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VENISE

 

 

 

 

 

 

 

Venise
en italien Venezia


Ville d'Italie, chef-lieu de province et capitale de la Vénétie.
Population : 263 996 hab. (recensement de 2011)
Nom des habitants : Vénitiens
GÉOGRAPHIE
Venise se dresse en un site exceptionnel. Au fond de l'Adriatique, elle est construite au milieu d'une lagune, sur un archipel de 118 petites îles séparées par 177 canaux, et compte 400 ponts. Elle se trouve à 4 km de la terre ferme, à laquelle elle est réunie par un pont ferroviaire et routier, et à 2 km de la mer dont elle est séparée par un long cordon littoral (cordons de Pellestrina, du Lido de Venise, de Cavallino). Venise a constitué au Moyen Âge un vaste État reposant sur le commerce, unifié sous son autorité, et qu'elle a maintenu libre pendant une dizaine de siècles. La cité des Doges porte les marques de cette richesse passée avec la place Saint-Marc et l'alignement de somptueux palais le long du Grand Canal. Diverses activités ont été transférées sur d'autres îles ou cordons littoraux à Chioggia (pêche), Murano (verrerie), le Lido (tourisme de luxe). Sur la terre ferme se sont développés les quartiers de résidence à Mestre et les zones industrielles à Marghera (travail des métaux non ferreux, pétrochimie). Les fonctions de Venise sont variées. La plus célèbre est la fonction touristique, qui est à la source d'une vive activité commerciale. Les fonctions administrative et culturelle (Biennale d'art, festival international de cinéma, université) sont importantes, mais c'est l'industrie qui offre le plus d'emplois. Son développement menace l'existence même de Venise par la pollution et par l'affaissement de la ville dans sa lagune lié au tassement des sédiments dû au pompage des eaux industrielles, affaissement de l'ordre de 20 cm depuis un siècle. La mer envahie régulièrement la ville au moment des grandes marées. Le plus haut niveau de ces hautes eaux date de novembre 1966, avec 1,94 m au-dessus du niveau de référence. L'acqua alta de décembre 2008 a atteint 1,56 m, soit le plus haut niveau depuis 22 ans. Un projet, appelé Moïse, lancé en 2003, consiste à construire 78 digues mobiles pour limiter ces inondations dues aux grandes marées.
HISTOIRE DE VENISE
Les origines (ve-viiie s.)

Les invasions des Huns (ve s.) puis l'arrivée des Ostrogoths de Théodoric ont vraisemblablement eu pour effet de provoquer des exodes temporaires des populations côtières (pêcheurs, marins et sauniers) sur les îlots de la lagune. Mais, à la fin du vie et au viie s., la lagune sert de refuge durable aux paysans et citadins du littoral, fuyant les invasions lombardes. Elle se peuple de cités romano-byzantines placées sous l'autorité de l'exarque de Ravenne. Au cours de la crise iconoclaste, les cités de la lagune s'émancipent momentanément de la tutelle byzantine et leurs armées élisent un duc (doge) : Orso Ipato (726-737). Après la conquête des États continentaux par Charlemagne (774), le pacte romano-carolingien de 814 reconnaît l'appartenance de la lagune à l'Empire byzantin, lui assurant ainsi une position stratégique aux confins des empires d'Orient et d'Occident et du monde slave.
Implantation et croissance de la ville (ixe-xiie s.)
Au début du ixe s., le doge Agnello Partecipazio (809 ou 810-827) transfère le siège ducal dans sa résidence des îles du Rialto où sont déposés les restes de saint Marc en 828. La situation privilégiée de Venise lui permet de fonder sa puissance sur les échanges commerciaux maritimes. Les Vénitiens redistribuent en Occident les soieries, les épices, les produits exotiques et de luxe en provenance de Constantinople, d'Alexandrie et d'Orient, tout en exportant vers l'Orient byzantin et arabe les esclaves (Slaves), le bois, le fer et, à partir du xiie s., les draps de laine de l'Occident. La ville développe aussi un commerce de première nécessité avec la vallée du Pô et les Pouilles.
Venise consolide ses positions commerciales en établissant, sous Pietro II Orseolo (992-1009), un protectorat sur la côte et les îles dalmates, de Zara (Zadar) à Raguse (Dubrovnik). Son soutien à l'empereur Alexis Ier Comnène contre les Normands (1081) lui vaut de considérables privilèges commerciaux dans l'empire d'Orient (1082). Peu après, la consécration de la basilique Saint-Marc (1094) et l'établissement du grand marché international au bord du Grand Canal (1099) matérialisent la prospérité de la ville. Au début du xiie s., Venise doit faire face à la concurrence des Pisans et des Génois. La participation de sa flotte aux premières croisades lui assure la concession de quartiers dans plusieurs villes de Syrie et de Palestine, tandis que l'aide apportée à l'empire d'Orient contre les Normands à Corfou (1148) pérennise ses privilèges commerciaux à Constantinople.
Cette activité commerciale est à l'origine commanditée par les familles de propriétaires fonciers dont sont issus les doges, et mise en œuvre par de nouveaux venus (case nuove) rapidement enrichis. Sous l'influence de ces nouvelles familles, les institutions se précisent pour faire obstacle aux tentatives de pouvoir personnel des doges. Ils restent nommés à vie, mais leur élection est retirée à l'assemblée du peuple (arengo). Ceux-ci sont entourés de conseils (Conseil des sages, 1143 ; Petit Conseil de six membres, 1172) et doivent à leur entrée en charge prêter serment de respecter les institutions. Le doge devient ainsi le premier magistrat d'un État dont la puissance est consacrée par la signature de la trêve de Venise (1177).
L'apogée (1204-1453)

La participation de la flotte vénitienne à la quatrième croisade et à la prise de Constantinople (1204) permet au doge Enrico Dandolo (1192-1205), promoteur de l'expédition, d'obtenir pour Venise la plupart des îles grecques, une partie de la Thrace et le Péloponnèse. Établissant des comptoirs sur les côtes de ses nouvelles possessions, Venise dispose d'escales et d'entrepôts sur la route de l'Orient, qui lui est désormais ouverte jusqu'au fond de la mer Noire, et son doge s'intitule désormais « seigneur du quart et demi de la Romanie ». Au moment où Marco Polo atteint la Chine, Venise développe son commerce vers l'Atlantique en envoyant des convois de galères vers l'Angleterre et les Flandres. Les pays germaniques sont aussi associés à son commerce par l'intermédiaire de leur établissement vénitien (fondaco dei Tedeschi). La puissance de Venise, édifiée au prix de luttes constantes avec ses rivales, Pise et Gênes, se matérialise en 1284 par la frappe d'une pièce d'or, le ducat, qui, pendant trois siècles, est avec le florin de Florence l'étalon monétaire du monde méditerranéen occidental.
Les institutions vénitiennes sont de nouveau redéfinies : le Grand Conseil, organe essentiel du gouvernement, est assisté de conseils spécialisés (Petit Conseil, exécutif ; Quarantia, judiciaire ; Sénat, chargé de politique générale). Devenu plus difficile dès le xiiie s., l'accès au Grand Conseil se ferme totalement au xive s. Une oligarchie de deux cents familles gouverne alors Venise. Elle résiste à la conjuration menée par Baiamonte Tiepolo avec l'appui du peuple (1310) et se dote d'un organe de police : le Conseil des Dix. En 1354, le doge Marino Falier, accusé de visées monarchistes, est exécuté. Cette oligarchie dominante réunit la plupart des familles d'affaires dont l'activité assure l'existence même de Venise. Elle réussit donc à se maintenir au pouvoir malgré les longues guerres contre Gênes qui mettent Venise à deux doigts de sa perte (guerre de Chioggia, 1378-1381).
Au début du xve s., le développement de grandes puissances territoriales en Italie risquant d'entraver le ravitaillement de la ville dont la population dépasse 100 000 habitants, Venise entreprend, sous l'impulsion du doge Francesco Foscari (1423-1457), la conquête d'un État de Terre Ferme, grâce à une armée de mercenaires. La paix de Lodi (1454), conclue entre Milan, Florence et Venise, rend les Vénitiens maîtres du Frioul, de Trévise, Padoue et Vérone. Venise donne à son nouvel État une législation unifiée et nomme les principaux magistrats des villes, dont elle préserve l'essentiel des coutumes.
La résistance à l'adversité (xve-xviiie s.)
La progression des Turcs dans les Balkans s'est manifestée depuis longtemps par l'émigration à Venise de lettrés grecs (Bessarion), qui introduisent dans la ville une école humaniste. Mais la prise de Constantinople (1453) atteint directement les intérêts vénitiens en Orient. Pour maintenir ses relations commerciales vitales, Venise achète Chypre (1489) et lutte pied à pied avec les Turcs. Les expéditions des rois de France en Italie à la fin du xve s. constituent une nouvelle menace contre laquelle Venise se mobilise. Mise en difficulté par la ligue de Cambrai (1509), elle finance une nouvelle coalition qui met les Français en échec, mais dont le poids financier compromet son équilibre économique. Enfin la découverte par Vasco de Gama de la route maritime des Indes enlève à Venise le monopole de l'importation des produits de l'Orient, bien que les Vénitiens réussissent à s'imposer sur les marchés occidentaux (foires de Lyon) jusqu'en 1580. Pour soutenir son commerce, la ville développe les industries des textiles et du verre. Sa splendeur atteint alors son apogée avec l'achèvement du palais des Doges et de la place Saint-Marc, la construction des plus beaux palais du Grand Canal et l'épanouissement d'une des plus grandes écoles de peinture du monde, de Bellini à Titien.
Après la perte de Chypre (1571), puis de la Crète (1669), la concurrence commerciale des ports méditerranéens rend le déclin de Venise irrémédiable. Au xviiie s., Venise n'est plus qu'une ville de fêtes (carnaval), de luxe et d'intrigues, peu pénétrée par l'esprit des Lumières, bien qu'elle conserve intactes ses institutions républicaines.
La liberté perdue (xixe-xxe s.)
Bonaparte, après avoir conquis la République de Venise et contraint le doge Ludovico Manin à abdiquer, cède l'État à l'Autriche (traité de Campoformio, 1797). Malgré l'union de Venise au mouvement national italien et la proclamation d'une éphémère république par Daniele Manin en 1848, la ville n'est rattachée à l'Italie qu'en 1866.
VENISE, VILLE D'ART
La période byzantine
Devant les invasions continentales, la civilisation héritée de l'Empire trouva un refuge dans les îles de la lagune vénitienne. Fondée en 639, mais agrandie au début du xie s., la cathédrale de Torcello s'inscrit dans la tradition de la première architecture chrétienne et des églises de Ravenne par son plan basilical et ses mosaïques, dont une partie remonte au viie s., le xiie s. ayant ajouté une page grandiose avec le Jugement dernier qui se déploie au revers de la façade. Alors que Santa Fosca, l'église voisine, dessine une croix grecque au milieu d'un octogone, Santi Maria e Donato de Murano, reconstruite à la fin du xiie s., reste fidèle au type basilical ; une influence lombarde apparaît dans la décoration extérieure de son abside aux arcades superposées.
Dans la ville de Venise, la basilique Saint-Marc (San Marco), fondée en 828-829 et incendiée en 976, a fait place à partir de 1063 à l'étonnant édifice actuel, qui se rattache au « deuxième âge d'or byzantin » sans qu'en soient absentes les particularités dues au génie local. Le plan passe pour reproduire celui des Saints-Apôtres de Constantinople : en croix grecque, avec cinq coupoles sur pendentifs couvrant respectivement la croisée, la nef, le chœur et les deux bras du transept, chacune étant éclairée par des arcs très larges qui retombent sur d'énormes piles évidées ; celles-ci sont reliées par des colonnades portant des galeries. Il s'y ajoute une abside flanquée de deux absidioles et, enveloppant la nef, un atrium voûté de petites coupoles. L'ossature de brique a été progressivement revêtue d'une somptueuse décoration tant extérieure qu'intérieure. Le sol, les surfaces verticales, les colonnes et leurs chapiteaux sont en marbres polychromes. De nombreux morceaux proviennent de la basilique précédente ou de monuments dépouillés lors d'expéditions maritimes : les quatre chevaux de bronze, hellénistiques, rapportés de Constantinople, en 1204, puis placés au-dessus du portail central ; le groupe en porphyre des Tétrarques, sculpture syrienne du ive s. ; le pilier de Saint-Jean d'Acre (ve s. ou vie s.) ; peut-être aussi les colonnes du baldaquin d'autel… Les marbres ciselés à thèmes ornementaux sont d'exécution byzantine ou d'imitation locale, de même que les portes de bronze (xie-xiiie s.) ou la partie la plus ancienne (xe s.) de la « pala d'oro », avec ses émaux et ses pierres précieuses. Mais l'intérieur offre surtout, dans ses parties hautes, l'immense revêtement de ses mosaïques, dont l'exécution a commencé à la fin du xie s. Avec leur fond d'or et leurs couleurs éclatantes, avec leur iconographie réglée par un programme d'inspiration théologique, les plus anciennes relèvent de l'art byzantin. Mais l'entreprise s'est poursuivre jusqu'au xviie s., soumise à l'évolution du goût. Dès le xiie s. apparaît un style plus libre, plus réaliste et plus vivant, où l'influence romane est sensible. On le retrouve au xiiie s., avec un ton brillamment narratif, dans les scènes de l'Ancien Testament qui ornent l'atrium. Cette tendance à l'occidentalisation est confirmée par le décor sculpté de la même époque : surtout les bas-reliefs du portail central, représentant les Mois, les Métiers, les Saisons, les Vertus, les Prophètes, etc., avec une vigueur plastique et un accent réaliste qui les rapprochent de la sculpture émilienne et notamment de Benedetto Antelami.
Cette période a vu aussi se fixer le type vénitien du palais conçu à la fois comme un entrepôt, avec débarcadère, une maison de commerce et une habitation patricienne. La façade sur le canal forme une sorte de triptyque avec deux tours, qui deviendront deux massifs aux percées assez peu nombreuses, de part et d'autre d'un corps central ajouré d'arcades superposées. L'ossature de brique se dissimule sous des placages de marbres souvent polychromes et assemblés en figures géométriques. Ainsi se présentent encore sur le Grand Canal, plus ou moins restaurés, les palais jumeaux Loredan et Farsetti, la Ca'da Mosto, le palais Palmieri, devenu au xviie s. le « fondaco dei Turchi ».
Venise gothique

Commencée au milieu du xiiie s., la construction de l'église des Dominicains, Santi Giovanni e Paolo (« San Zanipolo »), puis de celle des F ranciscains, Santa Maria Gloriosa dei Frari, marque l'abandon des formules byzantines et romanes au profit de la voûte à croisée d'ogives et d'un style lié au gothique péninsulaire. Ces deux majestueux vaisseaux de brique, à ornements de pierre blanche et de marbre, deviendront les nécropoles des doges et des Vénitiens illustres, San Zanipolo surtout. Parmi les autres églises, la Madonna dell'Orto se signale par sa façade gracieuse, Santo Stefano par sa couverture en carène lambrissée.
Dans tout cela, seuls des détails révèlent l'originalité du gothique proprement vénitien, amalgame d'éléments nordiques et orientaux. Sa floraison va du deuxième quart du xive au milieu du xve s. Il se définit moins par la structure que par son décor mouvementé, nerveux, riche et cependant léger grâce à la prépondérance des vides sur les pleins, souvent polychrome. Deux édifices, l'un religieux, l'autre civil, ont joué un rôle déterminant. Saint-Marc doit au gothique vénitien l'insolite couronnement de sa façade et de ses flancs : une alternance de grands arcs en accolade et d'édicules à pinacles, avec d'abondantes sculptures ornementales ou figuratives, auxquelles ont travaillé des maîtres florentins et lombards. À l'intérieur, Jacobello et Pier Paolo Dalle Masegne élevèrent en 1394 l'iconostase avec ses nobles statues.
Mais c'est dans l'art profane que le gothique vénitien a donné toute sa mesure, et d'abord dans le palais des Doges (Palazzo Ducale), reconstruit à partir de 1340 environ. On doit à une première campagne le corps de bâtiment donnant sur la lagune et formant, sur la Piazzetta, l'amorce de la façade en retour d'équerre. L'élévation, d'une vive originalité, inverse le rapport habituel des masses : c'est en effet la moitié inférieure qui est le plus évidée, au moyen d'un portique et d'une loggia à arcades, alors que la moitié supérieure, en faisant prévaloir la muraille sur les ouvertures, met en valeur l'assemblage de ses marbres bicolores. Entrepris à la fin du xive s. par des maîtres dont un grand nombre étaient originaires de Lombardie, le magnifique décor sculpté comprend notamment les deux groupes d'angles représentant l'un Adam et Ève, l'autre l'Ivresse de Noé. À la seconde campagne, commencée en 1424, revient l'achèvement de l'aile donnant sur la Piazzetta. Elle reproduit l'élévation de la plus ancienne et laisse le même rôle à la sculpture, mais à la contribution des maîtres lombards s'ajoute celle des Toscans, dont on reconnaît la force plastique dans le groupe d'angle représentant le Jugement de Salomon. On doit à Giovanni et à Bartolomeo Bon, pour l'essentiel, l'exubérant décor de la porte d'honneur, dite « porta della Carta » (vers 1440), ainsi que le « portique Foscari », qui s'ouvre sur la cour.
Sur la voie triomphale que forme le Grand Canal, les palais des patriciens témoignent aussi de la floraison gothique. Leur structure dérive du type primitif : entre deux parties plus massives, des arcades superposées forment un écran d'une grâce nerveuse. Ainsi se présentent les palais Foscari, Giustinian, Pisani-Moretta, etc.

La « Ca'd'oro », palais de Marino Contarini (1421-1440), se signale par sa décoration particulièrement luxueuse. Sur les rii et les campi, les palais sont aussi en grand nombre, mais généralement plus simples.
À Saint-Marc, deux cycles de mosaïques datant du milieu du xive s. (baptistère et chapelle Sant'Isidoro) font apparaître un croisement d'influences byzantines et gothiques. À la même époque, on retrouve cette hésitation dans le style du premier maître connu de l'école vénitienne de peinture Paolo Veneziano (Couronnement de la Vierge, galeries de l'Académie). Lorenzo Veneziano (?-vers 1379) se révèle mieux dégagé de l'emprise byzantine et plus proche de l'esprit gothique dans son Mariage mystique de sainte Catherine (Académie). Venise, alors, semble ignorer la révolution opérée par Giotto à Padoue, la ville voisine, malgré l'écho qu'en apporte Guariento en venant peindre en 1360, dans le palais ducal, la fresque (détruite) du Paradis. Le milieu vénitien paraît mieux disposé envers le gothique fleuri et courtois, dit « international », celui de Gentile da Fabriano et de Pisanello, également appelés l'un et l'autre pour peindre des fresques au palais ducal (début du xve s., détruites). Représentant vénitien de ce style, Michele Giambono est l'auteur d'une partie des scènes de la vie de la Vierge ornant en mosaïque la chapelle des Mascoli à Saint-Marc (entre 1430 et 1450). Le gothique international trouvera un dernier refuge dans l'école dite « de Murano », fidèle à la préciosité arbitraire des couleurs et à la somptuosité décorative. On doit à la collaboration d'Antonio Vivarini (?-vers 1484), qui en est le chef, et de Giovanni d'Alemagna (?-vers 1450) le grand triptyque de la Vierge (1446) encore en place dans l'ancienne Scuola della Carità, dont le local est devenu l'Académie.
La première phase de la Renaissance

Venise tarda beaucoup à prendre part au mouvement de la Renaissance. Elle n'avait pu cependant ignorer tout à fait l'exemple de Padoue, laboratoire des nouveautés artistiques et relais de l'esprit toscan en Italie du Nord. Dès 1425, Paolo Uccello était venu dessiner des mosaïques pour San Marco, où la décoration de la chapelle des Mascoli rappelle en partie son style ; Andrea del Castagno avait peint en 1442 les fresques de la chapelle San Tarasio à San Zaccaria, peu avant que Donatello ne sculptât le Saint Jean-Baptiste des Frari, statue d'un âpre réalisme.
Après ces apports sporadiques, il faut attendre la seconde moitié du siècle pour voir la Renaissance envahir le décor urbain. Elle apparaît en 1460 à l'Arsenal, dont la porte est traitée en arc de triomphe par Antonio Gambello. Ce qu'elle fait ensuite prévaloir, c'est un style pittoresque et orné, qui associe étroitement la sculpture à l'architecture et adapte au goût vénitien des éléments d'origine toscane ou, plus souvent, lombarde. Pietro Lombardo (vers 1435-1515), originaire de Lugano, en est le représentant le plus caractéristique. Son œuvre d'architecte et de sculpture a pour traits dominants une grâce sensuelle et une fantaisie qui n'excluent pas la perfection du détail. Avec ses revêtements de marbres polychromes et finement ciselés, ses arcatures légères, son fronton courbe épousant le cintre de la voûte à caissons, la petite église Santa Maria dei Miracoli (1481) est une création très homogène, et d'un goût exquis ; la façade de la Scuola di San Marco (vers 1485), avec ses perspectives illusionnistes traitées en bas relief, exprime davantage la tendance au pittoresque. Pietro Lombardo s'est distingué aussi dans l'art funéraire. Les monuments des doges Pasquale Malipiero, Pietro Mocenigo et Niccolo Marcello, à San Zanipolo, sont d'amples compositions de goût déjà classique et d'accent triomphal, peuplées de nombreuses figures. Tous ces travaux de Pietro, surtout pour la sculpture, impliquent la collaboration de ses fils Tullio et Antonio, qui, dans leurs ouvrages personnels, affirment la tendance classique. On doit à Tullio Lombardo (?-1532) le plus imposant des tombeaux de la Renaissance vénitienne, celui du doge Andrea Vendramin à San Zanipolo. Le concours de l'architecture et de la sculpture se retrouve chez Antonio Rizzo (vers 1430-vers 1499). Le monument du doge Niccolo Tron, aux Frari, unit les deux arts dans une composition solennelle (1473). Au palais des Doges, les deux statues d'Adam et d'Ève, ciselées en marbre pour les niches du portique Foscari, sont d'admirables études de nu ; on y reconnaît l'influence padouane, c'est-à-dire celle de Donatello et de Mantegna, mais l'intensité de l'expression les apparente à la sculpture germanique. Après l'incendie de 1483, Rizzo fut chargé de reconstruire l'aile oriental du palais. Sur la cour, elle offre une façade très ornée, de style composite, dont le morceau de bravoure est l'escalier dit plus tard « des Géants ».
Mauro Coducci (vers 1440-1504) incarne une tendance plus strictement architecturale, qui subordonne les ornements à la clarté de l'articulation. Après la façade de San Michele in Isola, celle de San Zaccaria (1486-1500), avec son grand fronton semi-circulaire étayé par deux éléments symétriques en quart de cercle, fixe avec majesté un type vénitien de frontispice d'église. Auteur d'autres églises et de la tour de l'Horloge sur la place Saint-Marc, Coducci affirme son exigence de régularité dans le dessin de deux façades ouvrant sur le Grand Canal par de larges baies cintrées : celles des palais Corner-Spinelli et Vendramin-Calergi, la seconde ayant plus d'ampleur et de relief avec ses colonnes détachées et ses entablements en forte saillie.
L'esprit de la première Renaissance aura encore des fidèles parmi les architectes de la génération suivante : Guglielmo dei Grigi (?-1550), dit Bergamasco, auteur des Procuratie Vecchie, dont la longue façade à arcades superposées forme le côté nord de la place Saint-Marc (vers 1515), et probablement du pittoresque palazzo dei Camerlenghi, c'est-à-dire des trésoriers de la République ; Antonio di Pietro degli Abbondi (?-1549), dit le Scarpagnino, dont le style se fait mouvementé dans les façades richement ornées de la cour des Sénateurs au palais des Doges et de la Scuola Grande di San Rocco.

La sculpture, on l'a vu, restait le plus souvent subordonnée au décor architectural. Pour ériger un grand monument en ronde bosse, on fit appel au Florentin Andrea Verrocchio. Exécutée de 1479 à 1488, mise en place en 1495 sur le campo Santi Giovanni e Paolo, l'éloquente statue équestre du condottiere Bartolomeo Colleoni porte un peu abusivement la signature d'Alessandro Leopardi (vers 1465-1523), à qui l'on doit cependant la fonte, la ciselure et le socle. Cet excellent bronzier est l'auteur des trois socles ciselés d'où s'élèvent les mâts de drapeaux sur la place Saint-Marc (1515).
La seconde moitié du quattrocento ajoute à tout cela l'essor de la peinture vénitienne. Sans rompre avec l'école de Murano, Bartolomeo Vivarini (vers 1432-après 1491), frère d'Antonio, se laisse gagner par l'influence de Mantegna, son collaborateur aux Eremitani de Padoue ; les triptyques des Frari, de San Giovanni in Bragora et de Santa Maria Formosa jalonnent son abondante production. Giovanni Bellini, dans sa première période, emprunte aussi à Mantegna une certaine tension ; mais c'est en assouplissant les formes, en les modelant par la couleur, en les chargeant d'humanité qu'il prouve ensuite son adhésion profonde, et bien vénitienne, à l'esprit de la Renaissance. Dans cette orientation, un rôle déterminant revient à Antonello da Messina, dont le séjour à Venise se place vers 1475. Entraîné hors du cercle de Murano par le maître sicilien, Alvise Vivarini (vers 1445-1505), fils d'Antonio, trouve l'expression d'une spiritualité inquiète dans le dessin nerveux et la palette raffinée qui caractérisent par exemple sa « conversation sacrée » de San Francesco de Trévise, aujourd'hui à l'Académie. Son atelier, rival de celui de Bellini, formera des peintres doués, sensibles d'ailleurs à l'influence de ce maître : surtout Giovanni Battista Cima da Conegliano (vers 1459-1517 ou 1518), habile à associer les figures au paysage dans des compositions – la Madonna dell'arancio (Académie), le Baptême du Christ (San Giovanni in Bragora) – dont une lumière sereine fait l'unité.
Un autre courant, celui des narrateurs et des réalistes, s'est manifesté dans les cycles peints pour les Scuole, ces institutions charitables auxquelles revient un si grand rôle dans la vie artistique de Venise. À la Scuola di San Giovanni Evangelista, Gentile Bellini eut pour collaborateurs Lazzaro Bastiani (?-1512), Giovanni Mansueti (?-1527) et surtout Carpaccio. Celui-ci donna d'autres preuves de sa sensibilité en travaillant pour les Scuole de Sant'Orsola et de San Giorgo degli Schiavoni ; la vivacité de sa touche permet de le classer parmi les novateurs.
La Renaissance de la maturité
Le fait le plus marquant des premières années du xvie s. est la révolution introduite dans la peinture par la brève carrière de Giorgione. L'auteur de la Tempête fait de la couleur un langage intime, d'une poésie rêveuse. Le « giorgionisme » touche la plupart des peintres vénitiens de cette époque : Jacopo Nigretti (1480-1528), dit Palma le Vieux, auteur de paisibles « conversations sacrées » et de la Sainte Barbe entre quatre saints de Santa Maria Formosa ; Sebastiano Luciani (1485-1547), dit Sebastiano del Piombo, qui a plus de puissance, comme en témoignent les figures des portes d'orgue à San Bartolomeo et la pala de San Giovanni Crisostomo, peintes avant le départ de l'artiste pour Rome et son entrée dans le cercle de Raphaël ; le vieux Giovanni Bellini et le jeune Titien ; d'autres encore, moins connus…
Pour voir l'architecture se dégager des traditions du quattrocento, et gagner en ampleur ce qu'elle peut perdre en délicatesse, il faut attendre l'arrivée du Florentin Jacopo Sansovino. Le palais Corner della Ca'Grande, qu'il élève en 1537 sur le Grand Canal, montre déjà comment il a su adapter le répertoire classique au goût vénitien. Devenu l'architecte officiel de la République, il conçoit en 1536 le fastueux décor que formeront, sur la Piazzetta, la « loggetta », habillant avec grâce la base du campanile de Saint-Marc, et la Libreria, dont les ordres superposés et les arcades à la romaine contrastent avec le robuste appareil de la Zecca (palais de la Monnaie). Sculpteur lui-même, d'un maniérisme tantôt élégant, tantôt plus déclamatoire (statues de Mars et de Neptune, dites « des Géants », ajoutées à l'escalier extérieur du palais des Doges), Sansovino dirige un vaste atelier de sculpture pour la décoration de ses bâtiments. On y trouve notamment Alessandro Vittoria (1525-1608), maniériste raffiné dans les stucs de l'escalier de la Libreria, dans ceux de la « scala d'oro » du palais des Doges et dans ses petits bronzes, mais d'un naturalisme vigoureux quand il sculpte en marbre le saint Jérôme des Frari, celui de San Zanipolo, des bustes de patriciens et de doges.

Dans le décor urbain du xvie s., la scénographie solennelle de Sansovino peut faire place à l'expression d'une tendance plus classique. Architecte de Vérone, et spécialiste des fortifications, Michele Sammicheli (1484-1559) donne à Venise deux exemples de son style mâle en élevant sur le Grand Canal le palais Corner-Mocenigo, dont le soubassement à bossages servira de modèle à ceux des palais baroques, et le palais Grimani, d'une majesté romaine, rythmé par l'alternance de ses baies rectangulaires et cintrées. Si Vicence et les villas patriciennes de Vénétie résument l'œuvre profane d'Andrea Palladio, à Venise, l'illustre architecte a marqué de sa personnalité des édifices religieux dont l'inspiration abstraite peut paraître étrangère au génie local : l'harmonieux sanctuaire du Redentore, San Giorgio Maggiore, où le cloître et le réfectoire ont précédé la reconstruction de l'église. C'est un disciple peu imaginatif de Palladio, le théoricien Vincenzo Scamozzi (1552-1616), qui, à partir de 1584, élèvera sur le côté sud de la place Saint-Marc les Procuratie Nuove, reproduisant l'ordonnance de la Libreria avec un étage supplémentaire. Il y a plus d'originalité chez Antonio da Ponte (vers 1512-1597), qui restaure le palais des Doges après l'incendie de 1577, achève le puissant bâtiment des Prisons et reconstruit en 1588 le célèbre pont du Rialto, hardi et mouvementé.

À l'intérieur du palais des Doges, les salles refaites alors (du Collège, du Sénat, du Grand Conseil, du Scrutin), avec leurs opulents plafonds de bois sculpté et doré, accueillent les compositions de peintres qui ont depuis longtemps délaissé le giorgionisme pour des programmes plus amples. C'est par une conception particulière de la couleur que l'école vénitienne, isolée en Italie, échappe presque entièrement à l'empire du maniérisme, qui ne peut guère revendiquer que la fantaisie brillante d'Andrea Meldolla (vers 1510-1563), dit le Schiavone, de Zadar, ou le style tendu de Gian Antonio de Sacchis (vers 1483- 1539), dit le Pordenone. Cette conception préside à la longue carrière de Titien, dont le succès international explique qu'il ne soit plus représenté à Venise que par ses grands tableaux religieux, ou par des ouvrages tels que le plafond de la Libreria, décoré sous sa direction. L'œuvre du Tintoret s'inscrit au contraire dans un cadre typiquement vénitien, celui du palais des Doges, des églises, des Scuole. La sincérité de sa foi s'exprime dans un langage dramatique, où la force du coloris n'est pas absorbée par le contraste de l'ombre et de la lumière. C'est la Venise patricienne que reflète le monde fastueux du Véronèse, avec ses architectures inspirées de Sansovino, ses perspectives hardies, son coloris lumineux. Des peintres de second rang ont travaillé à l'ombre de ces trois maîtres : Paris Bordone (1500-1571), auteur de bons portraits et du tableau illustrant d'une manière savoureuse la légende du pêcheur remettant au doge l'anneau de saint Marc (à l'Académie, provenant de la Scuola di San Marco) ; Bonifazio De Pitati (1487-1553), court de souffle, mais narrateur agréable quand il introduit la représentation de la société vénitienne dans des compositions telles que le Festin du mauvais riche (Académie). Lorenzo Lotto est au contraire un indépendant, très original par sa sensibilité inquiète, sa facture vive et son coloris froid. Conçue pour glorifier l'histoire et les institutions de Venise, la nouvelle décoration du palais des Doges a employé une cohorte de peintres dont les compositions encombrées sont d'un style un peu laborieux, issu de Titien, du Véronèse, de Jacopo Bassano et surtout du Tintoret. Avec Domenico Tintoretto, fils du maître, Francesco et Leandro Bassano, d'autres encore, figure ici le fécond lacopo Palma le Jeune (1544-1628), dont beaucoup de tableaux d'églises pêchent par un coloris lourd, mais qui réveille l'intérêt avec le cycle narratif de l'oratoire des Crociferi.
Venise baroque


Baldassare Longhena, église Santa Maria della Salute, Venise
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Baldassare Longhena, église Santa Maria della Salute, Venise
La physionomie actuelle de Venise doit beaucoup à une architecture baroque dont l'esprit ne marque d'ailleurs aucune rupture avec le passé. Le xviie s. en est l'âge d'or, et Baldassare Longhena le plus grand maître. Les palais bâtis selon ses dessins, avec ampleur et faste, dérivent des modèles de la Renaissance : Ca'Rezzonico (aujourd'hui musée du Settecento), Ca'Pesaro, à la façade puissamment modelée (musée d'Art moderne)… Il y a plus de mouvement dans ses constructions religieuses : le sanctuaire de la Salute, merveilleuse illustration du thème de la coupole centrale ; le grand escalier du couvent de San Giorgio Maggiore ; la façade de Santa Maria dei Derelitti (ou Ospedaletto), pittoresque et chargée de sculptures comme celle de San Moise, œuvre d'Alessandro Tremignon, et celle de Santa Maria del Giglio (ou Zobenigo), due à Giuseppe Sardi (1680-1753) – auteur précédemment de la façade, plus majestueuse, de Santa Maria degli Scalzi, église bâtie sur des plans de Longhena. Les édifices de cette époque ont donné lieu à l'intervention de nombreux sculpteurs, d'origine souvent étrangère, dont le plus notable est Giusto Le Court (1627-1679), d'Ypres. Leur art est au service de l'architecture ; accord dont témoigne encore en 1708 le monument funéraire de la famille Valier, à San Zanipolo, théâtrale composition de l'architecte Andrea Tirali (vers 1660-1737). Les principaux constructeurs baroques du xviiie s. sont le Tessinois Domenico Rossi (1678-1742), auteur de la pittoresque façade de Santo Stae et de celle des Gesuiti ; Giovanni Scalfarotto (vers 1690-1764), à qui l'on doit San Simeon Piccolo, dominée par une élégante coupole ; Andrea Cominelli (1677-1750), qui s'est inspiré de Longhena en dessinant le vaste palais Labia.

La peinture vénitienne passe pour avoir connu une sorte de temps mort au cours du seicento, par épuisement de sa veine. Ce n'est pas, loin de là, par manque de peintres ; mais beaucoup d'entre eux se sont contentés d'exploiter les formules des grands maîtres de la Renaissance. Il en est ainsi d'Alessandro Varotari (1588-1648), dit le Padovanino, de Pietro Liberi (1614-1687), dont le registre mineur ne manque pas de grâce, tandis que Pietro Muttoni (1605-1678), dit Pietro Della Vecchia, se singularise par son goût du bizarre. Si la flamme reste alors entretenue, c'est plutôt par des étrangers qui, séjournant ou fixés à Venise, y apportent le sang frais de l'invention baroque : Domenico Fetti (vers 1589-1624), de Rome ; l'Allemand Johann Liss (vers 1597-1629) ; Bernardo Strozzi (1581-1644), de Gênes ; Francesco Maffei (vers 1600-1660), de Vicence, remarquable par sa verve et la nervosité de sa touche… Le réalisme violent et ténébreux du Génois Giovan Battista Langetti (1625-1676), d'ascendance caravagesque, trouve un écho dans la manière vigoureuse d'Antonio Zanchi (1631-1722), un autochtone comme Giovanni Antonio Fumiani (1643-1710) ; ce dernier, formé auprès des spécialistes bolonais de la perspective, peuplera de figures l'immense plafond de San Pantalon.
C'est en s'inspirant de l'exemple laissé à la Salute par Luca Giordano, de Naples, avec trois grands tableaux de la vie de la Vierge, et en se réclamant de la tradition du Véronèse, vivifiée par une sensibilité nouvelle, que Sebastiano Ricci, à l'aube du xviiie s., rendra sa place prédominante à la couleur et ouvrira la voie à ce renouveau qui fait de Venise le principal foyer de la peinture italienne du settecento. Il y a cependant plus de brio encore dans la manière apparemment facile et le coloris frais de Giovanni Antonio Pellegrini (1675-1741). Comme beaucoup de ses compatriotes, ce décorateur fécond contribuera par ses voyages en Europe (Angleterre, Pays-Bas, Paris, Vienne) au renom de l'école vénitienne. Plus court de souffle, mais d'une grâce élégiaque, lacopo Amigoni (1682-1752) fera de même à Londres, puis comme peintre de cour en Bavière et en Espagne. Le rococo trouve son représentant le plus typique en Giovan Battista Pittoni (1687-1767), dont les compositions mouvementées allient un dessin capricieux à la fraîcheur du coloris.
À cette tendance hédoniste, Giovan Battista Piazzetta (1682-1754) oppose la force et la gravité de son tempérament, l'efficacité dramatique d'un clair-obscur issu du Caravage et cependant plus moelleux (grâce à l'enseignement reçu de Giuseppe Maria Crespi à Bologne), l'austérité d'une gamme savante où dominent blancs, noirs et bruns. La sincérité de son inspiration religieuse apparaît dans des compositions telles que le Saint Jacques conduit au supplice de Santo Stae, la Vierge avec saint Philippe Neri de Santa Maria della Fava, la Gloire de saint Dominique, peinte à fresque au plafond d'une chapelle de San Zanipolo ; mais il a traité aussi, sans mièvrerie, des sujets de genre (la Devineresse, 1740, Académie).

On reconnaît l'influence de Piazzetta dans la première période de Giambattista Tiepolo. Mais ce n'est qu'un moment dans la carrière de ce maître, dont l'art relève du rococo tout en le transcendant par la virtuosité, par la splendeur du coloris, par la luminosité de l'espace. Si son œuvre immense déborde largement le cadre de Venise, des villas vénitiennes et même de l'Italie, sa ville natale montre cependant quelques-uns de ses plus beaux ouvrages : religieux, à Santo Stae, Santa Maria della Fava, Sant'Alvise, la Scuola del Carmine, Santa Maria della Pietà et aux Gesuati ; profanes, à la Ca'Rezzonico et surtout au palais Labia. Le grand Tiepolo a trouvé un collaborateur et un continuateur en son fils Giandomenico, plus doué cependant pour les sujets de genre. Il a inspiré des décorateurs habiles comme Francesco Fontebasso (1709-1769) ou Giambattista Crosato (1685-1758), auteur de fresques au palais Pesaro et de l'allégorie des Parties du monde, œuvre peinte à la voûte du grand salon de la Ca'Rezzonico.

À côté de la peinture d'histoire, l'école vénitienne du settecento a fait une place importante aux autres genres, souvent pratiqués par des spécialistes. Parmi les maîtres du portrait, Sebastiano Bombelli (1635-1716) et Alessandro Longhi (1733-1813) ont su donner du brio à la représentation officielle des personnages en pied, alors que Rosalba Carriera (1675-1757) a dû son immense succès international au charme de ses pastels. Le « genre » a trouvé son spécialiste en Pietro Longhi (1702-1785), célèbre par ses petits tableaux gauchement inspirés des maîtres hollandais, mais charmants par leurs couleurs et précieux pour l'image qu'ils donnent de la vie vénitienne. Les paysagistes ont suivi deux voies distinctes. Il y a celle du paysage composé : romantique chez Marco Ricci, décoratif et bucolique chez Francesco Zuccarelli (1702-1785), qui a beaucoup travaillé en Angleterre, et chez Giuseppe Zais (1709-1784). Genre plus humble, mais d'intérêt « touristique » et comme tel apprécié particulièrement des Anglais du temps, la veduta, ou représentation des sites réels, a été pratiquée par Luca Carlevaris (1665-1731), encore sec, et Michele Marieschi (1710-1744), plus vivant, mais ses maîtres sont Canaletto, exact et limpide, Francesco Guardi, plus frémissant.
De même que la peinture religieuse, aujourd'hui trop souvent dispersée, était conçue pour s'intégrer à la fastueuse décoration des églises, de même la peinture profane avait sa place dans les palais de la société patricienne, sur des étoffes murales, souvent au milieu de stucs d'abord exubérants comme ceux du palais Albrizzi, puis délicatement modelés et colorés comme ceux du ridotto Venier. Le goût du rococo marque tous les arts dits « mineurs ». Une place importante revient au mobilier. Après avoir connu le style sculptural d'Andrea Brustolon (1662-1732), Venise a trouvé sa spécialité dans les meubles, sièges, cadres de miroirs peints et vernis à l'imitation des laques d'Extrême-Orient, avec des motifs souvent inspirés de la Chine. La porcelaine, d'abord analogue à la pâte tendre de France, puis à base de kaolin, atteste aussi le goût de la chinoiserie. Une célébrité internationale est acquise au verre de Murano, soufflé ou effilé, souvent traité en floraisons polychromes dont l'éclat triomphe dans le décor des lustres.
Du néoclassicisme à nos jours
Dès le milieu du xviiie s., on voit Giorgio Massari (vers 1686-1766) revenir à un classicisme assez strict, d'ascendance palladienne ; on lui doit ainsi l'église des Gesuati (ou Santa Maria del Rosario), celle de Santa Maria della Pietà (ou della Visitazione) et le froid palais Grassi. Une tendance plus rigoureuse et plus archéologique apparaît à la fin du xviiie s., rompant pour la première fois l'harmonieuse continuité du tissu urbain. Elle est représentée par Giannantonio Selva (1753-1819), auteur du théâtre de La Fenice (1792). Sous l'Empire, les bâtiments du fond de la place Saint-Marc sont malencontreusement remplacés par l'aile napoléonienne, lourde imitation des Procuratie Nuove, qui abrite le musée civique Correr. Ce qui sera construit désormais ne fera guère que déparer Venise, à l'exception d'un pastiche réussi, la Pescheria (1907) de Cesare Laurenti (1854-1936). Il faut se rendre à l'évidence : Venise est l'éblouissante image d'un passé dont la gloire avait déjà pris fin avant l'abolition de la république.
LA VERRERIE DE VENISE
L'origine de la verrerie vénitienne serait liée à l'essor de la mosaïque en pâte de verre, à Ravenne et en Vénétie. Au ixe s., les artisans seraient passés de la simple fusion des « smalts » pour mosaïque au soufflage du verre. D'usage monastique au début, le verre creux devient au xie s. objet d'usage courant réclamé par la bonne société de Venise. Destinées au service de la table, ces verreries sont d'une grande finesse et leurs formes, souvent d'origine islamique, influencent toute la verrerie gothique occidentale. À la fin du xiiie s., la quasi-totalité des verreries sont concentrées, pour des raisons d'hygiène, dans l'île de Murano. Le xve s. voit la mise au point du « cristallin », excellente imitation du cristal de roche, à base de soude. Du xve au xviiie s., la verrerie vénitienne utilise toutes les ressources de la couleur : émail, effets de jaspe et d'agate, aventurine, millefiori, filigranes torsadés blancs ou de couleur, enfin pierres et perles fausses. L'influence de Venise se répand en Europe grâce aux verriers d'Altare, près de Gênes, qui, au contraire des verriers vénitiens, ont le droit de s'expatrier.
En déclin à partir du milieu du xviiie s., les ateliers de Murano connaissent un renouveau au xxe s., principalement grâce à la créativité de Paolo Venini, qui fait travailler les meilleurs artistes verriers de son temps, tel le Finlandais Tapio Wirkkala. Son action est poursuivie aujourd'hui par son gendre, Ludovico de Santillana.
LES PRINCIPAUX MUSÉES DE VENISE
Parmi les nombreux musées de Venise, on notera :
– les Galeries de l'Accademia (panorama complet de l'école vénitienne, du xive au xviiie s.) ;
– le musée Correr (musée historique et pinacothèque) ;
– le musée du Settecento veneziano, dans la Ca'Rezzonico ;
– la Galerie Franchetti, dans la Ca'd'Oro (Mantegna, Carpaccio, Titien, Guardi, etc.) ;
– la Pinacothèque du palais Querini-Stampalia ;
– le musée d'Art moderne, dans la Ca'Pesaro ;
– la Collection Peggy Guggenheim, dans le palais Venier dei Leoni (peintures et sculptures du xxe s.).

 

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MONTAGNE

 

 

 

 

 

 

 

montagne
(latin populaire montanea, féminin du bas latin montaneus, du latin classique montanus, montagneux)


Élévation naturelle du sol, caractérisée par une forte dénivellation entre les sommets et le fond des vallées.
1. GÉOLOGIE
1.1. La formation des montagnes
Les premières théories de l'origine des reliefs
Depuis l’Antiquité, les théories de l’origine des montagnes se succèdent. Ainsi, quelques savants grecs avaient déjà remarqué des pierres ayant la forme de coquillages, dont la présence laissait supposer que les sommets avaient jadis été recouverts par la mer. Ils avaient également souligné les modes d'érosion en observant les fleuves de boues, qui en dévalaient lors des fortes pluies et qui devaient progressivement les user.
Pour le philosophe français René Descartes, au xviie s., les montagnes datent de l'origine de la Terre et sont nées, lors de son refroidissement, de l'effondrement de compartiments de la croûte qui se sont chevauchés les uns les autres du fait du manque de place causé par le rétrécissement global.
C'est avec Horace Bénédict de Saussure, instigateur de la première ascension réussie du mont Blanc, en 1786, que l'approche scientifique des montagnes progresse. Le xixe s. voit s'affronter deux grandes théories : le neptunisme et le plutonisme. Selon la première, les montagnes se seraient formées au fond des mers, alors que, selon la seconde, elles tireraient leur origine du « feu » ou de la chaleur souterraine, qui injecte des granites à l'état liquide. Au xxe s., et jusqu'au début des années 1970, on enseigne que les montagnes proviennent du resserrement d'une succession de cuvettes marines dans lesquelles se sont déposées les couches et au fond desquelles a pu s'effectuer le métamorphisme ; c’ést le concept de géosynclinal.
La tectonique des plaques
Typologie et mouvement des plaques

Depuis les années 1970, la théorie de la tectonique des plaques propose un modèle global de fonctionnement de la Terre (volcanisme aérien, volcanisme sous-marin, séismes et dérive des continents) dans lequel s'inscrivent les différents types d’orogenèse. L’enveloppe rigide de la Terre, ou lithosphère, est divisée en plaques qui naissent et se déplacent à la vitesse de quelques centimètres par an. Il existe deux types de nature de plaques : les fonds océaniques, composés de basaltes, et les continents, composés de granites et de roches associées. Seuls les fonds océaniques naissent et disparaissent. Les continents restent toujours présents à la surface, et constituent la mémoire de l'histoire géologique ; cependant, ils se déplacent au gré des mouvements des plaques et peuvent s'écarter, coulisser ou se rapprocher les uns par rapport aux autres.
Les plaques naissent au niveau des dorsales médio-océaniques par volcanisme sous-marin. Des nouvelles laves arrivent par des fissures, se solidifient et augmentent d'autant la surface des planchers océaniques, qui, progressivement, s'écartent de façon symétrique : on parle d'accrétion. Le volcanisme sous-marin met en place, au contact de l'eau, des laves qui prennent la forme caractéristique de coussins : les pillow-lavas. Les plaques disparaissent par subduction. Dans ce phénomène, une plaque plonge sous une autre plaque suivant un plan de coulissage dont les mouvements de frottement occasionnent des séismes violents et la naissance de magmas de composition intermédiaire entre le basalte et le granite: l'andésite. Dans le phénomène de subduction, c'est pratiquement toujours la plaque océanique qui plonge sous la plaque continentale, car, de nature basaltique, elle est plus dense (densité 3) que la plaque continentale granitique (densité 2,7).
L’orogénèse
Les montagnes résultent d'une intense déformation de la croûte terrestre engendrée par la convergence de plaques (ou fragments de plaques) lithosphériques, animées de mouvements horizontaux. Plusieurs phénomènes interviennent dans la formation des reliefs. Tout d'abord, les portions de croûte coincées entre deux plaques qui se rapprochent sont, selon les matériaux et la nature des plaques en présence, comprimées et plissées (Atlas, Zagros) ou débitées en larges écailles, qui se superposent pour donner de grands chevauchements ou des nappes de charriage (Alpes, Himalaya). Par ailleurs, l'épaississement de croûte induit par le plissement entraîne une fusion partielle en profondeur et la montée de magmas qui, en cristallisant, augmentent encore l'épaisseur de la croûte (Andes du Pérou, Sierra Nevada aux États-Unis) et engendrent des mouvements verticaux de rééquilibrage (poussée d'Archimède) à l'origine des hauts reliefs. Enfin, la remontée de laves volcaniques en surface peut également accroître l'altitude des sommets (Cascades, Andes de Colombie).

Les massifs anciens comme le Massif central ou les Vosges ont dû connaître un mode de formation similaire à celui des chaînes récentes du type Himalaya, bien qu'aujourd'hui largement effacé par des centaines de millions d'années d'érosion. Leur structure actuelle correspond à des blocs faillés soulevés, interrompus par les compartiments affaissés de la Limagne ou du fossé d'Alsace. L'étirement de la croûte a permis aussi la remontée locale de laves et le développement de formes volcaniques typiques (chaîne des Puys, volcans du Rift africain). Ainsi, les Pyrénées sont nées du coulissage et du pivotement de l'Espagne – le bloc ibérique –, qui n'occupait pas sa position actuelle il y a 150 millions d'années. Les Alpes ont surgi lors de la collision entre l'Italie – petit compartiment détaché de l'Afrique – et le sud de l'Europe. L'Himalaya correspond à la zone du choc entre l'Inde et l'Asie. La cordillère des Andes jalonne la limite entre un continent, l'Amérique du Sud, et un océan, le Pacifique.
Les indices de l'histoire des montagnes
Les roches
Les chaînes de montagnes présentent une grande diversité de roches, réparties en quatre grands types : sédimentaire, métamorphique, plutonique et volcanique.

Dans leur grande majorité, les roches sédimentaires, comme les grès (anciens sables), les argiles, les marnes et les calcaires, datent des époques où les actuels domaines montagneux étaient sous la mer. Les fonds marins subissaient alors diverses conditions de sédimentation en fonction de leur profondeur, de leur éloignement des rivages, de la présence de hauts-fonds intermédiaires, des régimes des courants, des climats, etc. La sédimentation calcaire, parfois d'origine corallienne, a créé des couches constituant aujourd'hui les barres calcaires qui marquent les paysages par des plateaux et des falaises souvent abruptes, comme dans l'ensemble des chaînes subalpines.

Dans le contexte des phénomènes de compression d'une orogenèse, des roches d'origines diverses se trouvent enfouies en profondeur et subissent alors des augmentations de pression et de température. Elles se transforment progressivement par métamorphisme : apparaissent un feuilletage appelé schistosité et de nouveaux minéraux comme les grenats. Les principales roches métamorphiques sont les quartzites, les marbres, les schistes, les amphibolites et les gneiss.

Les granites sont des roches plutoniques fréquentes dans les massifs montagneux, surtout quand ils sont anciens. Ils naissent du refroidissement lent de magmas d'une composition chimique différente de celle des laves habituelles (basaltes, andésites, etc.). En se refroidissant, les éléments cristallisent et les minéraux se forment : d'abord les micas, puis les feldspaths, puis le quartz. Les chaînes de montagnes peuvent présenter deux grands types de granites : ceux datant des orogenèses précédentes et qui ont été rehaussés – c'est le cas le plus fréquent –, et ceux contemporains de la chaîne, beaucoup plus rares car actuellement situés en profondeur et non encore visibles. En montagne, il n'est pas rare de rencontrer des fissures contenant des cristaux de quartz. Ces « fours », comme les appellent les cristalliers, se sont formés, à une profondeur d'une dizaine de kilomètres et à une température d'environ 400 à 450 °C, par circulation de fluides riches en silice qui se déposent autour de la fissure ouverte.
Dans les chaînes de montagnes plissées, on peut observer des roches volcaniques qui, selon leurs origines, peuvent être classées en deux groupes principaux : celles qui correspondent à un volcanisme aérien, ancien ou actuel, lié à des phénomènes de subduction de type andin ou japonais, et celles qui ont appartenu au plancher océanique puis ont été portées en altitude par des charriages et des chevauchements lors des collisions continentales ; on parle alors d'ophiolites ou de complexes ophiolitiques.
Les fossiles
La présence de fossiles est un indicateur précieux pour reconstituer l'histoire d'une chaîne. Ils sont généralement marins, et permettent à la fois de dater les couches de terrains sédimentaires et de reconstituer les milieux dans lesquels ils vivaient. On retrouve dans l'Himalaya, jusqu'à 5 000 m d'altitude, des fossiles d'ammonites qui datent de l'ère secondaire. De même, à La Mûre (dans le Dauphiné), des fossiles de fougères livrés par des niveaux associés au charbon ont permis de reconstituer le milieu écologique des forêts marécageuses intramontagneuses qui existaient il y a 320 millions d'années, à la fin de la surrection hercynienne, bien avant l'ouverture de l'océan alpin. Les fossiles peuvent également être des traces ou des figures de courants, comme des rides (ripple-marks) sur le sable d'anciennes plages, parfaitement conservées dans des grès du trias datant de 230 millions d'années.
1.2. Les types de chaînes
Types morphologiques

Les grandes chaînes de montagnes actuelles peuvent être regroupées selon trois types morphologiques majeurs :
Les Andes sont le type même de la chaîne de subduction, formée au contact d'une plaque océanique qui plonge sous un continent. L'épaisseur de la croûte est maximale (70 km). La montagne est bordée par une série de gradins de failles culminant à plus de 5 000 m au niveau de l'Altiplano.

Dans les chaînes de collision comme l'Himalaya, deux continents s'affrontent : le continent mobile ne pouvant plonger sous l'autre (sa croûte est trop légère), il est affecté par de grands cisaillements qui sont déplacés sur des distances considérables (plusieurs centaines de kilomètres) et sont à l'origine de reliefs dissymétriques imposants. L'avant-pays est affecté de plis ou plis-failles, donnant une morphologie de crêtes, monts et vaux si l'érosion est peu avancée (Siwalik de l'Himalaya), ou de reliefs contraires de combes et vaux perchés en cas de dissection poussée (Préalpes).

Les chaînes intracontinentales (à l'intérieur d'un continent) résultent du contrecoup de collisions plus lointaines. De type plissé, elles se forment au niveau de zones de faiblesse, par serrage de bassins sédimentaires (Haut Atlas marocain) ou par coulissage et compression le long de chaînes décrochantes (Tian Shan).
Si on s'en tient au simple aspect géographique, on peut distinguer trois principaux types de montagnes : les chaînes plissées, les structures massives et les systèmes volcaniques.
La plupart des chaînes de montagnes récentes sont des chaînes plissées, dans les reliefs desquelles on peut distinguer des plissements, des failles, des chevauchements anormaux et des charriages (déplacements horizontaux sur plusieurs kilomètres, voire plusieurs dizaines de kilomètres, de secteurs géologiques complets) plus ou moins importants. Les Alpes, l'Himalaya, la chaîne du Zagros (en Iran), l'Atlas marocain ou le Jura montrent de telles structures plissées ; celles-ci témoignent des mécanismes de raccourcissement, dus aux collisions des plaques qui les ont fait naître.
Les structures massives caractérisent plus généralement d'anciennes montagnes, usées, qui ont été de nouveau soulevées lors d'événements tectoniques récents. De grandes failles délimitent des unités plus ou moins importantes dont le relief a été rajeuni. C'est le cas du Massif central ou des Vosges. Les compartiments soulevés forment un horst alors que les zones affaissées dessinent un graben, ou fossé d'effondrement, comme la plaine de la Limagne, entre l'Auvergne et le Forez.

Le troisième type de montagnes correspond au volcanisme. Ainsi, les monts du Kenya (en Afrique équatoriale), les sommets de l'Islande (dans l'Atlantique Nord) ou l'île de la Réunion (dans l'océan Indien) présentent une origine strictement volcanique, par accumulation des laves et des projections. De même, le mont Ararat (à la frontière entre la Turquie et l'Iran) est une montagne volcanique, de 5 000 m d’altitude, isolée dans le paysage.
Cependant, plusieurs types d'origines peuvent s'ajouter les uns aux autres. Les montagnes du Hoggar (au cœur du Sahara) correspondent à un dôme granitique sur lequel sont venues se surimposer des manifestations volcaniques. Dans les Andes, des volcans forment souvent des sommets élevés qui se superposent à l'ensemble de la structure plissée de la chaîne.
Types géographiques
Les grandes chaînes de montagnes actuelles se répartissent géographiquement suivant deux grandes lignes principales bien définies à la surface de la Terre :
– Les chaînes péripacifiques sont associées à de fortes activités sismiques et volcaniques : les cordillères américaines, de l'Amérique du Sud à l'Alaska, jalonnent une limite entre continent et océan chaînes de du Pacifique Ouest se répartissent suivant un chapelet d'îles: Kamtchatka, Japon, Indonésie, Nouvelle-Guinée, Nouvelle-Zélande.
– Les chaînes alpines s'étendent du Maroc jusqu'au Sud-Est asiatique. Elles s'inscrivent à l'intérieur des structures continentales et comprennent l'Atlas, les Pyrénées, les Alpes, les chaînes dinariques et turques, le Caucase, les montagnes d'Iran et d'Afghanistan, l'Himalaya et les chaînes de Birmanie.
1.3. Principales structures géologiques
Nées pour la plupart de la convergence de deux plaques tectoniques, les chaînes de montagnes montrent des structures qui témoignent des raccourcissements subis par des régions entières.
Les failles
Les contraintes exercées sur les roches peuvent provoquer leur fracturation et le coulissage d'un des compartiments rocheux par rapport à l'autre. On peut distinguer deux principaux types de failles : les failles normales, dont le compartiment situé au-dessus du plan de faille s'est affaissé, et les failles inverses, dont le compartiment situé au-dessus du plan de faille s'est soulevé et est venu chevaucher les terrains sous-jacents. Les failles normales, datant de l'ouverture de l'océan, qui a précédé la formation de la chaîne, traduisent des contraintes d'extension, et les failles inverses, se formant lors des phases de rapprochement et de collision, résultent des contraintes de compression. Ces accidents ne sont généralement pas isolés, mais groupés en réseaux; ceux-ci peuvent délimiter des compartiments de socle dont les uns se soulèvent (horst) alors que les autres s'affaissent (graben). Les massifs cristallins externes des Alpes (Mont-Blanc, Belledonne, Pelvoux, Argentera) ont été soulevés en altitude par un ensemble de failles.
Les plis et les chevauchements

Les plissements sont des déformations souples des roches formées en profondeur (les terrains situés au-dessus ont été ensuite décapés par l'érosion, laissant apparaître des plis dans le paysage actuel) et dessinant des courbes et des ondulations plus ou moins régulières, symétriques ou déversées. La partie creuse du pli se nomme synclinal, la partie bombée anticlinal. L'érosion peut jouer sur les plissements et venir créer des structures particulières, comme les synclinaux perchés. Ce type de relief naît quand les anticlinaux qui étaient de part et d'autre du pli ont été plus fortement érodés que ce dernier. C'est le cas du désert de Platé, à l'ouest du massif du Mont-Blanc (en Haute-Savoie).
Les contraintes latérales, qui font naître les plis, peuvent être si fortes que ceux-ci se déversent, s'étirent et se cassent. Si les contraintes de raccourcissement continuent, la partie supérieure du pli et toute la couche qui suit peuvent se déplacer sur des dizaines de kilomètres. On parle alors de nappes de charriage. Il est parfois difficile de retrouver la zone de départ et les racines d'origine de la nappe. De grandes nappes de charriage caractérisent les structures des Alpes internes : nappes ultra-helvétiques en Suisse, nappe des schistes lustrés à la frontière franco-italienne, nappe du flysch à helminthoïdes dans la région d'Embrun (Hautes-Alpes) et plus au sud. Dans la complexité des mouvements orogéniques, les phénomènes de charriage peuvent parfois s'inverser et venir disposer les roches dans un ordre totalement inverse de celui de leur dépôt. On rencontre de telles structures dans les Alpes, comme à Ceillac (dans le Queyras), où les roches sont disposées à l'envers : les niveaux du crétacé sont à la base de la montagne, les niveaux plus anciens du jurassique sont au-dessus, et ceux du trias constituent les sommets.
Les grands chevauchements correspondent à des compartiments entiers de la chaîne de montagnes et de son socle lithosphérique qui passent par-dessus d'autres terrains sur plusieurs kilomètres d'épaisseur. Ils forment ainsi de véritables écailles de croûte terrestre. De cette façon, le haut Himalaya chevauche le moyen Himalaya, qui lui-même chevauche la plaine du Gange (en Inde).
2. GÉOGRAPHIE
2.1. Les principaux sommets du monde
Les principaux sommets du monde
LES PRINCIPAUX SOMMETS DU MONDE
Sommet
Chaîne ou massif
Altitude
Asie
Everest
Himalaya
8 848 m
K2
Karakorum
8 611 m
Kangchenjunga
Himalaya
8 586 m
Lhotse
Himalaya
8 545 m
Makalu
Himalaya
8 515 m
Pobedy
Tian Shan
7 439 m
Ismaïl-Samani
Pamir
7 495 m
Europe
Mont Blanc
Alpes
4 410 m
Elbrouz
Caucase
5 633 m
Amérique
Aconcagua
Andes
6 962 m
McKinley
Montagnes Rocheuses
6 194 m
Afrique
Kilimandjaro
Afrique orientale
5 895 m
Antarctique
Mont Vinson
Partie ouest
5 140 m
2.2. L'érosion en montagne

Les montagnes sont aux prises, dès qu'elles commencent à s'élever, avec les forces de destruction, qui deviennent de plus en plus mordantes à mesure que l'édifice grandit. En altitude, les violents contrastes de température peuvent disloquer les roches ou accentuer leur porosité, en préparant ainsi l'action du gel ; celui-ci dilate l'eau qui imprègne les vides, et fait éclater les assises, dont les débris roulent sur les pentes en éboulis. L'eau courante intervient à son tour, s'empare des matériaux épars, qui accroissent sa charge, creuse ainsi le sillon d'un torrent qui balafre le flanc de la montagne. Le rôle de la neige et celui de la glace sont aussi importants. La neige glissant des crêtes s'accumule dans les fonds, où elle se transforme en glace ; celle-ci fait reculer les parois des cavités où elle s'amasse, et les aménage en cirques, dont les rebords jointifs s'aiguisent en arêtes, puis en aiguilles. Débordant des cirques, la glace progresse dans les vallées en énormes fleuves qui modèlent les formes du sillon où ils s'engagent ; là aussi, les parois sont redressées, tandis que le fond s'élargit, donnant à la vallée glaciaire la forme d'une « auge ».
Ainsi l'érosion modifie les formes originelles, en fonction de l'altitude, de la nature des roches, de la disposition des assises et du type de climat. Plus le volume saillant est considérable, plus l'érosion est puissante, et plus la montagne sera déchiquetée et évidée. Si la roche offre peu de joints où peut se glisser le gel, elle résistera mieux que celle qui est « gélive » ; des assises dures et solidement liées seront moins aisément entamées par l'eau courante ou par le flot de glace. Certaines roches sont moins sensibles que d'autres à l'érosion chimique. Des plis serrés et disloqués exposent aux attaques des roches variées, et facilitent la désintégration. Enfin, le climat tient un rôle capital. Dans les régions tempérées fraîches, tous les facteurs érosifs sont réunis pour travailler activement ; les variations brusques de température, le gel, la puissance des eaux et des glaces combinent leurs effets pour ciseler la montagne. Les hautes terres des régions désertiques, où l'eau courante est trop rare pour entraîner les abondants produits de la « desquamation », s'ensevelissent peu à peu sous leurs propres débris. Les régions tropicales assorties d'une forte saison humide juxtaposent les chicots rocheux laissés par l'érosion chimique, et de formidables tranchées d'érosion. À peine nés, les grands volcans tropicaux sont griffés de « barrancos », qui érodent leurs flancs.
2.3. Le climat
Températures
L'altitude affecte d'abord les températures : à 100 m de montée correspond une diminution moyenne de 0,6 °C : ainsi, à 1 000 m d'altitude, la température est inférieure de 6 °C à celle du niveau de la mer. Toutefois, les versants exposés au soleil (« soulanes » pyrénéennes, « adrets » alpins) sont, à altitude égale, plus chauds que les versants à l'ombre, les « ubacs ». De plus, aux saisons fraîches, lorsque l'air froid, plus lourd, vient s'accumuler en bas, les pentes souffrent moins des gelées que les dépressions qu'elles dominent. La température moyenne annuelle de l'air baisse en fonction de l'altitude ; en contrepartie, le sol reçoit une irradiation plus forte et s'échauffe davantage. Mais, à l'ombre ou la nuit, le sol se refroidit facilement, car l'air, peu dense, permet une déperdition de chaleur plus importante que celle observée en plaine : on peut avoir en montagne une alternance de gel nocturne et de fortes chaleurs diurnes. Ce phénomène est plus intense dans les montagnes équatoriales, où la durée de la nuit est presque égale à celle du jour, et cela toute l'année ; ce n'est pas le cas dans nos régions où, l'été, la période d'éclairement journalier est très longue par rapport à la période obscure.
Vents

Par ailleurs, la montagne est affectée de vents d'un type particulier, qui peuvent modifier les températures. Lorsqu'un imposant flux d'air dépendant de la circulation atmosphérique générale traverse une chaîne, il est, à la descente, canalisé avec violence dans les vallées ; il s'échauffe, fait monter rapidement les températures et dévore la neige : c'est le chinook des Rocheuses (aux États-Unis), le fœhn des Alpes. En été, le soleil fait s'élever sur les pentes, en fin de matinée, les couches d'air ; il en résulte un appel d'air du bas vers le haut, qui remonte les vallées, parfois avec impétuosité, et qui tempère, sur les versants, les chaleurs estivales ; en revanche, pendant la nuit, l'air redescend les pentes et suit les vallées en brises fraîches.
Humidité
Cependant, avec l'abaissement de la température, l'influence capitale de la montagne sur le climat est le renforcement de l'humidité. Les masses d'air que la circulation atmosphérique dirige vers les hautes terres se refroidissent en montant, et, dès lors, condensent leur humidité, qui se résout en pluie et en neige. Aussi la montagne est-elle toujours plus arrosée que les terres basses qui l'avoisinent. Les hautes terres sont de véritables châteaux d'eau ; mais, souvent, les eaux sont « mises en réserve », pendant un temps, sous forme de neige ou de glace. En dehors des latitudes polaires, les glaciers sont aujourd'hui localisés seulement dans les montagnes, et cela jusque dans les régions tropicales, pourvu que l'altitude soit suffisante. Ainsi alimentés, les cours d'eau montagnards sont d'une rare abondance ; les puissants débits sont d'ailleurs soumis à des saccades dès que la neige et la glace concourent à leur alimentation. Ils se réduisent à l'extrême l'hiver, lorsque les précipitations atmosphériques tombent sous forme solide, mais sont grossis au printemps avec la fonte des neiges. Ils restent soutenus l'été si des glaciers sont tapis dans les hauts bassins.
2.4. La végétation
De l’importance du climat
Le paysage végétal change selon l'altitude, chaque niveau portant un « étage de végétation » (ou « ceinture végétale ») caractéristique. Cette diversité est provoquée essentiellement par les conditions climatiques.
En effet, plus on s'élève, plus l'air se raréfie et moins il retient les radiations solaires. L'importance du rayonnement en montagne accentue donc en altitude les effets de l'exposition, surtout aux latitudes moyennes, bien plus que vers l'équateur où le soleil est presque au zénith : les flancs des vallées au soleil portent des landes à genêts, des pins sylvestres, des chênes, tandis que le versant à l'ombre porte des sapins.
Les précipitations créent, l'hiver, un manteau neigeux qui, dans les Alpes françaises, est d'une durée de quatre mois à 1 000 m, de six à 1 500 m, de sept à 1 800 m et de neuf à 2 400 m, et raccourcit d'autant la période végétative. Mais, suivant les facteurs topographiques, cette durée moyenne varie beaucoup ; ainsi, sur certaines crêtes ventées, la couverture neigeuse peut être faible et courte, alors que, dans certaines dépressions abritées, la neige peut, à moyenne altitude, persister tout l'été et permettre l'installation d'un tapis végétal dont la microflore, chionophile, est adaptée à une vie prolongée sous la couverture de neige (saules nains, soldanelles). Ce tapis neigeux crée une surcharge pondérale qui peut provoquer brisures et arrachements lorsque des paquets de neige glissent. Mais cette couche neigeuse a aussi une action bénéfique sur la végétation, en la protégeant des gelées, qui détruisent les organes non aoûtés s'ils ne sont pas protégés, ce qui explique le nanisme de certains arbustes (rhododendrons), dont seuls les rameaux protégés par la neige peuvent supporter le climat hivernal. Ainsi, les pentes exposées au nord ont une végétation arbustive bien fournie, car le manteau neigeux la met à l'abri des alternances de gel et de dégel, si fréquentes au printemps sur les faces exposées au sud.

Caspar David Friedrich, le Voyageur au-dessus de la mer de nuages
Caspar David Friedrich, le Voyageur au-dessus de la mer de nuages
Enfin, l'humidité atmosphérique, assez élevée dans l'étage montagnard (1 000 m-1 600 m), crée à ce niveau une zone très fréquente de brouillards et de nuages (mer de nuages) qui, dans les Alpes et les Pyrénées, permet l'installation de forêts bien fournies (hêtres, sapins). Dans les étages subalpin et alpin, au contraire, l'humidité atmosphérique diminue nettement, d'où la grande limpidité de l'air. L'intensité lumineuse, qui y est moins filtrée qu'en basse altitude, est dans l'ultraviolet quatre fois plus intense qu'au bord de la mer ; elle est peut-être un facteur déterminant de certaines particularités morphologiques et physiologiques : faible longueur des entre-nœuds, couleur très vive des espèces de haute altitude. Le rayonnement cosmique, dix fois plus important à 6 000 m qu'au niveau de la mer, pourrait avoir une action déterminante en augmentant fortement le taux des mutations.
Le vent est aussi un facteur d'une importance biologique considérable, car il dessèche les végétaux non protégés par la neige et détruit, par son action brutale, les jeunes bourgeons ou les jeunes pousses, réduisant ainsi la taille de certaines espèces ou donnant à d'autres une forme en « drapeau » (anémomorphose).
Les étages de végétation (montagnes du bassin méditerranéen)

Ces conditions climatiques déterminent, suivant l'altitude, les étages de végétation, parmi lesquels on distingue, en France :
1° un étage collinéen (de 0 à 600-700 m), qui, dans la région méditerranéenne, est caractérisé par la présence de chênes-lièges, de pins d'Alep et, au-dessus, par des peuplements de chênes verts ;
2° un étage montagnard (entre 600-700 m et 1 600 m), qui est surtout le domaine du hêtre, accompagné suivant les régions du pin sylvestre ou, comme en Corse, à la base de cet étage, du pin laricio. Dans les Pyrénées orientales, le sous-bois de la hêtraie est peuplé de myrtilles, de luzules et d'aspérules, qui peuvent évoluer vers la lande (à buis sur sol calcaire ou à genêts sur sol siliceux). Dans la partie centrale des Pyrénées, plus sèche que la partie orientale, la hêtraie fait place aux peuplements de pins sylvestres avec des sous-bois de raisin d'ours (busserole) ; les landes sont peuplées de genêts et de genévriers communs ;
3° un étage subalpin (1 600 m-2 400 m), qui possède surtout des peuplements de pins à crochets formant, dans les Pyrénées, de belles forêts. À cet étage, dans les massifs centraux des Alpes, à climat plus continental, le mélèze remplace le hêtre ; on y trouve également le pin cembrot et l'épicéa, qui, lors de leur migration au cours du quaternaire, n'ont pu atteindre les Pyrénées ; l'aulne vert est encore assez fréquent à ce niveau. Cet étage subalpin est aussi occupé par de grands peuplements d'arbustes : rhododendrons, myrtilles et genévriers nains, ainsi que par des pelouses à fétuques et à Carex sempervirens . De nombreux oiseaux comme les pics ou les tétras vivent à cette altitude ;

4° un étage alpin, absent des massifs externes des Alpes, est surtout défini par l'absence d'arbres et par un appauvrissement très net de la flore. Les pelouses y tiennent donc une grande place ; sur sol acide, elles sont surtout caractérisées par Carex curvula et par Carex firma sur les sols calcaires. Dans les Alpes, la petite renoncule des glaciers est la plante qui atteint la plus forte altitude (4 270 m) ; deux mousses ont été retrouvées à 4 400 m au mont Rose, deux lichens se rencontrent encore à 4 700 m dans le massif du Mont-Blanc. C'est aussi le domaine de prédilection d'animaux caractéristiques tels que les chamois, les bouquetins, les choucas, les marmottes ou les perdrix des neiges, appelées lagopèdes.
Cette schématisation des étages est la même dans toutes les montagnes entourant le bassin méditerranéen, comme les Apennins, les Alpes dinariques, les chaînes de la péninsule balkanique et d'Anatolie, le Caucase et les chaînes d'Afrique du Nord. Mais, pour chaque région, la flore sera particulière, au moins en partie.
Les étages de végétation (autres écosystèmes)
Ailleurs dans le monde, les étages de végétation n’ont pas les mêmes caractéristiques.
Himalaya
La chaîne himalayenne, dans sa partie méridionale, la plus arrosée, porte une végétation extrêmement riche et une très grande variété dans les peuplements, qui s'étagent sur plus de 4 500 m. À la limite de la plaine cultivée, le terai correspond à une jungle marécageuse couverte de roseaux et de hautes herbes ; dans certaines parties sèches se localise une forêt claire avec un riche sous-bois de buissons et de hautes herbes rigides. Au-dessus, dans la zone où les condensations sont les plus importantes, existe une superbe forêt tropicale à bambous (plus de 30 m), aux arbres géants couverts d'épiphytes et de lianes ; vers 1 500 m, on rencontre une forêt où les essences tropicales sont en mélange avec des chênes, des bouleaux, des érables et des ronces. Entre 2 000 et 3 000 m, on trouve de belles forêts d'arbres à feuilles caduques (chênes, châtaigniers, noyers, bouleaux), avec de remarquables peuplements de magnolias ; ces arbres sont également couverts d'épiphytes (orchidées), de mousses et de lichens gorgés d'humidité. Au-dessus de 2 700 m, le sapin argenté est de plus en plus fréquent. À cette altitude apparaissent les rhododendrons, qui vont prédominer dans l'étage subalpin, zone qui, au fur et à mesure que l'on s'élève, devient de plus en plus sèche. Dans la zone alpine (4 000 à 5 000 m), on retrouve encore des rhododendrons ; la steppe alpine culmine vers 5 500 m dans les vallées intérieures.
Montagnes Rocheuses

Dans les Rocheuses méridionales, la forêt occidentale mésophile est caractérisée, dans son niveau inférieur, par des peuplements de pins (Pinus ponderosa), avec des sous-bois à genévriers et diverses graminées xérophiles jusqu'à 2 400 m. Au-dessus, les précipitations sont de l'ordre de 500 mm et le sapin de Douglas domine progressivement. Vers 3 000 m, on trouve une forêt d'épicéas avec un sous-bois d'airelles ; au-dessus de 3 500 m, l'étage supraforestier est une prairie alpine rase et dense, composée essentiellement de cypéracées (kobresia), avec de nombreuses plantes naines à feuilles en rosette ou en coussin, à grandes fleurs très colorées (gentianes, primevères, saxifrages, myosotis) présentant les caractéristiques de la flore alpine.
Mexique
Au Mexique, dans les basses plaines du golfe, jusqu'à 800 m, on est en présence d'un étage tropical humide où se rencontrent des ficus, des palmiers, des dendropanax, avec des épiphytes ; au-dessus, l'étage semi-tropical, jusqu'à 2 000 m, est caractérisé par des feuillus (chênes verts, arbousiers) ; entre 2 000 et 4 000 m se situe un étage froid où l'on peut distinguer, de la base au sommet, un sous-étage à pins, chênes et cyprès, un deuxième à Abies religiosa très humide, et enfin un troisième peuplé de pins qui, vers 4 000 m, sont de moins en moins abondants, et de genévriers ; les hauts sommets sont couverts de prairies à graminées, lupins et eryngiums ; les neiges éternelles commencent à 4 500 m.
Cordillère des Andes

Dans le nord de l'Amérique du Sud, le pied des montagnes est couvert par la forêt ombrophile, à laquelle fait suite une forêt humide subtropicale, qui se termine à 2 500 m. Au-dessus, la ceja est une forêt rabougrie très dégradée. À partir de 3 300 m et sur une dénivellation de 1 000 m, on rencontre une formation humide, le páramo, dominée par les graminées, avec des broméliacées et des composées. Les hauts sommets correspondent à un étage alpin et sont caractérisés par des plantes en coussins (azorella), qui peuvent vivre encore à 5 100 m. Dans les Andes, vers le 38e degré de latitude, apparaît la forêt d'araucarias (Araucaria imbricata), à laquelle font suite, entre le 39e et le 40e degré, de 700 à 1 100 m, la forêt de hêtres à feuilles pérennes (Nothofagus pumila) et un sous-bois de bambous ; plus au sud, au 50e degré, on trouve le Nothofagus antarctica, dont les derniers éléments culminent vers 900 m.
Afrique équatoriale
En Afrique équatoriale, en particulier dans le Ruwenzori, on trouve jusqu'à 1 000-1 200 m une formation hygrophile, obscure et à nombreuses lianes et épiphytes ; au-dessus, vers 1 600-1 700 m, succède à cette forêt une sorte de parc-savane qui précède, vers 2 000 m, une savane à très hautes graminées ; entre 2 200 et 3 000 m, on retrouve une forêt de montagne à podocarpus, fougères arborescentes et bambous ; vers 3 500 m, la température s'abaisse fortement et la nébulosité augmente ; on découvre là une brousse à bruyères arborescentes et à fougères, couverte de lichens pendant des branches ; des sphaignes y forment un épais matelas spongieux ; entre 3 500 m et 4 000 m se localise, sous un climat plus sec que l'on peut comparer à celui de l'étage subalpin de nos montagnes, une étrange formation, unique au monde, de seneçons arborescents, de lobelias géants, accompagnés d'éricacées et d'immortelles. Enfin, à partir de 4 000 m, l'étage alpin terminal est caractérisé par une prairie rase, où vivent des espèces peu éloignées de celles de l'Europe (fétuques, paturins, renoncules, gentianes, primevères, achillées, hélichrysums, etc.). Au-dessus de 4 800 m, il n'y a plus que les neiges éternelles et les glaciers.
Asie du Sud-Est
En Asie du Sud-Est, aux Philippines et en Indonésie, jusqu'à 1 200 m, on est en présence de la forêt ombrophile très dense, et, au-delà, d'une forêt de feuillus à feuilles épaisses (lauracées, myrtacées, magnoliacées), des palmiers lianoïdes, des fougères arborescentes et de nombreux peuplements de bambous. Au-dessus de 2 500 m apparaît une forêt basse, aux arbres tordus et nains, à laquelle succèdent d'épaisses broussailles aux petites feuilles et un maquis à rhododendrons qui correspond à l'étage subalpin. Plus haut se situe un étage alpin avec primevères, gentianes, potentilles...
2.5. La montagne et l'homme

Toutes les activités de montagne sont affectées par la pente, surtout l'agriculture, qui doit s'accommoder de versants raides, où il faut parfois étager les champs en terrasses, remonter la terre qui a glissé. Dans certains pays, faute de chemins, tout doit être exécuté à bras, travaux et transports. Par ailleurs, les glissements de terrain, les éboulements et les chutes de pierre constituent un danger fréquent ; lorsqu’ils se combinent avec de violentes averses ou de brutales fusion de neige, ils accroissent les ravages des eaux : les ravins griffent le sol, les lits des torrents charrient d'énormes masses de matériaux et, dans les vallées, l'inondation peut provoquer des ravages. Enfin, la neige cloître les hommes et leurs bêtes dans les demeures, déchaîne des avalanches.
Pourtant, la montagne possède de nombreux attraits. Grâce à ses replis, elle constitue notamment un refuge, dont les difficultés d'accès rebutent l'assaillant. En outre, elle possède un air vif et salubre (qui attire les populations), des alpages (qui permettent la transhumance du bétail), de belles forêts, des eaux abondantes (dont l'énergie est exploitée pour des activités industrielles) et recèle des filons métallifères. C’est pourquoi très rares sont les montagnes restées dépeuplées ; il en est même où les hommes sont plus nombreux que dans les dépressions voisines, comme en Kabylie, dominant la vallée de la Soummam, ou au Liban, au-dessus de la Beqaa.
La vie en montagne
Le relief entraîne de grandes dépenses d'énergie. Il disperse aussi les étendues exploitables en emplacements presque toujours restreints et souvent difficilement accessibles. Enfin, la saison au cours de laquelle peuvent s'effectuer les travaux est brève.

Les paysans des hautes terres ont donc vécu en véritables nomades, parcourant sans cesse les divers étages de leur terroir, grimpant aux alpages et redescendant aux champs, possédant souvent plusieurs demeures à des paliers différents, où l'on s'installe pour quelques semaines, telles les « remues » de Savoie. Se posait le problème de la longue saison morte, où il fallait subsister sans rien produire ; ils l'ont résolu par l'émigration temporaire.
Cet équilibre séculaire s'est rompu depuis le milieu du xixe s., dans les montagnes des pays tempérés. Pénétrés par des voies ferrées et des routes, ces massifs se sont trouvés aux prises avec le monde moderne, tout en ne disposant que de méthodes surannées. L'émigration saisonnière vers les terres basses a disparu depuis que le colportage n'est plus rentable et que les machines agricoles dispensent de recourir à la main-d'œuvre montagnarde ; dès lors, les hautes régions se sont trouvées surpeuplées, car leur médiocre agriculture était hors d'état d'assurer à elle seule la subsistance d'une population trop nombreuse. L'émigration définitive a pris le relais des départs temporaires.

L'hydroélectricité, puis le tourisme ont partiellement compensé cette évolution. Depuis 1869, on tire parti de la force des torrents ; la montagne s'est garnie de centrales qui fournissent une énergie considérable, et une partie de cette puissance a pu être utilisée sur place, dans des usines de transformation où s'emploie la main-d'œuvre locale. Mais ces industries ne peuvent s'installer que dans quelques vallées privilégiées, bien pourvues de moyens de transport. Le tourisme est venu à la rescousse, et des foules de plus en plus nombreuses envahissent la montagne, été comme hiver. Houille blanche, industrialisation et tourisme, s'ils ont limité globalement le dépeuplement (c'est particulièrement vrai dans les Alpes françaises du Nord), ont surtout contribué à concentrer cette population sur des sites privilégiés (développement spectaculaire des villes comme Grenoble et Annecy en France, ou Innsbruck, en Autriche), souvent d'ailleurs à la périphérie ou presque des massifs. Demeure le problème du maintien d'une population à vocation au moins partiellement agricole, permettant la sauvegarde du milieu naturel, que menace d'ailleurs parfois le développement « sauvage » du tourisme de masse. La création de parcs ou réserves, nationaux et régionaux, répond à ce souci.
L'enjeu touristique
L’attrait de la montagne

C'est sans doute à Jean-Jacques Rousseau que l'on doit les premiers textes célébrant le côté merveilleux de la nature en montagne. À la fin du xviiie s., Horace Bénédict de Saussure, savant genevois, écrit Voyages dans les Alpes. Quelques années plus tard, les premiers voyageurs anglais font leur apparition dans la vallée de Chamonix afin de découvrir le mont Blanc. Cependant, au xixe s., les touristes sont encore rares, et seuls quelques alpinistes osent s'aventurer en haute montagne. À la fin du xixe et au début du xxe s., on construit les premiers grands hôtels à Chamonix et à Zermatt (en Suisse). C'est aussi de cette époque que datent les premiers chemins de fer à crémaillère. Le tramway du Montenvers permet d'accéder à la mer de Glace, tandis que le plus élevé des Alpes est celui de la Jungfrau (en Suisse) ; il monte, sous terre, dans la face nord de l'Eiger au-dessus d'Interlaken, jusqu'à 3 500 m d’altitude.
Le développement des sports d’hiver
image: http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/images/1315366-
Le grand essor touristique dans les Alpes date des années 1950 et 1960 pour deux raisons principales : la généralisation des congés payés et l'augmentation du niveau de vie, d'une part; le développement des sports d'hiver, avec un engouement généralisé pour le ski, d'autre part. Les années 1970 ont vu la construction des grandes stations de ski intégrées, comme Tignes, Flaine ou Les Arcs, alors que d'autres stations, comme Chamonix ou Zermatt, datant de la fin du xixe s. dernier, se sont transformées progressivement pour s'adapter à l'évolution de la fréquentation touristique. Depuis 1970, l'« or blanc » est devenu une véritable manne pour l'activité économique des montagnes, créant des emplois dans le bâtiment, les travaux publics, la maintenance des exploitations, l'hôtellerie et le commerce. Les Alpes ne sont pas les seules à bénéficier de l'attrait touristique : les montagnes Rocheuses (aux États-Unis) connaissent aussi un afflux de visiteurs, notamment étrangers, en particulier dans les grands parcs nationaux.
De nouvelles activités

Cependant, depuis le début du xxie s., on assiste à un ralentissement des sports d'hiver. D'autres formes de loisirs prennent le relais : nouvelles activités sportives (parapente, canyoning, hydrospeed), tourisme sportif, marche en montagne, découverte de la nature, activités nautiques sur les lacs de barrage en basse altitude, etc. En outre, depuis les années 1980, le trekking s'est développé également dans les montagnes lointaines : cette activité consiste à randonner à pied, accompagné par des guides locaux, sur les chemins de l'Himalaya, des Andes ou d'ailleurs, à la découverte de paysages grandioses et de populations vivant encore avec des coutumes et selon des rythmes ancestraux.
Les risques naturels

Par la vigueur des reliefs, la verticalité des pentes et l'activité tectonique profonde, les montagnes sont un terrain de prédilection pour les avalanches, chutes de pierres, catastrophes glaciaires, coulées boueuses, éboulements des faces, inondations, séismes et autres risques naturels.

Quand le manteau neigeux devient trop épais et trop lourd, il se fissure dans sa partie haute, se détache de sa zone d'accrochage et emporte dans sa chute une masse de neige plus ou moins importante. Malgré les prévisions météorologiques et la surveillance de l'état de la neige, les avalanches restent un danger important. Elles provoquent, en moyenne, la mort de 100 personnes par an dans les Alpes françaises.
En haute montagne, les fissures sont imbibées d'eau. Les alternances de gel et de dégel déstructurent progressivement les roches. Il suffit alors d'une forte période de sécheresse ou, à l'inverse, d'une très grande pluviosité pour déstabiliser des pans entiers de falaise. En 1970, au Pérou, l'éboulement du Huascarán a déplacé une masse de 10 millions de mètres cubes de roches ; on estime que certains rochers de plusieurs centaines de tonnes se sont déplacés avec une vitesse de pointe de plus de 300 km/h. Même à petite échelle, les éboulements rocheux qui affectent les parois constituent un véritable péril, en particulier pour les alpinistes.
Les glaciers présentent parfois aussi un danger pour les habitants situés en aval. Des poches d'eau peuvent se développer sous leur langue, grossir, rester captives quelques années puis rompre brusquement, comme celle du glacier de Tré-la-Tête, qui, au début du xxe s., a provoqué la destruction d'une partie de la ville de Saint-Gervais-les-Bains (en Haute-Savoie).
La forme étroite et encaissée des vallées de certaines régions peut donner aux cours d'eau un pouvoir très dévastateur en cas de fortes pluies. De très nombreuses maisons sont ainsi emportées en période de mousson dans l'Himalaya. Une catastrophe de ce type a eu lieu en France en juin 1957, dans la vallée du Queyras, balayée par le gonflement du Guil : des centaines de maisons ont détruites, les villages et les terres agricoles ravagés

 

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BRÉSIL

 

 

 

 

 

 

 

Brésil : histoire

Résumé
Après la signature du traité de Tordesillas (1494) délimitant les zones d’influence respectives de l’Espagne et du Portugal, le Brésil, découvert le 22 avril 1500 par l’explorateur portugais Pedro Álvares Cabral, devient pleinement possession de la Couronne portugaise en 1522.
xvie siècle
Avec l’expédition conduite par Martim Afonso de Sousa (1530-1533), l’exploration de nouvelles terres et l’exploitation du Brésil commencent. L’économie coloniale est alors fondée sur le « cycle du sucre » déclenché dans le Nordeste, grâce à la main d’œuvre servile importée d’Afrique noire. Des capitaineries installées sur la côte, coiffées par un gouvernement général du Brésil à partir de 1549, distribuent les terres aux colons. Parallèlement, les Jésuites commencent à évangéliser les populations indiennes.
xviie siècle
L’exploration du pays se poursuit vers l’ouest sous la direction de pionniers aventuriers (les « Bandeirantes »), chasseurs d’esclaves et chercheurs d’or, au-delà des limites fixées par le traité de Tordesillas tandis que les Hollandais sont expulsés du Brésil.
xviiie siècle
Après la découverte des premières mines du précieux métal dans les années 1690 (Ouro Preto, Minas Gerais), commence le « cycle de l’or », le pôle de développement se déplaçant vers le sud-est et Rio de Janeiro. Les liens privilégiés entre la Grande-Bretagne et le Portugal sont étendus au Brésil.
xixe siècle
L’accession à l’indépendance de l’empire du Brésil en 1822-1825 conduit à la formation d’un régime parlementaire marqué par l’alternance entre libéraux et conservateurs mais largement dominé par l’empereur Pierre II. La progression du républicanisme, notamment dans les rangs de l’armée, et la montée des mécontentements, entraînent la chute de l’empire et l’instauration de la Iere République caractérisée par la domination sociale et politique des oligarchies terriennes.
1. La découverte du Brésil

La découverte du Brésil est attribuée traditionnellement au Portugais Pedro Álvares Cabral : chargé de gagner l'Inde après le voyage de Vasco de Gama, il part en 1500 à la tête d'une flotte de treize navires. Le 22 avril, une terre appartenant au Nouveau Monde est en vue. Le 3 mai, jour de l'Invention de la Croix, l'érection d'un « padrão » de pierre aux armes du Portugal marque la prise de possession, par les représentants du roi du Portugal, de la région de Porto Seguro, par 13 ° de latitude sud : la « Terre de la Vraie Croix » sera le premier nom du Brésil.
Lors des négociations du traité de Tordesillas (1494), le Portugal insiste pour que la ligne séparant ses possessions de celles de l'Espagne soit reportée de 270 lieues vers l'ouest. Il faudra attendre 1522 pour que le Brésil soit, à la conférence de Badajoz, reconnu comme une mouvance du Portugal.
2. Les premiers établissements côtiers portugais et l'organisation administrative du Brésil
2.1. Une colonisation dispersée
Jusqu'au début du xviie siècle, la colonisation ne dépasse pas les plaines côtières, chacune formant un foyer isolé de colonisation, fondé par des explorateurs différents : João Ramalho dans la région de l'actuel São Paulo (1509), Aleixo Garcia, plus au sud (actuelle Santa Catarina) en 1526, etc.
Cette dispersion est d'ailleurs favorisée par l'impossibilité pour les Indiens (→ les Tupis-Guaranis) d'opposer une résistance efficace aux Portugais. Pourtant, à la fin du xvie s., on compte à peine une dizaine d'établissements habités de façon permanente, dont les plus importants sont ceux du Nordeste autour de Bahia (aujourd'hui Salvador) et de Pernambouc (aujourd'hui Recife).
2.2. Bois-brésil, canne à sucre et esclaves


Après l'exploitation et le commerce du bois-brésil – aux propriétés tinctoriales et qui aurait donné son nom au pays – la culture de la canne à sucre a débuté dès 1532, à la suite de l'arrivée des colons sous la direction de Martim Afonso de Sousa. L'importation d'une main-d'œuvre d'esclaves noirs africains et un climat tropical favorable à cette culture spéculative feront de cette région le foyer de peuplement le plus important du Brésil jusqu'à la fin du xixe siècle, alors que plus au sud, les centres portugais ne sont que de simples escales fortifiées, sans cesse menacées par les tribus indiennes.
2.3. Concessions et capitaines-donataires

L'intérêt porté par le roi du Portugal aux Indes orientales lui fait négliger jusqu'au milieu du xvie siècle sa possession brésilienne, confiée à de grands seigneurs, les capitaines-donataires. Ces derniers administrent avec des pouvoirs militaires et judiciaires douze capitaineries ayant de 180 à 600 km de façade maritime. Ce sont eux qui distribuent aux colons des terres en échange de leur aide militaire et du paiement de certains impôts. Le roi conserve un certain nombre de monopoles commerciaux.
C'est à partir de ces concessions que se constituent de très vastes domaines sucriers, dont le centre est la casa grande, où réside le possesseur du domaine, maître du moulin à sucre, et autour de laquelle se groupent les cabanes des Noirs formant la senzala.
2.4. Établissement d'un « gouvernement général du Brésil »
Comprenant enfin la valeur du Brésil, le roi Jean III, sans porter atteinte à la structure économique et sociale du pays, coiffe les donataires par un « gouvernement général du Brésil », qui maintient solidement la cohésion des groupes de colons éparpillés le long des côtes (1549).
Dirigé par un gouverneur, ou capitaine général, résidant à Bahia (plus tard à Rio de Janeiro), le gouvernement est divisé en treize capitaineries, administrées par des ouvidores, qui supplanteront au xviie siècle, les capitaines, trop indépendants.
Le premier gouverneur, Tomé de Sousa (1549-1553), fait construire de nouvelles villes et confie aux jésuites des missions la protection des Indiens et l'éducation. Cette politique de centralisation permet de repousser les tentatives d'installation étrangère des Français de Villegaignon, dans la baie de Guanabara (1555-1560), et de La Ravardière, à São Luís do Maranhão (1594-1615).
Pour prévenir de nouvelles tentatives, les Brésiliens construisent des forteresses côtières : Rio de Janeiro (1565), Fortaleza (1609). Les Néerlandais s'emparent pourtant de Bahia (1624) et de Pernambouc (1630), où ils fondent un établissement dont Jean Maurice de Nassau-Siegen est nommé gouverneur (1636-1644), et dont ils ne sont chassés que par une révolte des colons portugais (1654).
Lors de l'union temporaire du Portugal et de l'Espagne (1580-1640), a été créé, sur le modèle du Conseil des Indes de Castille, un Conselho de Índia (1604), organisme métropolitain chargé de contrôler depuis Lisbonne l'administration et la vie économique du Brésil.
3. L'expansion territoriale
3.1. Chasseurs d'esclaves…
Sans doute, dès 1554, les jésuites, en fondant São Paulo, avaient-ils entamé la conquête de l'intérieur du pays afin d'évangéliser les indigènes. En fait, cette occupation des plateaux est au début l'œuvre d'aventuriers, les bandeirantes. Chasseurs d'esclaves au xviie siècle, ils pénètrent loin vers l'ouest, dans le sertão, en remontant les voies d'eau, et s'attaquent aux missions jésuites pour réduire les Indiens en esclavage.
3.2. …puis chercheurs d'or et de pierres précieuses
Les bandeirantes. se font chercheurs d'or et de pierres précieuses au xviiie siècle, après la découverte de l'or dans le Minas Gerais, à Ouro Preto (1694), dans le Mato Grosso (1718), dans le Goiás (1725). Le Brésil est alors le premier producteur d'or du monde : des villes surgissent près des mines (Diamantina [1728], Sabará) ; de grandes exploitations agricoles, les fazendas, consacrées aux cultures vivrières se constituent à proximité de ces agglomérations ; des pistes muletières sont tracées de loin en loin ; des gîtes d'étapes fixent la population.
3.3. Essor de la région de Rio de Janeiro
Mais la mise en valeur des plateaux miniers n'est rendue possible que par un appel toujours renouvelé à la population du São Paulo et du Nordeste, avec pour conséquences leur dépeuplement et l'abandon des plantations de canne à sucre, sans pour autant créer des ressources durables ; en effet, la négligence des mineurs, l'extraction forcée, le contrôle très étroit imposé aux exploitants par l'administration royale entraînent l'épuisement et l'abandon des gisements dès le deuxième tiers du xviiie siècle. La région de Rio de Janeiro bénéficie de cette exploitation, car, du fait de sa position géographique, elle est le débouché le plus direct des pays miniers : elle supplante comme capitale la ville de Bahia en 1763.
3.4. Essor de l'élevage
Au cycle du sucre (xvie-xviie siècles) et au cycle de l'or et des pierres précieuses (xviiie siècle) succède celui de l'élevage. Sans doute la densité du peuplement, liée aux activités pastorales, reste faible, mais elle est homogène et assure, à partir du Nordeste dès le xviie siècle, et à partir du Sud à la fin du xviiie siècle (appel aux colons des Açores), une occupation continue et régulière des territoires brésiliens englobant les pays miniers, les dépassant même.
La liaison entre les vastes estancias d'élevage et les centres de consommation est réalisée par les boiadas, chemins ouverts par les troupeaux de bovins dont les maîtres (les vaqueiros), avides de liberté et d'espace, se maintiennent le plus possible à l'écart des régions soumises aux autorités officielles, et édifient cette curieuse civilisation du cuir, fondée sur le commerce de la viande sur pied et des peaux, remplacé dès la fin du xviiie siècle par celui de la viande sèche.
3.5. La plaine amazonienne
Quant à la plaine amazonienne, si elle reste en dehors de l'espace économique brésilien, elle est en fait intégrée à la colonie portugaise, grâce, surtout, aux efforts évangélisateurs des jésuites, qui se heurtent aux colons à propos de la suppression de l'esclavage des Indiens, et grâce à l'intervention du gouvernement de Lisbonne, qui fait construire en 1669 un fort (à l'emplacement de l'actuelle Manaus), au confluent du rio Negro et de l'Amazone, point de convergence des tentatives de pénétration néerlandaises (à partir de l'Orénoque), espagnoles (depuis le Pérou), françaises (en remontant le cours du fleuve).
3.6. Des territoires convoités
L'achèvement de l'occupation et de la mise en valeur des territoires brésiliens donne lieu à des incidents diplomatiques. Tout d'abord, la signature par le Portugal, en 1703, du traité de Methuen, accordant à l'Angleterre le monopole du commerce avec le Brésil, entraîne, lors de la guerre de la Succession d'Espagne, deux interventions françaises ; si la première échoue devant Rio (1710), la seconde permet à Duguay-Trouin de s'emparer de la ville et de lui imposer une énorme rançon (1711).
D'autre part, la conquête des territoires périphériques provoque des conflits avec les Espagnols, qui prétendent, en vertu du traité de Tordesillas, contrôler tous les centres situés à l'ouest d'une ligne allant de l'embouchure de l'Amazone à São Paulo. Le problème des frontières sera particulièrement difficile à résoudre aux confins méridionaux du Brésil, où la colonie du Saint-Sacrement, origine de l'Uruguay, fondée sur les bords de la Plata par les Portugais en 1680, était utilisée pour la contrebande dans l'Empire espagnol.
Pomme de discorde entre les deux États ibériques, ce territoire est attribué à l’Espagne par le traité de Madrid signé en 1750 qui donne en échange aux Portugais le territoire des missions jésuites de l'Uruguay. Les jésuites, qui gardent le souvenir des bandeirantes, arment leurs Indiens, refusent le traité et obligent les Portugais à se retirer. Le marquis Pombal interdira alors la Compagnie de Jésus au Portugal et au Brésil. Après plusieurs guerres entre le Portugal et l'Espagne, le traité de San Ildefonso (1777) rend l'Uruguay et les missions à l'Espagne, et le Brésil se voit confirmer la possession du Rio Grande et du Santa Catarina.
4. L'évolution économique et politique au xviiie siècle et au début du xixe siècle
4.1. Une colonie prospère
La prospérité du Brésil à cette époque est solidement établie ; le traité de Methuen, en le rendant solidaire de l'économie britannique, lui a permis de donner un nouvel essor aux cultures du riz, du tabac, des plantes tinctoriales, et surtout de la canne à sucre, qui pénètre alors dans les provinces de Rio et de São Paulo ; celle du coton est entreprise depuis le Maranhão jusqu'au Goiás ; celle du cacao, depuis le Pará, gagne la région de Bahia.
4.2. La politique de rénovation du marquis de Pombal
Sous Joseph Ier (1750-1777), le marquis de Pombal entreprend au Brésil, comme au Portugal, une politique de rénovation, visant à la fois à réduire le rôle des grands propriétaires, à réprimer la corruption des fonctionnaires et à améliorer la production agricole et minière. À cette fin, il organise l'immigration, les travaux publics, l'enseignement et, s'il abolit l'esclavage des Indiens (1775), il fait un appel accru à la main-d'œuvre servile originaire de l'Angola.
Des compagnies à chartes sont constituées pour favoriser le commerce, dont le Portugal, en application du Pacte colonial, sera, avec l'Angleterre, le grand bénéficiaire, malgré l'échec partiel de cette dernière entreprise, les monopoles commerciaux n'ayant pu être appliqués qu'aux bois de teinture, au sel, aux pêcheries et aux boissons. Seules quelques difficultés naissent de l'expulsion des jésuites, auxquels les colons reprochent, surtout dans le Sud, l'appui offert aux Indiens (villages indigènes, etc.).
4.3. Un équilibre politique et social menacé
Malgré cette expansion économique, l'équilibre politique et social du Brésil colonial est menacé.
Sans doute les Indiens, peu nombreux, refoulés dans la forêt amazonienne et dans les campos du Mato Grosso, sont-ils peu dangereux. Il en va différemment de la masse de la population, constituant une société très composite, où le brassage des races a abouti à la création d'un type d'hommes nouveau, le métis (mulâtre, caboclo, cafuzo) essentiellement paysan, parfois mineur, toujours misérable. Sa condition est d'autant plus lourde à supporter, dès le xviiie siècle, qu'il vit dans un monde où grands planteurs et commerçants habiles édifient rapidement des fortunes considérables ; les lourdes charges que fait peser sur lui l'administration et la crise minière qui sévit sur les plateaux du Minas Gerais, à la fin du xviiie siècle, aggravent son mécontentement.
4.4. Les prémices de l'indépendance
Un courant révolutionnaire se crée, parallèle à celui qui est alimenté chez les élites par la lecture des œuvres politiques et philosophiques françaises ; mais la révolution est évitée. Le mérite en revient moins aux autorités, pourtant énergiques dans la répression (exécution de Tiradentes en 1792), qu'à certains éléments créoles ou aux métis et mulâtres aisés, qui canalisent, dans le sens national, les énergies brésiliennes.
Ce nationalisme brésilien se cristallise lors du transfert à Rio de Janeiro de la famille royale et de la capitale portugaises, en 1808, à la suite de l'occupation de la métropole par Napoléon Ier. Rio devient une véritable capitale avec toutes les institutions administratives et culturelles lui permettant de remplir son rôle.
Le régent, devenu en 1816 le roi Jean VI, abolit le régime du monopole et proclame la liberté industrielle. Mais le traité qu'il a signé avec l'Angleterre en 1810 fait du Brésil une colonie économique de l'Angleterre et empêche l'industrialisation.
4.5. Proclamation de l'indépendance
Quand Jean VI regagne l'Europe en 1821, rappelé par la révolution portugaise de 1820, il laisse à son fils cadet, dom Pedro, la régence du Brésil. Ayant fait l'apprentissage de la liberté de 1808 à 1821, cet État refuse de redevenir une simple colonie portugaise, et dom Pedro accepte de devenir le défenseur perpétuel du Brésil, dont l'indépendance est bientôt proclamée (« cri d'Ipiranga », 7 septembre 1822). Dom Pedro en devient l'empereur le 12 octobre, sous le nom de Pierre Ier.
5. Le Brésil indépendant
Les troupes portugaises quittent le pays dès 1823, sous la pression de l'escadre britannique de l'amiral Cochrane. La Constitution, qui accorde au souverain un pouvoir « modérateur » lui permettant de contrôler le législatif, entre en vigueur en 1824. Le Parlement est alors constitué d’un sénat nommé par le roi et d’une assemblée dont les députés sont élus dans les provinces pour quatre ans au suffrage censitaire indirect. En 1825, par le traité de Rio de Janeiro, le Portugal et la Grande-Bretagne reconnaissent l’indépendance du Brésil.
5.1. La régence troublée de Pierre II (1831-1840)
Mais une crise éclate en 1826, quand Pierre Ier souhaite regagner le Portugal pour succéder à Jean VI ; le Brésil veut être gouverné depuis Rio et non depuis Lisbonne, et une émeute (7 avril 1831) contraint l'empereur à abdiquer en faveur de son fils Pierre II, de naissance brésilienne, mais dont l'âge (il n'a que cinq ans) nécessite l'institution d'une régence (1831-1840), génératrice de troubles dans le Nordeste, puis dans le Sud.
L'acte additionnel de 1834 et l'évolution vers un régime parlementaire
Dès 1834, un acte additionnel fait des concessions aux particularismes provinciaux et permet l'évolution vers un véritable régime parlementaire, caractérisé par l'alternance au pouvoir des libéraux et des conservateurs. Tandis que ces députés sont pour la plupart issus de la même classe sociale des propriétaires terriens ou étroitement liés à cette dernière, le régime électoral reste extrêmement restreint et les élections souvent frauduleuses.
5.2. Pierre II empereur (1840-1889)
Devenu empereur en 1840, Pierre II contrôle par ailleurs largement le système parlementaire en usant régulièrement de son droit de dissolution (à onze reprises) et en nommant les différents présidents du Conseil (plus de trente entre 1847 et 1889). La légitimité des présidents est autant dépendante de leurs rapports avec l’empereur que de la majorité dont ils disposent ou qu’ils doivent forger, par la négociation ou l’organisation et le contrôle clientéliste de nouvelles élections.
Pierre II sait imposer, surtout à partir de 1854 (ministère du conte et marquis du Paraná), une politique de large expansion économique (construction de routes et de voies ferrées) favorable à l'aristocratie foncière qui, à partir de 1860, entreprend sur une grande échelle la culture du café. À partir de la Guyane, cette dernière avait gagné le Pará à la fin du xviiie siècle, puis les régions de Rio et de São Paulo, d'où elle s'étendra sans interruption de 1880 à 1929 sur les plateaux paulistes.
L'Empire du Brésil en guerre contre le Paraguay : le renforcement de l'armée
Pour accélérer la mise en valeur du pays, Pierre II favorise, à partir de 1860, l'immigration européenne contribuant au peuplement du Brésil méridional (colonisation allemande). Mais il doit entreprendre contre le Paraguay une guerre dévastatrice (1865-1870), qui donne à l'armée brésilienne et à son chef, le général Caxias, la conscience de la force qu'ils représentent, alors que des mécontentements variés commencent à converger, sapant la légitimité de l’institution impériale.
Sous la menace d'antagonismes incontrôlables
Au républicanisme et au positivisme qui ont gagné certains cadres de l’armée, s’ajoute l’hostilité de l’Église – très dépendante de l’État – au soutien apporté par ce dernier à la franc-maçonnerie et surtout la résistance de l’aristocratie foncière à l’abolition devenue inéluctable de l’esclavage (« loi dorée » du 13 mai 1888).
Des intérêts et des forces contradictoires sont ainsi à l'origine du coup d’État militaire du 15 novembre 1889 dirigé par le général Manuel Deodoro da Fonseca, chef de l’état-major de l’armée qui renverse, sans effusion de sang, le gouvernement libéral en place, proclamant, sous la pression des républicains, la « République des États-Unis du Brésil ».


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PALÉONTOLOGIE

 

 

 

 

 

 

paléontologie

Science qui étudie les êtres vivants (animaux, végétaux ou micro-organismes) ayant peuplé la Terre au cours des temps géologiques, en se fondant principalement sur l'interprétation des fossiles.
Étienne Geoffroy Saint-HilaireÉtienne Geoffroy Saint-Hilaire
Bernard Palissy et Léonard de Vinci annoncent l'œuvre de Buffon. Celui-ci énonce le principe de l'évolution des êtres vivants, expliquant ainsi leurs différences et leur continuité au cours des âges géologiques. George Cuvier (1769-1832) ne croit pas à l'évolution des espèces ; il explique le renouvellement des faunes par des cataclysmes. Une autre école, « évolutionniste », débute avec Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) et Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844), mais elle ne connaîtra le triomphe qu'après la publication par Charles Darwin (1809-1882) de son ouvrage De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle (1859).
La paléontologie animale

Si la Terre existe depuis plusieurs milliards d'années, la vie ne s'y est manifestée pendant longtemps que sous la forme simple d'organismes précellulaires (coccoïdes, sphéroïdes collectifs) et de procaryotes (cyanobactéries, bactéries). La vie animale n'est apparue clairement qu'à la fin du précambrien (il y a environ 650 millions d'années), sous forme d'invertébrés aquatiques (méduses, éponges, vers). Au début du cambrien (540 millions d'années), la diversité animale augmente de manière considérable, avec l'apparition d'animaux à coquille ou carapace (mollusques, trilobites, crustacés). Les premiers vertébrés furent les poissons sans mâchoires du cambrien supérieur. Au silurien, quelques arthropodes quittent le domaine marin pour peupler les continents. Ils seront rejoints au dévonien par des poissons pulmonés, les dipneustes, et par les premiers amphibiens. Au carbonifère apparaissent les reptiles et les insectes, deux groupes entièrement affranchis du milieu aquatique.
L’ère secondaire (ou mésozoïque) est marquée par le développement des ammonites et des poissons osseux dans les mers. À terre, les reptiles se diversifient. Un groupe, celui des dinosaures, donne des formes géantes. Les premiers mammifères apparaissent au trias, et les premiers oiseaux au jurassique. À la fin du crétacé, une crise biologique majeure élimine 60 à 65 % de toutes les espèces du globe, et en particulier les ammonites et les dinosaures. Le tertiaire est l'ère du développement des mammifères, de l'évolution des faunes de type actuel. Enfin, l'homme apparaît à l'aube du quaternaire.


La paléontologie humaine

La question des origines de l'homme pourrait être résumée en trois mots : où, quand, comment ?
Après s'être longtemps heurtées aux dogmes religieux ou à la croyance, largement répandue, d'une origine très récente de l'homme, les idées sur son apparition et son évolution ont bénéficié du développement de disciplines qui ont permis la naissance de la paléontologie humaine. Celle-ci s'attache non seulement à l'étude de l'homme fossile mais aussi à celle des singes, et a beaucoup évolué à partir des années 1970.
Jusqu'au milieu du xviiie s., les savants ont en général essayé de concilier leurs observations (relevant de la stratigraphie et de l'étude des premiers fossiles) avec le livre de la Genèse, selon laquelle l'homme a été créé par le Dieu de la Bible « à son image », donc distinct des animaux. Mais l'homme appartient au règne animal ; sa vie et son évolution sont régies par les lois de ce dernier, et son histoire est profondément liée à celle des singes ; c'est pourquoi la paléontologie humaine – qui est, avec la paléobotanique et la paléontologie animale, une branche de l'étude des êtres anciens – est devenue une véritable paléontologie des primates, que l'on pourrait nommer « paléoprimatologie ».
La simple étude descriptive du fossile, toujours nécessaire et souvent suffisante, s'est muée en une véritable investigation technologique, suivant ainsi les progrès des techniques scientifiques. Mais d'autres sciences, comme la biologie moléculaire, l'écologie, l'éthologie ou la médecine, sont venues apporter leur contribution à la connaissance de l'évolution, non plus de l'homme (ou de la société humaine) au sens strict, mais de l'homme et de ses ancêtres considérés dans leur interaction avec le milieu.
Histoire des études sur l'origine de l'homme

La vision d’Aristote
Dans l'Antiquité, poètes ou philosophes ont parfois eu conscience que les formes de la vie peuvent être changeantes. Ainsi, Aristote, vers 350 avant J.-C., reconnaît, sur la base de ses nombreuses observations sur les animaux, une certaine hiérarchie des espèces animales jusqu'à l'homme. Il développe une interprétation très finaliste du monde naturel, où il voit une modification perpétuelle allant vers un ordre. Tout se modifie du désordre vers l'ordre, de l'infini vers le fini.


De Lucrèce à Jussieu
Au tout début de l’ère chrétienne, le poète latin Lucrèce, influencé par ses prédécesseurs grecs, affirmait, dans son ouvrage De natura rerum, que l'homme avait connu une transformation importante et mentionnait l'existence d'« une race d'hommes beaucoup plus rude [que nous]. Des os plus grands et plus forts [que les nôtres] constituaient leur corps, des muscles solides attachaient leur chair […] Ils ne savaient pas encore utiliser le feu pour traiter les objets, ni employer les peaux, se couvrir des dépouilles des bêtes sauvages […] ils comptaient sur la vigueur prodigieuse de leurs mains et de leurs jambes pour chasser les bêtes sauvages, avec des pierres à lancer ou d'énormes gourdins […] ».
Avec les médecins et philosophes arabes, entre le xe et le xiie s., les sciences connaissent un grand essor, et un lien est établi entre l'organisation des singes et celle des hommes.
Traiter de l'évolution de l'homme nécessite d'appréhender la notion d'homme fossile. Toutefois, jusqu'au xixe s., la présence de l'homme fossile ne sera perceptible que par les traces de ses activités, comme les pierres taillées ou polies.
Bien que les fameuses « pierres de foudre » trouvées en Europe auprès d'arbres déracinés par l'orage ou dans les champs aient été connues depuis longtemps, il faudra attendre le xvie s. pour qu'elles soient identifiées comme des objets travaillés, non naturels, par l'Italien Michele Mercati. C'est grâce aux travaux d'Antoine de Jussieu, au xviiie s., que les nombreuses ressemblances entre ces premières pierres taillées et les armes des « sauvages » américains seront confirmées.
Le Telliamed de Benoît de Maillet
Dès 1720 circulait le fameux Telliamed de Benoît de Maillet, consul de France en Égypte. Ce texte, qui ne sera publié qu'en 1749, après la mort de son auteur, introduisit une véritable révolution, car il développait la théorie selon laquelle à l'origine existait sur toute la surface du globe une mer peuplée d'êtres qui ne pouvaient être qu'aquatiques. Peu à peu, cette mer se retira et, au fur et à mesure de l'émersion des terres, les animaux marins se transformèrent en des formes terrestres. L'homme était censé être né d'une sorte de triton, un « homme marin » aux doigts palmés, couvert d'écailles et portant à l'occasion une queue de poisson. Le matérialisme de Maillet s'opposait fortement aux conceptions religieuses de l'époque.
De la place de l’homme dans le règne animal

Parallèlement à ces découvertes, un naturaliste français, Buffon, dans son Histoire naturelle de l'Homme, parue en 1749, inclut l'homme dans le règne animal mais le place au centre de la nature ; il est le premier à avancer l'hypothèse d'une origine ancienne de l'homme – bien qu'il ne fasse remonter celle-ci qu'à 7 000 ou 8 000 ans –, mais sans en fournir la preuve matérielle. En effet, aucun reste fossile d'homme n'était alors connu.
Georges CuvierGeorges Cuvier
Le fameux Homo diluvii testis, découvert en 1709 par le naturaliste Johann Scheuchzer (1672-1733), se révéla n'être – en lieu et place des vestiges d’un homme mort lors du Déluge biblique – qu'une salamandre géante (Andrias scheuchzeri), comme le démontra en 1812 le paléontologue et anatomiste Georges Cuvier, dans son ouvrage intitulé Recherches sur les ossements fossiles. Cuvier affirmait que les hommes fossiles n'existaient pas, dans la mesure où aucun os d'homme n'avait été trouvé associé à des os d'animaux fossiles. Toutefois, il précisait que cette absence était reconnue « au moins dans nos contrées ».
C'est en 1736 que le naturaliste suédois Carl von Linné mit au point la première classification du monde naturel dans son Systema naturae. Dans l'édition de 1758, il incluait l'homme actuel dans le genre Homo et dans l'espèce sapiens (à laquelle nous appartenons tous). Cependant, Linné était un fixiste, et ses classifications se voulaient refléter l'ordre divin. Ainsi, même s'il classait Homo sapiens parmi les Primates, il ne considérait pas qu'il était issu de ce groupe.


Le recul de l’âge de l’humanité
La première trace d'une ancienneté importante de l'homme est fournie par François-Xavier Burtin de Maestricht, qui annonçait en 1784 la découverte, aux environs de Bruxelles, d'un outil de silex taillé ; celui-ci se trouvait dans un niveau surmonté de trois couches, elles-mêmes renfermant des fossiles. On pouvait dès lors affirmer que les productions de l'homme étaient très anciennes.
Mais c'est à l'Anglais John Frere que reviendra la chance de trouver, en 1797, à Hoxne (Suffolk), associés dans une même couche profonde de près de 4 m, des ossements d'animaux et des objets de pierre taillée. Malheureusement, cette découverte passera inaperçue.


Le début du xixe s. sera marqué par les travaux transformistes de Jean-Baptiste Lamarck qui, dans sa Philosophie zoologique de 1809, écrit : « […] Si une race quelconque de quadrumanes, surtout la plus perfectionnée d'entre elles, perdait, par la nécessité des circonstances, ou par quelque autre cause, l'habitude de grimper sur les arbres, et d'en empoigner les branches avec les pieds, comme avec les mains, pour s'y accrocher ; et si les individus de cette race, pendant une suite de générations, étaient forcés de ne se servir que de leurs pieds pour marcher, il n'est pas douteux […] que ces quadrumanes ne fussent à la fin transformés en bimanes, et que les pouces de leurs pieds ne cessassent d'être écartés des doigts, ces pieds ne leur servant qu'à marcher […]. En outre, si les individus dont je parle, mus par le besoin de dominer, et de voir à la fois au loin et au large, s'efforçaient de se tenir debout, et en prenaient constamment l'habitude de génération en génération, il n'est pas douteux encore que leurs pieds ne prissent insensiblement une conformation propre à les tenir dans une attitude redressée, que leurs jambes n'acquissent des mollets et que ces animaux ne pussent alors marcher que péniblement sur les pieds et les mains à la fois. »
Ces réflexions ont été bien évidemment critiquées par le fixiste Cuvier, lequel, en outre, reliait l'absence de singes fossiles à celle d'hommes fossiles. Il était selon lui normal qu'il n'y eût pas d'hommes fossiles, puisqu'on ne connaissait pas de singes fossiles. C'est alors que la découverte d'un singe fossile dans le gisement miocène de Sansan (Gers), par Édouard Lartet (1801-1871), en 1837, fut une sorte de bombe scientifique : on pouvait désormais s'attendre à trouver des restes d'hommes fossiles.
Au début des années 1830, plusieurs auteurs, tel le paléontologue belge Philippe-Charles Schmerling (1790-1836), signaleront soit l'association de restes humains avec le rhinocéros laineux, soit des traces d'une activité humaine sur des os animaux ; l'homme avait donc existé en des temps reculés. En 1833, le géologue britannique Charles Lyell allait faire faire aux fossiles une plongée spectaculaire dans le temps : en effet, ce savant, dans ses Principes de géologie publiés en 1833, estimait leur âge non plus en milliers mais en millions d'années. Une nouvelle dimension était ouverte pour parler de la vie passée.


La Naissance de la paléontologie humaine
Toutefois, c'est avec Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes que la véritable préhistoire voit le jour. L'auteur des Antiquités celtiques et antédiluviennes démontra, en 1836, de manière irréversible, que des silex taillés et associés à des animaux fossiles avaient été façonnés par des hommes « d'avant le Déluge ». Bien que très convaincants, ses arguments furent fort controversés, et il faudra attendre près de vingt ans pour que la notion d'homme très ancien soit acceptée, avec, notamment, les découvertes des Anglais Falconer près d'Abbeville, Prestwich et Evans à Saint-Acheul (ce village donnera son nom à une culture, l'acheuléen), et de l'éminent paléontologue français Albert Gaudry sur ce même site en 1859.
C'est en 1853 que les preuves abondantes et le bouleversement dans les pensées conduiront Marcel de Serres (1783-1862) à proposer le terme de « paléontologie humaine ».
L'année 1856 est marquée par deux événements exceptionnels, la découverte par Johann Karl Fuhlrott (1803-1870) de la fameuse calotte de l'homme de Neandertal en Allemagne, près de Düsseldorf, et le premier rapport d'études sur le non moins célèbre dryopithèque de Saint-Gaudens par Édouard Lartet.

En 1859, une autre bombe scientifique éclate lorsque le naturaliste britannique Charles Darwin fait paraître De l'origine des espèces par voie de sélection naturelle : l'homme n'est plus le maître de la nature, mais fait partie intégrante de celle-ci ! Le scandale est considérable, car l'homme n'est plus considéré comme le produit d'une création divine. La théorie de l'évolution (déjà esquissée dans l’œuvre de Lamarck) ne peut plus être ignorée, et l'histoire de l'homme, comme celle des animaux, est régie par ses lois. La même année, un anatomiste anglais démontre que le crâne de Neandertal et celui de Gibraltar (découvert en 1848, mais qui était tombé dans l'oubli) appartiennent à un même type d'homme disparu, l'homme de Neandertal.
Les découvertes paléontologiques vont alors se succéder : les pièces de La Naulette en Belgique (une mandibule humaine, des ossements d'animaux et une industrie lithique) seront exhumées par Edouard Dupont en 1865, et en 1868 Lartet décrit les vestiges de l'abri-sous-roche des Eyzies-de-Tayac (l’homme de Cro-Magnon). En 1870, Paul Lamy publie son Précis de paléontologie humaine et, en 1871, Charles Darwin fait paraître The Descent of Man (la Filiation de l’homme – également traduit par la Descendance de l’homme), où il explique le passage du singe à l'homme, théorie fort décriée à l'époque. Pour lui, les modifications progressives du corps ont abouti à transformer un « ancien membre de la grande série des primates » en un homme actuel.
Rôle des travaux de l'embryologiste Ernst Haeckel
En parallèle à ces travaux, ceux de l'embryologiste Ernst Haeckel (1834-1919) vont apporter énormément à l'étude de l'évolution de l'homme. Haeckel retrouve dans les stades du développement embryonnaire les différents stades de l'évolution humaine, et ira même jusqu'à prédire la découverte en Asie d'un homme fossile mi-singe, mi-homme, le fameux pithécanthrope, effectivement mis au jour par le médecin hollandais Eugène Dubois (1858-1940), en 1891, dans les terrasses de la rivière Solo, à Trinil (Java). C'est à cette époque que le paléontologue Marcellin Boule (1861-1942) publie son Essai de paléontologie stratigraphique de l'homme (1888).
La reconnaissance des hommes fossiles
La fin du xixe s. et le début du xxe s. sont jalonnés par de très nombreuses trouvailles d'hommes fossiles, de témoignages de leur art, mais aussi par la reconnaissance de pièces anciennement découvertes, qui étaient restées dans l'ombre ou avaient été passées sous silence.
L'année 1925 est une nouvelle date importante dans l'histoire de la recherche des origines de l'homme : le crâne de l'enfant de Taung est reconnu alors par l'anatomiste australien Raymond Dart (1893-1988) comme étant celui du premier australopithèque ; cette publication bouleverse les conceptions de l'évolution humaine. En effet, le berceau de l'humanité, qu'on avait situé sur le continent asiatique, se déplace vers l'Afrique. Une ère nouvelle dans la recherche paléontologique s'ouvre alors. Depuis, ce sont une multitude de restes fossiles d’hominidés qui ont été mis au jour sur le continent africain.
Depuis le début du xxe s., la paléontologie humaine a connu un essor fantastique et des expéditions se sont succédé – elles se poursuivent encore aujourd'hui sur toute la surface du globe – pour rechercher les traces de nos ancêtres potentiels, animaux ou humains, pour retrouver un hypothétique chaînon manquant et pour essayer de répondre à la question obsédante : d'où vient l'homme ?

 

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