puits d'une microplaque des entités chimiques des synthons de différents types acides aminés, amines, nucléotides, acides..., ce qui conduit à l'obtention simultanée de toutes les combinaisons possibles de ces synthons. Contrairement à la synthèse en parallèle, où chaque composé reste dans son propre puits de microplaque, la synthèse par mélange et répartition brasse des produits qui se ressemblent dans un même tube. On peut aussi créer des banques de molécules en utilisant un squelette chimique, appelé répartiteur de fonctions chimiques, sur lequel on greffe des motifs variés dans différentes positions. Ces techniques ont vite abouti à des banques comportant plusieurs millions de molécules ce qui pose des problèmes d'analyse. Aujourd'hui, tout en préservant la diversité moléculaire, la taille des pharmacothèques est souvent plus réduite, de mille à quelques dizaines de milliers de molécules.
QU'EST-CE QUE LA PROTÉOMIQUE?
La protéomique, néologisme apparu ces dernières années, n'est rien d'autre que l'analyse systématique des protéines bactériennes. Cette analyse est réalisée par utilisation conjointe de l'électrophorèse bidimensionnelle*, de la chromatographie liquide haute performance* CLHP et de la spectrométrie de masse, associées à la bioinformatique et à la robotique14. Jusqu'à récemment, l'électrophorèse 2D n'avait pu être automatisée, les gels étant insuffisamment stables. C'est aujourd'hui chose faite: certaines technologies emploient des gels qui donnent des résultats bien reproductibles lors d'analyses à haut débit. L'intérêt des électrophorèses c'est qu'elles peuvent être réalisées avec de très faibles quantités de protéines et qu'elles permettent la séparation de milliers de protéines. L'étape suivante consiste à caractériser ces protéines en termes de séquence d'acides aminés. On peut identifier certaines d'entre elles en les comparant aux protéines déjà répertoriées dans des banques. Celles qui ne sont pas connues sont excisées du gel et clivées à l'aide d'enzymes protéolytiques pour obtenir de courts fragments polypeptidiques. Ces fragments sont ensuite séparés par CLHP et analysés par spectrométrie de masse pour en définir la séquence d'acides aminés.
BIOPUCES ET PEIGNAGE D'ADN
Parmi les nouvelles techniques d'étude des génomes, figurent en bonne place les puces à ADN, ou biopuces, dont le marché est dominé par les sociétés américaines, et le peignage moléculaire, mis au point à l'Institut Pasteur de Paris. Les biopuces servent à identifier des fragments d'ADN ou d'ARN grâce à leur hybridation en parallèle sur des microsurfaces greffées unités d'hybridation avec des milliers de sondes oligonucléotidiques*12.
La puce à ADN est issue des techniques de miniaturisation de l'informatique et de la chimie des nucléotides. Ces derniers sont fixés sur support de verre au moyen de technologies semblables à celles utilisées pour les microprocesseurs. Les sondes oligonucléotidiques sont synthétisées in situ sur un support photosensible par photolithographie procédé de la firme Affymetrix, ou greffées par impression à jet d'ADN sur le support à l'aide d'un champ électrique procédés de Nanogen et de Cis Bio-international ou encore dans un bloc de polyacrylamide procédé Mirzabekov. Lors de la réaction d'hybridation, chaque unité d'hybridation est destinée à reconnaître, dans un mélange déposé à la surface de la puce, une séquence cible d'ADN ou d'ARN marquée en solution.
Une autre méthodologie d'avenir, complé- mentaire de la puce à ADN, est celle du peignage moléculaire d'ADN13. Elle consiste à ancrer, par leurs extrémités, des molécules d'ADN en solution sur une surface de verre traité, et à les étirer à l'aide de la tension superficielle d'un ménisque en mouvement. Elle autorise l'emploi de fragments d'ADN plus longs que dans les biopuces. Une fois l'ADN peigné, irréversiblement fixé sur la surface de verre, on met en place des protocoles d'hybridation fluorescente in situ pour détecter, mesurer et positionner des sondes nucléotidiques dans n'importe quel génome.
SAVOIR
:
I. Chopra et al., « The search for antimicrobial agents effective against bacteria resistant to multiple antibiotics », Antimicrob. Agents Chemother., 41, 497, 1997.
J.-F. Desnottes, " Recherche de nouveaux antibactériens, évolution des méthodes d'évaluation microbiologiques », Bull. Soc. Fr. Microbiol., 10 hors série, 37, 1995.
M. Bellis et al., « La puce ADN : un multiréacteur de paillasse », Médecine/Science, 13, 1317, 1997.
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