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ONDES GRAVITATIONNELLES |
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Les ondes gravitationnelles ont été détectées
l'événement - 12/02/2016 par Philippe Pajot (1139 mots)
Les physiciens de la collaboration LIGO, aux Etats-Unis, ont annoncé le 11 février la détection directe des ondes gravitationnelles. Cette ultime confirmation de la théorie de la relativité générale d’Einstein s’accompagne d’une découverte fracassante : la première observation de la fusion de deux trous noirs.
L’émotion était palpable lors de la conférence de presse au cours de laquelle, à Washington DC, jeudi 11 février, les scientifiques américains de la collaboration LIGO ont annoncé la nouvelle : « nous avons détecté les ondes gravitationnelles ! ». De longs applaudissements ont salué cette annonce historique, résultat d’une quête centenaire.
Ondulations de l’espace-temps. Les ondes gravitationnelles sont des ondulations de l’espace-temps prédites par Albert Einstein voilà exactement 100 ans. Elles sont une conséquence de la théorie de la relativité générale décrivant la gravitation et qu’il venait tout juste d’établir. Si tous les mouvements de masses engendrent des ondes gravitationnelles, seules les masses colossales et denses, telles les étoiles à neutrons et les trous noirs, créent des ondes détectables sur Terre. Le passage de ces ondes se traduit par une modification périodique des longueurs. Lorsqu’elles arrivent sur Terre en provenance du cosmos, ces altérations de longueurs sont minuscules : pour une barre mesurant quelques kilomètres de long, la variation de taille serait inférieure à celle d’un atome. Un défi technologique qui a nécessité la mise au point et l’amélioration, des décennies durant, de grands détecteurs baptisés interféromètres.
Un signal inattendu. Le 14 septembre 2015, à 9h51 en temps universel, les deux interféromètres de LIGO, situés de part et d’autre des Etats-Unis, enregistrent un fort signal. Son aspect est conforme à ce qui est attendu de l’émission d’ondes gravitationnelles résultant de la fusion de deux trous noirs. La réception ne s’est pas faite simultanément : le même signal a été reçu sur l’un des détecteurs 7 millisecondes avant qu'il arrive sur l’autre. Or 7 millisecondes correspondent au décalage temporel d’un signal voyageant à la vitesse de la lumière entre les deux détecteurs, ce qui est la vitesse supposée des ondes gravitationnelles. Bingo ! Dès lors, les scientifiques de LIGO, avec leurs collègues européens de la collaboration VIRGO – un détecteur équivalent en cours d’amélioration près de Pise – analysent le signal. L’article scientifique signé de plus de 1000 collaborateurs est paru au début de la conférence de presse dans le journal Physical Review Letters.
Les deux signaux, reçus sur les interféromètres de la collaboration LIGO.
La danse des trous noirs. Cette analyse a permis de décrire un événement astronomique baptisé GW150914 qui défie l’imagination : il y a 1,4 milliard d’années, dans une galaxie lointaine, deux colosses, deux trois noirs de 29 et 36 fois la masse du Soleil orbitent l’un autour de l’autre. Leur danse, commencée des milliards d’années plus tôt, est sur le point de s’achever. Ils se rapprochent et tournoient de plus en plus vite. Quelques instants avant de se rencontrer, leur vitesse est supérieure à 100 000 kilomètres par seconde. Dans une ultime étreinte, ils fusionnent.
Une simulation de la coalescence de deux trous noirs, par SXS Collaboration.
Le trou noir final ne pèse que 62 masses solaires : 3 fois la masse du Soleil ont été perdues dans cette coalescence titanesque. C’est l’équivalent en énergie de cette masse – selon la célèbre formule également due à Einstein E = mc2 – qui fait vibrer l’espace-temps en des ondes qui se sont propagées jusqu’aux détecteurs de Ligo, après un voyage de 1,4 milliard d’années-lumière. Si l’on convertit le signal reçu en une fréquence audible, on peut entendre le son de cette collision sous la forme d’un « gazouillis ». L’instant où les deux trois noirs fusionnent se traduit par une très brève note (moins de deux dixièmes de seconde) plus aiguë. En ce sens, on peut dire que désormais, on peut « entendre » le cri d’agonie des couples de trous noirs en fin de vie.
La relativité générale : une théorie bien vérifiée. L’existence des ondes gravitationnelles faisait jsuqu’ici peu de doute, tant la relativité générale a été maintes fois testée avec succès depuis 1915. Mais leur détection a révélé un phénomène astronomique surprenant, car on le pensait rare, contrairement aux fusions d’étoiles à neutrons : « Je m’attendais à ce que la première détection d’une onde gravitationnelle résulte de la fusion de deux étoiles à neutrons, événement pour lequel on dispose d’une bonne statistique » confie Luc Blanchet, spécialiste de relativité générale à l’Institut d’astrophysique de Paris. « Pour le moment, avec sa sensibilité, LIGO explore les binaires d’étoiles à neutrons dans un volume de 250 millions d’années-lumière autour de nous. Quand il sera à la sensibilité optimale, le volume exploré aura un rayon de plus d’un milliard d’années-lumière. Un vaste volume dans lequel on s’attend à trouver plusieurs événements chaque année ».
Une sensibilité optimale qui sera également celle de Virgo fin 2016 (l’instrument est encore en cours d’amélioration). Avec le réseau d’observatoires gravitationnels qui est en train de s’établir, on peut affirmer qu’on assiste à la naissance d’une nouvelle astronomie dont GW150914 est le premier spécimen. Un moment historique que les chercheurs ont comparé à celui où Galilée a pointé pour la première fois une lunette astronomique vers les cieux, en 1610, révélant de nouvelles entités du cosmos.
La carte des interféromètres © DR
La carte du réseau mondial d'interféromètres, en construction ou en projet.
Une conférence de presse très suivie. Les moyens actuels font sans doute de cette observation l’un des événement les plus médiatisés de la science avec plus de 80 000 visionnages sur Youtube de la conférence de presse américaine. Même si les arcanes de la relativité générale restent rebutantes, 10 000 curieux ont tenté de télécharger l’article scientifique de Physical Review chaque minute au moment de la conférence de presse. Les serveurs du journal n’ont pas résisté et ont planté. Des dizaines et des dizaines de communiqué de presse ont été envoyés par les institutions et universités dont un chercheur fait partie de la collaboration LIGO-VIRGO. Et une dizaine d’articles scientifiques ont déjà publiés au lendemain de l’annonce pour analyser cet événement unique.
Un intérêt qui n’est pas prêt de retomber. D’autant qu’une analyse de l’hebdomadaire britannique New Scientist indiquait lundi que d’autres sources d’ondes gravitationnelles auraient été détectées. Les chercheurs de la collaboration LIGO, toujours très discrets, n’ont pas répondu sur ce sujet lors de la conférence de presse, mais il se pourrait que de nouvelles révélations arrivent très vite…
Pour aller plus loin, sur La Recherche :
- Comment la rumeur a fait son chemin
- Cinq raisons pour lesquelles les ondes gravitationnelles font tant parler d'elles
- Les nouveaux détecteurs d'ondes gravitationnelles
- Ondes gravitationnelles : la fenêtre de détection se réduit
Et le hors-série n°16 consacré à Einstein, actuellement en kiosque.
Par Philippe Pajot
DOCUMENT larecherche.fr LIEN |
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RAYONS COSMIQUES ACCÉLÉRES ... |
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Paris, 16 mars 2016
Au centre de la Voie Lactée, une source accélère des rayons cosmiques galactiques à des énergies inégalées
L'analyse détaillée des données recueillies par l'observatoire H.E.S.S, en Namibie, a permis de localiser une source de rayonnement cosmique à des énergies jamais encore observées dans notre Galaxie : le trou noir supermassif situé en son centre. H.E.S.S, auquel contribuent le CNRS et le CEA, détecte indirectement le rayonnement cosmique depuis plus de dix ans et a dressé une cartographie, en rayons gamma de très haute énergie, des régions centrales de notre Galaxie. L'identification de cette source hors du commun est publiée ce 16 mars 2016 dans Nature.
Des particules du rayonnement cosmique jusqu'à des énergies d'environ 100 téraélectronvolts (TeV)1 sont produites dans notre Galaxie par des objets comme les vestiges de supernova et les nébuleuses à vent de pulsar. Divers arguments théoriques, couplés aux observations directes des rayons cosmiques atteignant la Terre, indiquent que les "usines" galactiques de rayons cosmiques devraient être capables de produire des particules jusqu'à des énergies d'au moins un pétaélectronvolt (PeV)2, énergies 100 fois plus élevées que celles jamais atteintes par l'Homme. Alors que ces dernières années ont vu la découverte de nombreux accélérateurs au TeV et à quelques dizaines de TeV, les sources de plus haute énergie restaient inconnues.
L'analyse détaillée de la région du centre galactique observée pendant près de dix ans par le réseau de télescopes H.E.S.S. (High Energy Stereoscopic System), en Namibie, auquel contribuent le CNRS et le CEA., est publiée aujourd'hui dans la revue Nature. Lors de ses trois premières années d'observation, H.E.S.S a permis de découvrir une source ponctuelle et très puissante de rayons gamma au centre galactique, ainsi qu'une émission diffuse provenant des nuages moléculaires géants qui l'entourent dans une région d'environ 500 années-lumière de large. Ces nuages moléculaires, lorsqu'ils sont bombardés par des protons de très haute énergie, émettent des rayons gamma produits lors de l'interaction des protons avec la matière des nuages. La correspondance spatiale entre l'émission diffuse observée et la quantité de matière dans les nuages (déduite d'autres observations) indiquait la présence d'un ou plusieurs accélérateurs de rayons cosmiques (en particulier de protons) tapis quelque part dans cette région, mais cette source restait inconnue.
Les observations plus approfondies, obtenues par H.E.S.S. entre 2004 et 2013, apportent un nouvel éclairage sur cette question. Le volume record de données récoltées ainsi que les progrès effectués dans les méthodes d'analyse permettent de mesurer la répartition spatiale des protons et leur énergie et de localiser l'origine de ces rayons cosmiques. Il s'agit d'une source cosmique située au centre exact de la Voie Lactée, capable d'accélérer des protons jusqu'à des énergies voisines du pétaélectronvolt. Les chercheurs pensent qu'elle émet sans interruption depuis au moins mille ans. Elle constituerait ainsi le premier "Pévatron"3 jamais observé.
Le centre de notre Galaxie abrite de nombreux objets susceptibles de produire des rayons cosmiques de très haute énergie, dont en particulier un reste de supernova, une nébuleuse à vent de pulsars mais aussi un amas compact d'étoiles massives. Cependant, le trou noir supermassif localisé au centre de la Galaxie, Sagittarius A*, est de loin le candidat le plus vraisemblable. Plusieurs régions d'accélération sont envisageables : soit le voisinage immédiat du trou noir soit une région plus éloignée, où une fraction de la matière tombant sur le trou noir est réinjectée dans l'environnement et peut initier de l'accélération de particules.
L'observation des rayons gamma permet de mesurer indirectement le spectre en énergie des protons accélérés par le trou noir central. Ce spectre indique que Sagittarius A* accélèrerait encore maintenant des protons jusqu'au PeV. L'activité actuelle de la source ne permet pas d'expliquer à elle seule l'intensité du rayonnement cosmique observé sur Terre. Mais si le trou noir central avait été encore plus actif dans le passé, il a pu produire à lui seul la quasi-totalité du rayonnement cosmique galactique observé à ces énergies. Un argument décisif au débat centenaire sur l'origine des rayons cosmiques galactiques !
La détection des rayons cosmiques par H.E.S.S
La Terre est bombardée en permanence par des particules de haute énergie (protons, électrons et noyaux atomiques) en provenance du cosmos, particules qui constituent ce que l'on appelle le "rayonnement cosmique". Ces particules étant chargées électriquement, elles sont déviées par les champs magnétiques du milieu interstellaire de la Galaxie et il est impossible d'identifier directement les sources astrophysiques responsables de leur production. Ainsi, depuis plus d'un siècle, l'identification de l'origine du rayonnement cosmique reste l'un des plus grands défis de la science.
Heureusement, les particules cosmiques interagissent avec la lumière et le gaz au voisinage de leur source et produisent alors des rayons gamma qui, eux, se déplacent en ligne droite, permettant ainsi de remonter à leur origine. Ceux d'entre eux qui atteignent la Terre, au contact de la haute atmosphère, produisent une gerbe de particules secondaires émettant une lumière très brève et ténue4. De nombreuses sources du rayonnement cosmique ont donc pu être identifiées ces dernières décennies en détectant cette lumière à l'aide de grands télescopes munis de caméras à haute définition temporelle comme le réseau de télescopes H.E.S.S. .Ce réseau, le plus performant au monde dans son domaine, est géré par une collaboration de 12 pays regroupant des scientifiques de 42 organismes.
H.E.S.S : dix laboratoires français impliqués
Centre d'études nucleaires de Bordeaux Gradignan (CENBG, CNRS/Université de Bordeaux)
Centre de physique des particules de Marseille (CPPM, CNRS/Aix Marseille Université)
Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (IPAG, CNRS/Université Grenoble Alpes)
Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'univers (Irfu, CEA)
Laboratoire AstroParticule et cosmologie (APC, CNRS/CEA/Université Paris Diderot/Observatoire de Paris)
Laboratoire d'Annecy-le-Vieux de physique des particules (Lapp, CNRS/Université Savoie Mont Blanc)
Laboratoire Leprince-Ringuet (LLR, CNRS/Ecole Polytechnique)
Laboratoire physique nucléaire et hautes énergies (LPNHE, CNRS/Université Pierre et Marie Curie/Université Paris Diderot)
Laboratoire Univers et particules de Montpellier (LUPM, CNRS/Université de Montpellier)
Laboratoire Univers et théories (Luth, CNRS/Observatoire de Paris/Université Paris Diderot)
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LES SOURCES DE RAYONS X |
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Les sources de rayons X
Les observations astronomiques dans les rayons X
Un aspect intéressant de la vie des étoiles à neutrons fut découvert lorsque les premières observations du ciel dans le domaine des rayons X eurent lieu.
L’atmosphère terrestre étant opaque à ces rayons, il fallait la dépasser. Ce furent d’abord dans les années 1960 des télescopes placés dans des ballons ou des fusées et qui pouvaient étudier le ciel pendant de courtes périodes. Puis, en 1970, ce fut Uhuru, le premier satellite dans le domaine X, qui mit en évidence plus d’une centaine de sources très puissantes.
Depuis, de nombreux autres satellites d’étude du domaine X nous ont donné une vue plus approfondie. On peut en particulier citer les observatoires Einstein en 1978, ROSAT en 1990, ainsi que Chandra et XMM-Newton tous deux lancés en 1999.
Le disque d’accrétion des étoiles à neutrons
La plupart des sources de rayons X sont des étoiles binaires dans lesquelles se produisent un processus de transfert de masse et de création d’un disque d’accrétion. Cependant, dans ce cas, au lieu d’une naine blanche, c’est autour d’une étoile à neutrons que tout se produit.
Soumise à une gravité formidable, la matière qui s’accumule est alors très dense et sa température extrêmement élevée. Elle émet par conséquent un rayonnement thermique à très courtes longueurs d’onde, dans les rayons X.
NGC 6266
Une vue de l’amas globulaire NGC 6266 prise par le satellite Chandra dans les rayons X. La plupart des points visibles sont des systèmes binaires contenant soit une naine blanche soit une étoile à neutrons qui dévore la matière de sa compagne. Crédit : NASA/CXC/MIT/D. Pooley
Les pulsars à rayons X
La plupart du temps, cette émission est continue sans brusque variation. Mais certaines sources X sont variables, avec une période de quelques secondes. Dans ce cas, le gaz qui tombe sur l’étoile à neutrons est soumis à l’influence du champ magnétique et se dirige vers les deux pôles. L’impact du gaz en ces points est extrêmement violent et donne naissance à un rayonnement très puissant.
Comme pour l’émission radio des pulsars, ce rayonnement est localisé dans un faisceau assez étroit qui balaye périodiquement le ciel. Si la Terre se trouve par hasard sur la trajectoire de ce faisceau, elle voit donc périodiquement une petite flambée de rayonnement, d’où le nom de pulsar à rayons X.
Les sursauts de rayons X
Un phénomène semblable à la nova peut également se produire. C’est le cas lorsque la matière du disque d’accrétion n’est pas affectée par le champ magnétique et se répartit sur toute la surface de l’étoile. Étant donné les conditions extrêmes qui y règnent, les réactions nucléaires de fusion de l’hydrogène en hélium se produisent en permanence. Il y a ainsi création, sans événement violent, d’une couche d’hélium à la surface de l’étoile.
Finalement, lorsque la température et la densité sont suffisantes, la combustion de l’hélium se déclenche et une explosion phénoménale se produit. Celle-ci donne lieu à une énorme bouffée de rayonnement appelée un sursaut de rayons X. Le phénomène est beaucoup plus rapide que pour les novae. Il ne dure en tout que quelques secondes, explosion et retour à la normale compris.
Page créée le 27/04/2011 et mise à jour le 02/01/2015
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LA PROCHAINE SUPERNOVA GALACTIQUE |
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La prochaine supernova galactique
astrophysique - par Robert Mochkovitch dans mensuel n°379 daté octobre 2004 à la page 54 (3052 mots) | Gratuit
Demain, ce soir peut-être, une nouvelle étoile apparaîtra dans le ciel. Elle sera le signe de l'explosion d'une supernova dans la Voie lactée. Les astrophysi-ciens attendent cet événement avec impatience, car ils estiment qu'il se produit en moyenne tous les trente ans. Or, depuis exactement quatre cents ans ce mois-ci, personne n'a observé de supernova dans notre Galaxie. Pourquoi? À qui le tour?
Science-fiction: 12 décembre 2005, 3h30 du matin, 250 kilomètres au nord-ouest de Tokyo. L'opérateur installé dans la salle de contrôle de SuperKamiokande, le plus grand détecteur de neutrinos au monde, s'est un peu assoupi. Encore quatre heures avant d'être relayé par l'équipe de jour. Soudain, une sirène retentit. Les écrans des ordinateurs s'affolent: certains se couvrent de colonnes de chiffres. Sur d'autres, se succèdent à toute vitesse des diagrammes colorés. En une dizaine de secondes, les traces de plus de 5000 neutrinos sont enre-gistrées par le détecteur. Tous ceux qui sont présents ont -compris. Ils sont témoins d'un événement historique: l'explosion d'une supernova dans notre Galaxie! Dans quelques heures, peut-être, une brillante étoile surgira dans le ciel et surpassera en éclat toutes les autres. Les neutrinos en sont les éclaireurs. Les physiciens japonais ont bien reçu et transmis le message à leurs collègues astrophysiciens. C'est maintenant au sol et dans l'espace que des télescopes vont partir en chasse, des ondes radio jusqu'aux rayons gamma…
Science: 9 octobre 1604. Dans le ciel d'automne, les planètes Mars et Jupiter sont en conjonction. Depuis quelques jours déjà les astronomes suivent le phénomène, mais ce 9 octobre, à moins de 3° des deux planètes, dans la constellation d'Ophiuchus, resplendit une nouvelle étoile que personne n'avait remarquée la veille. Déjà très brillante, elle surpassera l'éclat de Jupiter le 28 octobre, moins de vingt jours plus tard. Elle déclinera ensuite lentement, pour finalement disparaître au bout d'un an. L'Allemand Johannes Kepler ne commence à observer l'étoile que le 17. Il note soigneusement sa position par rapport aux planètes grâce à son sextant. En 1606, il présente un compte rendu détaillé de ses observations dans son ouvrage De Nova Stella in Pede Serpentarii.
Trente-deux ans plus tôt, en 1572, une autre étoile nouvelle était apparue dans la constellation de Cassiopée et avait été décrite par le grand astronome danois Tycho Brahé. Mais de tels événements sont très rares. Entre l'an mil et 1572, il n'y eut que trois «étoiles hôtes», selon les termes des astronomes chinois qui les étudièrent avec soin en 1006, 1054 et 1181. Celle de 1006 fut la plus brillante, dépassant probablement à son maximum l'éclat de Vénus, et restant visible pendant trois ans. L'étoile hôte de 1054 est particulièrement célèbre, car à son emplacement on trouve aujourd'hui la fameuse nébuleuse du Crabe. Celle de 1181 fut la moins brillante. Sa disparition au bout de six mois marqua le début d'une longue période de presque quatre cents ans sans qu'aucune étoile ne s'invite plus dans le ciel.
Des explosions spectaculaires
Aujourd'hui, à nouveau quatre cents ans se sont écoulés depuis la nova stella de Kepler. Les astronomes attendent toujours la survenue de la prochaine étoile hôte, aussi brillante que ses cinq devancières. C'est qu'entre-temps ces supernovae, comme il faut maintenant les appeler, ont été reconnues comme les cataclysmes les plus violents de l'Univers, signalant l'explosion d'étoiles arrivées au terme de leur évolution.
Mais où faut-il chercher? Quelles sont les étoiles à surveiller? Quand se produira l'explosion? Un avant-goût du grand jour, une sorte de répétition générale, eut lieu le 24 février 1987. Un astronome et un technicien de nuit travaillant à l'observatoire américain de Las Campanas, au Chili, découvrirent alors une supernova visible à l'œil nu dans le Grand Nuage de Magellan, petite galaxie satellite de la Voie lactée, située à 150000 années-lumière de la Terre. Bien qu'elle fût la plus brillante supernova depuis 1604, elle resta plusieurs tons en dessous des événements historiques du Moyen Âge et de la Renaissance. Ceux-ci provenaient en effet d'explosions au sein même de notre Galaxie, la Voie lactée, à seulement quelques milliers d'années-lumière de la Terre.
Ce sont les astronomes Walter Baade et Fritz Zwicky qui forgèrent le terme de supernova dans les années trente [1]. Depuis Tycho Brahé et Johannes Kepler, on désignait du terme général de nova une étoile dont l'éclat augmentait brusquement en peu de temps. Mais, vers la fin des années vingt, les astrophysiciens s'aperçurent que certaines novae se trouvaient beaucoup plus loin que les autres, dans d'autres galaxies, à des millions d'années-lumière. Elles étaient donc extraordinairement brillantes. Pour les distinguer, Baade et Zwicky décidèrent d'accoler le préfixe super au mot nova.
Non content de participer à l'enrichissement du vocabulaire astronomique, Zwicky mena un programme de recherche systématique de ces supernovae aux observatoires californiens du mont Wilson, puis du mont Palomar. Il sélectionna un échantillon de galaxies proches qu'il surveilla à intervalles réguliers, cherchant si une nouvelle étoile y apparaissait. L'idée était simple: si les supernovae sont des événements rares dans une galaxie donnée, rattrapons-nous en observant un grand nombre de -galaxies!
Le programme engagé par Zwicky fut un grand succès: en quarante ans, environ 300 supernovae furent découvertes. Bien sûr, elles étaient beaucoup plus faibles que les cinq supernovae historiques, mais l'accumulation des découvertes au cours des années allait permettre une étude systématique qui fit beaucoup progresser les connaissances. Et cibler un peu mieux le type d'étoiles capables d'exploser dans notre Galaxie.
L'analyse spectroscopique des supernovae découvertes par Zwicky montra qu'il existait au moins deux types d'explosions. Le spectre des supernovae de type I SN I au moment du maximum de lumière est caractérisé par l'absence des raies de l'hydrogène, alors que celles-ci sont au contraire dominantes dans les supernovae de type II SN II. À l'intérieur même des SN I, de nouvelles subdivisions furent introduites dans les années quatre-vingt. On distingua alors les SN Ia, dont le spectre au maximum de lumière contient des raies d'éléments de masse intermé-diaire comme le silicium, le magnésium ou le calcium; des SN Ib, où dominent les raies de l'hélium; et des SN Ic, dans lesquelles l'hélium est peu ou pas visible.
Des étoiles très massives
Des indications sur la nature des étoiles à l'origine des supernovae sont fournies entre autres par l'environnement stellaire dans lequel se produisent les différents types d'explosion. Ainsi les SN II, mais aussi les SN Ib et Ic ne se rencontrent que dans les galaxies spirales et irrégulières, alors que les SN Ia s'observent dans toutes les galaxies, y compris les elliptiques. Plus précisément, à l'intérieur des spirales, on trouve les SN II, Ib et Ic au voisinage des bras spiraux, associées aux régions de formation d'étoiles, alors que les SN Ia sont présentes partout dans la galaxie. Que faut-il conclure de tout cela? Que les SN II, Ib et Ic sont produites par des étoiles qui explosent peu de temps après s'être formées, alors que les SN Ia proviennent au contraire d'étoiles capables d'exploser après un délai de plusieurs milliards d'années, car les galaxies elliptiques ne contiennent qu'une population stellaire très ancienne.
Le portrait-robot des étoiles à l'origine des explosions de type II, Ib et Ic commence donc à se préciser. Il s'agit d'étoiles de plus de 10 masses solaires, dont le temps de vie n'excède pas quelques millions d'années. Une supernova de type II sera produite si, au terme de son évolution, l'étoile est une supergéante dont la couleur rouge ou bleue dépend de la taille et de la masse de son enveloppe d'hydrogène. On observera une supernova de type Ib si elle est devenue une étoile dite de Wolf-Rayet*, sans enveloppe d'hydrogène. Ce sera une SN Ic si même l'enveloppe d'hélium a disparu.
Pour les SN Ia, le diagnostic est moins précis. L'absence d'hydrogène dans le spectre suggère l'implication des naines blanches, restes compacts formés au terme de l'évolution d'étoiles entre 1 et 8 masses solaires. La plupart des naines blanches sont composées d'un mélange de carbone et d'oxygène. Elles sont parfaitement stables quand elles sont isolées mais, si elles appartiennent à un système binaire, elles peuvent capter de la masse de leur compagne et grossir tant et si bien qu'elles parviennent à un état potentiellement explosif.
Parmi les supernovae historiques, l'événement de 1054 était à coup sûr une SN II, puisqu'un pulsar est aujourd'hui observé dans la nébuleuse du Crabe. Le type des quatre autres explosions est plus incertain. SN 1006 était probablement une SN Ia et SN 1181 une SN II. Les supernovae de Tycho et Kepler sont parfois classées SN Ia, mais de sérieux doutes subsistent sur cette détermination. Quant à la supernova du Grand Nuage de Magellan, elle était de type II. SK-69202, l'étoile qui a explosé, était une supergéante bleue d'environ 25 masses solaires. Mais rien ne pouvait laisser supposer son explosion imminente.
Avec 5 supernovae dans notre Galaxie au cours du dernier millénaire, on pourrait penser qu'en moyenne une explosion se produit tous les deux siècles. Pourtant, l'observation d'un grand échantillon de supernovae dans les galaxies spirales permet d'augmenter l'évaluation de leur fréquence dans la Voie lactée à quelques supernovae par siècle [2].
Comment expliquer le déficit de supernovae observées au lieu de la trentaine attendue? Plus de 5 supernovae ont très certainement explosé dans la Voie lactée au cours du dernier millénaire mais, pour diverses raisons, elles n'ont pas été observées. Il existe par exemple dans la constellation de Cassiopée un reste récent de supernova différent de celui de la nova stella de Tycho Brahé dont l'âge est estimé à 350 ans. Ce reste, appelé Cas A, provient de l'explosion d'une étoile massive à 10000 années-lumière de la Terre. Cette explosion n'a semble-t-il été vue par personne. Si l'estimation de l'âge est correcte, il faut en conclure qu'elle a été beaucoup moins lumineuse qu'une supernova normale, au point d'être invi-sible à l'œil nu. La raison de cette discrétion reste assez mystérieuse. Elle pourrait peut-être s'expliquer si l'étoile -concernée était une Wolf-Rayet.
Dans la plupart des cas, c'est cependant l'absorption de la lumière par les poussières interstellaires qui empêche l'observation. Dix magnitudes d'absorption suffisent à rendre invisible à l'œil nu un objet qui, sans cela, aurait dépassé l'éclat de Vénus. Or, de très nombreuses régions de la Voie lactée, en premier lieu le centre galactique, subissent une absorption supérieure à cette valeur.
Prédictions imprécises
L'explosion de certaines étoiles massives sera quant à elle bien visible. Il en est ainsi de la supergéante rouge Bételgeuse, de la constellation d'Orion, qui se trouve dans le dernier million d'années de son évolution. Dans l'hémisphère sud, l'étoile Eta Carina, dont la masse est plus de cent fois supérieure à celle du Soleil, est souvent considérée comme la prochaine supernova parmi les étoiles proches. Elle subit épisodiquement de violentes pertes de masse, et a peut-être atteint ses derniers cent mille ans. Mais la prédiction ne peut pas être plus précise. Les âges stellaires ne s'accordent pas vraiment aux échelles de temps humaines: dix ans représentent un millionième du temps de vie d'une étoile de 10 masses solaires. Peut-on prévoir le destin d'une étoile avec une telle précision? Pas vraiment. Existe-t-il des signes avant-coureurs de l'explosion? Non plus. La catastrophe commence dans le cœur, dont le rayon est dix mille à cent mille fois plus petit que celui de l'étoile. Ce cœur est composé de fer, issu des combustions nucléaires de l'hydrogène, puis de l'hélium, du carbone, de l'oxygène et, enfin, du silicium. Au-delà d'une certaine masse critique, dite de Chandrasekhar en hommage à l'astronome indien qui l'a théorisée, le cœur s'effondre sur lui-même jusqu'à ce que la densité centrale atteigne celle de la matière nucléaire, soit 100millions de tonnes par centimètre cube! L'interaction nucléaire oppose alors une énorme résistance à la compression, et le cœur rebondit lui-même, produisant une onde de choc qui se propage vers l'extérieur. La surface ne montre rien de ce qui a lieu en profondeur jusqu'au moment où elle est atteinte par l'onde de choc.
Pour disposer d'un signe avant-coureur fiable, il faudrait pouvoir détecter l'émission de neutrinos provenant des régions centrales. Celle-ci augmente beaucoup dans les der-nières années précédant l'effondrement du cœur, mais reste indétectable avec les moyens actuels. En revanche, dans les quelques secondes qui suivent l'explosion, l'émission de neutrinos devient gigantesque, au point qu'elle a pu être détectée pour la première fois en 1987 dans le cas de la supernova du Grand Nuage de Magellan.
En ce qui concerne les supernovae de type Ia, la situation est plus compliquée encore, puisque la nature même des systèmes binaires précurseurs des explosions n'est pas bien connue. Pour rendre une naine blanche instable, il faut augmenter sa masse par accrétion jusqu'au voisinage immédiat de la limite de Chandrasekhar, soit 1,4 masse solaire. Doit-on alors rechercher des systèmes de deux naines blanches suffisamment serrés pour que les deux étoiles entrent finalement en coalescence, ou bien une naine blanche associée à une étoile normale mais transférant sa masse à un taux élevé, ou encore autre chose? Une naine blanche massive, déjà proche de la limite de Chandrasekhar, peut laisser penser à son explosion proche, mais il est impossible de mesurer la masse des étoiles avec la précision requise pour un diagnostic précis à l'échelle de quelques années.
Quand viendra la prochaine supernova galactique, SN I ou SN II, différents scénarios de détection seront possibles. Les supernovae de type II, Ib ou Ic se distinguent par la gigantesque émission de neutrinos qui suit l'explosion. Plusieurs dispositifs importants fonctionnent en continu pour attraper dans leurs filets les neutrinos annonciateurs de l'événement. SuperKamiokande, au Japon, par exemple. Ce détecteur est une gigantesque «piscine» contenant 50000 tonnes d'eau scrutées en permanence par des batteries de photomultiplicateurs. Ces capteurs sont à l'affût d'éclairs de lumière -Cerenkov, sorte d'onde de choc lumineuse produite quand une particule se propage plus vite que la lumière dans un milieu soit 200000 kilomètres par seconde dans l'eau. Ce sont des électrons ou des positrons rapides que détecte SuperKamio-kande. Ils proviennent de l'interaction d'un antineutrino électronique de la supernova avec un proton de l'hydrogène de l'eau. De cette manière, 5000 neutrinos -devraient être détectés pour une explosion située à la distance du centre galactique, soit 26000 années-lumière. Dans quelques pour-cent des cas, l'électron rapide est produit autrement, par choc direct avec un neutrino. L'impulsion de l'électron reste alors approximativement alignée avec celle du neutrino incident, ce qui permet de remonter à la direction de la supernova à quelques degrés près. Une autre possibilité pour retrouver la direction est d'utiliser la différence de temps d'arrivée du signal entre les divers détecteurs associés dans le cadre de la collaboration SNEWS Supernova Early Warning System.
Un signe annonciateur
Connaître la direction sera facile si la supernova se révèle brillante, c'est-à-dire si sa lumière est peu absorbée par des poussières. La montée de la lumière débutera quand l'onde de choc débouchera à la surface de l'étoile. Cela se produit entre quelques minutes et un ou deux jours après le signal neutrino, selon la taille de l'étoile qui a explosé. En revanche, en cas de forte absorption de la lumière, connaître la position à quelques degrés près grâce aux neutrinos permettra de lancer des recherches à l'aide de caméras à grand champ. C'est dans le rouge ou l'infrarouge que les chances de succès sont les meilleures, car ces grandes longueurs d'onde interagissent moins avec les poussières.
C'est cependant le signal neutrino qui retiendra le plus l'attention. Annonciateur de l'explosion, il est aussi une source unique d'informations sur la catastrophe survenue au cœur de l'étoile. Avec 5000 ou 10000 neutrinos au lieu d'une dizaine pour SN 1987 A, il deviendra possible d'effectuer de la spectroscopie neutrino, d'établir une courbe d'intensité précise. On espère que de telles données permettront de mieux comprendre la physique intime de l'explosion et de lever certaines incertitudes qui pèsent aujourd'hui sur les modèles. Peuvent enfin parvenir des ondes gravitationnelles également en provenance directe du cœur. Il faut cependant pour cela que l'effondrement soit fortement asymétrique, en raison par exemple d'instabilités liées à une rotation rapide. Le détecteur d'ondes gravitationnelles franco-italien Virgo et l'américain Ligo sont parés pour cette première réception.
Si la supernova est de type Ia, on attend peu de neutrinos et d'ondes gravitationnelles. Elle ne sera donc pas annoncée et localisée comme les SN II, Ib ou Ic. La détection, qui se fera grâce à la montée du signal lumineux, sera bien sûr d'autant plus précoce que l'absorption sera faible. Le ciel est aujourd'hui scruté en permanence par une multitude de caméras et de télescopes à grand champ, et une supernova, même très absorbée, a de fortes chances d'être découverte. Mais chacun rêve évidemment d'une supernova brillante qui permettrait un suivi complet et très détaillé de la courbe de lumière. Les SN Ia sont en effet utilisées pour étalonner les distances dans l'Univers, car leurs propriétés photométriques semblent varier peu d'un événement à l'autre. L'observation de SN Ia à grande distance a ainsi débouché sur la mise en évidence d'une accélération de l'expansion cosmologique. Pour établir ce résultat capital de manière certaine, et connaître les biais qui peuvent l'affecter, il faut évidemment mieux comprendre les SN Ia. Une explosion dans notre Galaxie autoriserait une analyse très précise de la composition et de la vitesse du gaz éjecté, et apporterait des contraintes sans précédent sur les modèles.
Mais nous n'en sommes pas là. Contrairement aux autres générations d'astronomes, nous observerons la prochaine supernova galactique de type II grâce aux neutrinos, même si l'événement n'est pas visible à l'œil nu. Mais, après quatre cents ans, il est temps que vienne la digne héritière des supernovae du Moyen Âge et de la Renaissance. Elle a d'ailleurs déjà explosé, à quelques milliers d'années-lumière de la Terre. Ses photons sont en route. Ils arriveront bientôt. Demain?
- EN DEUX MOTS - Depuis 1604, aucune explosion de supernova n'a été observable à l'œil nu dans notre Galaxie. Et pourtant les astrophysiciens estiment qu'il s'en produit une tous les trente ans. Un manque de visibilité sans doute dû à l'absorption de la lumière par des poussières. Parmi les candidates à une explosion prochaine, la supergéante Bételgeuse, ou Eta Carina, ou encore un couple de naines blan-ches. Seuls les neutrinos émis au cœur de l'explosion nous avertiront peut-être de l'apparition imminente d'une «étoile nouvelle», comme la surnommait Kepler il y a exactement quatre cents ans.
Par Robert Mochkovitch
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