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MOSCOU

 

 

 

 

 

 

 

Moscou
en russe Moskva


Capitale de la Russie, sur la Moskova.
*         Population : 11 514 330 hab. (recensement de 2010)
*         Nom des habitants : Moscovites
GÉOGRAPHIE

Moscou s'est développée à 156 m d'altitude sur la Moskova en position de carrefour par rapport aux grandes voies fluviales de la Russie d'Europe : Volga, Dvina, Dniepr, Don. La situation géographique reste privilégiée, valorisée par le rail et l'air (plusieurs aéroports). Le noyau historique (autour du Kremlin et de la place Rouge) est entouré d'une première couronne mêlant quartiers industriels et résidentiels, parcs de loisirs et stades. Une deuxième couronne est composée surtout de grands ensembles résidentiels. L'ensemble, ceinturé par une zone forestière de loisirs (maintenant « mitée » d'ensembles urbains et industriels), couvre 886 km2. Métropole, Moscou détient toutes les fonctions. La centralisation politique a entraîné le développement économique. La ville est un grand centre culturel (universités, musées, théâtres) et commercial. L'industrie est caractérisée par l'essor des industries à forte valeur ajoutée (constructions mécaniques et électriques, chimie s'ajoutant au textile, et à l'agroalimentaire). La ville a accueilli les jeux Olympiques d'été de 1980.

La position géographique : une ville de carrefour
La position géographique explique en partie la fortune de la ville. À plusieurs titres, elle est marquée par les avantages du contact et du carrefour. La ville est au centre de la vieille Russie. Elle commande de nos jours à deux rayons (grandes régions économiques) : le Centre-Industriel au nord, dans lequel elle est située, et le Centre-Terres Noires, plus agricole, au sud. Ces deux régions assurent une partie notable (environ les deux tiers dans le textile, plus du tiers dans la mécanique) de la valeur de la production industrielle de la Russie.


Les deux régions chevauchent deux grandes zones biogéographiques : la taïga, qui commence au nord des limites de l'agglomération contemporaine, et la forêt mixte, dans laquelle est située la ville. Il s'agit donc d'abord d'une position de contact entre les pays du Nord et les pays du Midi. On passe avec de nombreuses transitions des pays noirs de la grande forêt de conifères aux pays plus ouverts, plus clairs de la forêt mêlée d'essences caducifoliées où apparaissent le chêne et le tilleul. Au nord, on cultive sur des sols médiocres (les podzols) du lin-fibre, du seigle, de la pomme de terre avec de faibles rendements ; vers le sud apparaissent le blé, puis le maïs-fourrage et le maïs-grain, enfin le tournesol sur des sols plus riches, déjà caractérisés par les « terres noires » (le fameux tchernoziom), qui, dans les îlots de steppe, annoncent les plaines ukrainiennes. Ainsi s'opposent encore l'izba, maison de bois de la forêt au nord, et la khata, maison de pisé qui apparaissait autrefois dans les campagnes au sud.
Le contact et les transitions s'observent également d'ouest en est. À l'ouest de la ligne de Moscou au Don se disposent des arcs morainiques disséqués, atteignant par endroits 300 m d'altitude, formant le plateau du Valdaï, les « hauteurs » de Smolensk et de la Russie centrale. À l'est et au sud-est, les marques de la glaciation sont insignifiantes, les formes empâtées du relief disparaissent avec les marécages et l'hydrographie indécise. Les eaux s'écoulent en direction de la gouttière du Don, où la sécheresse s'accuse d'amont en aval, où les violents orages d'été creusent les premiers ravins qui annoncent les steppes du Don inférieur.
Ces contrastes sont accusés encore par les circonstances historiques et les traces qu'elles ont laissées. Les paysans russes réfugiés dans la forêt durant les invasions nomades qui déferlaient sur les steppes (et ont même atteint Moscou au cours de razzias) se sont protégés par des postes militaires, des forteresses entourées de palissades de bois. Les nomades s'efforçaient de dévaster, en l'incendiant, la forêt où les chevaux pénétraient difficilement. Ainsi la limite entre les deux zones est artificielle. Au sud du Moscou contemporain s'étendait une sorte de no man's land dans lequel la ligne des fortifications ne cessa de s'étendre jusqu'à la fin du danger, au début du xviiie s. Ainsi la frontière entre les deux « gouvernements » de Moscou (dans la forêt) et de Toula (découvert) avait été fixée sur la rivière Oka. La rivière Voronej est formée de deux tronçons, Voronej des forêts, Voronej des steppes.
Cette dualité explique le peuplement plus récent, sous une forme militaire et féodale, des plateaux et vallées au sud de l'agglomération actuelle, un type d'agriculture reposant sur l'existence de vastes domaines chargés de ravitailler la capitale. Or, la ville de Moscou a grandi à la limite même de ces zones, mais elle a exploité cette position de confins et de carrefour. De plus, elle est placée dans une situation de diffluence hydrographique. Non loin de là, le plateau du Valdaï est un château d'eau d'où les rivières se dispersent dans toutes les directions. Moscou se trouve sur la Moskova, rivière assez large, elle-même affluent de l'Oka qui va confluer dans la Volga. Le cours supérieur de la Volga passe à une cinquantaine de kilomètres plus au nord, et le port fluvial actuel lui est relié par la « mer de Moscou ». Enfin, le réseau de la Desna, affluent du Dniepr, et celui du Don confluent vers les mers du Sud. Tous ces fleuves étaient navigables ; les routes de terre unissaient, par l'organisation de « portages », les cours supérieurs des rivières du Nord et du Sud. Ainsi, des routes fluviales et de terre se croisaient aux environs de Moscou, les deux principales étant celle de la Volga à Novgorod et de Smolensk à Vladimir. Il faut ajouter que la pêche dans les rivières et les lacs était une activité essentielle au Moyen Âge, au même titre que la navigation et l'exploitation de la forêt ; les troncs d'arbres étaient flottés. Ainsi, quelque chemin qu'on empruntât, on passait presque toujours par la région de Moscou. Il faut remarquer que cette position de diffluence est devenue, grâce aux techniques modernes, une position de convergence : Moscou et son port sont, aujourd'hui, l'un des nœuds essentiels du système des cinq mers qui les relie à la mer Baltique, à la mer Blanche, à la Caspienne et à la mer Noire (et à la mer d'Azov).
Enfin, Moscou est au centre d'une des clairières les plus vastes, ouvertes dans la forêt lorsque succomba la Russie kiévienne et que des Russes vinrent s'y réfugier. L'agglomération est de nos jours, comme Paris, entourée de tous côtés par des bois. La forêt mixte cerne les aéroports ou les grandes localités séparées de l'agglomération. Cette clairière fournissait non seulement des produits agricoles, mais les matières premières d'un artisanat du cuir, de la laine, du bois, dont les produits, élaborés par les artisans locaux, les koustar, étaient vendus durant la mauvaise saison par des colporteurs. C'est l'origine des premières manufactures, de l'afflux de marchands, d'une tradition industrielle qui s'épanouit au cours du xixe s., en particulier le textile. Ces conditions favorables de la circulation et de l'économie régionale expliquent la faveur d'un gros village, puis d'un gorod, que les princes choisirent comme résidence.

Le site et l'extension
À l'origine, Moscou est un simple kreml, fortin de terre et de bois, dominant de quelque 40 mètres la rive escarpée de la Moskova, sur laquelle est jeté un pont, tandis que la rive droite, basse et marécageuse, reste inoccupée. La dissymétrie fondamentale du site demeure dans toute l'histoire de l'extension de la ville, sans doute parce que, mal défendue, l'autre rive offrait un danger tant que menaçaient les invasions, parce que ses prairies étaient inondées au moment de la débâcle, mais encore parce que le terrain de la rive gauche offrait davantage de possibilités pour le développement d'une grande ville. La cité s'étend en partie sur un plateau de craie, masqué par d'épais dépôts glaciaires et disséqué par des affluents en pente forte de la Moskova, dessinant autant de ravins, de méandres encaissés, si bien que les pentes dont s'accidente la ville sont restées dans le folklore international sous le nom de montagnes russes. D'autres buttes ou éperons seront utilisés pour la défense, mais le kreml constitue le centre, le noyau à partir duquel se développent plusieurs villes concentriques. On reconnaît en effet distinctement dans le plan actuel de la ville les ceintures de remparts qui marquent à chaque époque les limites de l'extension.
Le Kremlin était une forteresse entourée de palissades au pied de laquelle s'étendait une petite bourgade de marchands et de soldats. La plupart des édifices du Kremlin actuel ont été construits aux xive et xve s. ; la ville de bois débordait la Moskova et formait un faubourg.
Kitaï-gorod (appelée à tort « Ville chinoise », le terme, d'origine tatare, signifiant plutôt « le fort ») s'étendit au nord-est dans la première moitié du xvie s. ; elle était à peine plus spacieuse que le Kremlin lui-même.
Bielyï-gorod (la « Ville blanche ») enveloppait le Kremlin et Kitaï-gorod sur une superficie beaucoup plus grande, à l'ouest, au nord et à l'est : elle fut entourée de fortifications à la fin du xvie s.
Zemlianoï-gorod (la « Ville de terre ») enfin, ceinte en 1742, engloba l'ensemble des villes précédentes et passa la Moskova sur l'autre rive, dessinant grossièrement un cercle de 4 à 5 km de diamètre.
Les deux rocades circulaires sont parfaitement visibles dans le dessin actuel : la ceinture des « boulevards » autour de Bielyï-gorod, et la ceinture des jardins, ou Sadovaïa, très large, autour de la Ville de terre ; tel est encore le noyau urbain à forte densité de construction et de population de l'agglomération actuelle.
Cette ville a été décrite par tous les voyageurs jusqu'au xxe s. comme un immense village, aux rues étroites, aux maisons de bois, les izbas, basses et entourées de jardinets ; il suffit d'un « cierge d'un kopeck » pour que se déchaînent les incendies. Au début du xixe s., Moscou n'a encore que 200 000 habitants. Cette ville correspond en gros aux quatre rayons (arrondissements) formant le centre. Depuis la Seconde Guerre mondiale, ils ont tendance à se dépeupler au profit de la périphérie et deviennent une city où sont concentrées l'administration et les affaires en même temps qu'une ville-musée visitée par les provinciaux et les étrangers. Son extension a bénéficié des conditions favorables offertes par le sol : vallée d'un affluent de la Moskova, la Iaouza, à l'est, terrasse étendue à l'ouest, sources nombreuses et possibilités de creusement de puits artésiens, abondance des matériaux de construction, argiles, bois et même pierre. C'est à partir de cette ville initiale que s'étend, dans toutes les directions, l'agglomération contemporaine : d'abord, sous la forme de faubourgs très allongés le long des routes radiales menant dans toutes les directions et qui, en raison du sol argileux et humide, sont pavées et portent le nom de « chaussées » ; ensuite, par l'insertion des gros villages de la clairière primitive, qui, peu à peu, reçoivent l'excédent de la population du centre et multiplient le nombre de leurs izbas ; enfin, par la construction, spontanée ou systématique, de quartiers nouveaux. Ainsi s'est modelé le « Grand Moscou », entouré de nos jours par une large rocade routière, future autoroute, ayant grossièrement la forme d'un ovale d'une trentaine de kilomètres du nord au sud et de plus de 20 km d'ouest en est.
Mais l'extension du Moscou des xixe et xxe s. doit tout à l'essor de la fonction industrielle et du carrefour de communications récentes.

Les fonctions industrielles : les générations
La première génération d'ateliers et de manufactures de la ville est l'expression des activités de la Russie centrale. Moscou n'a pas d'industrie lourde, peu d'industrie chimique. L'industrie se développe à partir des matières premières locales (bois, cuir, lin et laine) ou des produits du négoce avec les pays du Nord (Novgorod) et de la Volga. Le choix de Moscou comme capitale a été en outre déterminant, le rôle dynastique ayant entraîné le développement de la fonction économique. Dès le xvie s., la ville vit de la Cour et accapare, même après la fondation de Saint-Pétersbourg, une partie des fonctions des autres villes de la Volga supérieure comme Iaroslavl ou la ville du textile, Ivanovo. Il s'agit donc de produits de qualité, voire de luxe, fabriqués par une main-d'œuvre experte, bénéficiant d'une longue tradition, disséminée dans des entreprises de petite ou moyenne taille. Même si certaines branches ont décliné après la Révolution, la plupart se sont maintenues, étoffées ou modernisées : ainsi la confiserie, les parfums, les jouets, les objets d'artisanat, qui connaissent avec les touristes étrangers un regain de faveur, ou les industries du cuir. Le textile, qui occupait encore à la fin du xixe s. plus des trois quarts de la main-d'œuvre industrielle, surtout féminine, en emploie encore environ le cinquième et vient au second rang des industries moscovites. Les manufactures utilisent des filés provenant d'autres régions, et leur production se situe en aval : tissages de la laine et du coton (dans la célèbre manufacture des Trois Montagnes), de la soie naturelle, de la rayonne et des textiles synthétiques, auxquels s'ajoutent la confection, le tricotage, la fourrure, la haute couture ; la branche textile a entraîné le développement du secteur des colorants et des machines.
La seconde génération d'industries date des chemins de fer et de l'abolition du servage. La première voie ferrée, venant de Saint-Pétersbourg, est achevée en 1851. Moscou est reliée au gros centre industriel de Kharkov en 1869, à la Biélorussie et à Varsovie en 1871, à la plupart des grandes villes de province en 1880. Les grandes gares se localisent à la périphérie de la Sadovaïa, portant le nom des villes qu'elles atteignent. Moscou devient un nœud de communications moderne, un carrefour commercial d'importance accrue, reçoit les produits lourds du Donbass. En même temps, les campagnes de la Russie centrale se dépeuplent à la suite de l'abolition du servage (1861). Des centaines de milliers de paysans viennent s'entasser autour des gares, le long des voies ferrées radiales qui pénètrent dans la ville, à proximité des usines nouvellement créées. Celles-ci sont fondées par d'autres capitaux, d'origine étrangère. C'est dans le dernier quart du xixe s. que naissent les premières entreprises métallurgiques : on en comptait 127, avant 1917, presque toutes de petite taille. Ce fut la base à partir de laquelle les premiers plans quinquennaux firent de Moscou le grand centre d'industrie mécanique, travaillant des métaux importés, se situant en aval de la production du Donbass et de l'Oural, livrant des produits finis de qualité, employant une main-d'œuvre qualifiée de cadres moyens et supérieurs formés dans de nombreuses écoles professionnelles. Ainsi, cette branche a ravi rapidement la première place à l'industrie textile et occupe actuellement plus de la moitié de la main-d'œuvre, concentrée dans des établissements de grande taille, fournissant plus du dixième de la valeur de la production mécanique de la Russie : machines-outils pour l'équipement des industries minière, chimique, automobile, textile, des roulements à billes ; électrotechnique, de plus en plus spécialisée dans les appareils électroménagers pour la large consommation urbaine et dans l'électronique (la plus connue est l'entreprise Dinamo, qui fabrique des moteurs et des transformateurs et exporte plus du dixième de sa production dans une trentaine de pays). L'automobile est concentrée depuis le premier plan quinquennal dans l'entreprise Likhatchev, qui a été rénovée et produit des voitures (mais aussi, dans les filiales situées dans l'agglomération, des camions, des autobus et du matériel de manutention). Enfin, la mécanique de précision (compteurs, horlogerie) est une vieille spécialité de Moscou.
À ces deux branches principales s'ajoutent les grandes industries urbaines, le combinat polygraphique (impression, édition) de la Pravda, des studios de cinéma, quelques usines de caoutchouc et de colorants. Au total, une main-d'œuvre de plus d'un million de salariés et de cadres, plus de 300 usines, le dixième du produit brut provenant de l'industrie en Russie.
Ces industries se localisent en fonction de l'origine de la matière première. Ainsi, en direction du bassin houiller de Toula et de Koursk, dans la banlieue sud, se trouvent une fonderie, l'usine de machines à coudre ex-Singer à Podolsk. Vers le sud-est, le long des voies ferrées, sont les usines Dinamo et Likhatchev ; vers le nord, près de Khimki, un chantier de constructions navales, des industries alimentaires ; vers l'est, en direction des villes de la Volga et du Second-Bakou, l'usine Elektrostal (aciers électriques), la chimie et les matières plastiques. Ainsi, l'agglomération s'est sans cesse avancée aux dépens de son oblast, où des villes de plus de 100 000 habitants concentrent une population industrielle et où les villes satellites ont été créées pour décentraliser la vieille ville. Moscou a ainsi construit sa zone d'attraction de main-d'œuvre.

Moscou, capitale
Les fonctions de services liées au rôle grandissant de la capitale utilisent une main-d'œuvre plus nombreuse que l'industrie : ainsi, plus du quart de la main-d'œuvre est employé dans la santé publique, l'enseignement et la recherche. Le transfert du siège du gouvernement décidé par Lénine a accéléré l'évolution démographique par rapport à celle de Saint-Pétersbourg et multiplié les fonctions. Elle attire les cadres, les visiteurs, les touristes. Staline avait voulu exprimer cette prépondérance en construisant des gratte-ciel, laids et démodés de nos jours, mais d'autres constructions nouvelles symbolisent la volonté de prestige. Ainsi se sont édifiés la plus haute tour de télévision du monde, à Ostankino (plus de 500 m), le plus grand hôtel (6 000 lits), à côté du Kremlin. À des titres divers, le théâtre Bolchoï, l'Exposition permanente des réalisations de l'économie nationale, l'université Lomonossov, les parcs d'attraction et les stades rassemblent les visiteurs provinciaux et étrangers.
Cette fonction se traduit par la concentration, en régime de planification centralisée, des ministères, des représentations étrangères. L'université et les hautes écoles rassemblent le cinquième des effectifs de toute la Russie, et l'université est la plus réputée du pays. Près du cinquième des ingénieurs de Russie travaillent à Moscou. Les grandes académies et des instituts de recherche renommés dans le monde entier y ont leur siège. La proximité des centres travaillant pour la défense nationale, enfouis dans la ceinture de verdure, la fondation de centres de recherches nucléaires, comme l'accélérateur de particules de Serpoukhov au sud, le centre de recherches fondamentales de Doubna au nord, sur la mer de Moscou, ont encore accru la concentration de scientifiques sortant des hautes écoles.
Sur le plan international, l'université Lumumba, située au sud de la Moskova, a attiré, avec des succès d'ailleurs divers, les étudiants du tiers monde, notamment de l'Afrique.
La ville s'ouvre également aux autres pays et prend une importance mondiale. Elle est de plus en plus choisie comme centre de grands congrès internationaux. Elle accueille plusieurs centaines de milliers d'étrangers par an, hommes d'affaires, touristes, le plus souvent regroupés selon la formule des voyages organisés et guidés. L'aéroport international de Cheremetievo est construit à une trentaine de kilomètres au nord de Moscou.

Expansion et rayonnement de Moscou
La ville a ainsi forgé autour d'elle une région urbaine de grande taille et de densité à l'hectare encore relativement faible, par rapport aux grandes capitales mondiales (300 à l'intérieur de la Sadovaïa, moins de 100 à l'intérieur de la rocade). Le processus a été géométrique, sous la forme radio-concentrique, si bien qu'on peut facilement enfermer dans des cercles de rayon croissant les agglomérations successives, du Kremlin à l'oblast. Depuis le régime soviétique, cette extension a été planifiée, définie par des limites administratives. Pour la première fois au cours du premier plan quinquennal, un plan d'urbanisme se préoccupe d'organiser et de prévoir l'extension de la ville et la répartition de la population. Mais l'avant-guerre compta encore peu de réalisations. En 1948, Staline veut donner à la capitale de la Russie victorieuse une allure prestigieuse et fait construire les huit gratte-ciel, dont le plus élevé est l'université sur le mont des Oiseaux, puis les stations du métro, d'un luxe de goût discuté. Un plan datant de 1953 porte la superficie de la ville, marquée par la limite du pouvoir de son Conseil (Mossoviet), à 330 km2, contre 300 environ avant la guerre. En 1959, la superficie atteint, par annexion de quelques quartiers ou villages, 356 km2. Enfin, la dernière phase est marquée par le décret du 18 août 1960, qui porte le territoire à 875 km2 (886 aujourd'hui), enfermé par la rocade routière circulaire d'où partent dans toutes les directions les routes nationales (appelées « autoroutes ») à deux ou quatre voies. Autour, une autre enveloppe limite une « zone protégée » à faible densité où ne sont situées qu'une dizaine de localités de quelques milliers d'habitants chacune, où la construction est en principe interdite et qui doit être réservée au repos (forêt, parcs, prairies, plans d'eau, lacs et réservoirs sur les rivières, comme la Kliazma), s'étendant sur 1 800 km2, ce qui porte la superficie du « Grand Moscou » (Mossoviet, plus ceinture protégée) à plus de 2 650 km2. Les villes incluses sont Mytichtchi, Balachikha à l'est, Lioubertsyau sud-est, Vidnoïe au sud...
Enfin, la région suburbaine appelée Podmoskovie (« région autour de Moscou ») s'étend sur la majeure partie de la province (oblast) administrative. Elle comprend encore plusieurs millions d'habitants répartis dans plusieurs types d'agglomérations. Les localités rurales appartiennent à la zone de ravitaillement en produits agricoles de la ville, spécialisées dans la culture maraîchère (pommes de terre et choux), la production porcine et laitière (avec une densité d'une trentaine de têtes de gros bétail sur 100 ha), l'exploitation de serres, généralement chauffées par la vapeur des usines voisines, des vergers de pommiers. La vallée de la Kliazma au nord constitue en particulier une zone de cultures légumières très dense. Dans des localités mi-rurales, mi-urbanisées subsistent un artisanat ou des ateliers travaillant en vue du marché urbain (objets de bois, de cuir, poteries, textiles), où se sont décentralisées de petites entreprises de la vieille ville. Des localités de maisons de campagne (datcha) sont entourées de verdure, de terrains de chasse, de baignades, de parcs de récréation. Des vieilles villes industrielles ou des centres de recherche sont installés au milieu de la forêt (ainsi Serpoukhov au sud, Doubna au nord, Elektrostal à l'est, la file des usines allongées jalonnant le canal Volga-Moscou au nord-ouest). Des villes satellites, ou spoutnik, villes nouvelles à croissance rapide, sont chargées de décentraliser la population ou de retenir la population nouvelle à la périphérie de l'agglomération. Une partie de la main-d'œuvre travaille sur place, une autre à Moscou. Ainsi se sont développées une vingtaine de villes, dont la majorité se situe dans la partie occidentale de l'agglomération : Istra, Dedovsk, Troïtski, Naro-Fominsk...
Une vingtaine de grands ensembles, chacun d'eux pourvu d'un équipement scolaire et commercial, ont été construits : ainsi Tcheremouchki et Kountsevo au sud-ouest et à l'ouest ; Babouchkine et Medvedkovo au nord, Khimki-Khovrino au nord-ouest, etc. L'un des meilleurs exemples d'aménagement est celui du Iougo-Zapad, du sud-ouest, où de nouvelles avenues (prospekt) ont été tracées, où l'immense parc des sports Loujniki s'étend dans la boucle de la Moskova, avec un stade de 100 000 places.

Un urbanisme « volontariste »
L'urbanisme soviétique reposait sur deux idées fondamentales qui déterminaient son originalité et son efficacité : le régime des droits de propriété élaboré depuis 1917 et l'intégration de l'aménagement du territoire dans le système de planification.
1924 : le plan de reconstruction et de développement de Moscou, par Chestakov, renforce le tracé radio-concentrique et la séparation sur le terrain des fonctions de la vie urbaine (zoning).
1929 : le plan d'« urbanisme socialiste » marque l'affrontement de deux grands courants de pensées : pour les « urbanistes », la création de maisons communes consacre la vie collective qui doit se dérouler dans un cadre urbain. Pour les « désurbanistes », la ville est historiquement et économiquement condamnée ; des cellules de vie collective doivent se créer sur tout le territoire et faire disparaître l'opposition ville-campagne. Les deux courants seront critiqués par le pouvoir, mais donneront cependant lieu à d'intéressantes réalisations.
1935 : le plan de reconstruction systématique amène la création de grandes artères radiales, la création du métro (son décor et son luxe témoignent de l'intérêt porté à l'aménagement de tous les lieux de vie collective), la délimitation stricte d'un périmètre d'extension. Si l'architecture proprement dite verse dans le monumentalisme (style « stalinien »), l'application de ce plan devait contribuer efficacement au développement de la capitale.
Le climat
Le climat de Moscou est continental, avec des précipitations moyennes (624 mm par an), qui tombent surtout en été, et des températures moyennes qui oscillent entre 19 °C en juillet (23 °C maximum et 13 °C minimum) et – 9 °C en janvier (– 9 °C maximum et – 16 °C minimum), soit 28 °C d'amplitude thermique, pour une moyenne annuelle de 4 °C. Les hivers sont longs (4 mois) et rigoureux (150 jours de gel), avec parfois des excès (les températures descendent jusqu'à − 30 °C).

L'HISTOIRE DE MOSCOU
Vers 1140, un boyard du nom de Koucha construit un petit village dans une clairière au milieu de la forêt près d'une rivière au cœur de la Russie, et il perçoit un péage pour le passage de cette rivière, la Moskova (Moskva). Le prince d'une ville voisine, Iouri Dolgorouki de Rostov-Souzdal, s'empare du village en 1147 et lui donne le nom de Moscou, d'après celui de la rivière (Moskva viendrait du finnois et signifierait « eaux troubles » en opposition à Oka, « eaux calmes »).
En 1156, ce prince décide de fortifier le village et il établit une citadelle sur la colline : le Kreml (ou Kremlin). Une ville (gorod) naît alors mais qui reste sans grande importance jusqu'à la seconde moitié du xiiie s. Le moment décisif, c'est en 1263 la fondation d'une principauté indépendante de Moscou par Alexandre Nevski, qui la confie à son fils cadet Daniel.
À partir d'un site géographique favorable, mais plutôt banal, le développement de Moscou s'explique par des raisons historiques. Daniel et ses successeurs mènent un jeu habile et utilisent la protection mongole pour agrandir leur territoire et abaisser les villes voisines. Capitale politique, Moscou devient en 1326 une capitale religieuse en raison de l'installation à l'intérieur du Kremlin du métropolite orthodoxe.
Derrière les palissades en bois du Kremlin, on trouve alors le palais du prince et la cathédrale de l'Assomption, mais la ville s'étend au-delà du Kremlin sur la rive gauche de la Moskova au xive et au xve s. Les succès des princes de Moscou qui en 1480 s'affranchissent définitivement du tribut mongol font de la ville le successeur de Byzance, conquise par les Turcs en 1453. Moscou prétend même être la troisième Rome.
La ville s'agrandit et devient une belle cité aux monuments en pierre à partir de la fin du xve s.
Au xvie s., Moscou est un grand centre commercial, en particulier grâce à ses relations asiatiques. Le centre commercial se trouve à l'est du Kremlin, c'est Kitaï-gorod, entourée elle-même d'une muraille. Plus loin s'étend Bielyï-gorod (la « Ville blanche »), également entourée d'une muraille, qui se développe au xviie s. Ce sera le quartier aristocratique et on y créera en 1755 la première université russe.
La ville s'étend également sur la rive droite, où se trouvent les quartiers populaires de la Zemlianoï-gorod (la Ville de terre). Avec 100 000 habitants au xvie s., près de 200 000 à la fin du xviie s., Moscou est une cité importante malgré les troubles et l'occupation polonaise.
En 1712, Pierre le Grand lui enlève cependant son titre de capitale au profit de Saint-Pétersbourg, qu'il vient de fonder. Néanmoins, l'importance de Moscou reste grande, car elle demeure la ville sainte où les tsars se font couronner, la capitale religieuse, la deuxième capitale de l'empire des tsars.
La ville est occupée par Napoléon en 1812 du 14 septembre au 19 octobre, et l'incendie de Moscou fait rage plusieurs jours après l'arrivée des troupes françaises.
Au xixe s., Moscou, malgré les progrès de Saint-Pétersbourg, connaît un développement certain dû à son rôle économique et à sa position centrale incontestablement plus favorable que celle de la métropole baltique. L'industrie textile, métallurgique et chimique apparaît dans les faubourgs, et Moscou compte plus d'un million d'habitants à la fin du xixe s. et plus d'un million et demi en 1917. Lors de la révolution de 1905, elle est une grande ville ouvrière, et c'est là que les socialistes russes déclenchent, en décembre, une insurrection, vaincue après quelques jours de violents combats.
En 1917, après la révolution d'Octobre victorieuse à Petrograd, le soviet de Moscou à majorité bolcheviste se heurte à la résistance acharnée des détachements d'élèves officiers, les junkers, qui réussissent à occuper le Kremlin et y massacrent plusieurs centaines de jeunes soldats rouges. Le soviet de Moscou doit donner l'ordre de bombarder les murailles du Kremlin pour reprendre la forteresse la nuit du 16 au 17 novembre.
Le 11 mars 1918, le Conseil des commissaires du peuple présidé par Lénine quitte Petrograd pour s'installer à Moscou, à l'intérieur du Kremlin.
Redevenue dès lors la capitale de la Russie, puis celle de l'Union des républiques socialistes soviétiques, fondée à la fin de 1922, Moscou va croître rapidement en raison même de la politique de centralisation suivie par Staline et par les dirigeants soviétiques. La ville se transforme rapidement et s'agrandit dans toutes les directions.
D'octobre à décembre 1941, les armées hitlériennes s'approchent jusque dans les faubourgs de Moscou, mais, malgré les 75 divisions (dont 14 blindées) et 1 000 avions mis en action par Hitler, elles ne peuvent s'emparer de Moscou, défendue par l'armée rouge et par un peuple dressé pour la défendre.

L'ART À MOSCOU
Moscou fut tout d'abord construite en bois ; elle reçut ses premiers bâtiments en pierre sous Ivan III (1462-1505), qui acheva le rassemblement des terres russes et voulut que la cité fût le symbole de sa puissance.
Ivan III confie tout d'abord à des architectes de Pskov la construction de la cathédrale de la Dormition (Ouspenski Sobor), à l'intérieur de l'enceinte fortifiée remontant au xiie s. (Kremlin) ; mais les Russes échouent, ayant oublié les techniques de construction en pierre sous le joug mongol. Le tsar fait alors appel à des Italiens, et c'est un architecte de Bologne, Aristotele Fieravanti (ou Fioravanti, vers 1415-vers 1486), qui en mène à bien la construction (1475-1479) en prenant pour modèle la cathédrale de la Dormition de Vladimir. Dans les années qui suivent, d'autres églises sont encore édifiées dans le Kremlin : la collégiale de l'Annonciation (Blagovechtchenski Sobor, 1484-1489), bâtie par des architectes de Pskov, se présente comme un cube entouré d'une haute galerie et coiffé de coupoles ; l'iconostase fut exécuté, semble-t-il, par Théophane le Grec (vers 1350-début du xve s.) et Andreï Roublev (vers 1360-1430). En face fut élevée la collégiale de l'Archange-Saint-Michel (Arkhangelski Sobor, 1505-1509), œuvre du Milanais Alevisio Novi ; cet édifice conserve la structure des églises russes, mais il est, en particulier, orné de coquilles de style Renaissance, motif décoratif qui sera un élément caractéristique de l'architecture moscovite. Ces grands édifices s'équilibrent avec des constructions plus modestes comme la petite église de la Déposition-du-Manteau-de-la-Vierge (1484-1486), derrière laquelle pointent les bulbes des églises intégrées au palais du Terem, construit en 1635-1636. Le palais à Facettes (Granovitaïa Palata, 1487-1491) fut bâti par Marco Ruffo (actif à Moscou à partir de 1480) et Pietro Antonio Solari (vers 1450-1493) ; l'intérieur fut, en 1668, décoré de fresques par Simon Fedorovitch Ouchakov (1626-1686). Au-dessus de tous ces édifices se dresse le clocher d'Ivan le Grand (Ivanovskaïa kolokolnia). Cette énorme tour, commencée au début du xvie s. et achevée en 1600 sous le règne de Boris Godounov, renferme trente et une cloches. L'une d'elles, la cloche Reine (Tsar kolokol), mesure 5,87 m de haut et pèse 218 t ; un fragment s'en détacha en 1737 et fut installé sur un socle de granit, au pied du clocher, en 1836. Résidence du tsar, mais aussi siège du métropolite, puis du patriarche, le Kremlin abrite encore le palais Patriarcal et la collégiale des Douze Apôtres (1655-1656), église privée du patriarche. Le Kremlin a été agrandi au cours des siècles, sa superficie est actuellement de près de 28 ha. Sous Dimitri Donskoï (1359-1389), l'enceinte de bois est remplacée par une enceinte en pierre. Elle est reconstruite en brique en 1485-1495 par Marco Ruffo et Pietro Antonio Solari, qui prennent pour modèle le château des Sforza de Milan. Les remparts, crénelés à l'italienne, sont flanqués de vingt tours : en 1485 est élevée la porte centrale, dite « porte secrète » (Taïnitskaïa vorota), d'où partait un souterrain conduisant à la rivière ; en 1487, on construit la tour de Beklemichev ; en 1490, la tour Borovitskaïa, par où Napoléon devait pénétrer dans le Kremlin ; en 1491, les portes Saint-Nicolas (Nikolskaïa vorota) et de Saint-Flor. Les couronnements actuels des tours sont du xviie s. ; ceux de la tour à horloge de la porte du Sauveur ont été conçus en 1625 par l'Anglais Christopher Galloway.
À l'extérieur du Kremlin, de l'autre côté de la place Rouge (Krasnaïa Plochtchad, « Belle Place » en vieux russe), la place principale de Moscou.
On élève l'église Saint-Basile-le-Bienheureux (1554-1560) sur ordre d'Ivan le Terrible, pour commémorer la prise de Kazan. Ce monument, constitué d'une église centrale entourée de huit chapelles coiffées de coupoles bariolées, est une curiosité pittoresque et non un édifice typique de l'architecture russe. Toutefois, la partie centrale est construite dans un style largement répandu au xvie s., le style pyramidal (en chater [chatior]). Les églises de ce modèle sont caractérisées par une flèche pyramidale coiffant un édifice très élancé et de section réduite. Les premières églises en chater avaient été construites dans les environs de Moscou : celle de Saint-Jean-Baptiste à Diakovo (1529), celle de l'Ascension à Kolomenskoïe (1532). Au xviie s., on élève surtout des églises paroissiales, presque toutes du même type : de plan carré, elles sont plus hautes que larges, souvent à deux étages et couronnées de cinq coupoles ; le sommet des façades se termine par des arcs en encorbellement. On accède à l'église par une longue galerie fermée dont l'entrée est surmontée d'un clocher en chater, comme dans l'église de la Nativité à Poutinki (1649-1652), celle de la Dormition-des-Potiers (1654) ou celle de Saint-Nicolas-des-Tisserands (1676-1682).

À la fin du xviie s. se répand un style nouveau, le baroque moscovite, ou style Narychkine, du nom du boyard Lev Kirillovitch Narychkine (1668-1705), beau-frère du tsar Alexis Mikhaïlovitch, qui fit bâtir en 1693 l'église de la Protection-de-la-Vierge à Fili. Celle-ci repose sur une haute galerie à arcades, et l'on y accède par des escaliers imposants. La partie inférieure de l'église est un cube flanqué sur chaque côté d'une construction semi-circulaire coiffée d'une coupole ; sur ce cube vient s'emboîter une première tour octogonale, surmontée d'une seconde, plus petite, elle-même couronnée d'une coupole. L'édifice, de couleur brique, est orné d'éléments décoratifs en chaux. Le style Narychkine se distingue en effet par la richesse du décor : les façades sont ornées de colonnettes, de chapiteaux, de corniches, de carreaux de faïence de couleurs vives ; les lignes architecturales sont soulignées par des moulures, les fenêtres sont encadrées de torsades et de volutes. On trouve de beaux exemples du baroque moscovite au monastère Novodevitchi ou au monastère Donskoï.
À partir des années1770-1780 et jusqu'au milieu du xixe s., le style classique remplace le baroque, en particulier dans l'architecture civile. Deux architectes, Vassili Ivanovitch Bajenov (1737 ou 1738-1799) et son élève Matveï Fedorovitch Kazakov (1738-1812), construisent pour de riches marchands ou pour des nobles une série d'hôtels particuliers, tous bâtis sur le même modèle : le corps central, décoré d'une imposante colonnade et d'un fronton, est flanqué de deux ailes ; l'ensemble de l'édifice est recouvert de stuc peint en couleurs pastel. Il en est ainsi de la maison Pachkov (1784-1786), œuvre de Bajenov, ou de la maison Demidov (1779-1791), due à Kazakov. C'est également sur ce modèle que Kazakov édifie dans les années 1780 l'ancien Sénat (avec sa vaste Salle à colonnes) et, en 1786-1793, le bâtiment de l'université, qui sera restauré après l'incendie de 1812. Une architecture semblable se retrouve dans les résidences que se font construire les nobles aux environs de Moscou : châteaux de Kouskovo des années 1770 et d'Ostankino des années 1790, appartenant aux comtes Cheremetev, château d'Arkhangelskoïe (vers 1780-1831), résidence des princes Galitzine (Golitsyn), puis Ioussoupov.
Après l'incendie de 1812, Alexandre Ier crée une commission pour la restauration de Moscou. L'architecte Ossip Ivanovitch Bovet (1784-1834) aménage le centre de la ville dans le style classique, notamment la place du Théâtre où il construit le théâtre Bolchoï (1821-1824). Près du Kremlin est édifié en 1817 le Manège (détruit par un incendie en 2004).
Au milieu du xixe s. se développe un style nouveau, inspiré par l'architecture russe médiévale, à laquelle il emprunte de nombreux éléments décoratifs. C'est dans ce style « vieux russe » qu'ont été édifiés par C. Thon (Konstantine Andreïevitch Ton [1794-1881] le, Grand Palais (1838-1849) et le palais des Armures (1849-1851), à l'intérieur du Kremlin ; de même, le Musée historique (1875-1881), dont la décoration extérieure est due à V. Sherwood (Vladimir Ossipovitch Chervoud [1833-1897]), les galeries marchandes (1888-1894), qui abritent aujourd'hui le magasin Goum, et la galerie de peinture Tretiakov, dont la façade a été dessinée par le peintre Viktor Mikhaïlovitch Vasnetsov (1848-1926).
Après la révolution d'Octobre, Moscou redevient la capitale. Comme dans les autres domaines de l'art, des tentatives se font jour pour créer une architecture rompant résolument avec celle du passé. Au début des années 1920, les architectes recherchent surtout des formes nouvelles, méprisant les aspects fonctionnels et les problèmes de construction. De nombreux projets, sans doute irréalisables, sont d'ailleurs dus à des peintres ou à des sculpteurs, tel celui de Tatline pour un monument à la IIIe Internationale. Par la suite, les architectes s'efforcent de concilier les recherches formelles et les nécessités d'une architecture fonctionnellement adaptée au nouveau genre de vie. C'est dans cet esprit, par exemple, que Konstantine Melnikov construit plusieurs clubs à Moscou, notamment le club Roussakov, auquel il applique le principe des volumes transformables (salle adaptable aux différents besoins).
Cette synthèse entre expression formelle et fonctionnalisme est parfaitement atteinte dans les projets d'Ivan Leonidov à la fin des années 1920. Cependant, ils ne furent pas pris en considération, car alors commençaient à s'imposer les partisans d'un style monumental empruntant ses éléments composites à l'architecture du passé. Ce style triomphera au milieu des années 1930. Qualifié parfois de « stalinien », il est caractérisé par la massivité et la surabondance des éléments décoratifs, colonnes, corniches, etc. Les gratte-ciel de Moscou, tel celui de l'université Lomonossov (1949-1953), en offrent un exemple typique. Après 1956, l'architecture devient beaucoup plus sobre. On édifie des bâtiments de verre et de béton aux formes parallélépipédiques, tels le palais des Congrès (1961) [dans l'ensemble du Kremlin], dont le projet a été établi sous la direction de Mikhaïl Vassilievitch Possokhine, le cinéma Russie sur la place Pouchkine, plus récemment l'hôtel Russie ou encore les immeubles du « nouvel Arbat ».
Un plan de rénovation du centre historique a été entrepris dans les années 1990 : reconstruction de la porte de la Résurrection, de la cathédrale Notre-Dame de Kazan, de l'ancienne cathédrale du Christ-Rédempteur, édifiée entre 1839 et 1883 pour célébrer la victoire de 1812 sur Napoléon (rasée par Staline en 1933 et aménagée en piscine en 1960) …

LES MUSÉES DE MOSCOU
La galerie Tretiakov, donnée à la ville de Moscou en 1892, présente un vaste panorama de l'art russe depuis le xie s. jusqu'à nos jours (Vierge de Vladimir, Andreï Roublev, Kandinski, etc.).
Le musée des Beaux-Arts Pouchkine est consacré à la peinture occidentale, des primitifs italiens à Picasso (collections Chtchoukine et Morozov), en passant par les écoles hollandaise (Rembrandt), flamande, espagnole, les impressionnistes, Van Gogh, Cézanne, Matisse, etc.
Le musée du palais des Armures est installé dans le palais construit pour lui de 1849 à 1851. L'institution a pour origine un dépôt d'armes créé dans les premières années du xvie s. Depuis 1917, le palais des Armures est devenu un grand et riche musée d'art : armes et armures, émaux des xvie et xviie s., orfèvrerie européenne, parures et broderies, pierres précieuses.
La ville et sa proche banlieue compte maints autres musées : le musée d'Histoire, le musée Pouchkine, le musée Andreï Roublev (dans l'ancien monastère Saint-Antoine), le musée d'architecture (à Kolomenskoïe), le musée d'Art et d'Histoire (à Serguiev Possad), le musée de la Céramique (dans le château de Kouskovo), etc.

 

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PHYSIQUE

 


 

 

 

 

 

physique
(latin physica, du grec phusikê)

Science qui étudie par l'expérimentation et l'élaboration de concepts les propriétés fondamentales de la matière et de l'espace-temps.

Introduction
On peut dire que la physique est la science, ou la partie de la science, qui vise à la connaissance des aspects les plus généraux de la nature. La chimie ne s'occupe que de certaines transformations : celles dans lesquelles les agencements d'atomes, molécules et cristaux, subissent des remaniements. Mais elle ne s'occupe pas des réactions nucléaires. Quant à la biologie, elle prend pour objet une certaine catégorie de corps seulement : les corps vivants. La physique est plus générale, puisque ses lois s'appliquent aussi bien en chimie qu'en biologie. On peut même la dire universelle en ce que, en outre, ses lois sont tenues pour valables en toute région de l'Univers. Une définition de ce genre, comme on va le voir, ne doit toutefois pas être prise trop à la lettre. Elle est faite pour donner une première idée d'ensemble et non pour fixer un concept rigoureux.
Dire quels sont les objets que la physique étudie est plus délicat. Ils ont évolué au fur et à mesure du développement de cette science et, dans son état actuel, les notions qui devraient être les plus simples ne le sont pas vraiment. Quelques traits touchant à la méthode, au moins, offrent une certaine constance au cours des siècles.

Une science expérimentale
La physique fait partie des sciences expérimentales. À ce titre, toutes ses lois, pour être acceptées, doivent être conformes aux résultats d'expériences, même si ce n'est que de façon indirecte. Il se peut qu'aucune expérience ne permette d'établir une loi, par exemple le principe d'inertie, mais qu'il y en ait qui soient en accord avec des conséquences de cette loi. Du principe d'inertie, combiné avec la loi de la chute des corps, il découle qu'une balle de tennis, dans le vide, doit suivre une trajectoire parabolique, et cela peut se vérifier expérimentalement.

Une science théorique
La physique est également une science théorique, en ce sens que ses diverses lois peuvent s'organiser de manière déductive, c'est-à-dire que les unes peuvent être déduites des autres. Les prémisses des théories sont volontiers appelées des « principes ». Il s'agit bien entendu de lois soumises, tout autant que les autres, au verdict de l'expérience. La physique ne prend toutefois pas la forme d'une théorie unique. Elle a toujours été constituée de grands domaines. Il ne faut pas confondre ces principes avec ceux qui président à la méthode scientifique, par exemple qu'une expérience doit pouvoir être refaite.
Certaines lois sont qualitatives : des corps chargés de la même électricité se repoussent. Mais la plupart sont quantitatives. Elles ne portent pas directement sur les objets naturels (les corps) mais sur des grandeurs qui leur sont attachées : le volume, la masse, la charge électrique. D'autres grandeurs, comme la durée, concernent la nature de manière plus globale.
Les théories, comme dans toutes les sciences, ne sont pas faites que de formules et de lois. Elles portent sur des objets, à travers des concepts. Les plus importants d'entre eux sont ceux d'énergie, de matière, d'espace, etc.

Historique
L'histoire de la physique offre le spectacle d'un foisonnement qui prend tant bien que mal le chemin de l'unité. Diverses branches naissent, en effet, entre 1600 et 1900, et l'on observe qu'elles se rassemblent en deux grandes mouvances au cours du xixe s. : celle de la mécanique et celle de l'électromagnétisme. Aux environs de 1900, relativité et quanta viennent secouer les idées de base mais sans remettre en cause cet aspect d'ensemble.

L'Antiquité

Dès l'Antiquité on voit posées les bases d'une étude à la fois mathématique et expérimentale de la nature. Quoique nous ne classions pas l' astronomie dans la physique et bien que pour les Grecs elle fît partie des mathématiques, elle combinait déjà l'observation systématique, les mesures et la recherche d'une description d'ensemble du cosmos qui tînt compte des lois ainsi établies.

D'autres études portèrent sur des objets plus proches : les phénomènes du son et de la vision donnèrent l'occasion de procéder à des observations, voire à quelques expérimentations. Les résultats prirent une forme arithmétique dans le cas de l'acoustique avec Pythagore (vie s. avant J.-C.), et géométrique dans le cas de l'optique avec Euclide (iiie s. avant J.-C.).
La science dont on peut le mieux dire qu'elle présente tous les caractères de ce que l'on appelle maintenant la physique, est sans conteste la statique, étude des équilibres. Ceux des corps pesants, en particulier, dans un système tel que la balance, mais également cet équilibre qu'est le flottement. Archimède (287-212 avant J.-C.) a laissé dans ces domaines des notions et des résultats que l'on peut qualifier de « scientifiques ».
Il est vrai que, hormis l'astronomie, tout cela était encore peu de chose, et le monde arabe n'y ajouta pas beaucoup.

La période classique
Après la Renaissance, l'Europe s'est mise à cultiver avec ardeur la « philosophie naturelle ». Par ses succès, elle a rendu l'humanité, en trois siècles, maîtresse de la nature.
L'optique, devenue science de la lumière, hésita sur l'explication à donner à cette dernière. Après avoir été tenté d'y voir un mouvement de corpuscules, on finit par se rendre à l'idée qu'il s'agissait d'ondes. Le mystère le plus entier persista néanmoins sur la nature du milieu qui ondule. Le son, en revanche, a été ramené aux vibrations des milieux comme l'air qui peuvent être le siège de petites ondulations très rapides.
Ces deux cas témoignent de l'importance prise par la mécanique. La physique mécaniste, espoir cartésien de pouvoir tout expliquer par des mouvements, des rencontres et des poussées de corps entre eux, fut un échec : aucun mécanisme de ce genre n'a réussi à rendre compte des caractéristiques des forces qui, telle la pesanteur, s'observent dans la nature. La mécanique rationnelle, science générale du mouvement et des forces, a été le premier pilier de la physique classique. En éludant la question de la nature des actions et en s'appliquant à établir des relations mathématiques fines, elle a permis de découvrir les grandes forces à l'œuvre dans la nature et, surtout, leurs caractéristiques.

Créée par le Britannique Isaac Newton (1642-1727), la mécanique intégra d'emblée la statique. Mais Newton s'en servit avant tout pour établir la théorie de l'attraction universelle et pour en tirer les premières conséquences : théorie de la Lune, théorie des marées, etc. La mécanique céleste ne fit ensuite qu'aller de succès en succès.
Cent ans plus tard, ce fut au tour de la science du magnétisme et, surtout, à celle de l'électricité de prendre leur essor. Elles bénéficièrent elles aussi des lois de la mécanique rationnelle et tentèrent de ressembler à la théorie de l'attraction universelle. Cette attente-là fut déçue : leurs lois prirent d'autres formes que celle de la gravitation. Il apparut en outre qu'il ne s'agissait pas de deux sciences indépendantes, mais que l'électricité et le magnétisme sont des phénomènes intimement liés. Ainsi se constitua l'électromagnétisme, dont le Britannique James Maxwell (1831-1879) réduisit les principes à quelques formules, et ce qu'elles disaient de la propagation du champ électromagnétique conduisit à la conclusion que la lumière n'est qu'un cas particulier de rayonnement électromagnétique : l'optique se trouva ainsi intégrée au nouveau domaine. On n'en découvrit pas plus pour autant l'« éther », cet hypothétique milieu imperceptible dont les vibrations auraient expliqué la nature de ce rayonnement.
À la même époque, après que les concepts de température et de chaleur eurent été soigneusement définis, ces deux phénomènes donnèrent lieu à une nouvelle science, la thermodynamique. Son nom est justifié par les liens intimes que le phénomène de la chaleur entretient avec ceux qui, comme la pression des gaz, relèvent de la mécanique. C'est de la thermodynamique qu'est venu l'intérêt pour l'idée d'énergie, notion qui allait envahir la physique. Une fois bien établi que le travail des forces peut devenir chaleur, et inversement, il suffisait d'inventer cette grandeur censée se manifester sous différentes formes mais qui, tout comme la masse, se conserve au cours des transformations des systèmes.

Alors même que l'existence des atomes relevait encore de la simple hypothèse, il apparut que les lois de la thermodynamique pouvaient s'expliquer en termes mécaniques. Toutefois, en considérant qu'un gaz est constitué de particules en mouvement, il ne saurait être question de décrire son état par le menu. Seule une approche d'ensemble est envisageable, ce qui relève de la mécanique statistique, créée à cette occasion par l'Autrichien Ludwig Boltzmann (1844-1906).
Quelques grands traits de cette période ont été relevés en passant : rôle majeur de la notion de force, concurrencée ensuite par celles de champ et d'énergie ; importance des phénomènes ondulatoires également, le succès des théories mathématiques pouvant s'accompagner de l'échec des tentatives mécanistes d'explication.

Un autre trait dominant de la physique classique est l'affirmation du déterminisme : si l'on connaît des lois qui s'appliquent à un système, ainsi que sa situation exacte à un instant donné, on peut prévoir son évolution avec toute la précision voulue ; ceci sous la double réserve de pouvoir résoudre les équations qui se présenteraient et d'avoir la patience d'effectuer les calculs. En d'autres termes, rien ne peut venir modifier le cours nécessaire des choses. Un dernier aspect qui mérite d'être relevé est l'unité attribuée au cosmos. Quoique la science sache se passer de l'hypothèse de l'existence d'une divinité législatrice, elle admet que la nature est soumise à des lois universellement valides. C'est un grand changement par rapport à ce qui avait prévalu jusqu'à la Renaissance. Dans la tradition aristotélicienne, ce qui se passe sur la Terre et dans tout le monde sublunaire est à peu près insaisissable, à l'opposé du monde mathématisable qui est celui des astres. C'est à Galilée et à Descartes que l'on doit d'avoir promu, au début du xviie s., la nouvelle conception du monde.

Les révolutions modernes

Au début du xxe s., un premier bouleversement a résulté de l'élaboration des théories de la relativité par Albert Einstein (1879-1955). La relativité restreinte est une nouvelle mécanique, à laquelle l'électromagnétisme fournit une partie de ses bases. Elle a débouché sur la maîtrise de l'énergie nucléaire et elle s'est révélée indispensable dans les expériences où les particules n'ont pas une vitesse négligeable par rapport à celle de la lumière. La relativité générale se présente, quant à elle, comme une nouvelle conception des rapports entre espace et matière.
Une seconde révolution, non moins importante, est venue à la suite de la découverte des atomes et de leurs constituants. Elle a emprunté deux voies, qui se sont rapidement rejointes, la mécanique ondulatoire et la mécanique quantique, cette dernière imposant son nom. Il est apparu que la description des édifices atomiques et de leurs interactions avec les ondes électromagnétiques exigeait une mécanique toute nouvelle, dans laquelle la grandeur qui prime est celle d'énergie. Cette dernière, surtout, ne peut plus varier continûment, mais seulement par quantités bien déterminées. Ces quanta purent être mis en relation avec différents aspects des atomes. Ils livrèrent notamment la clef des spectres d'émission des corps et de leur caractère discret.

D'autre part, Einstein ayant établi que le rayonnement électromagnétique n'est pas seulement une onde, mais qu'il possède aussi un aspect corpusculaire, Louis de Broglie (1892-1987) appliqua l'idée à la matière en l'inversant : à toute particule il fallait désormais associer une onde. Cette mécanique ondulatoire une fois confirmée expérimentalement, tout – matière et rayonnement – était à la fois onde et corpuscule, apparaissant sous l'une ou l'autre des deux formes selon l'expérience effectuée.
Le physicien allemand Werner Heisenberg (1901-1976) montra que cette nouvelle mécanique comportait un aspect indéterministe : la position et le mouvement d'une particule ne peuvent être connus ensemble avec toute la précision voulue. Cet aspect disparaît au niveau macroscopique, celui de nos perceptions, où les objets sont composés d'un nombre très grand de particules. La mécanique quantique est appropriée au microscopique, c'est-à-dire à l'atome et aux particules qui le constituent.
Les particules ont été, tout au long du xxe s., l'objet privilégié de la physique : elle les a classées et elle a souvent prévu leur existence avant de la vérifier expérimentalement.

La physique actuelle
Compte tenu des diverses réorganisations qui ont touché la physique, voici le tableau que l'on peut brosser de l'état actuel de cette science.

Principales branches
La mécanique utilisée est, selon les situations étudiées, rationnelle (ou newtonienne), statistique, relativiste (en deux sens différents) ou encore quantique. De cette dernière relève la science des atomes et des particules subatomiques, mais aussi, un peu, le rayonnement électromagnétique. On sait que l'acoustique et la statique ne sont plus que de toutes petites branches dans cet ensemble, alors que la thermodynamique peut être vue comme un prolongement de quelque importance.
L'électromagnétisme, de son côté, reste la science des phénomènes qui lui ont donné son nom. L'intégration de l'optique en a fait une branche de grand poids, une sorte de rivale de la mécanique, capable d'imposer à l'occasion la prééminence de ses lois.
La physique atomique étudie la structure de l'édifice atomique, des molécules et des cristaux. Le cortège électronique, responsable des liaisons entre atomes, en constitue donc un domaine de choix. La physique nucléaire se consacre à la constitution des noyaux, et donc au proton et au neutron, qui sont ses deux constituants principaux ; la radioactivité en relève puisqu'elle consiste en des transformations de noyaux. À un autre échelon, la physique des particules étudie les constituants des nucléons, les six quarks principalement. Elle porte aussi sur des particules qui ne sont pas des constituants mais qui accompagnent systématiquement les phénomènes d'interaction qui se produisent entre les autres nucléons.
On peut remarquer que l'astronomie a gagné son autonomie. Elle est l'application de la physique à l'univers céleste, avec tout ce que celui-ci a de singulier, alors que la physique se veut science du général. Pour ce qui est de la cosmologie, c'est une tentative pour se faire une idée de l'Univers dans sa globalité, y compris son évolution.
La chimie s'occupe quant à elle, au delà des apparences sensibles (ou macroscopiques), des arrangements d'atomes. Dans une réaction chimique, les molécules et autres modes de groupements des atomes sont transformés : les uns disparaissent, d'autres apparaissent. Les atomes, en revanche, sont conservés. Tout au plus gagnent-ils ou perdent-ils des électrons. Ainsi la chimie se présente-t-elle, dans une visée toute théorique, comme un prolongement de la physique atomique. Elle n'est pas la science du plus petit puisque c'est la physique nucléaire qui est en charge de la transformation des noyaux, et que l'on trouve, en dessous de celle-ci, le niveau des particules dites « élémentaires ».

Principaux objets d'étude
La physique prend pour objets d'étude des corps, immenses ou minuscules. Dans ce dernier cas, elle les appelle corpuscules, ou particules. Mais elle ne peut pas les appréhender comme des corps qui seraient seulement très petits. Non seulement les propriétés ne se retrouvent pas toutes, mais il faut les aborder à l'aide de théories différentes : mécanique quantique et non plus newtonienne. Outre cela, il faut associer des aspects dont on ne sait pas vraiment comment les intégrer : les corpuscules semblent être aussi des ondes. Inversement, des objets d'étude tels que la lumière, à l'aspect ondulatoire incontestable, en sont venus à se présenter aussi comme des particules. Sous ce rapport les ondes ont pris une importance imprévue, et l'unité de la physique en a été mise à mal.
Les physiciens étudient aussi les interactions, c'est-à-dire les forces que l'on rencontre universellement : la gravité entre les masses ; l'interaction électromagnétique, entre les charges ; l'interaction forte entre les quarks et entre les nucléons ; l'interaction faible entre des particules légères. Chacune suit ses lois, mais on a commencé d'unifier ce domaine. Les physiciens ont bon espoir de parvenir à une théorie unique des interactions. Le champ, objet apparu au xixe s., est corrélatif de l'interaction puisque c'est une région de l'espace, éventuellement vide de matière, où une particule subit une force lorsqu'on l'y place.
La liste des objets principaux de la physique ne serait pas complète sans cette grandeur singulièrement protéiforme qu'est l'énergie. Les corps en possèdent, de divers types ; les ondes aussi. Mais elle n'est plus tout à fait cette grandeur qui se conserve en toutes circonstances puisque la masse peut disparaître en donnant de l'énergie, et inversement.

La physique, les autres sciences et les techniques


La physique a toujours entretenu une relation d'échange avec les mathématiques. Celles-ci, par leurs développements, l'aident à avancer et, dans l'autre sens, la physique est source de problèmes à résoudre. Certains, comme le problème des trois corps, résistent encore : dans le cas général, on ne sait toujours pas trouver les équations exactes des trajectoires de trois corps interagissant par l'attraction universelle.
Avec les sciences de la nature, la physique est plutôt donneuse. Si l'astronomie a apporté une contribution décisive à la conception de la Nature, puis à la découverte de l'attraction universelle, elle profite grandement depuis des progrès de la physique. À toutes les sciences, la physique apporte d'abord ses lois, auxquelles elles doivent se plier mais sur lesquelles elles peuvent aussi s'appuyer. C'est elle également qui est en charge désormais de la métrologie, science des mesures. Le mètre et la seconde se définissent maintenant par l'atome et par le rayonnement.
Quant aux applications d'ordre technique, nous les voyons déferler – à l'échelle de l'histoire de l'humanité, le mot n'est pas trop fort – dans tous les aspects matériels qui conditionnent nos vies : maîtrise de l'énergie et des transports, télécommunications, électronique, etc., sont des retombées directes des découvertes réalisées par les physiciens. Les techniques, à leur tour, fournissent des outils nouveaux à la physique expérimentale : instruments de mesure, machines, véhicules spatiaux. Le cas le plus remarquable actuellement est sans doute celui des accélérateurs, installations vastes et complexes nécessaires pour briser les particules. Les pays industrialisés n'ont guère lésiné, ces dernières décennies, pour les réaliser.

 

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LA GUERRE DE CENT ANS ( 1337-1453 )

 

 

 

 

 

 

 

guerre de Cent Ans (1337-1453)

Conflit qui a opposé la France (des Valois) à l'Angleterre (des Plantagenêt puis des Lancastre).
De 1337 à 1453, la rivalité entre les royaumes de France et d'Angleterre, vieille de plus de deux siècles, se manifeste par une série de guerres entrecoupées de longues trêves : c'est ce que l'on appelle, improprement, la guerre de Cent Ans. Sur ce conflit majeur se greffent des conflits secondaires qui impliquent les alliés des deux souverains (Aragon, Castille, Écosse, princes des Pays-Bas et d'Allemagne rhénane), les papes et, dans la succession des guerres civiles, les grands féodaux français et anglais.
Coupée par une longue période de trêves (1388-1411), la guerre de Cent Ans se divise, en réalité, en deux temps essentiels (1337-1388 et 1411-1453), au cours desquels la marée anglaise, après un premier flux victorieux (1338-1360 et 1411-1435), connaît un reflux presque total, et le second s'avérant décisif (1360-1388 et 1435-1453).

1. Les origines du conflit
Au-delà des luttes féodales, et même si son prétexte est dynastique, la guerre de Cent Ans est en réalité l'expression du premier grand conflit de deux États souverains en Europe.

1.1. Le legs normand et angevin
En 1066, le duc Guillaume de Normandie (dit Guillaume le Conquérant) conquiert l'Angleterre et en devient roi, créant ainsi la dynastie anglo-normande. Sa victoire pose un problème insoluble car, en tant que duc de Normandie, il reste le vassal du roi de France et, en tant que roi, il est souverain en Angleterre. La puissance des rois anglo-normands s'accroît avec Henri II Plantagenêt (1154-1189), qui apporte l'Anjou, le Maine, la Touraine et, par son épouse Aliénor, l'Aquitaine. Les possessions anglaises en France sont une véritable menace pour la dynastie capétienne. Cependant, les victoires de Philippe II Auguste sur Jean sans Terre au début du xiiie siècle ne laissent aux rois anglais qu'une partie de l'Aquitaine, dont la Guyenne (déformation dialectale du mot « Aquitaine »). En 1259, dans un esprit de justice féodale, Louis IX (Saint Louis) ratifie cette possession par le traité de Paris.

1.2. L’affirmation des monarchies nationales
Peu après le traité de Paris de 1259, les fondations administratives et politiques de l'État moderne se mettent en place autour de deux grandes institutions : le Parlement en Angleterre et en France, ainsi que la Chambre des comptes en France ; l'État est déclaré souverain aux dépens de l'autorité pontificale ; un système fiscal national est mis au point.

1.3. Les affaires de Flandre et de Guyenne
Cependant, des conflits éclatent en Guyenne et en Flandre. En Guyenne, Philippe IV le Bel (1285-1314) affaiblit Édouard Ier (1272-1307) en acceptant de recevoir les « appels » sur les décisions de justice rendues par le parlement de Paris. En Flandre, où la fabrication des étoffes dépend des laines anglaises, les intérêts anglais et français se mêlent aux luttes sociales qui éclatent entre bourgeois et artisans.
Par ailleurs, les rois de France apportent leur soutien au roi d'Écosse Robert Bruce (1306-1329) pour chasser les Anglais qui occupent son territoire et restaurer l'indépendance écossaise. La solution féodale préconisée par Saint Louis est source d'ambiguïtés et peut donner prétexte à un affrontement entre les deux États.

1.4. Les origines dynastiques

En 1316, ayant obtenu que les femmes soient écartées de la succession royale, Philippe V, deuxième fils de Philippe le Bel, succède à son frère aîné Louis X, mort sans héritier mâle. Il en est de même en 1322, lorsque Charles IV (dernier fils de Philippe le Bel) accède au trône.
Mais en 1328, la lignée des rois capétiens s'éteint à la fin du règne de Charles IV. Seul prétendant de la lignée masculine, Philippe de Valois est le neveu de Philippe le Bel ; le roi Édouard III d'Angleterre, fils d'Isabelle de France (la fille de Philippe le Bel) et du défunt roi Édouard II, est également prétendant au trône par la lignée féminine.

Les nobles français choisissent Philippe VI de Valois, homme mûr, et surtout « né du royaume » ; le jeune Édouard III, dont le pouvoir est encore chancelant, prête sans difficultés hommage pour ses fiefs français en 1329, réservant ses prétentions dynastiques comme arme diplomatique dans les affaires de Guyenne. En 1333, les négociations ont presque abouti, mais Philippe VI lutte pour intégrer l'Écosse au traité. Édouard III, pour surmonter ses difficultés et se dégager du lien vassalique contraignant avec la France, cherche de nouveau à conquérir le trône de France, qu'il revendique officiellement le 7 octobre 1337.

2. Le temps des victoires anglaises (1337-1360)

La guerre de Cent Ans, 1338-1350
L'Angleterre, plus petite et trois fois moins peuplée que la France, est mieux administrée, et la participation active de spécialistes de haut niveau permet aux souverains de réunir des moyens considérables. La conquête du pays de Galles et les guerres d'Écosse ont, en outre, permis la modernisation de l'armée.

2.1. La mobilisation diplomatique anglaise

À partir de 1336, les dispositifs de guerre s'intensifient. Édouard III profite des luttes d'influence au sein de la noblesse française et accueille Robert d'Artois qui, spolié de son héritage féodal et convaincu de malversations juridiques, s’est réfugié à Londres où il renseigne le roi sur la cour de France. C’est dans ce contexte que Philippe VI de Valois confisque la Guyenne au roi d’Angleterre. Mais les opérations militaires, trop souvent entrecoupées de trêves, sont vouées à l'échec. Les deux adversaires manquent de moyens. Édouard III ne peut financer l'offensive diplomatique qu'il a lancée en direction du Saint Empire et des Pays-Bas. Cependant, le 24 juin 1340, son alliance avec les Flamands lui permet de remporter la bataille navale de L'Écluse, qui assure aux Anglais le contrôle de la mer pour de longues années.
Édouard III soutient aussi Jean de Montfort, prétendant au trône de Bretagne, contre Charles de Blois. Au prix d'importantes concessions politiques, il réussit à gagner la confiance de l'aristocratie anglaise et exerce dès 1345 une forte pression militaire en Bretagne et en Guyenne alors que, en France, Philippe VI suscite une méfiance grandissante. La guerre de Succession de Bretagne va durer de 1341 à 1364.


Les Anglais portent la guerre en France en 1346. Menant à travers la Normandie une chevauchée (expédition destinée à piller les pays traversés), Édouard III est accroché lors de sa retraite : l'armée anglaise inflige à la bataille de Crécy (26 août 1346) une sanglante défaite aux Français. En août 1347, au terme d’un siège de onze mois, Édouard III prend Calais, désormais porte d'entrée des Anglais en France jusqu’en 1558. Au même moment, ses adversaires, David Bruce (roi d'Écosse) et Charles de Blois (prétendant au trône de Bretagne), tombent entre ses mains. De surcroît, de 1347 à 1349, l'épidémie de peste noire qui ravage l'Europe tue près du tiers de la population et limite la fréquence des com.

2.3. Poitiers et la crise de la monarchie française

Jean II le Bon, qui succède à Philippe VI en 1350, se heurte à un nouvel adversaire, son cousin Charles le Mauvais, comte d'Évreux et roi de Navarre, fils de Philippe d'Évreux et de Jeanne de Navarre elle-même fille de Louis X, qui estime avoir été spolié de la couronne par la mise à l’écart des femmes de la succession royale en 1316. Jean le Bon le fait arrêter en 1356. En 1355 et 1356, Édouard de Woodstock (fils d'Édouard III), dit le Prince Noir, mène deux expéditions à partir de la Guyenne. En 1356, les Anglais remportent une première victoire sur les Français, à la bataille de Poitiers (19 septembre 1356) au cours de laquelle le roi Jean le Bon est fait prisonnier. La défaite, imputée à la couardise des nobles, déclenche des troubles en France, où les exigences fiscales de la monarchie, présentées en 1356 aux états de langue d’oïl (nord de la France), sont contestées.

Divers mouvements de résistance vont s'organiser : la Jacquerie en Île-de-France et la prise du pouvoir à Paris par Étienne Marcel, le prévôt des marchands. En 1358, le dauphin Charles, qui gouverne en l'absence de son père Jean le Bon, échappe à Étienne Marcel, qui est assassiné. C'est Charles le Mauvais qui écrase les jacques.

2.4. Le traité de Brétigny (1360)
En 1360, Édouard III et Charles V signent les préliminaires du traité de Brétigny. Le roi d'Angleterre reçoit le Poitou, le Limousin, le Périgord, le Quercy, le Rouergue, mais doit renoncer à la couronne de France. La rançon royale est fixée à trois millions d'écus. Cependant, les engagements pris par les deux rois ne seront jamais respectés.

3. Le rétablissement français (1360-1380) et les prolongements européens

3.1. Les campagnes de Du Guesclin
La fin des conflits collatéraux

En Guyenne se pose toujours la question de la souveraineté. Or, après le traité de Brétigny, la situation française se renforce. En Bretagne, en 1364, la mort de Charles de Blois à la bataille d'Auray assure certes le pouvoir à Jean IV de Montfort, candidat des Anglais, mais dégage la France d’un conflit collatéral épuisant.
La même année, le connétable Bertrand du Guesclin écrase les troupes de Charles le Mauvais à Cocherel et entraîne vers l'Espagne, en 1367, les Grandes Compagnies qui dévastaient le pays. De plus, Édouard III d’Angleterre, trop âgé, et le Prince Noir, malade, ne peuvent poursuivre l'effort de guerre.

La reconquête française

En 1369, la guerre reprend sur ordre du nouveau roi de France, Charles V (1364-1380), et à la demande de deux seigneurs gascons, le comte d'Armagnac et le sire d'Albret. Les troupes de Du Guesclin et de Charles V avancent inexorablement. Elles épuisent les chevauchées anglaises en dévastant tout devant elles et assiègent l'une après l'autre les garnisons anglaises. En 1380, il ne reste aux Anglais que Calais et, en Guyenne, les régions de Bordeaux et de Bayonne.

3.2. Le jeu des alliances
Par le jeu des alliances et des ruptures, et à travers le jeu des médiations et des négociations sans cesse reprises, la guerre a gagné toute l'Europe occidentale, jusqu'à la papauté.
L’Écosse
En Écosse, les dynasties des Bruce et des Stuart sont toutes deux anti-anglaises. Les Écossais sont continuellement en guerre, et la zone frontière représente une menace constante pour l'Angleterre du Nord, souvent dévastée. Malgré les échecs répétés dans les batailles rangées, et malgré la longue captivité à Londres de leurs rois David II (1329-1371) et Jacques Ier (1406-1437), les Écossais fixent d'importantes forces dans le Nord et fournissent aux rois de France dans la dernière phase de la guerre (sous Charles VII puis Louis XI) des troupes solides et aguerries.

La Flandre

En 1338-1340, lorsqu'il s'installe en Flandre, Édouard III (gendre du comte de Hainaut voisin de la Flandre en terre d’Empire) essaie de tisser un réseau d'alliances avec le parti populaire des grandes villes flamandes et avec un certain nombre de princes, notamment l'empereur Louis IV de Bavière. Ses déboires financiers et la chute du chef bourgeois Jacob Van Artevelde ruinent ses efforts. Le mariage de Philippe le Hardi (dernier fils du roi Jean II le Bon), devenu duc de Bourgogne, avec Marguerite (héritière du comte de Flandre), ainsi que sa victoire sur les Flamands à la bataille de Rozebeke en novembre 1382 rétablissent le contrôle français sur la Flandre.

La Bourgogne

Les successeurs bourguignons du duc Philippe le Hardi – Jean sans Peur, Philippe le Bon et Charles le Téméraire – constituent pour leur compte une importante réunion d'États qui menace la Lorraine, Cologne et les villes d'Alsace pour constituer un unique et vaste ensemble territorial : la Bourgogne. En 1419, l'assassinat du duc Jean sans Peur et les difficultés que rencontrent ses successeurs à la cour de France poussent les ducs de Bourgogne à s'allier aux Anglais, ce qui, de 1413 à 1435, représente un péril supplémentaire pour les rois de France.

La Castille
Dans la péninsule Ibérique, le roi de Castille, Pierre le Cruel, et son demi-frère, Henri de Trastamare, se livrent une guerre sans merci ; le premier est soutenu depuis l'Aquitaine par le Prince Noir, tandis que le second obtient le soutien des routiers français commandés par Bertrand du Guesclin. En 1369, la victoire du Trastamare à Montiel assure à la France le soutien décisif de la marine castillane. Il n’en demeure pas moins que le frère du Prince Noir (Jean de Gand, duc de Lancastre) revendique un temps le trône de Castille, en tant qu’époux de la fille de Pierre le Cruel.
3.3. La guerre et le grand schisme d'Occident

En 1309, la papauté s'est installée à Avignon, dans l’Empire, mais aux portes du royaume de France. Les papes, tous français, cherchent à ramener la paix et à porter secours au roi de France, notamment grâce à une aide financière. Aussi en 1378, lors du retour de la papauté à Rome et au moment de l'élection d'Urbain VI, un schisme éclate-t-il : Français et Espagnols prennent parti pour l'adversaire d'Urbain VI, Clément VII, qui reste à Avignon ; les Anglais et l'empereur, ainsi que la plupart des Italiens, soutiennent au contraire Urbain VI. La guerre est ainsi directement liée au grand schisme d’Occident, qui prendra fin en 1418 avec le concile de Constance.

4. Le temps des trêves (1388-1411) et les difficultés de la paix
Les trêves officielles comme les périodes de paix entre la France et l'Angleterre sont mouvementées et parfois plus difficiles à vivre pour les deux peuples que les périodes de guerre.

4.1. Les routiers
Souvent membres de la petite noblesse, cadets de famille ou bâtards, les soldats mercenaires ne reçoivent plus d'argent lorsque la guerre cesse ; alors ils poursuivent leurs activités pour leur propre compte. En 1361, le connétable de France Jacques de Bourbon est battu et tué à Brignais par des routiers rebelles. La plupart des Grandes Compagnies sont entraînées en Espagne par Du Guesclin. Les dernières bandes sont anéanties dans le Massif central en 1390-1391. Vers 1430, et pour les mêmes raisons, les routiers, appelés « écorcheurs », sèment la terreur et tuent. En 1445, une grande partie d'entre eux est intégrée dans l'armée permanente de Charles VII. Les autres doivent se disperser.

4.2. Finances et conséquences économiques
Le poids de l’impôt
La guerre n'est plus celle du seigneur, mais celle de l'État, donc, en principe, celle de tous. Le roi défend le pays et les biens de ceux qui vivent dans son royaume. Tel est le discours utilisé pour obtenir des notables, qui représentent le peuple, le consentement à payer l'impôt. D'abord exceptionnel et justifié par une situation d'urgence, l'impôt de guerre devient régulier dans le courant du xive siècle. Le prélèvement de l'impôt régulier s'étend bientôt, et de façon permanente, aux périodes de paix. Le processus est plus rapide en Angleterre, mais le Parlement conserve un grand pouvoir de marchandage. À partir de 1440, en France, la monarchie fixe le montant de l'impôt sans tenir compte des états (états de langue d'oïl et états de langue d'oc, voire tout simplement assemblées urbaines). La guerre apparaît ici comme le moteur de l'évolution de l'État. Le prélèvement fiscal, souvent très lourd pour le peuple, s'ajoute aux méfaits de la guerre.

Les conséquences économiques
Il est impossible à chiffrer, mais l'économie de la France est bouleversée. Les dévastations aggravent la crise des campagnes : les paysans, frappés de plein fouet par l’épidémie de peste noire de 1348, désertent les campagnes ruinées ; la population diminue de moitié en France et en Angleterre entre 1300 et 1430.
Si tout n'est pas directement imputable à la guerre, il est certain qu'elle amplifie le phénomène de pénurie, compte tenu de l'impôt dont elle est le prétexte et qui achève d'étouffer les paysans. Les seigneuries ne rapportent plus, et les petits nobles sont d'autant plus enclins à s'engager dans la guerre que leurs soldes et les rançons de leurs prisonniers feront leur fortune.
Mais la guerre entraîne aussi des progrès dans la métallurgie et la chimie, et la construction des fortifications des villes et des châteaux procure beaucoup de travail. Enfin, les opérations se sont déroulées en France, qui a donc beaucoup plus souffert que l'Angleterre. Celle-ci a peut-être retiré quelques profits de la guerre, comme le montrent les fortunes de certains capitaines, tel sir John Fastolf (le Falstaff de Shakespeare).

4.3. Guerres civiles et soulèvements populaires
La compétition au sommet de l’État
L'argent de l'impôt de guerre, les emplois (militaires, administratifs, politiques) et le pouvoir qu'il procure transforment la structure de la société politique. À la relation féodale seigneur-vassal, fondée sur la terre, se substitue une relation dans laquelle le seigneur paie son fidèle et lui assure, en outre, l'accès à la puissance d'État en même temps qu'il le protège contre elle. Pour ce faire, le seigneur doit avoir lui-même un protecteur aussi haut placé que possible, par exemple au Conseil du roi. En France comme en Angleterre, des partis aristocratiques s'affrontent, dirigés en général par des princes de sang royal, affichant une volonté de réforme, mais en réalité engagés dans une ardente compétition.

Les guerres civiles
En temps de guerre, l'impôt est abondant, l'affrontement moins sévère. En temps de paix, surtout dans le royaume vaincu, il dégénère en guerre civile : en France, dans les années 1350-1365, Navarrais contre hommes du roi (puis du Dauphin) ; au xve siècle, Armagnacs contre Bourguignons, à la suite de la lutte du duc Louis d'Orléans frère du roi Charles VI, contre Jean sans Peur, duc de Bourgogne, pour le contrôle du Conseil du roi, marquée par l'assassinat du premier en 1407 ; en 1440, révolte des princes contre Charles VII (→ la Praguerie) ; en Angleterre, les appelants contre Richard II, la révolte de Henri de Lancastre, qui renverse Richard II et monte sur le trône en 1399, et enfin la guerre des Deux-Roses qui fait suite à la guerre de Cent Ans et consiste en une série de conflits isolés entre 1455 et 1485.

Les révoltes populaires
Provoquées soit par la levée des impôts, soit par des réactions antinobiliaires, les révoltes populaires sont nombreuses et violentes dans les campagnes : Jacquerie des paysans d'Île-de-France (1358), révolte des tuchins du Languedoc (vers 1360-1382), révolte paysanne conduite par Wat Tyler en Angleterre (1381). Elles sont également urbaines, telles que le mouvement dirigé par Étienne Marcel (1357-1358), la révolte des maillotins de Paris et la harelle de Rouen (1382) et l’émeute cabochienne (→ Cabochiens, 1411-1413) à Paris, la Grande Rebeyne (1436) à Lyon, etc.

5. Henri V d’Angleterre et la double monarchie (1413-1429)

À la mort de Charles V, l'Angleterre et la France connaissent de graves crises politiques ; atteint de folie, Charles VI ne peut s'opposer aux partis aristocratiques menés par ses oncles ou par son frère, Louis d'Orléans. Pour sa part, Richard II, petit-fils et successeur d’Édouard III, s'entend mal avec ses nobles : il est déposé et assassiné en 1399 par Henri IV de Lancastre, qui a beaucoup de mal à stabiliser son pouvoir. Son successeur, Henri V, soldat expérimenté, galvanise les énergies anglaises et profite des divisions françaises.

5.1. Azincourt et la conquête de la Normandie
La déroute française

Tandis que la guerre civile sévit en France de 1412 à 1414, Henri V débarque en Normandie en septembre 1415, s'empare de Harfleur et se met en route pour Calais, reprenant la tradition des chevauchées anglaises. Oublieuse des leçons de Bertrand du Guesclin, l'armée française le rejoint et se fait écraser à la bataille d’Azincourt, le 25 octobre 1415 : la noblesse française (surtout armagnaque) est décimée, et le duc Charles d'Orléans est fait prisonnier. Le prestige du vainqueur est immense ; il reçoit l'appui de l'empereur Sigismond, et le duc de Bourgogne négocie avec lui.

L’entente anglo-bourguignonne
De 1415 à 1419, Henri V conquiert la Normandie, tandis qu'en France les dissensions s'exaspèrent : au gouvernement du dauphin Charles, défendu par les Armagnacs, s'oppose celui de la reine Isabeau de Bavière, soutenue par les Bourguignons qui, en mai 1418, l'installent à Paris avec Charles VI. Pour sa part chassé de la capitale, le Dauphin (futur Charles VII) s'installe à Bourges où, en 1419, il rencontre le duc de Bourgogne. Mais Jean sans Peur est assassiné par les hommes du Dauphin. Son successeur, Philippe le Bon, s'entend avec Henri V et le gouvernement de Paris (Charles VI et Isabeau).

5.2. Le traité de Troyes

Henri V veut la couronne de France. En mai 1420, le traité de Troyes la lui donne : le royaume reviendra à Henri V et à ses héritiers après la mort de Charles VI, l'actuel roi. Le dauphin Charles est déshérité. Henri V épouse Catherine de Valois, fille de Charles VI. Il reconnaît la position du duc de Bourgogne et jure de respecter les coutumes du royaume de France, qui reste distinct de celui d'Angleterre.
Une double monarchie naît de ce traité, même si, dans les faits, la France est divisée en trois (la Bretagne étant à part) : les Anglo-Français gouvernent la Guyenne, la Normandie, Paris et sa région, dominant bientôt jusqu'à la rive nord de la Loire ; le duc de Bourgogne contrôle, outre ses domaines, la Picardie et la Champagne ; le Dauphin se maintient dans le reste du pays. La mort de Henri V en août 1422 et celle de Charles VI en octobre de la même année ne modifient pas cette structure : frère de Henri V, le duc de Bedford, installé à Paris, est régent de France pour le compte de son neveu Henri VI, âgé d'un an.

5.3. La double monarchie
La double monarchie était-elle viable ? Non sans talent et profitant des sympathies bourguignonnes d'une partie de l'élite, le duc de Bedford rend son gouvernement acceptable à Paris et en Normandie, même si une résistance paysanne apparaît dans cette province. Sur le plan militaire, il étend le contrôle anglais sur le Maine, les marges de l'Anjou, mais il reste prudent. Poussant vers la Loire, l'armée anglaise est victorieuse en 1423 à Cravant, et en 1424 à Verneuil ; en 1428, le comte de Salisbury assiège Orléans. Mais le duc de Bedford ne peut surveiller l'Angleterre : son frère Humphrey, duc de Gloucester, tente une offensive contre le Bourguignon Philippe le Bon (allié et beau-frère de Bedford). Au même moment, la faction des Armagnacs, directement responsable du meurtre de Jean sans Peur, est écartée du pouvoir à Bourges. L'alliance anglo-bourguignonne résiste encore, mais elle est minée.

6. La reconquête et la victoire française (1429-1453)
Le renversement de la situation en faveur du roi de Bourges va être moins ressenti comme le résultat du changement de camp du duc de Bourgogne que comme celui de l'intervention, « miraculeuse », de Jeanne d'Arc, la « Pucelle d'Orléans ».
6.1. L’épopée de Jeanne d'Arc et Charles VII

       

La cour de Bourges, où des factions s'affrontent, est paralysée : l'issue du siège d'Orléans est redoutée, car l'armée de Charles VII, piteusement mise en déroute par les Anglais en février 1429 lors de la journée des Harengs, est incapable de dégager la ville. Mais une jeune Lorraine, Jeanne d'Arc, arrive à la cour ; elle communique au roi une partie de la foi qui l'habite. Galvanisant les énergies, elle se joint à l'armée de secours en partance pour Orléans : le 8 mai, la ville est délivrée, puis Jargeau tombe et, enfin, l'arrière-garde anglaise est battue à la bataille de Patay le 18 juin.

Si le rôle de Jeanne d'Arc est plus psychologique que strictement militaire, c'est elle qui décide le sacre de Charles VII à Reims, formidable victoire idéologique qui démontre où est la vraie légitimité. Partis de la Loire, Charles VII et sa cour, malgré les Bourguignons, gagnent Reims, où le sacre est célébré le 17 juillet 1429. Champagne, Brie et Soissonnais se soumettent au roi, dont l'armée n'échoue que devant Paris. Jeanne d'Arc, prise par les Bourguignons à Compiègne, est livrée aux Anglais qui, après sa condamnation par l'Église, la brûlent à Rouen le 30 mai 1431.

6.2. La fin de l'alliance anglo-bourguignonne
L'alliance avec l'Angleterre apparaît dangereuse à Philippe le Bon, d'autant que la situation financière et militaire des Anglais se détériore. La réconciliation franco-bourguignonne s'effectue en août 1435 au traité d'Arras : Charles VII ne cède rien sur les principes, et Philippe le Bon garde le contrôle effectif des territoires qu'il a conquis pendant la guerre. Peu après, la haute Normandie se révolte contre les Anglais et Paris s'ouvre aux Français en 1436.

6.3. La reconquête de la Normandie
Les faiblesses françaises
La situation financière anglaise est désastreuse, et la lutte des factions s'exacerbe au Conseil du roi entre le parti de la diplomatie (dirigé par le duc de Suffolk) et celui de la guerre (mené par Humphrey de Gloucester) : en 1444, Suffolk négocie un mariage entre Henri VI et une princesse française, Marguerite d'Anjou ; en 1447, il fait arrêter Gloucester, qui meurt peu après. Mais, malgré les trêves de 1448, les finances anglaises restent fragiles. L'opinion publique demeure pourtant hostile à tout abandon de territoire.

La réassurance française

Pour sa part, la monarchie française surmonte ses handicaps : après la révolte des chefs aristocratiques, la Praguerie, en 1440, à laquelle le dauphin Louis (Louis XI) adhère, une trêve générale est conclue en 1444. L'administration royale, qui quitte Poitiers et Bourges où elle était repliée, est réorganisée à Paris, et la fiscalité est stabilisée. De plus, les ordonnances de 1439 et de 1445 dotent le roi d'une armée permanente composée de compagnies de gens d'armes (les compagnies d'ordonnance), renforcée par une artillerie réorganisée et une infanterie auxiliaire de francs archers ; surtout, elles mettent fin aux exactions des routiers.

Durant l'été 1448, les Anglais abandonnent le Maine. Ils s’aliènent ensuite le duc de Bretagne en prenant Fougères (1449). C'est le signal de la reconquête : la Normandie tombe après la bataille de Formigny (1450).

6.4. La reconquête de la Guyenne
La crise anglaise
La perte de la Normandie provoque une crise profonde en Angleterre : le duc de Suffolk, mis en accusation devant le Parlement, est exécuté. Le lieutenant du roi en Normandie, Somerset, est accusé d'incurie par le duc d'York, son prédécesseur ; la lutte des factions fait rage, d'autant plus dangereuse que le duc d'York est un descendant plus direct de Richard II (déposé en 1399) que Henri VI. L'afflux des réfugiés normands et des soldats débandés crée une situation sociale explosive : la révolte de Jack Cade embrase le Kent avant d'atteindre Londres et le sud-est de l'Angleterre. Le royaume est au bord de la guerre civile.

La prise de Bordeaux
Mais en Guyenne, la population est favorable au roi d'Angleterre, de même qu'en la riche ville de Bordeaux, dont l'exportation du vin outre-Manche fait la prospérité. Si Bordeaux se rend une première fois en 1451, John Talbot la reprend dès 1452. Mais ses troupes ne peuvent résister à l'armée française et à son artillerie : il est écrasé et tué le 17 juillet 1453 à la bataille de Castillon. Les Anglais ne disposent plus en France que de Calais.
La fin effective de la guerre (1453)
En fait, bien qu'aucun accord n'ait été signé par les Français et les Anglais avant la conclusion de la paix de Picquigny, le 29 août 1475, et bien que Calais soit restée la possession de ces derniers jusqu'en 1558, la guerre de Cent Ans est achevée après la dernière bataille de 1453.
7. Bilan de la guerre de Cent Ans
7.1. L’affirmation des nations

Exceptionnelle par sa durée, traditionnelle par ses mobiles (féodaux ou dynastiques) et souvent par ses méthodes (charges folles de la chevalerie), idéologique par ses buts affirmés (défendre une cause juste), la guerre de Cent Ans a été coupée d'innombrables trêves qui ont limité à un maximum de sept ans la durée des combats continus entre les forces des deux royaumes. Elle a développé la xénophobie réciproque de leurs deux peuples et contribué par là même à exalter chez eux un nationalisme virulent qui s’est renforcé de la rupture de l'unité linguistique (le française était la langue de la cour anglaise jusqu’à la fin du xive siècle). Le conflit a favorisé, par contrecoup, la naissance du sentiment national, dont la base est ce « patriotisme instinctif » dont parle Bernard Chevallier et dont Jeanne d'Arc est la principale illustration.

7.2. Des conséquences socio-économiques contrastées
Coûteuse en hommes, particulièrement éprouvante pour la noblesse française (décimée à Crécy, à Poitiers et à Azincourt), favorisant par contrecoup la mobilité géographique et sociale des hommes, la guerre de Cent Ans a eu des conséquences économiques diamétralement opposées pour les deux belligérants, l'Angleterre ayant pu développer sa production agricole et industrielle à sa faveur, alors que celle de la France s’est trouvée gravement amputée par les combats livrés sur son sol. Mais alors que son issue a entraîné le regroupement du baronnage anglais contre la monarchie anglaise, regroupement en partie responsable de la guerre des Deux Roses, elle a contribué en revanche à accélérer l'unification institutionnelle du royaume de France, et donc sa marche vers l'absolutisme, sans pour autant faire disparaître les particularismes locaux.

 

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Période de l'histoire humaine qui a précédé l'apparition de l'écriture.

Histoire de la préhistoire
Introduction

L'existence de l'homme préhistorique et de ses industries a été entrevue, affirmée puis pleinement confirmée grâce à diverses recherches ou découvertes faites séparément par des sciences comme la géologie, la paléontologie, l'ethnologie et l'anthropologie. Science jeune, au carrefour des sciences humaines et des sciences de la nature, la préhistoire ne cesse désormais de faire progresser notre connaissance sur nos plus lointains ancêtres. Cette discipline s'est peu à peu imposée, malgré les interdits et les tabous, religieux notamment. Ainsi, jusqu’au xviiie s., l'idée même d'une pré-histoire, différente de celle écrite dans la Bible notamment, était absolument impensable. Au xviiie s., Linné et Buffon placent au sommet de la hiérarchie des êtres vivants l'homme, qui dès lors n'est plus seulement une créature, mais devient le plus doué des mammifères. Charles Darwin, au xixe s., cherchant le plus proche ancêtre de l'homme trouve le singe. L'idée selon laquelle l'homme appartient au même système évolutif que tous les êtres vivants va devenir prédominante et encourager les premières fouilles visant à découvrir le « pré-homme », le « chaînon manquant » qui ne peut être qu'un singe pensant. À la fin du xxe s., les diverses techniques dont disposent les préhistoriens leur permettent de savoir d'une façon de plus en plus précise comment vivaient les hommes préhistoriques, de reconstituer leurs diverses activités et jusqu'au mode de relations sociales qu'ils entretenaient. La préhistoire atteint là à une véritable « ethnologie préhistorique ».

Des superstitions médiévales aux premiers antiquaires

Depuis le Moyen Âge chrétien jusqu'au xixe s., la Bible – et plus particulièrement la Genèse – sont, en Occident, les fondements de l'histoire de l'homme et servent de base pour évaluer les âges de la Terre. Ainsi, l'Encyclopédie de Diderot et d’Alembert expose encore que le monde a connu plusieurs époques : la Création remonte à 6000 ans avant J.-C. ; 2262 ans plus tard se produisit le Déluge, puis 738 ans après le partage des nations, etc. Cependant, au xixe s., il faudra bien admettre l'existence d'un homme antédiluvien qui fabriquait des outils de pierre. Longtemps d'ailleurs, les silex taillés et les haches polies ont attiré l'attention des hommes. Ainsi, au Moyen Âge et jusqu'au xviiie s., ces vestiges étaient appelés « pierres de foudre », car, selon les croyances populaires, elles étaient issues de l'orage. De la même façon, les silex taillés, et plus particulièrement les pointes de flèches, étaient réputés avoir un pouvoir magique bénéfique et des vertus curatives. Ces pointes étaient connues sous le nom de « glossopètres » (du grec glossâ, langue, et petra, pierre). Longtemps on les confondit, en effet, avec les dents fossiles de certains poissons que les Anciens croyaient être des langues de serpent pétrifiées. C'est l'Italien Michele Mercati qui, dès le xvie s., comprit la confusion, mais son œuvre ne parut qu'au xviiie s.
En 1492, la découverte de l'Amérique provoque un bouleversement complet de la pensée occidentale. La découverte de peuples « primitifs » fabriquant des outils comparables aux glossopètres et aux pierres de foudre va faire naître la curiosité de certains. À partir du xvie s., les premiers passionnés d'antiquités collectionnent les pierres gravées et sculptées, les cabinets de curiosités se multiplient et l'idée de fouiller commence à se faire jour. En 1685, la première fouille est réalisée : celle du dolmen de Cocherel en Normandie.

La découverte de l'homme nouveau

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Puisque le Déluge avait englouti tout ce qui était vivant à la surface de la Terre, le xviiie s. recherche plus particulièrement les hommes ensevelis par la punition divine et c'est, pendant la première moitié du xixe s., la course aux ossements fossiles. Au cours de ces recherches, de nombreux outils en pierre sont mis au jour. Il devient clair, notamment sous l'impulsion de Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes, que ces outils ont été fabriqués par l'homme. On accepte alors peu à peu l'idée que ces témoins de l'activité humaine sont contemporains des animaux d'espèces disparues dont on retrouve aussi les ossements. L'existence de l'homme à une époque géologique antérieure aux temps actuels est ainsi prouvée, bien que certains, comme George Cuvier, l'aient niée jusqu'à l'absurde.

Il restait à trouver les squelettes de l'homme qui avait façonné ces premiers outils. Le crâne de Neandertal, découvert en 1856 dans la vallée de Neander (Allemagne), avait été considéré comme une pièce pathologique en raison de sa voûte fuyante et de la taille de ses arcades sourcilières. Il est oublié jusqu'en 1864, où l'espèce est officiellement reconnue par Kingen comme distincte de l'homme moderne et baptisée Homo neandertalensis. En France, la mise au jour d'un squelette à peu près complet d'homme de Neandertal aura lieu à la Chapelle-aux-Saints en 1908. À partir des années 1860, les recherches mais aussi les exhumations d'hommes fossiles se succèdent. L'homme de Cro-Magnon est trouvé en 1868. En 1891, c'est la retentissante découverte par le Néerlandais E. Dubois du pithécanthrope (Pithecanthropus erectus), à Java, qui fut alors considéré comme l'« homme-singe », le chaînon manquant de l'évolution.
Depuis un siècle, les nombreuses fouilles ont permis de mieux cerner et de faire reculer dans le temps les origines de l'homme. En 1974, en Afrique orientale, a lieu la découverte du squelette de Lucy, préhomme appartenant à l'espèce Australopithecus afarensis(australopithèque), qui vécut il y a 3,5 millions d'années. À la fin des années 2000, on considère que les espèces les plus vieilles appartenant à la lignée humaine sont Ardipithecus ramidus (4,4 millions d'années), découvert en Éthiopie, Australopithecus anamensis (entre 4,2 et 3,9 millions d'années), découvert au Kenya, et Toumaï, âgé de 7 millions d’années et mis au jour au Tchad

La bataille de l'art

Au début du xxe s., la communauté scientifique a, difficilement, fini par admettre l'ancienneté de l'homme et sa contemporanéité avec les grands mammifères quaternaires disparus. Elle connaît les outils qu'il fabriquait et les animaux qu'il chassait. Cependant, si l'image de l'homme préhistorique n'est plus tout à fait celle d'une brute épaisse et fruste (grâce, notamment, à la découverte de sépultures, preuve d'une certaine croyance en un « au-delà »), on n'ose imaginer que ces hommes, sortis des ténèbres, puissent être des artistes raffinés. Pourtant, la mise au jour la plus ancienne d'un objet préhistorique décoré (grotte du Chauffaud, dans la Vienne) date de 1834, mais l'objet est alors attribué aux Celtes. Les découvertes se multiplient avec les fouilles de l'abri rocheux de La Madeleine, qui révèlent un mobilier très abondant, celles de Gourdan ou d'Arudy dans les Pyrénées. L'art mobilier est peu à peu reconnu et Édouard Lartet en fait la base de sa classification des différentes périodes préhistoriques.

Il n'en va pas de même pour toutes les figures peintes ou gravées sur les parois des grottes. Lorsque le docteur Garrigou révèle, en 1864, les magnifiques peintures de Niaux (Ariège), lorsque Léopold Chiron signale, en 1878, l'existence de gravures dans la grotte Chabot (Gard) et le marquis de Santuola les grandioses peintures du plafond d'Altamira (Espagne), la communauté scientifique reste indifférente et sceptique. En 1895, Émile Rivière décrit les peintures de la Mouthe aux Eyzies ; l'année suivante, François Daleau raconte sa découverte des gravures de Pair-non-Pair (fouillé depuis 1881) ensevelies sous des sédiments préhistoriques. En 1901, l'abbé Henri Breuil participe aux fouilles de Font-de-Gaume et des Combarelles aux Eyzies-de-Tayac. Quelques semaines plus tard, Émile Cartailhac, éminent opposant à l'existence de l'art pariétal paléolithique, se range à l'avis de Breuil et la reconnaissance officielle se fera en 1902 lors du congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences (A.F.A.S.).

Vers une ethnologie de la préhistoire
Jusque dans les années 1950, la fouille visait essentiellement à la récolte des objets : outils de silex ou d'os, parure en coquillage, etc. Pour ce faire, des terrassiers réalisaient, à la pelle ou à la pioche, des tranchées profondes dont la terre était ensuite tamisée pour en séparer les objets. Outre la recherche de vestiges matériels, la fouille servait aussi, éventuellement, à établir une stratigraphie pouvant permettre une relative datation de l'occupation des sols. Nombre de gisements, malheureusement parmi les plus importants, furent ainsi abîmés.
À partir de la seconde moitié du xxe s. se produisent un renouvellement des idées et une révolution dans les méthodes de fouille dont l'un des précurseurs est André Leroi-Gourhan. Pour lui, ethnologue et anthropologue, « on ne fait pas plus de préhistoire en ramassant des haches taillées qu'on ne fait de la botanique en cueillant des salades ». Il met l'accent, tout au long de sa vie, sur la nécessité d'une étude globale des gisements, sur la possibilité de connaître les modes de vie des hommes préhistoriques. À partir de 1952, lors des fouilles d'Arcy-sur-Cure, il adopte de nouvelles méthodes de fouille, tentant de prendre en compte tous les vestiges, la moindre esquille osseuse, témoignage du repas de nos ancêtres, ayant la même importance que le foyer, centre physique et social de l'habitat. Ces méthodes seront pleinement exploitées sur le site de Pincevent, fouillé depuis 1964. Le sol où vécurent les hommes du magdalénien, il y a plus de 12 000 ans, est dégagé horizontalement, chaque vestige laissé scrupuleusement en place. Le résultat, lorsqu'une surface suffisante a été dégagée, donne une image très proche de celle que purent avoir les hommes préhistoriques lorsqu'ils quittèrent leur site, à l'automne, avant d'aller rechercher ailleurs leur nourriture pour l'hiver.
À la fin du xxe s., les préhistoriens ont pleinement conscience du fait que la fouille représente une destructuration irréversible des témoins du passé. Aussi procède-t-on avec d'infinies précautions pour relever la position de chaque objet le plus précisément possible dans les trois dimensions. À partir de ce repérage précis des vestiges les plus ténus, les techniques modernes permettent de reconstituer les activités quotidiennes de nos ancêtres : taille du silex, cuisine, travail des peaux, etc., et de plus, d'imaginer ce qu'était non seulement leur mode de vie mais aussi leurs relations sociales. La préhistoire vise ainsi à une véritable ethnologie du passé.

L'homme et l'outil
Introduction
On considère généralement que la première manifestation de l'intelligence humaine fut le premier outil fabriqué. L'homme a peu à peu appris à maîtriser la matière : pierre, os ou bois, pour réaliser ses outils et ses armes. Il a certainement utilisé tout ce qui, dans la nature, pouvait être employé ; mais, s'il est logique de penser que la plupart des matières périssables (bois, cuir, lianes ou tendons d'animaux) ont été utilisées par l'homme préhistorique, le préhistorien, lui, n'en possède aucune trace matérielle. L'industrie osseuse a subi la sélection de la corrosion naturelle et, bien que l'on suppose que le travail de l'os remonte aux premiers âges, c'est dans les gisements du paléolithique supérieur, qui débute il y a environ 35 000 ans, qu'il est attesté. En fait, seule la pierre n'a pas subi les ravages du temps. Elle constitua l'élément de base de l'outillage pour sa dureté, ses propriétés tranchantes, ses possibilités variées de façonnage et son abondance. Si, au début de la préhistoire, les premiers outils étaient rudimentaires et de formes peu variées, ils se diversifièrent et s'adaptèrent de plus en plus finement à leur fonction aux cours des temps. Il existe une différence fondamentale entre les premiers galets grossièrement aménagés par les premiers hominidés, il y a 3 millions d'années, et l'industrie du paléolithique supérieur, qui prouve le prodigieux degré de technicité acquis par nos ancêtres Homo sapiens. Bien que les outils aient été conçus et fabriqués dans un but utilitaire, ils témoignent aussi de la tradition des divers groupes préhistoriques en caractérisant leur culture.

Dates clés de l'évolution des outils préhistoriques

DATES CLÉS DE L'ÉVOLUTION DES OUTILS PRÉHISTORIQUES
2 millions d'années avant J.-C.    Premiers outils attribués aux australopithèques et découverts en Afrique orientale.
1 million d'années avant J.-C.    Apparition des premiers bifaces.
200 000 ans avant J.-C.    Les Acheuléens prédéterminent la forme des produits à débiter : c'est l'invention de la technique Levallois.
35 000 ans avant J.-C.    L'Homo sapiens sapiens développe le débitage laminaire et façonne l'os.
18 000 ans avant J.-C.    Apogée de la taille avec les Solutréens qui utilisent le débitage par pression. Cette même culture invente l'aiguille à chas en os.
9 000 ans avant J.-C.    L'industrie lithique tend à une miniaturisation.
 
Les premiers outils

La première « industrie lithique » humaine (premiers essais de transformation de pierres en outils) reconnue comme telle a été découverte en Afrique orientale sur le gisement d'Olduvai, en Tanzanie ; elle est aussi désignée sous le nom anglais de « Pebble culture » et est l'œuvre de Homo habilis, qui vécut il y a environ 2 millions d'années. Cette industrie est surtout représentée par des galets dits « aménagés », qui présentent soit un seul enlèvement sur l'une de leur face (galets appelés choppers), soit un enlèvement sur chacune des deux faces, l'intersection créant ainsi un tranchant (galets appelés chopping-tools). Il s'agit d'outils extrêmement frustes qui devaient servir à broyer. Plus tard, en Europe notamment, à l'acheuléen, il y a plus de 1 million d'années, le biface constitue l'outil le plus fréquemment retrouvé. Outil allongé à l'extrémité pointue ou arrondie, il est obtenu à partir d'un bloc (ou nucléus) qui est, comme le chopping-tool, taillé sur ses deux faces. Mais il est beaucoup plus élaboré et montre une volonté de mise en forme du tranchant, donc de la silhouette de l'objet.

Au cours du paléolithique inférieur, les outils vont commencer à se diversifier et c'est pendant l'acheuléen moyen que l'on trouve les premiers outils sur éclat, tels que le racloir, éclat retouché sur son long côté, et des outils encochés ou denticulés (grattoirs, burins, etc.). Enfin, vers-200 000 ans, l'industrie lithique va subir une évolution fantastique avec l'apparition de la « technique Levallois ». Il s'agit d'un mode de débitage qui consiste à obtenir un éclat de forme prédéterminée, à partir d'une préparation particulière et élaborée du bloc de matière première (silex le plus souvent). Cette technique permet, à partir d'un rognon de silex (le nucléus), d'obtenir plusieurs éclats ou pointes prédéterminés de forme semblable : il s'agit d'une véritable production en série. Du simple enlèvement dans le but de créer un tranchant sur le chopper, les hommes du paléolithique inférieur ont franchi, grâce à l'invention de la technique Levallois, une étape fondamentale aussi bien pour la pensée humaine (présence d'un schéma opératoire complexe) que pour le perfectionnement technique. En effet, au paléolithique supérieur, le débitage des lames de silex à partir d'un nucléus ne fera que reprendre cette technique.

Forme et fonction
Au cours de la préhistoire, les outils se sont beaucoup diversifiés et les archéologues les retrouvent en grand nombre dans les gisements préhistoriques. Pour attribuer à ces témoins un cadre chronologique précis et en découvrir l'évolution, il a fallu les étudier selon, d'une part, la technique de fabrication et, d'autre part, leurs formes et leurs fonctions. La corrélation de ces éléments a permis de créer une typologie, c'est-à-dire une classification cohérente des différents types d'objets. Depuis Boucher de Perthes, qui, au xixe s., lança les bases d'une classification des outils préhistoriques, les préhistoriens ont reconnu, de façon intuitive, des types aux formes constantes en leur donnant, le plus souvent, soit le nom de leur fonction présumée, soit, par analogie avec des formes actuelles, le nom d'outils contemporains : ainsi les grattoirs, les burins, les perçoirs et autres « bâtons de commandement ». En fait, l'ethnologie a prouvé qu'un même outil pouvait avoir des fonctions variées ou que, à l'inverse, différents outils pouvaient être utilisés pour une même tâche. On sait aujourd'hui, notamment grâce à l'étude des plus infimes traces d'utilisation (microtraces d'utilisation), que, par exemple, les grattoirs ne servaient pas toujours à gratter et que les racloirs ne servaient pas forcément à racler. Ce fait confirme que plusieurs types de fonctions peuvent être attribués à un même outil. Toutefois, la communauté scientifique a conservé les noms de la typologie traditionnelle.
L'étude des microtraces d'utilisation remet effectivement en question les interprétations anciennes. Au moyen de microscopes à fort grossissement, on analyse les stries, les écaillures, les émoussés de l'outil, son utilisation par les hommes préhistoriques ; pour relier ces traces à la fonction de l'outil, on procède à des comparaisons avec des outils reproduits aujourd'hui et utilisés dans les mêmes conditions qu'alors. On a pu ainsi retrouver la manière dont il était utilisé, s'il était emmanché et le matériau qu'il a travaillé.

Les outils en os

Vivant en contact permanent avec les animaux, l'homme a très tôt utilisé leurs ossements. Les australopithèques fracturaient des os longs, produisant ainsi un biseau formant une pointe solide ; le site de Melka Kontouré (Éthiopie) a ainsi livré dans une couche datée de 1 700 000 ans les premiers outils en os portant les traces d'une utilisation humaine. Pendant le paléolithique inférieur et jusqu'à la fin du paléolithique moyen (vers- 35 000 avant J.-C.), la forme de l'outil d'os est restée fortuite, seule la partie active était, parfois, aménagée par percussion. C'est au paléolithique supérieur que l'artisanat de l'os se développe réellement, l'habileté technique permettant même d'atteindre un incomparable esthétisme. Ainsi, des techniques spécifiques ont abouti à une très grande variété d'armes et d'outils, d'objets de parure et d'art. L'industrie de l'os a été utilisée pour fabriquer des armes qui servaient pour la plupart à la chasse des grands mammifères. Ainsi la sagaie, qui est constituée d'une baguette d'os dont une extrémité est appointée, l'autre étant fixée à une hampe en bois. Elle était lancée grâce à un propulseur, qui décuplait sa force par rapport au lancer à la main et en augmentait la précision.

Pour la pêche sont fabriqués des hameçons, des têtes de harpons avec une ou deux rangées de barbelures. Certains outils sont encore utilisés aujourd'hui, l'aiguille à chas par exemple, inventée par les hommes du solutréen il y a plus de 18 000 ans et dont la forme, même si le matériau a changé, n'a guère varié. Le propulseur est resté en usage jusqu'au xxe s. chez les Inuit et certaines populations océaniennes. Enfin, il existe d'autres outils dont on ne connaît pas encore la fonction : le bâton percé, parfois appelé « bâton de commandement », ou les baguettes demi-rondes par exemple. L'homme travaille également l'ivoire, comme en témoignent les statuettes féminines trouvées à Brassempouy (Landes) et le bois de renne, qu'il façonne en armes de chasse (emmanchement des haches de pierre polie).

La fabrication des outils


Les techniques de fabrication des outils en pierre varient en fonction de la matière première, les roches compactes ne se travaillant pas de la même façon que les roches friables. Elles utilisent deux types d'opération : le débitage et le façonnage. Le débitage est l'action qui consiste à détacher, par percussions successives, des éclats d'un bloc de pierre. L'éclat sera alors utilisé, le bloc initial (appelé nucléus) pouvant être considéré comme un déchet. Le façonnage a pour but de mettre en forme l'éclat débité, ou bien le bloc lui-même, afin de permettre un débitage plus efficace. Au paléolithique, la technique de façonnage la plus répandue est la retouche. Celle-ci consiste à détacher de l'objet de très petits éclats par percussion ou par pression. La percussion directe (la plus courante) utilise un percuteur (galet de pierre pour un percuteur dur ; bois végétal ou animal pour un percuteur tendre) frappant directement l'objet. La percussion indirecte, par écrasement entre percuteur et enclume, produit des retouches verticales ; enfin, la pression permet des retouches très fines, les enlèvements étant alors très longs et étroits. Les hommes du solutréen, qui, il y a 20 000 ans, atteignirent l'apogée des techniques de débitage, utilisaient la retouche par pression pour réaliser les magnifiques « feuilles de laurier ». Ainsi, pour fabriquer un outil comme le grattoir, très utilisé au paléolithique supérieur, il faut commencer par bien choisir le silex, le préparer (enlever le cortex), le mettre en forme et aménager un plan de frappe pour pouvoir débiter aisément puis frapper avec le percuteur afin de détacher une lame ; cette lame est façonnée par des retouches obliques, sur sa partie étroite, qui déterminent le front du grattoir, c'est-à-dire la partie active, l'autre bout pouvant être emmanché.
La fabrication des outils en os requiert des techniques plus variées et l'existence préalable d'outils de pierre. Le matériau est généralement constitué par les bois, l'ivoire ou les os longs des grands mammifères comme le mammouth, le cheval, le bison ou le renne, animal par excellence du paléolithique supérieur. Pour fabriquer des outils tels que la sagaie, le harpon, l'aiguille à chas ou le propulseur, il faut creuser dans la partie compacte d'un bois de renne, à l'aide d'un burin de silex, deux rainures séparées par une distance égale à la largeur de l'outil désiré. Ces rainures sont peu à peu approfondies jusqu'à ce que la partie spongieuse de l'os soit atteinte. La baguette est alors extraite. L'ébauche peut ensuite être transformée soit en sagaie par raclage au moyen d'un silex tranchant, soit en aiguille à chas ; la perforation du chas se pratique soit par pression à partir d'une petite rainure, soit par rotation en utilisant un perçoir de silex.

Les microlithes

L'outillage des derniers chasseurs-cueilleurs se caractérise par la fabrication et l'utilisation de très petits outils produits à partir d'éclats ou d'esquilles de silex. Ce sont, la plupart du temps, des armatures de pointes de flèches. De forme géométrique, leur dimension est inférieure à 40 mm et leur épaisseur à 4 mm. Ces microlithes étaient réunis en série sur le tranchant d'un support d'os ou de bois ou étaient utilisés comme pointes sur des armes de jet.
À la fin du paléolithique supérieur, l'homme façonne des outils de plus en plus petits. Si les premiers tailleurs obtenaient 10 cm de tranchant utile avec 1 kg de silex, les hommes de l'acheuléen en obtenaient 40 cm, puis ceux du moustérien (au paléolithique moyen) 2 m, enfin les hommes de la fin du paléolithique supérieur obtinrent de 6 à 20 m. L'homme s'est-il complètement affranchi par rapport aux gisements de matière première, ou s'agit-il d'exploiter au maximum une matière première devenue rare ou difficile à trouver en raison du bouleversement climatique, réchauffement intervenu vers- 9000 et qui eut pour conséquence majeure le retour de la forêt ?

L'apparition de l'agriculture
Introduction
L'apparition de l'agriculture, qui marque le début de la période appelée néolithique, constitue, au même titre que la découverte du feu, une véritable révolution dans l'histoire de l'humanité. Pendant la plus grande partie de son histoire (que nous nommons préhistoire), c'est-à-dire pendant près de quatre millions d'années, l'homme a toujours connu le même mode d'existence. Il vit en petits groupes, nomades ou semi-nomades, et pratique pour assurer sa subsistance la chasse et la cueillette. En quelques millénaires à peine, il abandonne le nomadisme, se sédentarise et se libère de la recherche constante de nourriture grâce à l’agriculture.
L'émergence des premières communautés paysannes, dès le Xe millénaire avant notre ère en Orient et au Moyen-Orient, vers le VIe millénaire avant notre ère en Europe, aura des conséquences irréversibles. Comme les autres espèces animales, l'homme vivait en équilibre avec son milieu. En domestiquant plantes et animaux, il va le modifier en profondeur, l'humaniser, mais aussi y causer des atteintes encore visibles aujourd'hui. (→ environnement.)
L'habitat de l'homme change aussi. Les petits groupes de nomades, qui s'abritaient sous des huttes, des tentes, des abris-sous-roche ou dans des grottes, deviennent sédentaires, et construisent de véritables maisons groupées en villages. L'apparition de l'agriculture modifie également les techniques et l'outillage. Parmi les inventions les plus caractéristiques de cette époque se trouvent la hache de pierre polie, qui sert à l'abattage des arbres, et la poterie, dont les récipients de terre cuite, le plus souvent décorés, ont un usage domestique.

La domestication des animaux et des plantes
La domestication des animaux et des plantes constitue une étape fondamentale dans l'histoire des hommes. On peut parler de domestication lorsqu'il y a une intervention humaine sur une population animale ou végétale afin de la favoriser parce qu'elle représente un intérêt particulier. Il faut distinguer deux processus dans la domestication. L'un est dit primaire lorsqu'il s'effectue sur un groupe d'animaux et de plantes d'origine locale (comme cela s'est probablement produit, en Europe, pour le porc qui est un sanglier domestiqué sur place). L'autre est dit secondaire lorsqu'il s'agit d'acclimater des animaux ou des végétaux déjà domestiqués ailleurs (c'est sans doute le cas du mouton, importé en Europe après avoir été domestiqué au Moyen-Orient). La domestication a pour conséquence presque immédiate une évolution génétique des espèces qui doivent s'adapter à leur nouvel environnement. Ainsi, la culture du blé, à partir d'une espèce sauvage, puis sa sélection ont conduit à un accroissement de la taille et du nombre de grains sur chaque épi, puis à l'apparition d'espèces à rachis solides plus faciles à moissonner. À l'inverse, le bœuf domestique (dont l'ancêtre sauvage est l'aurochs) voit sa taille diminuer tout au long de la période néolithique.

Les berceaux du néolithique
On situe habituellement le berceau de l'agriculture au Moyen-Orient, dans une zone communément appelée le « Croissant fertile », comprenant les territoires actuels de la Syrie, du Liban, d'Israël, de l'Iran et de l'Iraq. Dès le IXe millénaire avant notre ère, des populations sédentaires domestiquent des espèces animales et végétales sauvages locales parmi lesquelles la chèvre et le mouton, l'orge et le blé, qui sont les céréales principales, mais aussi des légumineuses comme les pois, les fèves, les gesses et les lentilles.
D'autres foyers de néolithisation s'individualisent dans le monde. Dans le Baloutchistan pakistanais, des découvertes archéologiques récentes ont mis au jour des couches attribuées au VIIIe millénaire avant notre ère, dans lesquelles les squelettes animaux appartiennent à une faune en voie de domestication (bœuf, chèvre, mouton). Ce sont les débuts de la période préindusienne. Les céréales dominantes sont l'orge et le blé. Les récoltes étaient stockées dans de grandes bâtiments en briques crues, qui servaient de grenier. La poterie n'y apparaît qu'au VIe millénaire avant notre ère. La culture du riz, en Chine, du riz et du millet, dans l'Asie du Sud-Est, est attestée au VIe millénaire avant notre ère. C'est à la même époque que se développe une civilisation pastorale au Sahara (domestication du bœuf).
Le continent américain est tardivement peuplé (vers 40 000 avant J.-C.), et les premiers villages d'agriculteurs n'apparaissent en Amérique centrale qu'au milieu du IIIe millénaire avant notre ère.

La diffusion du néolithique

L'Europe préhistorique
C'est à partir du Croissant fertile, zone de découvertes privilégiée aujourd'hui par les spécialistes, que le néolithique va se diffuser pendant environ deux millénaires, sur le pourtour méditerranéen, par contact et acculturation des derniers chasseurs-cueilleurs. En ce qui concerne l'Europe, atteinte au VIe millénaire avant notre ère, deux axes essentiels ont été mis en évidence : les Balkans et le Danube d'une part, la Méditerranée occidentale d'autre part.
Pour le premier axe, on se fonde sur la découverte d'une céramique de forme ronde-ovale au riche décor peint caractéristique des cultures appelées proto-Sesklo et Sesklo en Grèce, Starčevo en Serbie-et-Monténégro, Karanovo en Bulgarie. Ces cultures forment, en remontant vers le nord-ouest, le courant de diffusion danubien, ou culture à « céramique linéaire occidentale ». Elles parviennent jusqu'au nord de la Pologne, aux Pays-Bas, en Belgique et dans le Bassin parisien. L'élevage, principalement le bœuf et le mouton, représente souvent plus de 90 % des ressources en viande ; blé, orge, petits pois et lin sont également cultivés. Ces populations danubiennes, dites « rubanées » en raison des incisions en forme de ruban qui ornent leurs poteries, défrichent, recherchant presque systématiquement les terres les plus meubles et faciles à travailler que constituent les lœss. Elles habitent dans de longues maisons de bois, de torchis et de chaume qui mesurent de 10 à 40 mètres de longueur, ce qui permet d'abriter jusqu'à 25 personnes, et qui sont regroupées en villages.
En Méditerranée occidentale, l'apparition de l'agriculture se situe entre le VIe et le IVe millénaire avant notre ère. On ignore toujours si les « colons » néolithiques sont venus par terre – traversant la Grèce, l'Italie, le midi de la France – ou par mer – abordant les côtes italiennes, celles de l'Afrique du Nord, de l'Espagne et du sud de la France. Vers – 6000 avant J.-C., en effet, la mer n'est plus un obstacle. L'homme fabrique des embarcations, certes sommaires (on a retrouvé surtout des pirogues dites « monoxyles », c'est-à-dire creusées dans un seul tronc d'arbre), mais qui lui permettent d'effectuer du cabotage. La culture des premières communautés paysannes de Méditerranée occidentale est appelée le cardial, en raison du décor caractéristique de leurs vases, réalisé à l'aide d'un coquillage, le Cardium edule. L'habitat de ces populations est de deux types : soit des sites protégés, fréquentés depuis déjà bien longtemps (grottes et abris-sous-roche), soit des cabanes construites en plein air. Le mouton et la chèvre sont domestiqués, ainsi que les bovidés ; la chasse joue encore un rôle important (petit gibier, mais aussi cerf et sanglier). Les céréales les plus consommées sont là encore le blé et l'orge, mais la cueillette n'est pas totalement absente, noisettes et glands notamment. Au cardial, l'agriculture est pratiquée avec des moyens très rudimentaires tels que les « bâtons à fouir », bâtons appointés qui permettent de creuser des trous ou de briser les mottes de terre ; des faucilles, avec des éléments de silex insérés dans un manche en bois, servent à la récolte des céréales, tandis que des meules en pierre servent à broyer et à moudre les grains.
Mais bien des peuples ignorent encore l'agriculture, tandis que, dès le VIIIe millénaire avant notre ère, la métallurgie du cuivre naît au Proche-Orient.

Les conséquences de l'apparition de l'agriculture
Les conséquences de l'apparition de l'agriculture sont multiples, atteignant tous les domaines de la vie des hommes : économique, social et écologique. Économique d'abord, puisque l'homme, de prédateur devient producteur. Ce changement d'état a été précédé (et non suivi, comme on l’a longtemps cru), par un bouleversement social : l'abandon du nomadisme pour la sédentarité ; les hommes vont donc, peu à peu, habiter des maisons construites pour durer, en pierre ou en bois. Ces maisons sont regroupées en villages. En outre, le temps de travail s'accroît, les soins à apporter aux cultures et au bétail étant beaucoup plus contraignants que ceux nécessaires à la chasse et à la cueillette ; cet accroissement du temps de travail va aussi mener à une spécialisation des tâches et à la naissance du commerce.
Les données de l'archéologie montrent, pour le début du néolithique, que les sociétés devaient être « égalitaires », car il n'a pas été mis au jour, dans les maisons ou les sépultures, d'accumulation de richesses ou des signes distinctifs qui prouvent l'existence d'une hiérarchie. En revanche, la production accrue des biens alimentaires va entraîner un accroissement de la population et engendrer des chefferies. La guerre fait son apparition et les villages se fortifient.
Si l'on peut dire que l'essor de l'agriculture au VIe millénaire avant notre ère est à l'origine de notre système culturel et social, il est aussi souvent pour beaucoup dans l'aspect de notre environnement actuel. Les chasseurs-cueilleurs vivaient en étroite symbiose avec le milieu naturel dont ils dépendaient entièrement, alors que les premiers agriculteurs vont détruire ce milieu pour y installer cultures et pâturages. Au VIIe millénaire avant notre ère, le changement climatique que connaît l'Europe, depuis déjà trois mille ans, a favorisé l'expansion de la forêt, principalement constituée par les chênes. Les premiers agriculteurs armés de leurs haches de pierre polie vont commencer par déboiser de petites parcelles afin d'en cultiver quelques arpents ; les animaux peuvent alors trouver leur nourriture dans le sous-bois. En moins d'un millénaire, cependant, ces terrains se révèlent exigus, s'appauvrissent, et il faut défricher de nouveaux territoires. À cela il faut ajouter, et notamment pour la région méditerranéenne, l'action dévastatrice du mouton et de la chèvre qui broutent les jeunes pousses et sont les acteurs essentiels du déboisement et de l'érosion des sols. Au VIe millénaire avant notre ère, l'apparition de l'agriculture entraîne la dégradation ou la fin des milieux naturels : le paysage est transformé par l'homme.
L'art préhistorique
L'art de l'époque paléolithique

C'est en 1834 qu'est découvert, dans la grotte du Chaffaud (Vienne), le premier témoin d'un art préhistorique : un os gravé. Entre 1860 et 1865, Édouard Lartet découvre en Dordogne et en Ariège d'autres témoignages d'une activité artistique des hommes magdaléniens. L'art préhistorique pariétal ne sera cependant révélé qu'en 1879 par M. de Santuola dans la grotte d'Altamira. Mais son authenticité n'est admise qu'en 1895, après la découverte de gravures et de peintures dans la grotte de la Mouthe.
Le sud-ouest de la France et le nord-ouest de l'Espagne constituent le foyer le plus important de l'art pariétal paléolithique. Cette province franco-cantabrique renferme un grand nombre de grottes ou d'abris ornés parmi lesquels : Pair-non-Pair (Gironde), la Mouthe, les Combarelles, Font de Gaume, le Cap Blanc, Lascaux (Dordogne), Niaux, les Trois Frères (Ariège), Pech-Merle, Cougnac (Lot), Angle-sur-l'Anglin (Vienne), le Castillo et Altamira (Santander, Espagne). La découverte, plus récemment, d'un site près de Marseille (la grotte Cosquer, sous-marine) et d'un autre en Ardèche (la grotte Chauvet) modifie toutefois la géographie des témoignages rupestres.
Les artistes paléolithiques utilisaient des techniques variées : simples tracés digitaux sur support tendre, gravures avec un outil de silex sur surface dure, sculptures en bas relief, modelage d'argile, dessin et peinture mono- et polychrome.
L'art paléolithique comporte également des œuvres mobilières : statuettes, plaquettes et blocs gravés, instruments décorés, dont le contexte archéologique permet une attribution chronologique et culturelle relativement précise. Par analogie stylistique à ces œuvres, dont on connaît l'origine stratigraphique, il est possible de dater les œuvres pariétales.
C'est l’abbé Henri Breuil qui établit, au cours de la première moitié de ce siècle, la première synthèse sur l'art franco-cantabrique et proposa une chronologie comportant deux cycles évolutifs successifs : le cycle « aurignaco-périgordien », débutant par des figurations au trait peint passant, par la suite, aux teintes plates, puis polychromes. Le cycle « solutréo-magdalénien », commençant lui aussi par des figurations linéaires pour passer aux teintes plates, noires le plus souvent, devenant polychromes. Ce cycle s'achève par de fines gravures.
Les nombreuses statuettes féminines dites « Vénus aurignaciennes » sont en fait attribuables au gravettien, ou périgordien. Des blocs de calcaire portant des représentations sexuelles féminines ont été trouvés en association avec des industries aurignaciennes. A. Leroi-Gourhan reprit, après Breuil, l'étude de l'art paléolithique et proposa une chronologie différente. Sur la base d'arguments stylistiques observés dans l'art mobilier, quatre styles peuvent être distingués :
– le style I, ou primitif, correspondant aux gravures grossières de l'aurignacien ;
– le style II, ou archaïque, auquel appartiennent les œuvres gravettiennes. Les figurations, dépourvues de détails, sont réduites à quelques traits simples ;
– le style III, qui constitue une nette amélioration du précédent par un perfectionnement du modelé et l'adjonction de détails anatomiques précis. De nombreuses figurations de la grotte de Lascaux appartiennent à ce style ;
– le style IV, qui correspond à un plus grand réalisme des figurations, dont le modèle est rendu par des hachures ou des variations dans la densité des couleurs.
L'étude des grottes et abris ornés semble indiquer que les artistes paléolithiques avaient un souci de composition esthétique auquel s'ajoutait une trame de liaisons symboliques qui nous échappent en grande partie.
La conservation de ce patrimoine artistique pariétal est des plus délicates. Le milieu souterrain qui, jusqu'à nos jours, a permis la conservation de ces œuvres est très sensible aux perturbations, et l'altération des parois entraîne la disparition des peintures et gravures. Les visites trop fréquentes modifient dans certaines grottes les conditions d'éclairage et de température, la teneur en gaz carbonique et introduisent des bactéries, pollens et spores qui menacent les œuvres pariétales. C'est pourquoi certaines grottes ne sont ouvertes qu'à un nombre limité de visiteurs, voire même interdites au public. C'est le cas de la grotte de Lascaux, dont un fac-similé a été réalisé et est accessible au public depuis 1983.

L'art du néolithique

Les archéologues ont souvent remarqué la disparition presque totale des formes d'art des civilisations paléolithiques et ont parfois pensé qu'avec le néolithique les manifestations artistiques étaient devenues de plus en plus schématiques jusqu'à disparaître. Il n'en est rien : plusieurs foyers de création artistique apparaissent alors, révélant dans la forme une forte inspiration et, dans le fond, l'expression symbolique d'une vision globale de la société nouvelle.
Si les peintures rupestres du Levant espagnol ne sont pas encore bien datées, si certains animaux font encore penser aux représentations paléolithiques, divers caractères semblent spécifiques du néolithique, en particulier les scènes guerrières qui font s'affronter deux bandes d'archers ; celle de la gorge de Gasulla à Castellon ou celle de Morella la Vella sont vraisemblablement du Ve millénaire avant notre ère.
Dans le nord de l'Europe, à la même époque, parmi les vestiges maglemosiens, des armes guerrières en os ou en bois de cervidé, des poignards, des pointes de lance et des haches peuvent être finement décorés de motifs géométriques qui se combinent parfois en évocation anthropomorphe, comme sur la hache provenant d'une tourbière de Jordløse, dans le Sjaelland, au Danemark.
Un autre foyer original de création artistique, du début de l'époque postglaciaire, est celui de Lepenski Vir, en Serbie-et-Monténégro, sur les bords du Danube, au niveau des Portes de Fer. Des sculptures sur pierre représentent des êtres mi-hommes, mi-poissons qui devaient jouer un rôle important dans cette société de chasseurs-pêcheurs déjà sédentarisés.

Une source importante d'inspiration de l'art néolithique est puisée dans l'ambiance de la fertilité agricole telle qu'elle s'exprime, dès le VIIIe millénaire avant notre ère en Syrie-Palestine, par des statuettes en pierre et surtout en terre cuite d'animaux domestiqués et de divinités féminines. L'ensemble iconographique le plus complet et le plus cohérent de la religion néolithique est celui qui a été mis au jour en Anatolie, à Çatal Höyük (vers 6000 avant J.-C.). Il serait hasardeux de généraliser les conclusions tirées sur ce site à propos de la déesse mère associée à des animaux comme le taureau et le léopard. Ce thème caractéristique du Proche-Orient et de la Méditerranée orientale n'est probablement pas à transporter tel quel dans d'autres régions comme la vallée du Danube. Pourtant, l'abondance des statuettes féminines (plus rarement masculines) et zoomorphes (bovidés et ovicapridés surtout, cervidés parfois) dans le néolithique de l'Europe tempérée en général montre l'expression symbolique et probablement religieuse d'une société agricole que certains archéologues n'ont pas hésité à qualifier de matriarcale. Les statuettes féminines sont souvent représentées nues sous des formes plastiques stylisées d'une grande variété : des gravures ou des lignes peintes viennent souvent accentuer l'expression abstraite. Les plus célèbres de ces statuettes viennent de la culture de Tripolie en Ukraine, des cultures de Gumelniţa et de Cucuteni en Bulgarie et Roumanie, de la culture de Vinča en Serbie-et-Monténégro, des cultures de Sesklo (Sésklon) et Dimin (Dhiminion) en Grèce. Les deux figures en terre cuite d'une femme accroupie et d'un homme assis sur un tabouret, la tête entre les mains, provenant d'une sépulture de la culture de Hamangia, fouillée à Cernavodă près de Dobroudja en Roumanie, sont de véritables chefs-d'œuvre du IVe millénaire avant notre ère. Ces statuettes existent en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Allemagne, en France, en Italie, dans la péninsule Ibérique, etc. Elles sont de plus en plus stylisées à mesure que l'on s'avance vers l'ouest : les « yeux » gravés ou peints sur la céramique de Los Millarès au sud de l'Espagne, les idoles en pierre de la région d'Almeria ou celles du Portugal, les quelques statuettes en terre cuite de Fort-Harrouard (Eure-et-Loir) ou encore le petit bloc calcaire sculpté et représentant une « divinité » à Grimes Graves (Grande-Bretagne) témoignent de la large diffusion d'une idéologie aux traits communs. Celle-ci apparaît encore, d'une manière très allusive, dans des sépultures comme les hypogées de la Marne ou les allées couvertes, dans lesquelles on reconnaît parfois la « tête de chouette » associée aux seins et parfois à la représentation d'un collier. L'art décoratif gravé ou piqueté sur des piliers de tombes mégalithiques de Bretagne (Gavrinis) ou d'Irlande (Newgrange) date d'environ 3000 avant J.-C. Les monuments mégalithiques eux-mêmes représentent, depuis le Ve millénaire avant notre ère, en Occident, un aspect religieux original de l'art architectural dont l'équivalent civil, et surtout défensif, se trouve depuis les remparts de Jéricho jusqu'aux camps à fossés de la Saintonge néolithique.
Plus au nord, des civilisations dites « forestières » sculptent l'ambre et le bois de cervidé avec une grande habileté : la statuette anthropomorphe d'Ousviaty et la tête d'élan de Chiguir en Russie révèlent les qualités artistiques de peuples non citadins trop souvent considérés comme « retardés ». Les grands rochers gravés de Suède méridionale ou de Carelie nous racontent des scènes émouvantes de la vie quotidienne, pêche, chasse, cérémonies et même enfantement. Ces figures ont été réalisées à partir de la fin du néolithique et pendant les âges des métaux.
En dehors de l'Europe, pendant cette même époque néolithique, s'épanouissent les premiers arts rupestres du Sahara et une partie de ceux d'Afrique du Sud. L'Égypte n'aura de grand art qu'avec les civilisations prédynastiques. L'Asie connaît une évolution semblable au Proche-Orient, et les statuettes féminines existent jusqu'en Chine. Nous connaissons bien moins l'art contemporain des sociétés vivant alors en Australie et en Amérique, où de grandes cités du monde précolombien vont bientôt être construites.

L'art à l'époque protohistorique

Le métal intervient aussi dans le domaine artistique pour mettre en valeur la classe dirigeante par le biais de la richesse. Les tombes royales d'Our (vers 3000 avant J.-C.) contenaient vaisselles, armes et statuettes en or, en argent et en bronze. Le groupe des tumulus princiers de Maïkop dans le nord du Caucase et les sépultures de Varna en Bulgarie présentent, en des temps assez proches, des vaisselles, des ornements et des parures en or, en argent et en cuivre. En Mésopotamie et en Égypte, l'écriture apparaît alors et de grandes civilisations historiques se développent. À leur pourtour, de nombreux peuples protohistoriques acquièrent leur personnalité pendant les âges du bronze et du fer (→ protohistoire). La Méditerranée a connu des arts protohistoriques de grande qualité : idoles cycladiques en marbre jusqu'aux peintures minoennes de Crète ou de Thêra. C'est encore dans le cadre des palais royaux que l'écriture est apparue (linéaires A et B). En Italie, plusieurs peuples indigènes et bientôt les Étrusques décorent leurs temples de grandes terres cuites historiées et font l'offrande de statuettes en bronze, comme le feront encore les Ibères quelques siècles plus tard. La sculpture sur pierre de Méditerranée occidentale reflète souvent une inspiration orientale transmise par les Phéniciens fixés à Carthage et dans bien d'autres colonies. Quelques enclaves d'art rupestre, comme celle du mont Bégo dans les Alpes-Maritimes, révèlent la tradition de vieilles populations locales.

Au nord, le monde celtique n'a probablement pas encore l'unité décrite par les auteurs antiques au deuxième âge du fer. Pourtant, des thèmes iconographiques sont communs (des oiseaux, des cygnes [ ?] et le disque solaire porté par un bateau ou véhiculé sur un chariot) depuis l'âge du bronze, de la Scandinavie aux Balkans et depuis l'Irlande jusqu'à la Hongrie. Les gravures de Suède méridionale illustrent cette mythologie, de même que certaines pièces célèbres en métal comme le char de Trundholm au Danemark. Des chars en modèle réduit de l'époque de Hallstatt, représentant des scènes de chasse, celui de Strettweg (Autriche) ou celui de Mérida (Espagne) appartiennent aussi à cette ambiance culturelle que l'on peut suivre jusqu'aux grandes sépultures princières à char de la fin du premier âge du fer, celle de Vix (Côte-d'Or) en France et celles de Hochdorf et de Klein-Aspergle en Allemagne du Sud, par exemple. Dans ce monde celtique naissant, les influences méditerranéennes sont perceptibles et expliquent en partie des sculptures sur pierre comme le guerrier de Hirschlanden (Allemagne du Sud). Pourtant, une orfèvrerie originale, un art des situles historiées en tôle de bronze, un style décoratif général dit « celtique », comme celui de Waldalgesheim, se répandent dans toute l'Europe tempérée.
Dans l'Europe de l'Est, des unités culturelles protohistoriques fortes possèdent leur propre expression artistique : les Thraces, les Daces et bientôt les Slaves. Les habitants du Caucase, et surtout ceux de Koban, nous ont laissé de nombreuses statuettes en bronze (cervidés, chiens, carnivores et animaux fantastiques). Les Scythes possèdent un art raffiné, inspiré en partie par l'art grec des colonies de la mer Noire. Les guerriers scythes sont probablement en relation avec les peuplades des steppes sibériennes de la région de Pazyryk, ou, sous des tumulus, des contenus somptueux de tombes ont été découverts avec des soieries, des feutres aux couleurs vives. En Inde, en Chine, au Viêt Nam, la formation d'empires aux arts prestigieux se situe dès le IIe millénaire avant notre ère dans un contexte historique. La découverte des arts protohistoriques d'Afrique, du monde précolombien, de Polynésie, de Micronésie, etc., révèle, d'année en année, l'univers complexe et les héritages millénaires des peuples ayant vécu avant l'écriture.

 

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