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MOLIÈRE |
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Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière
Auteur dramatique français (Paris 1622-Paris 1673).
Acteur, chef de troupe, auteur et metteur en scène, Molière est l'homme de théâtre complet par excellence. Il joue, en tant qu'auteur, sur toute la gamme des effets comiques, de la farce la plus bouffonne jusqu'à la psychologie la plus élaborée. Ses pièces où, s'attaquant à un vice de l'esprit ou de la société, il campe des personnages qui forment des types, sont de véritables chefs-d'œuvre. En élevant la comédie, considérée avant lui comme un genre mineur, il a donné un élan vital au théâtre.
Famille
Son grand-père et son père sont maîtres tapissiers du roi. Sa mère meurt en 1632.
À 40 ans, Molière se marie avec Armande Béjart. Ils ont deux fils, morts très jeunes, et une fille.
Jeunesse
Jean-Baptiste étudie à Paris dans un collège jésuite. Il exerce quelques mois le métier d’avocat puis hérite de la charge de tapissier du roi.
Débuts
En 1643, il fonde avec la comédienne Madeleine Béjart l’Illustre-Théâtre. Acteur, auteur et bientôt chef de troupe, il devient « Molière ». Mais ses tragédies sont des échecs. En 1645, c’est la faillite.
Il fonde avec Madeleine une nouvelle troupe qui tourne en province pendant treize ans. Leurs farces remportent de grands succès. En 1658, la troupe regagne Paris.
Gloire
Avec le triomphe des Précieuses ridicules (1659), Molière devient un auteur adulé, jalousé, redouté. En 1661, il crée avec le musicien Lully la comédie-ballet. Le roi Louis XIV est enthousiaste. Mais l’École des femmes (1664) est accusée d’être blasphématoire. En 1664, les dévots font interdire Tartuffe, qui dénonce l’hypocrisie religieuse. Molière obtient néanmoins la protection du roi.
Mais la vie privée de Molière est agitée. À 43 ans, il est atteint d’une fluxion au poumon.
Son Dom Juan (1665) provoque un nouveau scandale. Le Misanthrope (1666) reçoit un accueil mitigé. Entre 1668 et 1670, l'Avare, Tartuffe et le Bourgeois gentilhomme sont des triomphes.
Disgrâce
En 1672, Madeleine Béjart meurt. Les Femmes savantes sont un échec.
Lully supplante Molière dans la faveur royale.
Mort
Au cours d’une représentation du Malade imaginaire, sa dernière comédie-ballet (1673), Molière est pris de malaise. Il meurt à son domicile parisien. Il est enterré de nuit, sans inhumation chrétienne.
Citations
« c'est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens ». (la Critique de l'École des femmes, sc. VI)
« Les gens de qualité savent tout sans avoir jamais rien appris. » (les Précieuses ridicules, sc. IX)
1. La vie de Molière
Les parents de celui qui devait prendre le nom de Molière sont des artisans-marchands prospères de Paris : le père, Jean Poquelin, achète en 1631 une charge avantageuse de « tapissier ordinaire du roi » (c'est-à-dire de fournisseur de la Cour). Aîné de cinq enfants, Jean-Baptiste est envoyé au collège jésuite de Clermont – l’actuel lycée Louis-le-Grand – que fréquentaient des fils d'aristocrates. Il s’intéresse tôt au théâtre, sous l'influence de son grand-père qui l’emmène voir les spectacles de l’Hôtel de Bourgogne. Sa scolarité achevée, il fait des études de droit et suit les leçons du philosophe et savant Gassendi, dont l’enseignement met en cause les explications religieuses de la création du monde.
1.1. Les débuts dans la carrière théâtrale
En 1643, alors qu’il était destiné à être avocat ou tapissier, il se fait soudain verser sa part d'héritage maternel, passe contrat avec la famille Béjart et six autres comédiens pour fonder une troupe, « l'Illustre-Théâtre », et il devient « Molière ». Sa vocation est donc originale et impérieuse. Il aurait pu, comme beaucoup, venir au théâtre par l'écriture, mais chez lui le goût du jeu scénique précède l'écriture, donnée fondamentale pour comprendre sa carrière et son esthétique.
Il essaie de fonder une nouvelle salle de théâtre à Paris, ce qui est alors des plus difficiles. En butte à l'hostilité des troupes concurrentes, l'Illustre-Théâtre fait faillite dès 1645, et Molière connaît, très brièvement, la prison pour dettes. Il n'abandonne pas : il rejoint avec les Béjart une troupe itinérante en province. Ce sont des années d'apprentissage, sous la protection du prince de Conti, gouverneur du Languedoc.
Molière commence à écrire pour la compagnie des farces, puis des comédies (l'Étourdi, 1654 ; le Dépit amoureux, 1656). Mais le prince de Conti, devenu dévot, retire son appui aux comédiens. La troupe quitte le Midi de la France pour Rouen puis Paris, où Molière obtient la protection de Monsieur, frère du roi.
En 1658, la troupe débute devant la Cour. Le bon accueil fait à ses premières comédies lui permet d'obtenir de partager la salle du Palais-Royal avec les comédiens-italiens. Molière, qui s’estime un temps doué pour la tragédie, y interprète des tragédies de Corneille, sans succès. La gloire survient cependant dès 1659 avec le succès triomphal des Précieuses ridicules : pour la première fois, Molière fait éditer son texte (pour couper court à des éditions pirates).
1.2. Un auteur-acteur célèbre et contesté
Dès lors, les créations se succèdent à un rythme soutenu, sous la protection de Louis XIV : Molière deviendra en 1664 le fournisseur des fêtes de la Cour, associant le plus souvent comédie, musique et ballets. Mais ses audaces d'auteur qui entend aussi « corriger les mœurs par le rire » donnent lieu à de violentes querelles.
À propos de l'École des femmes (1662) qui fait scandale, on lui reproche à la fois de jouer de plaisanteries faciles et d'équivoques, et de mettre sur le théâtre comique des sujets trop graves (l'éducation morale et religieuse des femmes). Par la Critique de l'École des femmes et l'Impromptu de Versailles (1663), il ridiculise ses détracteurs et ses rivaux, obtenant le soutien et les compliments du roi.
La bataille du Tartuffe (1664-1669), où il met en scène les méfaits d'une dévotion hypocrite et fanatique, est plus violente : interdite par la justice à la demande de représentants de l’Église, la reprise de la pièce n’est autorisée que cinq ans après sa création.
Dom Juan (1665) est un succès sans lendemain. Mettant en scène un « libertin », c’est-à-dire un homme libre de mœurs et de pensée, l’œuvre ne sera jamais rejouée du vivant de l’auteur et le texte sera édité seulement après sa mort, dans une version expurgée.
En moyenne, sur commande royale, ou pour faire vivre sa troupe (qui joue également des textes d'autres auteurs, comme Corneille dont il reste l’ami et Racine avec lequel il se brouille), Molière compose et met en scène deux pièces par an : des comédies à grand spectacle telles que le Bourgeois gentilhomme (1670), des comédies où la peinture de l’être humain donne une profondeur nouvelle au genre comique (Le Misanthrope, 1666 ; l'Avare, 1668), des farces (les Fourberies de Scapin, 1671) ou des comédies satiriques (Les Femmes savantes, 1672).
Sa vie privée a souffert d’une telle activité d’auteur, de chef de troupe et de comédien, parfois en conflit avec d’autres artistes comme le compositeur Lully, l’un de ses rivaux auprès du roi. Il avait été l'amant de Madeleine Béjart, dont il épouse la fille en 1662 ; Armande est de 20 ans plus jeune que lui et ses ennemis affirment que, ce faisant, il épouse sa propre fille, ce qui est une calomnie sans fondement. Le ménage ne semble pas avoir été des plus heureux. Il a donné naissance à trois enfants, dont, seule, une fille, Esprit-Madeleine (1665-1723), n'est pas morte dans sa première année.
1.3. Une mort à l'issue d'une représentation
À partir de 1666, la santé de Molière s'altère gravement. Il continue ses spectacles malgré la progression de la maladie. Le bruit de sa mort se répand à Paris à plusieurs reprises. Le 17 février 1673, lors de la quatrième représentation du Malade imaginaire, sa nouvelle et ultime pièce où il se moque des médecins et de l’engouement démesuré de son personnage pour la médecine, un malaise le saisit sur scène. Transporté chez lui, rue de Richelieu, il meurt dans la soirée.
Les comédiens n’ont pas droit à une inhumation religieuse. Mais, sur intervention de Louis XIV, son corps a droit à un enterrement opéré de nuit et sans « service solennel », au cimetière Saint-Joseph.
Molière laisse une troupe, celle de l’hôtel de Guénégaud, qui est devenue la plus réputée de Paris, et où des comédiens de grand talent ont trouvé l'occasion de se former et de s'affirmer. Sept ans après la mort de Molière, en 1680, le roi ordonne la réunion de cette troupe avec celle de l'Hôtel de Bourgogne pour fonder la Comédie-Française.
2. Une existence vouée au théâtre
2.1. Molière auteur
À la différence de Corneille et de Racine, Molière écrit ses pièces en praticien du théâtre. Il conçoit ses histoires et ses répliques pour lui-même et pour des acteurs qu’il connaît et qu’il va diriger. Tout en étant un véritable écrivain, maître des subtilités du langage et créateur de formules, il pense – plus qu’un poète travaillant dans la solitude de son bureau – à la façon dont les répliques seront dites par les comédiens et au jeu qui accompagnera la diction du texte.
De fait, Molière n’a écrit que du théâtre, à l’exception des préfaces qui précèdent l’édition de certaines de ses pièces, de son Remerciement au roi (1663) et de son hommage au peintre Mignard, la Gloire du Val-de-Grâce (1667). C’est un acteur-auteur comme l’était Shakespeare avant lui.
Il est l’auteur, selon la nomenclature en usage, de 2 farces, 22 comédies, 7 comédies-ballet, 1 tragédie-ballet, 1 « comédie pastorale héroïque » et 1 « comédie héroïque ». Dom Garcie de Navarre, en 1661, l’une de ses très rares tentatives dans le genre sérieux fut un échec.
Il a écrit tantôt en vers, tantôt en prose. Les acteurs d’alors préféraient les vers, plus faciles à retenir. Mais écrire en alexandrins demande un travail de plus longue haleine. Quand il était pressé, Molière écrivait en prose, comme pour ses farces, pour Dom Juan ou l’Avare.
Qu’il soit rimé ou en prose, son style a naturellement évolué d’année en année, et sa conception de la comédie également. Sans perdre le goût des pitreries venu de la contemplation des bateleurs qu’il voyait dans son enfance, Molière a peu à peu intégré des préoccupations personnelles, des plaidoyers pour la liberté de ceux qui s’aiment et des questions philosophiques, tout en revendiquant le souci de la vérité, « Il faut peindre d’après nature ». En même temps, sa satire se focalisait sur le milieu mondain et intellectuel, les ambitieux, les médecins et les faux prêcheurs de vertu.
Molière est-il alors devenu, au fil des années, un auteur plus tragique que comique ? C’était le point de vue d’Alfred de Musset qui, dans son poème Une soirée perdue (1850), admire chez lui « une mâle gaîté, si triste et si profonde que, lorsqu’on vient d’en rire, on devrait en pleurer ». Mais cet avis porte la marque des années du romantisme, où l’on aime à privilégier une vision noire de l’Histoire et de la vie. Jusque dans sa dernière pièce, le Malade imaginaire, Molière défia l’esprit de sérieux par la bouffonnerie et la satire, fidèle à la mission qu’il définissait ainsi dans la Critique de l’École des femmes : « C’est une étrange entreprise que celle de faire rire les honnêtes gens ».
2.2. Molière acteur
Comme acteur, il était un interprète exceptionnel. Il a joué les grands rôles qu’il avait conçus pour lui : Harpagon (l’Avare), Alceste (le Misanthrope), Dom Juan… Il a été un incomparable acteur de comédies mais il a aussi joué des tragédies.
De nombreux témoignages et travaux d’historiens rendent compte de son talent de bête de scène. Lorsqu’il joue Mascarille dans les Précieuses ridicules, il « entre en piste, clown au masque rubicond sous la monstrueuse perruque couronnée du minuscule chapeau décrit par Mademoiselle Des Jardins, engoncé dans ses flots de rubans et sa tuyauterie de canons, glapissant dans sa chaise, secoué par ses porteurs, littéralement versé sur la scène, il roule, se redresse, se trémousse, fait le brouhaha sur la scène et dans
3. Les formes de théâtre chez Molière
3.1. La farce et la comédie
La farce est une forme qui exagère et simplifie la nature des personnages et l’action, pour provoquer un rire immédiat. Molière connaissait à la fois les farces des bateleurs qu’il voyait sur le Pont-Neuf, à Paris, dans son enfance, celles des comédiens italiens jouant à Paris et celles qu’avaient laissées les auteurs de l’Antiquité, en particulier les farces de l’auteur latin Plaute.
C’est ainsi qu’il commença par des farces : l’Étourdi, le Dépit amoureux. Comme le genre de la farce exige une action courte et rapide, il est passé ensuite au genre de la comédie, plus étoffé, où l’action et la psychologie font l’objet de développements longs et subtils.
Mais Molière a utilisé des gags et des situations de farces à l’intérieur de ses pièces plus ambitieuses, comme l’Avare, pièce truffée d’exagérations comiques. Pour le plaisir de revenir au rire populaire, il est souvent retourné à la belle simplification de la farce, comme lorsqu’il écrivit le Médecin malgré lui et les Fourberies de Scapin, alors même qu’il était pour beaucoup l’auteur comique mais grave du Misanthrope.
On peut distinguer plusieurs types de comédie dans le répertoire moliéresque, parfois mis en œuvre dans une même pièce ; le Misanthrope, par exemple, est à la fois une comédie de mœurs et une comédie de caractère, l’Avare également.
3.2. La comédie satirique
L’une des caractéristiques du comique, c’est de se moquer des contemporains, des gens parmi lesquels on vit. Un peu à la manière d’un journaliste pamphlétaire, Molière a raillé un certain nombre de corps sociaux, religieux et mondains.
Le corps social que Molière a le plus violemment attaqué est celui des médecins : leur mise en cause comique a lieu dans de nombreuses pièces, du le Médecin malgré lui au Malade imaginaire, la dernière pièce de Molière. Même à l’intéreur de Dom Juan, il s’en prend aux disciples d’Esculape.
Il critique aussi toute une frange du milieu religieux, les « faux dévots », qu’il dénonce violemment à travers le personnage du roué Tartuffe ; cette audace lui coûtera cher, la pièce sera interdite par trois fois.
Enfin, Molière est un satiriste du milieu mondain, qu'il ridiculise dans les Précieuses ridicules et les Femmes savantes et lorsqu’il prend pour cible les aristocrates impudents, notamment dans George Dandin.
3.3.. La comédie mythologique
Lorsqu’il s’inspire d’un sujet traité par un auteur de l’Antiquité, comme c’est le cas pour l'Avare tiré d’une comédie de Plaute, Molière transpose l’action dans son temps.
Mais, exceptionnellement, il garde le contexte antique quand il écrit Amphitryon. C’est donc une comédie mythologique, de la même façon que les tragédies de Racine et de Corneille sont des tragédies antiques. Cette œuvre n’a pas d’équivalent parmi les autres pièces de Molière. Elle fait référence à un épisode des légendes grecques et ne s’adresse pas à un public large, mais à un public cultivé.
3.4. La comédie-ballet
La comédie-ballet, dont la forme annonce l’opéra par ses parties chantées et dansées, a pour principe d’alterner des scènes chorégraphiées et des scènes dialoguées. Elle s’est développée quand les divertissements royaux se sont multipliés à Versailles et dans d’autres châteaux. Le roi Louis XIV et la Cour étaient très friands de ces spectacles qui reposaient sur une idée de théâtre total – utilisant tous les langages du spectacle – et déployaient un grand faste dans l’utilisation des décors et des machineries.
Molière a souvent répondu aux commandes qui lui étaient faites par le roi. Les Fâcheux, les Plaisirs de l’île enchantée, la Princesse d’Élide, les Amants magnifiques sont des comédies-ballets dont les textes ne nous importent plus beaucoup aujourd’hui, à l'inverse de Monsieur de Pourceaugnac, le Bourgeois gentilhomme et Malade imaginaire.
Ces trois dernières pièces sont parfois représentées sans leurs intermèdes musicaux mais elles ont été conçues sous cette forme qui mêle l’action théâtrale et les tableaux faits de chants et de danses. Pour toutes ces œuvres, Molière collaborait avec un musicien, tel que Lully ou Marc-Antoine Charpentier.
Le genre de la comédie-ballet mettait généralement en scène les épisodes et les héros de la mythologie et des pastorales. Molière a su à la fois utiliser des thèmes antiques et imposer des sujets contemporains...
3.5. La comédie du théâtre
Délaissant la fiction, Molière s’est amusé par deux fois à répondre à ses détracteurs sous la forme d’une comédie sur le théâtre. La première fois, ce fut avec la Critique de l'École des femmes, où il représente des spectateurs hostiles à sa pièce l’École des femmes qui discutent avec des spectateurs favorables.
La seconde fois, ce fut avec l'Impromptu de Versailles, où il se met lui-même en scène en train de diriger ses propres acteurs. Il donne à voir ainsi le théâtre et son public, mais, derrière la réaction à un événement d’actualité et la volonté de répondre aux polémiques, s’affirme aussi un discours théorique et esthétique, exprimant les points de vue de l’auteur sur l’art dramatique.
3.6. La comédie de mœurs
La comédie de mœurs vise à dépeindre la façon dont les hommes vivent en société. Molière est l’un des grands maîtres de la comédie de mœurs, avec des angles d’attaque différents, puisqu’il passe du registre satirique au tableau proprement social.
Dans les Précieuses ridicules, c’est à la satire d’un phénomène de mode que l’auteur s’attache avant tout. Dans l'École des femmes, Tartuffe, Le Misanthrope, George Dandin, les Femmes savantes le comique a toujours un caractère de moquerie relatif aux travers de l’époque mais il s’élargit à l’examen du milieu social.
Ce sont surtout la famille et la question du mariage qu’embrasse le regard de Molière : il montre comment les enfants subissent la loi des parents (essentiellement du père), comment les relations avec l’argent, les rapports entre les époux et le désir de s’inscrire dans un courant à la mode ou dans un mouvement religieux modifient la vie du groupe, quels sont les place et rôle des domestiques dans la vie de la maison et comment l’union conjugale est parfois traitée autant comme une affaire financière que comme une question d’harmonie amoureuse.
Molière représente aussi le décalage entre les classes sociales : la tentative de passer dans la classe supérieure, de la bourgeoisie à l’aristocratie se traduit le plus souvent par un comportement ridicule et voué à l’échec.
Chez Molière, la notion de mœurs est liée à la notion de morale : en raillant les défauts de ses contemporains, il en appelle à la raison et à un comportement qui mettrait fin aux folies et aux lubies. Dans cette perspective, les personnages dont le comportement est condamnable sont souvent ridiculisés ou punis dans l’une des dernières scènes de la pièce.
3.7. La comédie de caractères
Au-delà de la représentation du contexte social et de l’époque dans laquelle il s’inscrit, il y a l’individu et sa psychologie. La comédie de caractère cherche à mettre en évidence un type humain qui a une valeur universelle, et même éternelle, puisque les mêmes natures d'homme et de femme traversent les siècles.
C’est une des grandes idées du xviie siècle français que de reprendre cette peinture du caractère, telle qu’elle avait été ébauchée dans l’Antiquité (chez les auteurs grecs puis dans la comédie latine) et d’en faire l’un des grands thèmes de la littérature et du théâtre.
Les Caractères de Jean de La Bruyère, ouvrage postérieur au théâtre de Molière, accomplit parfaitement cette composition d'une galerie de portraits où des types humains (l’égoïste, l’amoureux, le cupide…) sont saisis à travers leurs traits essentiels.
Molière, avant lui, a dépeint un certain nombre de personnages représentatifs des diverses façons d’être et de penser : Tartuffe est l’exemple même de l’ambitieux pratiquant le double langage pour arriver à ses fins. Alceste, le misanthrope, est l’homme qui n’aime pas les autres hommes et exècre la société. M. Jourdain, le « bourgeois gentilhomme », est, ce qu’on appellerait aujourd’hui, un nouveau riche, qui croit, naïvement, qu’on peut changer de statut social avec le pouvoir de son argent. Harpagon, le personnage central de l'Avare, est le parangon de ces êtres qui sacrifient tout au plaisir de posséder et qu’on appelait aussi, au xviie s., des « avaricieux ». Argan, le « malade imaginaire », incarne à la perfection une configuration psychologique, celle de l’homme chez qui la hantise de la maladie et de la mort fait disparaître la perception de la réalité.
Ce sont essentiellement des types masculins que Molière a composé, à côté de quelques types féminins : la femme séductrice et coquette, à travers le personnage de Célimène dans le Misanthrope, les servantes généreuses et batailleuses telles que Dorine dans Tartuffe et Toinette dans le Malade imaginaire...
3.8. La comédie philosophique
Molière n’a pas écrit, à proprement parler, du théâtre philosophique. Mais cette dimension existe dans certaines de ses pièces. Adversaire d’une forme de fanatisme religieux, tel qu’il se montre avec prudence dans Tartuffe (où il dénonce les « faux dévots » et non les dévots), il s’interroge parfois sur la mort et sur la condition humaine.
De ce point de vue, Dom Juan est sa seule véritable comédie philosophique. Dom Juan y incarne le dédain d’une pensée religieuse et consolatrice, Sganarelle la défense d’une attitude religieuse représentée comme une forme de superstition. On peut voir là – mais une autre interprétation est possible, la pièce s’achevant sur la mort du séducteur – une préférence affirmée pour les thèses des « libertins » qui ne croyaient pas à l’existence de Dieu.
3.9. Le genre sérieux
Molière est essentiellement un écrivain comique, un auteur de comédies. Mais il a écrit quelques pièces relevant du genre sérieux. Il a composé une « comédie héroïque », Don Garcie de Navarre ou le Prince jaloux, qui fut un échec. Et également une « comédie pastorale héroïque », Mélicerte, et une « tragédie ballet », Psyché. Il s’est le plus souvent montré peu à l’aise et moins convaincant dans ce registre « héroïque » où s’illustrait brillamment son ami Corneille.
4. Chronologie des pièces principales de Molière
1659 : les Précieuses ridicules, comédie.
1662 : l'École des femmes , comédie.
1663 : la Critique de l'École des femmes, comédie.
1663 : l'Impromptu de Versailles, comédie.
1664-1669 : Tartuffe, comédie.
1665 : Dom Juan, comédie.
1666 : le Misanthrope, comédie.
1666 : le Médecin malgré lui, comédie.
1668 : Amphitryon, comédie.
1668 : George Dandin, comédie.
1668 : l'Avare, comédie.
1669 : Monsieur de Pourceaugnac, comédie-ballet.
1670 : le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet.
1671 : les Fourberies de Scapin, comédie.
1671 : les Femmes savantes, comédie.
1673 : le Malade imaginaire, comédie mêlée de musique et de danse.
5. Les personnages de Molière
5.1. Les bourgeois
La classe des bourgeois est la classe sociale la plus représentée et analysée par Molière. Et c’est dans la cellule familiale bourgeoise que Molière prend les événements qui l’intéressent : les questions de mariage, de l'autorité du père, des relations entre époux, du désir d’indépendance des enfants.
Pris par son activité d’artiste, marié mais n’ayant eu qu’un seul enfant qui ne soit pas mort peu de temps après la naissance, Molière ne semble pas avoir eu une vie bourgeoise, mais c’est de ce milieu-là qu’il vient : un milieu où l’on a des biens, où le souci de l’argent a tendance à prendre le pas sur l’amour.
Molière, l'École des femmes, acte V, scène III
Molière a peint toute une galerie de bourgeois différents : Tartuffe, devenu naïf sous l’emprise d’une fascination, Alceste, (le Misanthrope) écartelé entre l’amour et la solitude, Harpagon (l'Avare), dévoré par sa passion de l’argent, Chrysale (les Femmes savantes), défenseur du rôle domestique de la femme, Monsieur Jourdain (le Bourgeois gentilhomme), type du nouveau riche qui voudrait accéder à la classe sociale supérieure. Arnolphe (l'École des femmes ) présente l’originalité d’être situé hors contexte : c’est un solitaire qui veut façonner une jeune fille selon ses désirs.
Les personnages d’épouses ont souvent moins d’épaisseur. Si Philaminte (les Femmes savantes) représente singulièrement une précieuse très active et en conflit avec son mari ; si Béline (le Malade imaginaire) est une intrigante, les autres épouses, Elmire (Tartuffe), Madame Jourdain (le Bourgeois gentilhomme), sont des femmes raisonnables qui défendent la solidité et les valeurs de la famille contre les extravagances de leur conjoint.
Quant aux jeunes gens, ils attirent la sympathie mais ils manquent de personnalité. Ils sont presque interchangeables d’une pièce à l’autre.
5.2. Les nobles
Dom Juan donne une image flatteuse d’un aristocrate, mais la pièce ne parle pas exactement de la réalité sociale. C’est une variation sur un sujet déjà traité par un auteur espagnol. Le personnage est plus mythique qu’inscrit dans la réalité du xviie siècle.
Vis-à-vis des nobles de son temps, Molière est le plus fréquemment sévère et même cruel. Il a personnellement beaucoup souffert de leur arrogance et de leur suffisance. Il les ridiculise dans la Critique de l'École des femmes et dans l'Impromptu de Versailles. Il se venge une fois encore de tous les courtisans appartenant à l’aristocratie à travers les deux personnages de « petits marquis » dans le Misanthrope et des odieux de Sotenville dans George Dandin. Enfin, Dorante, le noble dans le Bourgeois gentilhomme, est un malhonnête homme, empruntant de l’argent qu’il ne rembourse pas.
5.3. Les serviteurs
Les domestiques sont, chez Molière, des personnages aussi importants pour l’action que pour les effets comiques. Ils viennent autant de l’image qu’ont donnée d’eux les farces latine et italienne que de la réalité de tous les jours.
Les serviteurs masculins, héritiers d’Arlequin, sont, comme Scapin, malhonnêtes (ou, tout au moins, rusés), fréquemment profiteurs et alcooliques, mais fidèles à leur maître et d’une imagination si efficace qu’elle débrouille les situations les plus compliquées. Molière a progressivement humanisé ce type de personnage, en passant de Mascarille, le rusé, à Sganarelle qui représente par moments les souffrances des gens du peuple.
Pour les servantes, Molière a fait encore davantage éclater les cadres de la tradition. Les servantes sont la voix de la raison et la voix de Molière lui-même. Leur bonhomie, leur culot, leur langue bien pendue, la saveur de leur langage, leur absence de crainte face aux maîtres, leur défense des enfants arrivés à l’âge du mariage, tout fait d’elles des héroïnes dont les défauts – elles ne savent pas rester à leur place – se transforment immédiatement en qualités. Dorine (Tartuffe), Martine (les Femmes savantes) et Toinette (le Malade imaginaire) incarnent un bon sens populaire sans lequel Molière manquerait d’un instrument de mesure pour juger l’évolution de la société et les travers de ses héros.
5.4. Les paysans
Les paysans apparaissent rarement, sauf quand Molière a besoin de personnages dotés d’accents provinciaux, comme Pierrot dans Dom Juan. George Dandin, le paysan enrichi qui a eu le malheur d’épouser une aristocrate, reste une exception. Mais cette pièce, George Dandin, traduit peut-être plus un désir de Molière de s’en prendre aux nobles qu'un intérêt profond pour la paysannerie.
6. Les procédés comiques chez Molière
En grand auteur, Molière varie les procédés comiques, qui lui permettent d’obtenir le rire le plus simple comme le rire le plus subtil.
6.1. Le comique de geste
Le comique de geste est essentiel dans la farce mais aussi dans les différentes formes de comédie. Par les mimiques, l’accoutrement, les déplacements, les mouvements de la tête et des bras qui caractérisent un personnage ou expriment une intention non exprimée par la parole, l’acteur amplifie la drôlerie de l’action.
Formé dès la jeunesse par les farces qu’il voyait sur la place publique et sensible au talent expressif des acteurs italiens, Molière était lui-même un comédien qui utilisait tous les ressorts de la gestuelle comique. Les gestes sont primordiaux dans des pièces comme la première farce de l’auteur, la Jalousie du barbouillé, où il y a des gags et des chutes comme, bien plus tard, en usera le cinéma burlesque, de même que dans les Fourberies de Scapin, où le valet frappe le vieux Géronte qu’il a fait entrer dans un sac ou dans le Médecin malgré lui, où Sganarelle, pris pour un médecin, multiplie les interventions incorrectes et déplacées.
6.2. Le comique de situation
Comme Molière affectionne la rapidité des actions, il a beaucoup employé ce type de comique.
Il repose sur des rencontres entre les personnages et sur des événements qui introduisent une nouveauté, une surprise ou un choc suscitant le rire. Il dépend généralement plus de l’imprévu et du mouvement que du texte. Parfois, Molière abuse des retournements de situation comme à la fin de l’Avare, où des personnages se retrouvent et se reconnaissent des années après un naufrage et un enlèvement, mais ce n’est pas là véritablement un procédé comique, plutôt une facilité pour terminer rapidement une pièce qu’il faut monter dans l’urgence.
Le comique de situation est particulièrement efficace, par exemple, dans les Précieuses ridicules lorsque Mascarille et son ami Jodelet se font passer pour de « beaux esprits » et trompent les prétentieuses provinciales, avant de se faire rosser par leurs maîtres. Il prend aussi souvent la forme du quiproquo, quand un personnage est pris pour un autre, comme dans Amphitryon, où Jupiter est confondu avec le général Amphitryon et le dieu Mercure avec le valet Sosie. Il est aussi mis en place dans Tartuffe quand l’épouse d’Orgon, Elmire, déclare à l’imposteur qu’elle est prête à se donner à lui, alors que son mari est caché sous la table.
6.3. Le comique de mots
Le comique de mots est essentiel chez Molière. Il commence dès la création du nom des personnages : l’usage était alors d’employer des noms à consonance grecque, latine ou italienne, et Molière respecte cette coutume mais introduit parfois aussi des noms qui évoquent le type de personnage qu'il crée : Tartuffe, Harpagon, Trissotin, Pourceaugnac par exemple.
Il se développe dans les répliques où l’auteur recourt à certaines tournures verbales comme les jeux de mots, « Bélise : Veux-tu toute ta vie offenser la grammaire ? Martine : Qui parle d’offenser grand-père ni grand-mère ? », dans les Femmes savantes, ou bien « Ce Monsieur Loyal porte un air bien déloyal » dans le Misanthrope.
Source de comique, le latin de fantaisie qu’il prête aux médecins dans le Médecin malgré lui et dans le Malade imaginaire. De même que l’opposition du langage populaire et du langage savant (dans la scène des paysans dans Dom Juan), ou bien dans les dialogues entre précieux et gens simples dans les Précieuses ridicules et les Femmes savantes), ainsi que la répétition martelée d’une même réplique (« Qu’allait-il faire dans cette galère ? » dans les Fourberies de Scapin)...
Dans son utilisation de la langue, Molière a une double pratique. D’un côté, la simplicité des mots met en relief la sagesse populaire : « Et je vous verrais nu du haut jusques en bas / Que toute votre peau ne me tenterait pas » dit Dorine dans Tartuffe, ou, au contraire, souligne le caractère fruste ou imbécile d’un personnage : « Je vis de bonne soupe et non de beau langage », dit Chrysale dans les Femmes savantes. D’un autre côté, des phrases très construites, mettent en place la rhétorique des idées et des raisonnements.
Molière vise la clarté de l’expression et l’efficacité du comique pour construire un théâtre du vrai et du naturel, mis au service d’une morale. Dans l’un des textes envoyés au roi pour obtenir la levée de l’interdiction de Tartuffe, il écrivait : « Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j’ai cru, que, dans l’emploi où je me trouve, je n’avais rien de mieux à faire que d'attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle », le mot « ridicule » devant être compris dans le sens « qui suscite le rire ».
Chez Molière, le sens de la comédie, même quand il passe par les gags ou la violence de la satire, est toujours empreint de cette noblesse d’âme.
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MÉSOZOÃQUE |
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PLAN
* MÉSOZOÏQUE
* 1. Signification du terme mésozoïque
* 2. Les subdivisions du mésozoïque
* 3. La valeur stratigraphique des ammonites
* 4. Les changements géologiques : l'ouverture des océans actuels
* 5. La vie au mésozoïque
* 5.1. Les reptiles géants : les dinosaures
* Les reptiles dans le milieu terrestre
* Les reptiles dans le milieu marin
* Les reptiles dans le milieu aérien
* 5.2. Petits mammifères primitifs, archœopteryx et oiseaux à dents
* 5.3. Les végétaux et les insectes
* 5.4. L'extinction massive de la fin du mésozoïque
* L'hypothèse de la météorite
* Les autres hypothèses
* 6. La Terre au mésozoïque
* 6.1. L'ouverture des océans et la dérive des continents
* 7. Les événements géologiques à l'échelle des continents
* 8. Le mésozoïque en France
mésozoïque

Consulter aussi dans le dictionnaire : mésozoïque
Cet article fait partie du dossier consacré à l'histoire de la Terre.
Le mésozoïque est une ère géologique, d'une durée de 185 millions d'années, intermédiaire entre le paléozoïque et le cénozoïque, appelée autrefois secondaire.
Le mésozoïque voit la dislocation des masses continentales par l'ouverture des nouveaux océans. L'ouverture de l'océan Atlantique, d'abord au sud puis au nord, éloigne progressivement l'Amérique de l'Afrique et de l'Europe. L'ouverture de l'océan Indien fragmente le bloc Afrique-Australie-Antarctique, mais l'Inde reste soudée à l'Afrique. L'océan Mésogée sépare l'Afrique du bloc Eurasie, puis commence à se refermer.
De nouvelles espèces vivantes apparaissent et certaines atteignent leur apogée, tels les ammonites ou les reptiles géants, qui allaient disparaître à la fin du mésozoïque, comme 60 % des autres espèces peuplant la Terre. Vers la fin du mésozoïque apparaissent les mammifères et les végétaux angiospermes.
Le mésozoïque représente une durée d'environ 185 millions d'années. Cette durée n'équivaut même pas à la moitié de celle du paléozoïque, et ne correspond qu'à une faible partie des temps fossilifères. EIle n'est cependant pas négligeable par rapport au cénozoïque (tertiaire et quaternaire), beaucoup plus court.
1. Signification du terme mésozoïque
Le terme mésozoïque a l'intérêt de montrer la position des temps secondaires par rapport à l'histoire de la vie sur la Terre (du grec mesos, moyen, et zôon, être vivant). Ce terme ne signifie pas que l'on soit alors au « milieu » de cette histoire des êtres vivants, puisqu'il y a au début du mésozoïque 600 millions d'années que des groupes d'organismes importants sont développés, et qu'à la fin de l'ère il n'y a plus que 60 millions d'années pour qu'apparaisse l'Homme. Le terme mésozoïque indique bien que cette période représente une espèce de « Moyen Age » dans l'histoire de la vie, histoire dont le paléozoïque (primaire) serait l'« Antiquité » et dont le cénozoïque (tertiaire et quaternaire) recouvrirait les « Temps modernes et l'époque contemporaine ».
2. Les subdivisions du mésozoïque
Le mésozoïque se subdivise en trois grands systèmes géologiques :
– trias, de – 251 à – 200 millions d'années (durée : 51 millions d'années) ;
– jurassique, de – 200 à – 145 millions d'années (durée : 55 millions d'années) ;
– crétacé, de – 145 à – 65 millions d'années (durée : 80 millions d'années).
Les divisions stratigraphiques du mésozoïque
Les coupures du mésozoïque, trias, jurassique, crétacé, proviennent de lieux situés en Europe (Jura, formation de la craie). Il en va de même des subdivisions encore plus fines : la notion d'étage géologique vient de terrains du jurassique ou du crétacé pris comme stratotypes (sinémurien de Semur, bajocien de Bayeux, albien de l'Aube, cénomanien du Maine, turonien de Tours sont quelques exemples).
3. La valeur stratigraphique des ammonites
La valeur stratigraphique des ammonites a permis d'étudier correctement et de dater les terrains mésozoïques. Ces céphalopodes sont des espèces pélagiques dont les coquilles sont facilement transportables par flottaison et peuvent être répandues dans une large aire, et qui sont donc indépendantes du faciès des dépôts où on les recueille. Par ailleurs, elles présentent des mutations successives assez nettes. Cela a permis de définir une série de biozones, bases de toute subdivision biostratigraphique, en considérant l'extension dans le temps d'une espèce ou d'un genre donné, ou, pour une meilleure précision, d'une association caractéristique de genres ou d'espèces.
4. Les changements géologiques : l'ouverture des océans actuels
Cette grande période correspond à la dislocation des édifices précédemment construits, les continents et les chaînes primaires; il s'y prépare le bâti de ce qui deviendra les chaînes alpines et péripacifiques, cela pouvant s'expliquer par un phénomène à l'échelle du globe. Le mésozoïque est la période de la naissance, de l'ouverture des océans actuels. Ces faits se sont déroulés sous des climats différents de ceux d'aujourd'hui, ou bien répartis différemment : les changements possibles de latitude sont explicables par les mouvements relatifs des pôles et des continents. Les climats ont été dans l'hémisphère Nord assez chauds (de 5 à 10 °C en moyenne de plus que de nos jours, ce qui explique l'importance des formations calcaires au cours du jurassique et du crétacé et plus particulièrement des édifices coralliens). Ils se sont refroidis lentement au crétacé supérieur. Les territoires de l'hémisphère austral soumis aux glaciations à la fin du primaire ont connu par contre un lent réchauffement.
5. La vie au mésozoïque
Le mésozoïque est marqué par :
– l'absence de certains groupes connus au primaire qui ont disparu au cours ou à la fin de cette ère, par exemple les graptolites, les trilobites, les fusulines ;
– la diminution progressive et la disparition de certains autres au cours du trias, du jurassique ou du crétacé (par exemple parmi les brachiopodes, l'important groupe des spirifers. Chez les végétaux, les ptéridospermées [fougères à graine], les cordaïtes. Chez les vertébrés, les batraciens géants) ;
– le remarquable développement, suivi de la spectaculaire apogée, puis de la disparition à la fin de l'ère de groupes comme les ammonites ou les reptiles géants ;
– l'apparition de formes qui ont actuellement une importance considérable, les oiseaux, les mammifères et les végétaux angiospermes.
Dans les mers du mésozoïque, les genres et espèces représentés sont nombreux. On constate un développement des échinodermes (oursins et encrines, dont les débris forment les calcaires à entroques), et on assiste avec les nérinées (gastropodes), les polypiers (madréporaires) ou les algues mélobésiées à la formation de nombreux calcaires construits. Les céphalopodes pullulent, non seulement les ammonites, mais aussi les bélemnites et les nautiles. Les foraminifères sont nombreux et jouent un rôle de constructeurs de roches (orbitolines) ou de marqueurs stratigraphiques (globotruncanidés).
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Le monde continental est colonisé depuis le paléozoïque. Mais il ne reste que pour peu de temps encore des batraciens (amphibiens) géants, vestiges de cette ère. Les reptiles primitifs ont déjà, à l'aube du mésozoïque, subi une diversification : ils ont été séparés en une lignée reptilienne et une lignée mammalienne, par un phénomène de divergence très précoce.
5.1. Les reptiles géants : les dinosaures
Les reptiles sont donc un groupe très hétérogène. C'est une juxtaposition de formes très spécialisées et de formes très discrètes représentant des groupes souches. Après la souche des mammifères, ils comporteront la souche des oiseaux, la souche aussi des reptiles actuels. Les crocodiles apparaissent au jurassique, les ophidiens (serpents) au crétacé.
Les formes spécialisées sont évidemment plus connues : c'est le développement, puis la disparition des reptiles géants. Ils ont en effet peuplé tous les milieux terrestres, marins, aériens, illustrant quelques-unes des meilleures possibilités d'adaptation.
Les reptiles dans le milieu terrestre
Les plus connus sont les dinosaures, dont l'âge d'or se situe au jurassique et au crétacé inférieur.La diversification a abouti à d'énormes et paisibles herbivores (30 m de long, 50 tonnes) ou à de féroces carnassiers (tyrannosaures).
Les reptiles dans le milieu marin
Les ichtyosaures témoignent d'une parfaite adaptation au mode de vie aquatique (forme, appareil natatoire, y compris viviparité).
Les reptiles dans le milieu aérien
Les reptiles volants (ptérosaures) conquièrent le monde aérien dès – 180 millions d'années.
5.2. Petits mammifères primitifs, archœopteryx et oiseaux à dents
À côté de ces formes adaptées se développent les petits mammifères primitifs (fin du trias, début du jurassique), auxquels succèdent des multituberculés, des marsupiaux, qui seront nombreux au crétacé. Une évolution parallèle existe dans les formes aviennes. L'archéoptéryx (à caractères intermédiaires entre oiseaux et reptiles) vit au jurassique (– 140 millions d'années). Le milieu aérien verra ensuite le développement des oiseaux à dents (– 80 millions d'années).
5.3. Les végétaux et les insectes
Chez les végétaux, où c'est l'apogée des gymnospermes, il existe des formes vieillissantes (cycas, ginkgo). Mais les conifères ont une place importante. Il y a surtout au crétacé moyen le développement des angiospermes (dicotylédones). En même temps que les plantes à fleurs apparaissent les insectes butineurs (papillons, abeilles, fourmis) : tous les grands ordres d'insectes sont alors représentés.
5.4. L'extinction massive de la fin du mésozoïque
La fin du mésozoïque (c'est-à-dire la fin du crétacé), il y a 65 millions d'années, est la période posant le problème paléobiologique le plus difficile. Beaucoup de groupes actuels existent au crétacé, beaucoup de groupes survivent au tertiaire sans être affectés : les nautiles, les insectes, les poissons, les crocodiles, les tortues, etc., comme autant de formes « conservatrices ». Par contre, beaucoup de formes (celles qui étaient très évoluées) disparaissent (reptiles géants, ammonites, beaucoup de foraminifères, un quart des familles animales au total). Phénomène étrange, cette catastrophe touche tous les écosystèmes : les plantes autant que les animaux, 60 à 75 % des espèces marines, des milliers d'espèces terrestres, en particulier les animaux pesant plus de 25 kg, les espèces vivant dans les milieux tropicaux ou fréquentant les eaux douces des continents. Toutes s'éteignent quasi simultanément. Le processus d'extinction fut rapide, affectant l'ensemble de la planète et de ses mers.
L'hypothèse de la météorite
L'étude des couches géologiques déposées au moment de la crise a permis de découvrir un taux anormalement élevé d'iridium, métal lourd de numéro atomique 77. On suppose que cela pourrait être la conséquence de la chute d'une météorite gigantesque, de 10 km de diamètre, dont la collision avec la Terre aurait libéré une énergie supérieure à plusieurs dizaines de bombes atomiques. D'ailleurs, les restes d'une météorite de grande taille, ou tout au moins son cratère d'impact, ont été retrouvés dans le golfe du Mexique. Cette donnée conforte l'hypothèse de collision. Dans sa chute, la météorite aurait provoqué une onde de choc colossale, aurait explosé en de nombreux fragments et répandu une telle poussière dans l'atmosphère que, les rayons du Soleil n'atteignant quasiment plus notre planète, il s'en serait suivi un arrêt de la photosynthèse et un refroidissement climatique général. La traversée de notre atmosphère par cette météorite aurait provoqué, par oxydation de l'azote atmosphérique, une pollution en dioxyde d'azote (NO2). Avec la disparition d'une grande partie des plantes et du plancton, le taux de dioxyde de carbone (CO2, auparavant assimilé par ces organismes photosynthétiques) se serait anormalement élevé, provoquant une importante augmentation de la température par effet de serre. La présence dans l'atmosphère de gaz tels que NO2 et CO2 aurait amené, à chaque pluie, la précipitation d'énormes quantités d'acides nitrique et carbonique (les « pluies acides ») nocives pour les êtres vivants.
Toutefois, il demeure un fait inexpliqué : tous les animaux et toutes les plantes n'ont pas été affectés par la catastrophe.
Les autres hypothèses
Des scientifiques avancent qu'une augmentation générale du volcanisme, identifiée dans les couches géologiques de la fin du mésozoïque par le taux anormalement élevé d'iridium, aurait provoqué un bouleversement climatique si brutal et si rapide que les espèces les plus fragiles n'auraient pas pu s'adapter. Elle représente l'hypothèse la plus probable si l'on ne retient pas celle de la météorite. Dans un autre scénario, le bouleversement climatique aurait été provoqué par la dérive des continents. Mais, en pareil cas, les changements n'auraient pas été suffisamment rapides pour expliquer le caractère brutal de l'extinction. Enfin, plus anecdotique, on a fait l'hypothèse de l'apparition de nouvelles espèces de plantes à fleurs toxiques qui auraient décimé nombre d'herbivores, et par là même bouleversé l'ensemble des écosystèmes.
6. La Terre au mésozoïque
Au début du mésozoïque, la surface du globe peut être décrite comme un assemblage de deux supercontinents :
– le bloc laurasien (Amérique du Nord, Groenland, Europe, Asie du Nord) ;
– le bloc gondwanien (Amérique du Sud, Afrique, Inde, Australie, Antarctique).
Les événements essentiels du mésozoïque, capitaux pour comprendre la géographie actuelle du globe, sont, d'une part, les mouvements de séparation et de jeu relatif des deux blocs dans la zone instable dite de la Mésogée et, d'autre part, l'éclatement de chacun des blocs par le mécanisme dit d'ouverture océanique. Ce mécanisme, continu et qui dure encore actuellement, consiste en la fracturation des blocs continentaux, en leur séparation donnant naissance à un océan. Par suite de l'expansion des fonds océaniques, l'ouverture progressive des océans entraîne l'écartement, puis la dérive des blocs continentaux. Ce mécanisme, qui a donné naissance aux océans comme l'Atlantique ou l'Indien, est de plus responsable de la formation des importantes cordillères périocéaniques. La théorie moderne de la tectonique des plaques a bien montré que l'antagonisme entre blocs mobiles (surtout entre domaine océanique et masses continentales) entraînait la naissance de chaînes bordières du type de la bordure pacifique (chaînes bordières de type andin).
6.1. L'ouverture des océans et la dérive des continents
Les premières étapes, les plus déterminantes, de ce mécanisme ont eu lieu au cours du mésozoïque.
De – 180 millions d'années à – 135 millions d'années, c'est l'ouverture de l'océan Atlantique et de l'océan Indien. Ces océans, d'abord étroits, reçoivent peu à peu des dépôts. Ils ne contiennent guère de sédiments plus vieux que – 150 millions d'années. La fin du jurassique (– 135 millions d'années) marque le début de la séparation Amérique du Sud-Afrique et Afrique-Inde.
Au début du crétacé, c'est le pivotage de l'Amérique du Sud, qui s'écarte de l'Afrique, et le pivotage de l'Inde, qui s'éloigne également de l'Afrique.
Au crétacé moyen, puis au crétacé supérieur (environ de – 100 millions d'années à – 70 millions d'années), il y a rupture complète entre l'Australie et l'Antarctique et fissuration du bloc Europe (ouverture du golfe de Gascogne).
Pendant ce temps, des mouvements semblant antagonistes se développent dans la zone de la Mésogée, où l'instabilité est fréquente : en particulier, une interaction constante entre blocs africain et eurasien domine l'histoire complexe des géosynclinaux mésogéens (de Gibraltar à la Birmanie ?). Des dislocations au trias, au jurassique supérieur et surtout au crétacé moyen (– 100 millions d'années) aboutissent au bâti de ce qui deviendra le système alpin, disposé perpendiculairement à l'axe de la grande disjonction atlantique.
7. Les événements géologiques à l'échelle des continents
Les conséquences géologiques de ces mouvements, qui affectent une bonne partie du globe, sont très grandes. Elles se traduisent tant au point de vue sédimentaire que tectonique (types de dépôts, agencement de ceux-ci). Au trias, les profondes dislocations ayant fracturé et fait jouer les blocs continentaux sont aussi à l'origine d'importantes coulées basaltiques. C'est le début d'une grande période d'immersion des continents par les mers au jurassique. Si les océans ne sont qu'ébauchés, les surfaces marines n'en sont pas restreintes pour autant : en effet, de vastes mers peu profondes recouvre une large surface des aires continentales, par exemple toute l'Europe occidentale, où les invasions marines ont atteint la France, l'Angleterre l'Allemagne, l'Espagne et l'Afrique du Nord. Au jurassique supérieur, la phase orogénique andine ou névadienne marque une étape importante dans la construction des cordillères ouest-américaines. Pendant le crétacé, période relativement longue (70 millions d'années), l'ébauche d'un nouveau monde se poursuit. Il existe encore des zones d'importants dépôts marin. Le crétacé moyen (– 100 millions d'années) marque l'extension maximale de la transgression marine. Ensuite, le trait donnant de la géologie du mésozoïque va s'effacer. Les vastes mers épicontinentales vont se réduire et disparaître pour la plupart. Les phases orogéniques se succèdent : au crétacé inférieur, au crétacé moyen (phase autrichienne), au crétacé terminal (phase laramienne). Ces phases aboutisses à la construction des chaînes pacifiques, asiatiques, à l'ébauche des Pyrénées (à la suite de l'ouverture du golfe de Gascogne) et développe une embryogenèse de toutes les chaînes du système alpin.
8. Le mésozoïque en France
Les événements géologique du mésozoïque sont particulièrement importants en France puisqu'il expliquent la formation ultérieure des Pyrénées et des Alpes. Mais les dépôts mésozoïques occupent par ailleurs dans le pays une très large place bien visible sur une carte géologique. En effet, les transgressions marines, venant d'abord du domaine mésogéen, puis, dès le crétacé, partant du jeune Atlantique, ont envahi presque tout le territoire : elles ont donc recouvert le soubassement primaire, à l'exception de quelques zones émergées (Massif central, Massif armoricain). Peu profondes, mais très étendues, ces mers ont formé de vaste platiers récifaux où se sont formés les calcaires à entroques, à oolites et polypiers (jurassique de Bourgogne, Lorraine, Poitou, Causses...), les calcaires à polypiers du crétacé provençal, ou bien aussi les vasières fines qui ont donné naissance à la craie de Normandie, de Picardie ou de Champagne.
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ÉRE GÉOLOGIQUE |
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ère géologique
Cet article fait partie du dossier consacré à la géologie et du dossier consacré à l'histoire de la Terre.
L'ère, la plus grande unité conventionnelle du temps géologique, se subdivise en systèmes, séries et étages (les étages correspondent à un ensemble de terrains de même âge).
Venant après le précambrien, on distingue, dans l'ordre chronologique, le paléozoïque, anciennement primaire [durée : 340 millions d'années], le mésozoïque, anciennement secondaire [185 millions d'années], le cénozoïque, anciennement tertiaire [65 millions d'années], qui englobe aujourd'hui le quaternaire.
→ paléontologie.
Environ 4,6 milliards d'années se sont écoulés depuis la formation de la Terre. Mais l'événement le plus important de la chronologie terrestre est sans conteste l'apparition, il y a environ 3,8 milliards d'années, des premières traces de vie. Le vivant, en évoluant au cours des temps géologiques, a pu transformer notre planète en une oasis.
La connaissance de l'histoire de la Terre est relativement récente ; si les fossiles ont très tôt intrigué les hommes, leur classification et leur ordre d'apparition n'ont été établis qu'au xixe s. Les techniques mises au point dans les années 1950 ont permis de préciser l'âge de la Terre. La manière dont la Terre est apparue fait toujours l'objet de spéculations. Cependant, il apparaît que le noyau, le manteau, puis la croûte terrestre se sont différenciés vers − 4,6 milliards d'années. On passe alors de l'histoire astronomique, qui commence avec la naissance de l'Univers, à l'histoire proprement géologique de notre planète. (→ géologie.)
1. L’étude des temps géologiques
1.1. L'évolution des idées concernant l'âge de la Terre
Au milieu du xviie s., les naturalistes commencent à établir une chronologie des phénomènes qui se sont succédé afin de remonter jusqu'à la naissance de la Terre.
L’archevêque irlandais Jacques Usher évalue la durée des générations bibliques et conclut que la Terre a été créée en l'an 4004 avant J.-C. (→ créationnisme). Cette conception est remise en question par les philosophes du siècle des Lumières, et Buffon, le premier, tente de déterminer expérimentalement l'âge de la Terre. Il suppose que notre planète s'est refroidie après avoir été un corps en fusion et, extrapolant les résultats de ses expériences sur le temps de refroidissement de boulets de canon, avance un chiffre de 75 000 ans. Mais, au xviiie s., l'interprétation hors des normes établies par les Livres saints n'est pas encore tolérée, et Buffon est obligé de se rétracter.
Cependant, se développe la doctrine de l'uniformitarisme (ou actualisme) – selon lequel les lois qui régissent les phénomènes géologiques actuels ont également existé dans le passé. Exprimé en 1830 par le Britannique Charles Lyell, ce raisonnement apporte aux géologues de nouvelles bases de réflexion sur la durée des phénomènes géologiques. Ils peuvent démontrer, par l'étude des éléments du passé, par exemple les fossiles – véritables archives de l'évolution de la nature – ou des strates, que l'âge de la Terre dépasse tout ce qu'on avait pu imaginer jusque-là. Les géologues venaient de découvrir une quatrième dimension : le temps.
En 1859, Charles Darwin défend, avec son ouvrage De l’origine des espèces, l’idée que des millions d'années ont été nécessaires pour qu'une longue succession de transformations permette à la vie de se présenter sous les nombreuses formes que nous lui connaissons aujourd'hui.
À la fin du xixe s., les scientifiques, souhaitant connaître l'âge absolu de la Terre, mesurent les rythmes de certains processus physiques. John July propose de dater les océans selon leur teneur en sodium ; les estimations, fondées sur l'augmentation annuelle de la quantité de sel dissous, avoisinent les 90 millions d'années. D'autres chercheurs, s'appuyant sur la rythmicité annuelle de certains dépôts sédimentaires, proposent, selon une vitesse d'accumulation calculée et en fonction de l'épaisseur des roches sédimentaires, un âge qui varie entre 90 et 500 millions d'années. Ces méthodes étaient malheureusement faussées par des incertitudes de mesure et par le fondement discutable de certaines hypothèses. Ainsi, le physicien Kelvin reprend le concept de Buffon sur une Terre à l'origine en fusion et aboutit à des âges de 25 ou 100 millions d'années.
1.2. L'échelle des temps géologiques
La datation relative
L'âge de la Terre, qui apparaissait de plus en plus important avec l'amélioration des connaissances géologiques, ne pouvait être mesuré, ni subdivisé de façon précise, car les moyens techniques permettant de dater de façon absolue les roches n'existaient pas. Aussi, l'élaboration d'une échelle temporelle qui classerait les principaux événements de l'histoire géologique dans un ordre correct était une préoccupation essentielle de la géologie au xixe s. : l'échelle relative des temps géologiques fut progressivement établie. Au début du xxe s., la découverte de la radioactivité permit d'affecter des valeurs absolues à cette échelle relative.
Pendant que les physiciens essayaient par différentes méthodes d'évaluer l'âge de la Terre, les géologues observaient et classaient les espèces fossiles ; ils utilisaient la superposition de couches de terrain pour dater, de façon simple, les strates les unes par rapport aux autres.
Ainsi, la longue histoire de la Terre a été divisée en périodes selon des événements dont les effets ont été enregistrés dans les matériaux géologiques (en l'occurrence, les strates). Ces événements peuvent être des points singuliers de l'évolution du monde vivant, comme l'apparition ou la disparition, locale ou généralisée, de groupes d'animaux ou de végétaux. Ces événements peuvent aussi être liés à l'activité de la planète : variation du niveau des mers, évolutions climatiques, édification de chaînes de montagnes. Ils sont visibles sur le terrain sous la forme, par exemple, de ce que l'on appelle une discordance : lors de l'érosion d'une chaîne de montagnes (constituée par plissement de strates à l'origine horizontales), de nouveaux terrains se déposent horizontalement sur ses restes selon une surface dite de discontinuité.
La datation absolue
En 1896, Henri Becquerel découvre la radioactivité naturelle, qui est la désintégration spontanée de certains éléments instables dits « radiogéniques ». Bertam Boltwood démontre que, lors de la désintégration de l'uranium radioactif en plomb, le rapport Pb/U augmente avec l'ancienneté de la roche qui contient ces éléments.
La vitesse de désintégration radioactive est exponentielle. La loi de décomposition des éléments est caractérisée pour chaque isotope radioactif par une période, ou temps de demi-vie, qui est le temps requis pour que la moitié de la masse de l'élément initial radioactif « père » se transforme en élément ou isotope stable « fils ». Par exemple, si une certaine substance radioactive a une période de 1 million d'années, il ne restera que la moitié de cette substance 1 million d'années après son incorporation dans un minéral, un quart après 2 millions d'années, et ainsi de suite jusqu'à l'infini. L'âge réel d'une roche peut donc être calculé si l'on peut mesurer les quantités d'éléments pères et fils qu'elle contient.
Si la vitesse de désintégration peut être déterminée, il devient possible de calculer, sur une roche, des durées réelles, et donc de placer des âges absolus sur l'échelle des temps géologiques. Les techniques de datation des roches fondées sur la radioactivité, appelées datations radiométriques, portent notamment sur la désintégration de certains isotopes d'uranium en plomb, ou de rubidium en strontium. À l'exception de l'isotope du carbone 14 (14C), toutes ces substances ont des demi-vies assez longues pour permettre de déterminer l'âge de la Terre. Le 14C, dont la demi-vie est plus courte (5 750 ans), ne peut être utilisé que pour mesurer des âges assez récents, de quelques dizaines de milliers d'années.
Le calibrage de l'échelle relative
La plupart des éléments radioactifs utilisables en radiochronologie se trouvent dans les roches éruptives et métamorphiques, tandis que les fossiles, sur lesquels est fondée en grande partie l'échelle relative des temps, se rencontrent dans les roches sédimentaires. Si des roches éruptives, telles que des laves ou des cendres volcaniques, sont intercalées dans un ensemble de strates sédimentaires, la datation absolue des sédiments est relativement aisée. Dans les autres cas, les géologues doivent effectuer des corrélations régionales afin d'établir une liaison entre des roches cristallines datées radiométriquement et des strates sédimentaires. Si une formation sédimentaire est recouverte d'une roche éruptive vieille de 250 millions d'années elle est plus ancienne, mais nous ignorons de combien d'années. Si la roche éruptive est à son tour recouverte par une deuxième formation sédimentaire, celle-ci date de moins de 250 millions d'années mais nous ignorons encore son âge exact, qui ne pourra être précisé que si une autre formation éruptive la recouvre. En réalisant de proche en proche des fourchettes chronologiques de ce genre, il est possible de calibrer de façon de plus en plus fine et précise l'échelle des temps géologiques.
2. Les différentes ères géologiques
Les subdivisions les plus importantes correspondent à des durées appelées ères, divisées elles-mêmes en périodes, lesquelles sont distribuées à leur tour en époques, qui comprennent très souvent plusieurs âges. Les ensembles de matériaux géologiques déposés ou édifiés au cours de ces laps de temps sont, eux, regroupés en ères, systèmes, séries, étages. La nomenclature utilisée est très diverse et reflète l'histoire de la mise en œuvre de cette échelle : les noms des étages font référence à des fossiles ou à des lieux où se trouvaient des faciès ou des fossiles particuliers.
L'ensemble des temps géologiques, de la naissance de la Terre à nos jours, a été divisé en quatre ères, de durées fort inégales. L'âge le plus ancien mesuré sur une roche terrestre, en Afrique du Sud, est de 3,8 milliards d'années (mais la Terre existait déjà depuis bien longtemps [0,8 milliard d’années]). Ainsi, les techniques de datation radiométrique ont permis d'établir que l'ère paléozoïque a débuté il y a environ – 540 millions d'années, l'ère mésozoïque vers – 245 millions d'années et l'ère cénozoïque il y a près de 65,5 millions d'années. En outre, les datations réalisées sur certaines météorites, qui remontent probablement à la création du système solaire, et sur les roches prélevées sur la Lune par les missions américaines Apollo permettent d'avancer un âge de 4,65 milliards d'années pour les planètes du système solaire.
2.1. Le précambrien
Première ère de l'histoire de la Terre, le précambrien correspond au brutal développement des premières faunes marines diversifiées (dont, parmi les crustacés, le groupe des trilobites).
2.2. Le paléozoïque, ou ère primaire
Le paléozoïque (du grec palaios, ancien, et zôon, animal) débute en même temps qu'apparaissent la plupart des groupes d'invertébrés et se termine après l'édification puis l'abrasion complète de plusieurs systèmes de chaînes de montagnes, notamment les chaînes calédoniennes et hercyniennes. Le passage à l'ère suivante correspond à la discordance dite hercynienne.
Pour en savoir plus, voir l'article paléozoïque.
2.3. Le mésozoïque, ou ère secondaire
Le mésozoïque (de mesos, moyen, et zôon, animal) commence par un envahissement des domaines continentaux par la mer (transgression) et voit le développement des faunes marines (ammonites) et des faunes continentales (reptiles notamment).
Pour en savoir plus, voir l'article mésozoïque.
2.4. L'ère cénozoïque (tertiaire et quaternaire)
Le tertiaire a longtemps été assimilé au cénozoïque. Il est aujourd’hui considéré comme la première des deux périodes qui forment l’ère cénozoïque (de koinos, commun, et zôon, animal), la seconde étant le quaternaire.
Pour en savoir plus, voir l'article cénozoïque.
Le tertiaire est marqué par des discontinuités faunistiques importantes et par une nouvelle répartition des terres émergées. C'est la période de l'évolution du système alpin et du développement des mammifères et des plantes à fleurs (angiospermes).
Pour en savoir plus, voir l'article tertiaire.
Le quaternaire, composé d’une sucession de glaciations et de périodes interglaciaires, a été défini de façon très anthropologique, par rapport à l'apparition de l'homme moderne.
Pour en savoir plus, voir l'article quaternaire.
3. L'histoire de la vie
On peut comparer les 4,6 milliards d'années de l'histoire de la Terre à une de nos années de calendrier. Ainsi, si l'on considère que nous sommes au 31 décembre à 24 heures, et que la Terre s'est formée voici exactement un an, le 1er janvier à 0 heure, la vie serait apparue dans la troisième semaine de février.
Toutes proportions gardées, notre planète n'est donc pas restée très longtemps inhabitée. Mais il faut attendre le 16 novembre pour voir apparaître les animaux à coquille et le début du paléozoïque. La suite se déroule dans ce dernier mois et demi de l'année. Les premiers animaux vertébrés apparaissent le 21 novembre ; les végétaux s'installent hors de l'eau vers les 28-30 novembre, et sont suivis par des animaux invertébrés vers le 1er décembre, puis par les vertébrés le 4 décembre.
Les reptiles font leur apparition vers les 6-7 décembre, alors que le mésozoïque débute le 13 décembre. Les dinosaures apparaissent le 14, les mammifères le 16 et les oiseaux le 20. Le 26 décembre au soir, c'est la fin du mésozoïque et de la domination des reptiles. Et il faut attendre le 31 décembre, vers 20 heures, pour que l'homme fasse enfin son apparition. Quant à l’ère chrétienne, cela fait 14 secondes qu'elle a débuté !
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GÉOLOGIE |
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géologie
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Cet article fait partie du dossier consacré à la géologie et du dossier consacré à l'histoire de la Terre.
Étude des constituants de la Terre, visant à en comprendre la nature, la distribution, l'histoire et la genèse.
Si les premières observations géologiques remontent à l'Antiquité, le nom de géologie apparaît pour la première fois à la fin du xviie s., dans le titre d'un ouvrage, et ce n'est qu'au xviiie s. que cette science commence véritablement à se développer, dans l'ambiance du siècle des Lumières. On voit bientôt s'opposer les théories antagonistes de l'Allemand Abraham Werner (1749-1817), qui attribue à toutes les roches une origine océanique, et de l'Américain James Hall (1811-1898), qui privilégie l'origine ignée des roches éruptives. Au xixe s., la géologie proprement dite se diversifie en ses différentes branches, tandis que le xxe s. voit son explosion en disciplines nouvelles, avec d'une part son ouverture à la physique et à la chimie, donnant naissance à la géophysique et à la géochimie, et d'autre part les progrès des moyens d'observation qui étendent son champ à l'océanologie et à la planétologie, l'ensemble constituant les géosciences.
1. Objets d'étude et différentes branches de la géologie
La géologie proprement dite comprend diverses branches qui concourent à l'étude de la nature des roches, de leur âge ou de leur structure.
1.1. L’étude de la nature des roches
L'étude de la nature des roches fait l'objet de la pétrographie, ou pétrologie, qui distingue :
– les roches sédimentaires, ou exogènes (calcaires, grès, argiles, etc.), déposées par les agents dynamiques externes (eaux, glaces, vent) et dont la caractéristique principale est d'être stratifiées ;
→ sédimentation
– les roches magmatiques, ou endogènes, issues des profondeurs, généralement cristallines, sous forme d'amas massifs, ou plutons, lorsqu'elles ont cristallisé à l'intérieur de la croûte terrestre (granites, gabbros, péridotites, etc.) ou de volcans et de coulées de laves lorsqu'elles se sont épanchées à la surface (rhyolites, basaltes, etc.) ;
→ magma
– les roches métamorphiques, de nature endogène ou exogène, mais transformées dans les profondeurs de la croûte terrestre sous haute température et haute pression, ce qui leur confère un aspect de schistes cristallins (micaschistes, gneiss).
1.2. L’étude de l’âge des roches
L'étude de l'âge des roches fait l'objet de la stratigraphie (pour les roches sédimentaires) et de la géochronologie, la première s'appuyant sur la paléontologie, ou science des fossiles, la seconde sur la géochimie isotopique, seule méthode pour les roches endogènes et métamorphiques, méthode complémentaire pour les roches sédimentaires.
→ histoire de la Terre.
Échelle stratigraphique
La paléontologie (qui permet la stratigraphie par la succession des faunes et flores fossiles dans le temps), est surtout efficace depuis 540 millions d'années (MA), moment de l'explosion biologique fondamentale qui ouvre les temps dits phanérozoïques (du grec phaneros, visible, et zôon, animal). Ceux-ci sont divisés en ères, elles-mêmes divisées en systèmes, eux-mêmes formés d'étages définis par un contenu faunistique et floristique rapporté à une localité type dont l'étage porte le nom.
Apparue il y a quelque 3,8 milliards d'années (traces d’activité d’organismes procaryotes), la vie s’est longtemps limitée au développement de bactéries et de cyanobactéries (dont certaines, coloniales, ont laissé des structures appelées stromatolites). Puis apparaissent les organismes unicellulaires eucaryotes, il y a 1,9 milliard d’années environ, suivis par les premiers pluricellulaires, il y a 670 millions d’années. Les invertébrés prolifèrent, sous toutes leurs formes, à la limite précambrien-primaire, vers 540 MA. Les poissons les plus primitifs apparaissent vers 500 MA, à la limite cambrien-ordovicien, les amphibiens (ou batraciens) vers 360 MA, à la limite dévonien-carbonifère, les reptiles vers 320 MA, au milieu du carbonifère, les mammifères vers 200 MA, au trias, les oiseaux vers 160 MA, au jurassique. Les hominidés n'émergent que vers 4 MA, au cours du pliocène. Parmi les végétaux, les cryptogames partent à la conquête des continents, jusqu'alors déserts, vers 430 MA, au silurien, les gymnospermes apparaissent vers 360 MA, au début du carbonifère, les angiospermes, ou plantes à fleurs (→ phanérogame), vers 100 MA, au crétacé.
Cette succession des faunes et des flores dans l'ordre de la complexité croissante est le support de la théorie de l'évolution formulée à la fin du xviiie s. par le Français Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) – connue aujourd’hui sous le nom de lamarckisme –, puis de celle établie au xixe s. par le Britannique Charles Darwin (1809-1882). Ces successions de faunes ne sont pas régulières : certaines périodes sont marquées par de brutales et vastes vagues d’extinctions ; la plus connue s'est produite à la fin de l'ère secondaire (transition crétacé-tertiaire), vers 65 MA, et vit la disparition totale des dinosaures.
L'établissement du concept d'évolution est l'un des grands chocs spirituels ayant modifié l'idée que l'humanité se fait d'elle-même (aux côtés du concept de révolution de la Terre sur elle-même et autour du Soleil) : non seulement l'homme n'est pas au centre du monde, mais il n'est qu'un maillon parmi d'autres d'une chaîne biologique a priori sans fin.
La géochronologie a donné à la stratigraphie un calendrier précis, outre qu'elle a permis de donner un âge aux terrains cristallins, jusqu'alors datés approximativement par des méthodes indirectes. Elle se fonde essentiellement sur des méthodes géochimiques.
La datation des terrains et l'analyse de leurs faciès débouchent sur la reconstitution des géographies du passé géologique, ou paléogéographie.
L'ensemble de ces disciplines, qui reconstituent l'histoire de la Terre, forme la géologie historique.
1.3. L’étude de la structure des roches
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L'étude de la structure des roches fait l'objet de la tectonique, qui décrit les déformations des roches par l'observation de terrain et leur genèse par la tectonique expérimentale et la tectonophysique.
On reconnaît ainsi des formes et accidents tectoniques, cassures ou failles, plis, transports horizontaux ou chevauchements et charriages et des styles tectoniques, selon la profondeur des déformations.
Les chaînes de montagnes qui en résultent forment des ensembles intra- ou intercontinentaux. Les chaînes intracontinentales associent les déformations du socle continental et de sa couverture sédimentaire.
Les chaînes intercontinentales, ou de collision, sont liées au rapprochement des continents jusqu'à leur collision : l'océan intermédiaire se réduit à une cicatrice, ou suture ophiolithique, du nom des roches basiques et ultrabasiques qui formaient la croûte de l'océan disparu – les chaînes alpines de la ceinture montagneuse qui va de Gibraltar à l'Indonésie, entre l'Eurasie d'un côté et l'Afrique, l'Inde et l'Australie de l'autre, par les Alpes et l'Himalaya, en sont un bon exemple.
Les chaînes péricontinentales, ou de subduction, sont dues au passage en force de la lithosphère océanique sous les marges des continents qui les bordent (→ subduction). Elles affectent soit la forme de puissantes cordillères, comme les Andes, limitées à la déformation des marges continentales, soit la forme d'arcs insulaires, comme ceux de l'ouest du Pacifique, lorsqu'une mer marginale s'intercale entre l'arc déformé et le bord continental ; cordillères et arcs insulaires sont riches en roches granitiques et volcaniques (andésites).
Chaînes de collision et de subduction forment les deux grandes ceintures montagneuses volcaniques et sismiques du globe : la ceinture péripacifique, liée à la subduction de l'océan Pacifique (« ceinture de feu », et la ceinture téthysienne, liée à la collision des masses continentales aujourd'hui septentrionales (Amérique du Nord et Eurasie), avec les masses méridionales (Amérique du Sud, Afrique, Inde, Australie), aux dépens de la Téthys, océan aujourd'hui disparu qui séparait ces deux ensembles continentaux.
2. Les nouvelles disciplines
De la rencontre entre la géologie et la physique et la chimie, sont issues la géophysique et la géochimie.
2.1. La géophysique
Fournissant un apport essentiel à la tectonique, la géophysique s'est développée via la gravimétrie, la sismologie et le géomagnétisme.
La gravimétrie
Née au xviiie s., la gravimétrie, en se fondant sur les anomalies de la pesanteur, contribue à définir la forme du globe terrestre, puis l'équilibre des couches superficielles sur les plus profondes, ou isostasie, notamment dans le cas des chaînes de montagnes sous lesquelles existe une racine légère, conçue comme un gonflement de la lithosphère continentale à l'aplomb du relief, sorte d'image en négatif de la chaîne. En affinant la mesure de ces anomalies de pesanteur, on peut déterminer les régions en équilibre isostasique, donc stables, et celles en déséquilibre, qui tendent soit à s'affaisser, soit à se soulever, ayant ainsi une clef de la dynamique du relief.
La sismologie
La sismologie est devenue une science vers la fin du xixe s. et les études sismologiques se sont orientées successivement dans trois directions :
• les tremblements de terre (→ séisme) eux-mêmes (échelle de Mercalli, qualitative ; et échelle de Richter, quantitative) ;
• la détermination de la structure du globe terrestre en croûte, manteau et noyau, séparés par les discontinuités de Gutenberg et de Mohorovičić (→ moho), croûte et manteau supérieur formant la lithosphère, rigide, tandis que le reste du manteau constitue l'asthénosphère, plastique (→ Terre) ;
• la structure de la croûte terrestre et de ses parties superficielles qui, seule, concerne la géologie.
La sismicité générale a permis de définir le mécanisme d'ouverture (accrétion) des rifts médio-océaniques (→ fossé d'effondrement, expansion des fonds océaniques), le jeu des failles transformantes qui segmentent ceux-ci, le plan de subduction, dit plan de Benioff (du nom de son découvreur, le sismologue américain Hugo Benioff [1899-1968]), selon lequel l'océan plonge sous les marges continentales au niveau des arcs insulaires et des cordillères. Ainsi a été fondée la tectonique des plaques.
La sismique appliquée, développée par les compagnies pétrolières (→ pétrole), a conduit à une connaissance détaillée de la croûte terrestre faisant la liaison entre géophysique et géologie. D'abord limitée aux ensembles sédimentaires, objets de la prospection pétrolière, elle s'est étendue à l'épaisseur de la croûte terrestre, par la mise au point de programmes de profils sismiques d'écoute longue, comme les programmes COCORP (COnsortium for Continental Reflection Profiling) aux États-Unis, le premier du genre, ou ÉCORS (Étude des Continents et des Océans par Réflexion Sismique) en France, et d'autres dans différents pays. C'est la tectonique qui a surtout profité de ces développements.
Le géomagnétisme
Le géomagnétisme est, avec la gravimétrie, la plus ancienne discipline de la physique du globe, car, comme elle, liée à la géodésie : dès le xviie s. et surtout le xviiie s., les mesures du magnétisme terrestre sont devenues courantes. Mais il a fallu attendre le xxe s. pour qu'elles prennent un sens pour la géologie et qu'elles soient effectuées dans ce but.
Le paléomagnétisme, qui fournit la direction des pôles à un moment donné en un endroit donné, se fonde sur le champ magnétique fossile daté par la stratigraphie ou la géochronologie. Chaque continent, à un moment donné, indiquant une position différente des pôles de celles indiquées par les autres continents, la mobilité relative des uns par rapport aux autres se trouve ainsi démontrée, justifiant la théorie de la dérive des continents de l'Allemand Alfred Wegener (1880-1930), et confortant la tectonique des plaques qui l'intègre dans ses prémisses.
Le relevé d'anomalies magnétiques océaniques parallèles au rift médian, interprétées comme marquant les renversements successifs de la polarité du champ magnétique terrestre pendant la genèse progressive de la croûte océanique, donne une mesure quantifiée de celle-ci, dont l'ordre de grandeur est le centimètre par an, de 2 cm/an pour les rifts lents jusqu'à plus de 10 cm/an pour les rifts rapides. Ainsi se trouve mesurée l'expansion océanique et une nouvelle fois confortée la tectonique des plaques.
À la paléogéographie succède ainsi la palinspatie, qui tient compte du déplacement des continents et devient globale, justifiant que la tectonique des plaques soit aussi désignée sous le nom de tectonique globale.
2.2. La géochimie
La géochimie a renouvelé la pétrologie par l'analyse précise et quantifiée de la composition des roches et de chacun de leurs minéraux majeurs. Mais c'est par l'analyse des éléments mineurs et de leurs composants isotopiques qu'elle a apporté une véritable révolution.
En s'appuyant sur la période de désintégration des éléments radioactifs, elle a permis la mesure de la durée des temps géologiques, dont l'unité est le million d'années : tous les chiffres rappelés dans le tableau stratigraphique se fondent sur cette géochronologie isotopique qui utilise les couples uranium/plomb, potassium/argon, rubidium/strontium, etc., pour les temps géologiques anciens, le fluor et le carbone 14 pour les périodes récentes aux limites de l'histoire et de la préhistoire.
→ radioactivité.
Après la paléontologie, qui a fondé la notion d'évolution biologique, la géochronologie est à la source de la deuxième grande révolution apportée par les géosciences dans la pensée humaine : désormais, l'histoire de la Terre a un début et un calendrier dans lequel l'évolution biologique, notamment celle de l'homme, prend sa place.
En s'appuyant sur la composition isotopique des roches, la géochimie a permis de préciser les conditions de leur formation, notamment la température à laquelle elles sont apparues. Ainsi ont été définis des paléothermomètres, comme le couple oxygène 16/oxygène 18, qui permet de dire à quelle température se sont déposés les sédiments, fournissant une clef à la paléoclimatologie : les périodes froides sont caractérisées par un enrichissement en oxygène 18, isotope lourd moins volatil, au contraire des périodes chaudes, caractérisées par un enrichissement en isotope léger oxygène 16.
Par l'ensemble de ces approches, la géologie dynamique, ou géodynamique, a été complètement renouvelée.
3. Les nouvelles approches
Dans les dernières décennies, les progrès de l'océanographie et de la recherche spatiale ont donné à la géologie une dimension qui englobe les océans tout autant que les continents et dépasse même les limites du globe terrestre pour s'étendre aux autres planètes du Système solaire et à leurs satellites.
3.1. L'océanologie géologique
Apparue au xixe s., l'océanologie géologique a donné des océans une connaissance précise qui a renouvelé l'interprétation des terrains du passé géologique, en s'appuyant sur toutes les méthodes de la géologie, de la géophysique et de la géochimie et, à la fin du xxe s., en utilisant des moyens performants comme le sondeur multifaisceaux (fondé sur le principe du sonar), pour le dessin des cartes du fond des océans, les forages océaniques profonds, pour recueillir des éléments de la croûte océanique et de sa couverture sédimentaire, et les submersibles autonomes (→ bathyscaphe), capables de descendre à 6 000 m de profondeur, pour effectuer des observations et recueillir des échantillons, etc.
→ fosse océanique.
Le principe de l'uniformitarisme, suivant lequel le globe a évolué selon les mêmes modalités qu'aujourd'hui, énoncé dès 1830 par le Britannique Charles Lyell (1797-1875), y a trouvé sa convaincante illustration, du moins pour ce qui concerne les temps phanérozoïques.
3.2. La planétologie
La planétologie (→ planète) s'est développée en s'appuyant sur des télescopes de plus en plus performants et sur les sondes spatiales. Elle autorise une étude comparée des planètes et de leurs satellites, l'événement le plus spectaculaire ayant été la récolte de roches lunaires, des basaltes identiques à ceux que l'on rencontre sur la Terre et de même âge que les plus anciens : la Lune a le même âge et la même origine que notre planète.
Nombre de traits géologiques terrestres ont été reconnus sur les planètes telluriques et les satellites des planètes géantes ; outre les impacts météoritiques mieux conservés que sur la Terre, où l'érosion les a le plus souvent effacés, on a reconnu des traces d'érosion fluviale, des plis et failles, des calottes glaciaires (sur Mars) ; des carapaces de glace déformées (sur Callisto, Europe et Ganymède, satellites de Jupiter) ; des volcans éteints (sur Vénus et Mars) ou en activité (sur Io, satellite de Jupiter), etc. Ces observations sont l'amorce d'une géologie des planètes qui n'en est qu'à ses débuts.
3.3. La télédétection
L'observation de la Terre par satellite dans le visible ou dans certaines bandes du spectre infrarouge autorise une cartographie précise, révélant des structures de grande dimension que la synthèse des observations de terrain ne permet pas toujours de mettre en évidence.
→ télédétection.
3.4. L'océanologie spatiale
Les mesures effectuées au-dessus des océans par des satellites équipés d'altimètres radar donnent des résultats de premier plan pour l'étude des courants ou des grands déplacements de la masse océanique, comme le phénomène El Niño, mais aussi dans le domaine de la géologie : moyennant diverses corrections, l'altimétrie de la surface des océans – connue au centimètre près – révèle la forme du fond et les accidents tectoniques qui l'affectent : on a pu ainsi dresser des cartes des fonds océaniques, qui vérifient les prédictions de la tectonique des plaques, fournissant donc de cette théorie une autre démonstration.
3.5. La géodésie spatiale
Des satellites géodésiques ont permis de mesurer avec une précision centimétrique les déplacements des objets géologiques à la surface de la Terre et de retrouver ainsi, par une autre méthode, les données de la tectonique des plaques, mais cette fois chiffrées en temps réel.
On passe ainsi de la géodynamique moyennée sur des millions d'années à la géodynamique mesurée sur une année. Le résultat le plus spectaculaire est que les valeurs obtenues par ces deux approches sont identiques : par exemple, moyenné sur 5 millions d'années ou mesuré sur une année, le coulissage du complexe de failles de San Andreas, en Californie, est de 5 cm par an.
On peut dès lors envisager de prédire le futur : à long terme, par exemple quand l'axe égéen, qui s'avance vers le sud à la cadence de 4 cm par an, viendra recouvrir la Libye en fermant la mer du Levant, etc. ; ou, à court terme, en particulier pour la prévision des séismes.
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